Suite à son épuisante mais ô combien brillante conquête de l'Etna, Reagan avait décidé de retourner à Death Queen Island afin de se reposer et planifier sa prochaine opération. Il comptait marquer un maximum de points auprès de ses confrères, si possible en s'associant avec eux dans ses travaux. Certes, il se suffisait largement pour conquérir de nouveaux territoires, mais il savait qu'il ne pouvait se la jouer cavalier seul. Faire équipe avait aussi un avantage non négligeable : l'éventuel partenaire de l'Américain pourrait essuyer les coups à sa place et ainsi préserver son sublime physique de toute menace. S'il choisissait bien, il pouvait aussi se dégotter un magnifique faire-valoir pour ainsi valoriser son génie. Comme quoi, partager l'affiche avec quelqu'un était loin de n'avoir que des inconvénients, bien au contraire.
 
En attendant, on ne pouvait en dire autant de Death Queen Island, qui restait toujours fidèle à sa réputation de trou infâme. Le volcan continuait d'expulser régulièrement des gaz toxiques qui polluaient l'air pendant des semaines entières. Fort heureusement, les installations de l'île étaient dotées d'excellents systèmes de ventilation, mais dès que l'on s'aventurait à l'extérieur, une odeur âcre vous prenait à la gorge. Reagan préférait donc être à l'abri aussi longtemps que possible, sans compter que les nuages de cendres salissaient ses vêtements et sa chevelure. Il était plus que temps que l'Ordre Noir sorte de l'ombre et s'empare de territoires plus hospitaliers, en particulier ceux des Saints. Que ces paladins ridicules soient bannis pour leur stupidité et leur incompétence, cela ferait le plus grand bien à cette planète ! On devrait même construire un mur pour les enfermer et ce sont eux qui devront le payer ! Les Chevaliers d'Athéna ayant des Armures d'Or en réserve, alors ils ne devraient pas avoir de problèmes à le financer.
 
Histoire de passer le temps avant qu'un collègue ne se présente, l'Oiseau de Paradis s'était installé à la Caserne, attelé à une gigantesque machine de musculation. Cette dernière était un modèle spécialement adapté aux Éveillés et permettait de soulever des poids d'une lourdeur phénoménale. L'exercice du jour était la pratique du squat afin de raffermir ses cuisses et ses fessiers, sans trop se forcer non plus en raison de ses blessures. L'Américain avait beau être solide, passer sous un déluge de balles ne lui avait guère réussi, son précieux corps d'athlète se retrouvant constellé de cicatrices. En short de sport et débardeur, il cachait ses pectoraux et abdominaux meurtris par les tirs de mitrailleuses, pansés sous des bandages. Son énergie cosmique lui avait permis de régénérer rapidement le plus gros des dégâts, mais il fallait encore patienter avant que le reste ne se résorbe.

Reagan transpirait abondamment, plus à cause de la chaleur ambiante que de son activité physique. A cause de la machinerie, il produisait un claquement sonore et métallique à chaque fois qu'il soulevait un poids, le tout couplé à son souffle de buffle. Une fois encore, il ne s'était pas maquillé, la sueur risquant d'effacer les cosmétiques de son visage. L'Oiseau de Paradis voyait parfois passer des laquais s'enquérir de son état, qu'il congédiait poliment. A un moment, il avait même été visité par un groupe de guerrières, en train de glousser et de piailler à son sujet. De quoi pouvaient-elles donc discuter à l'écart ? De son inégalable beauté ou de son incommensurable intelligence ? L'Américain était trop absorbé dans sa vanité pour penser qu'elles puissent se moquer de lui, mais qu'importe : elles étaient dotées de muscles disgracieux pour des femmes et couvertes de cicatrices hideuses... Autant dire que ces donzelles ne lui inspiraient que du dégoût. Quoiqu'il en soit, il n'avait pas à s'intéresser à elles, seule sa personne comptait vraiment.

Reagan, une fois sa séance de squat terminée, quitta la salle de musculation et entreprit de prendre une bonne douche. Avec la chaleur et l'exercice, il ruisselait de sueur et s'épongeait avec une serviette prévue à cet effet. Tandis qu'il marchait vers les douches, il aperçut une jeune femme blonde accompagnée d'un chat noir errer dans les couloirs. Voilà quelqu'un de plus intéressant à regarder au niveau de l'accoutrement, le code vestimentaire habituel des troufions de l'Ordre Noir faisant ricaner l'Américain. Pour qui se prenaient-ils, des barbares chevelus sortis d'un concert de heavy-metal ? Remarque, ils n'étaient effectivement qu'un ramassis de brutes hirsutes complètement étranger au concept de beauté. Pour en revenir à la demoiselle, elle avait le mérite de mieux s'habiller que les autres, même si elle n'égalait pas l'élégance de l'Oiseau de Paradis. Cependant, son indéniable supériorité esthétique ne le dispensait pas d'aller la saluer.

"Eh bien, que faites-vous donc à Death Queen Island, seulement accompagnée d'un chaton ?" l'interpella gaiement Reagan. "Seriez-vous une nouvelle membre de notre Confrérie ? Si tel est le cas, je vous souhaite la bienvenue dans notre humble demeure, chère demoiselle !"

Il posa ensuite sa serviette sur ses épaules, passa sa main dans sa magnifique crinière puis s'avança vers l'inconnue. Une fois à portée de cette dernière, il lui montra son biceps gauche et le gonfla au maximum afin de l'intimider. Ce biceps était aux têtes de ses adversaires ce qu'était un décapsuleur aux bouteilles, aussi en était-il très fier.

"Le cas échéant, je serais dans le regret de me débarrasser de vous..." professa l'Américain d'une voix suave. "Voyez-vous, nous n'aimons guère les invasions surprises par chez nous... Mais je plaisante, je suis un gentleman avant tout !"

Il ponctua sa plaisanterie en s'esclaffant bruyamment, même s'il savait pertinemment que dans cette situation, la frontière entre la farce et la réalité était bien mince. Quoiqu'il en soit, le Chevalier Noir aimait toujours bousculer un peu ses camarades dès la première rencontre et cette fille n'allait pas faire exception. Tout sourire, il se présenta finalement à l'inconnue, son pouce pointé sur ses pectoraux musclés :

"Vous avez devant vous le fabuleux Reagan, Chevalier Noir de l'Oiseau de Paradis ! Et vous, quel est votre nom, chère demoiselle ?"

Quel que soit le nom de cette blondinette, elle n'avait pas l'air taillée pour le combat, ou du moins cachait-elle bien son jeu. Elle avait toutefois l'air plutôt agile au vu de sa silhouette élancée, mais rien de spécial face à la musculature olympique de Reagan. Celui-ci se demandait d'ailleurs s'il était déjà tombé sur le partenaire, ou du moins bouclier humain, qu'il recherchait en ces lieux. S'il n'était pas aussi égocentrique, l'Américain aurait trouvé dommage de laisser cette jeune femme être réduite en charpie en essuyant les coups à sa place. Dieu merci, il n'était pas aussi sensible et faible d'esprit !

La blonde se présenta sous le nom d'Alpha, mais précisa qu'elle n'était pas encore une Black Knight, ce qui déçut légèrement Reagan. Il fallait croire que le niveau esthétique chez les mercenaires n'allait pas être relevé de sitôt. C'était parfois épuisant d'être l'homme le plus beau sur Terre, l'Américain ne pouvait décemment faire rejaillir toute sa splendeur sur cette faction de rustres, il avait besoin d'assistance afin d'alléger ce fardeau. La dénommée Alpha n'avait pas l'air disponible dans l'immédiat et visitait simplement Death Queen Island avant de se décider. L'Oiseau de Paradis n'appréciait guère la tendance récente de l'Ordre Noir à laisser vagabonder des étrangers sur l'île, mais il ne pouvait rien y faire tant qu'ils ne s'amusaient pas à leur causer du tort. Dans un sens, il regrettait l'époque où les Black Knights étaient des guerriers sanguinaires et inflexibles, dotés d'un caractère territorial agressif. Certes, ils châtiaient toujours ceux qui osaient partir de Death Queen Island alors qu'ils avaient contracté une dette auprès de la Confrérie. Reagan participait souvent aux expéditions punitives contre les déserteurs, mais il notait que récemment, ses collègues se ramollissaient avec les paysans, marchands et ouvriers locaux, eux qui ne valaient pourtant pas mieux que des esclaves.

Le Chevalier Noir soupira et passa sa main dans sa crinière, relativement résigné face à ces changements... du moins pour l'instant. Quant à se chercher un allié, il ne pouvait demander l'aide de la jeune femme tant qu'il n'était pas sûr qu'elle pouvait lui être utile. L'Oiseau de Paradis n'avait pas non plus le temps de lui servir de guide, surtout qu'il avait besoin d'une bonne douche et de se maquiller. Depuis son retour de Sicile, il entretenait une mine absolument affreuse qu'il convenait de corriger d'urgence.

"Ah, vous hésitez encore sur votre choix de carrière ?" nota finalement Reagan d'un ton nonchalant. "Même si je ne suis pas particulièrement attaché à cette île, je ne pense pas qu'il convient de laisser des touristes la visiter librement, question de standing... Mais qu'importe, je suppose que je peux vous autoriser à circuler du moment que vous n'abîmez et ne volez rien."

Il prétendait n'en avoir cure et feindre le désintéressement pour l'Ordre Noir en général, mais ce laxisme le rendait passablement amer. D'un geste las, il essuya une goutte de sueur perlant sur sa joue puis poursuivit la discussion :

"Effectivement, je suis à la recherche d'un coéquipier pour une future mission, mais je crains que vous ne soyez actuellement plus sur la liste des candidats. Après tout, seul un Black Knight confirmé est digne de m'accompagner. Il est fort dommage que vous n'en soyez pas un d'ailleurs, notre Confrérie manque cruellement d'effectifs avec un semblant de bon goût vestimentaire. Vous ne vous imaginez pas à quel point c'est dur pour moi de porter la responsabilité d'être la caution esthétique de notre Chevalerie."

L'Américain ponctua sa phrase en adoptant une posture inspirée et affligée, tel un héros tragique se lamentant sur sa triste destinée. Toutefois, il ne prolongea pas son manège et se concentra sur son interlocutrice pour continuer de l'informer :

"Manifestement, il n'y a que moi et des larbins sur cette île, les autres sont tous partis en mission à travers le vaste monde. Je viens moi-même d'en retourner, mais une fois suffisamment reposé, j'enchaînerai sur la suivante, avec ou sans coéquipier. Le temps, c'est de l'argent !"

L'Oiseau de Paradis émit un rire orgueilleux et commença à s'éloigner lentement d'Alpha. Une fois passé derrière elle, il s'arrêta néanmoins et se tourna dans sa direction, sans prêter attention à son chat. Reagan n'avait vraisemblablement plus une seconde à gaspiller avec cette donzelle, mais autant essayer de se montrer le plus commode possible avant de la quitter.

"Si vous avez quelque chose d'autre à me demander, ne tardez pas trop, Mademoiselle Alpha." déclara-t-il, un sourire poli aux lèvres. "Je m'en vais prendre une douche, je dégouline de sueur à un tel point que c'est intolérable ! Je dois aussi me faire beau pour ma prochaine sortie, le bas peuple sera ébloui par ma magnificence !"

HRP- Arf, plus trop d'inspiration pour ce rp du coup... é_è -HRP