S’il aurait fait la même chose en retour ? La vision de Nephtys malmenée par le bourreau lui fit douter de ses bons sentiments à l’égard de ses semblables. Tiens Calissa rougissait, attirée par le représentant des Gémeaux ? Il aurait fallu pousser sa chance pour le découvrir… Il préféra détourner son attention pour considérer le travail accompli par la jeune femme. Celui-ci était pour le moins impressionnant, la zone la plus dangereuse du sanctuaire réduite à un simple jardin de roses. Où avait-elle pu mettre le poison ? Le dissiper dans l’air ambiant aurait été dangereux…

La réponse vint finalement rapidement, alors que Calissa jouait avec une rose, cette dernière se planta dans le doigt de la jeune femme, laissant perler une goutte de sang. La gardienne du douzième temple fit disparaître la rose et avant qu’elle ne puisse essuyer sa blessure, le Gémeaux lui prit affectueusement la main et passa un doigt sur la blessure de Calissa.
Quelques secondes plus tard une douleur fulgurante traversa son bras, son visage afficha un violent rictus de douleur, puis la souffrance cessa avant de disparaître complétement. Il prit quelques minutes pour reprendre ses esprits tout en continuant d’observer la jeune femme devant lui. Il ne prononça pas le moindre mot, laissant Calissa à ses éventuelles interrogations. Alors le poison se trouvait dans son sang ?

-« Eh bien rappelle-moi de ne jamais tenter de te provoquer en duel. Je garderai ton secret si tu me le demandes. » Précise-t-il, rompant ainsi un silence un peu gênant. Souriant Gareth s’approcha de la sortie du temple et tendit son bras à sa jeune comparse, galanterie surannée pour un chevalier complétement sous le charme. « Me ferais-tu l’honneur de m’accompagner à la réunion ? Ce n'est pas tout les jours que l'on peut avoir une aussi charmante compagnie»

Ils gravirent ensemble les marches séparant le temple des Poissons et celui du Pope. L’inoffensivité du champ de roses permettait de le découvrir sous son aspect le plus esthétique. Le Chevalier avançait lentement, non pas à cause de sa canne mais simplement pour rester le plus de temps possible seul avec Calissa. Il aurait aimé la prendre dans ses bras, l’embrasser, mais il préféra s’abstenir et si elle n’était pas attirée ?

Après le silencieux trajet, ils parvinrent tous deux sur le parvis du temple. Voici bien longtemps qu’il n’avait plus mit les pieds dans ce lieu si particulier, si honteusement lié à l’histoire des Gémeaux. Pensif il quitta sa torpeur pour se concentrer sur sa compagne, avait-il raison d’espérer quoique ce soit venant d’elle ?

-« C’est une zone du sanctuaire que je fréquente assez peu… Dis-moi tu ne te sens pas un peu seule ? Tu ne dois pas voir grand monde perdue dans ce temple si éloigné ? » Ou comment poser autrement la question : as-tu quelqu’un dans ta vie ? L’essentiel est là finalement, peu importe le sort du monde tant que l’on peut se trouver aux cotés de la jolie gardienne.

Dans ce cas il garderait le secret. Lui-même avait les siens et n’apprécierait pas qu’ils soient révélés. Ce moment d’intimité touchait bientôt à sa fin et c’est non sans tristesse qu’il avançait au cœur du dernier temple. C’est avec un soupçon d’amertume qu’elle lui expliqua sa solitude, ses moments de joies de tristesses, la voie des Poissons n’était pas si éloignée de celle des Gémeaux. Il prit son délicieux menton entre ses doigts pour relever le visage de la belle jeune femme, satisfait d'être "entré dans sa vie" pour reprendre l'expression de Calissa.

-« Je ne voulais pas te faire de peine… Allez viens on va se remonter le moral ».

Gareth saisit la main de Calissa et l’entraina rapidement dans un petit vestibule à ciel ouvert. L’’espace restreint les rapprocha un peu plus, mais la vue offerte par l’endroit était sans commune mesure. Gareth immobilisa Calissa en la plaçant face au sanctuaire, lui maintenant les épaules droites et lui demanda de ferme les yeux quelques secondes. Pendant ce temple le représentant des Gémeaux étendit son cosmos au reste du temple, concentra sa volonté et se pencha à l’oreille de la jeune femme. « Tu peux ouvrir les yeux maintenant… Puisqu’il nous faut prévenir les autres, autant le faire avec la manière. »

Les deux Chevaliers d’Or pouvaient apercevoir une nuit étoilée, de nombreuses constellations, ainsi que diverses planètes, de tailles et de couleurs différentes qui flottaient autours du temple du Pope. Le spectacle proposé par Gareth paraissait simplement grandiose, les gémeaux et leur sens de la théâtralité, pourquoi faire simple quand on pouvait faire compliqué… Et puis s’il pouvait arracher un sourire à ce visage d’ange.

-« Galaxian Explosion. » Murmura-t-il doucement.

Le ciel étoilé se déchira sous l’intonation de la voix, les planètes gagnèrent en vitesse et explosèrent à des rythmes différents. Un déluge d’effets pyrotechniques entoura le temple du pope, Gareth prolongea sa technique encore quelques minutes, veilla à ne pas abimer le temple et se concentra discrètement sur la réaction de Calissa. Peut-être que le spectacle offert par le Gémeau ne lui plairait pas ?

-« Normalement ils devraient tous avoir vu ça… Je pense qu’il n’y a plus qu’à attendre. » Avant de faire un pas de côté pour se placer devant sa compagne du jour. Il posa ses mains sur sa taille d’or, pencha son visage vers le sien et l’embrassa tendrement, quelques secondes tout au plus. Ne sachant pas lui-même quelle mouche l’avait piqué… Il s’éloigna, penaud et désolé pour son comportement peu chevaleresque.

Elle répondit à son baiser par un autre, plus discret, plus évasif mais bel et bien significatif. Oui c’est agréable, trop pour être stoppé ainsi. Il se pencha à nouveau vers elle pour lui voler un second baiser. Puis ils s’éloignèrent doucement du vestibule… Il tenta de s'expliquer ce moment sans le comprendre. A l'instant il aurait apprécier annuler son appel, connaître ses véritables intentions, ses sentiments tout du moins le chemin que ces derniers commençaient à emprunter.

-« On ne devrait pas rester seuls très longtemps… Dommage » dit-il à regret. Alors qu’il guidait sa collègue dans les méandres du palais ils se virent interrompu, par un grand maigrelet à l’armure trop large pour lui. Ephraem se pencha pour le saluer, ils avaient le même rang mais les anciennes hiérarchies ne s’oublient pas aussi facilement. Lentement il se força aux présentations : « J’ai vraiment du mal à me dire que tu es chevalier d’or… Ephraem je te présente Calissa, gardienne du douzième temple. Calissa voici Ephraem chevalier d’or du Taureau, c’est l’un de mes anciens élèves. »

La dernière remarque souligna la différence d’âge entre les Gémeaux et Poissons. Gareth poussa un profond soupir et entreprit de les mener droit au lieu de rendez-vous. De temps en temps il passa sa main libre sur les blessures masquées par l’armure, il avait toujours mal. A chaque fois qu’il combattait, il mettait un peu plus de temps à s’en remettre « t’as plus vingt ans, t’as plus vingt ans… ». Une fois arrivés devant une lourde porte de bronze, Gareth leva ses bras et entreprit d’ouvrir les lieux, quelques secondes plus tard. Le chevalier d’or des Gémeaux s’écarta de l’entrée pour laisser aux jeunes chevaliers le loisir de pénétrer les lieux les premiers.
-« Voici la salle d’or, réservée aux Popes et aux chevaliers d’or… Fut un temps violer cette règle était passible de la peine capitale. » Dit-il en faisant référence au règne violent de Saga sur les lieux.

Gareth entra en dernier, il sourit en remarquant l’intemporalité de la pièce, la même décoration depuis plusieurs siècles. « Si seulement cette pièce pouvait parler… », de temps en temps il jetait des regards fugace à la jeune femme, espérant croiser les siens. Après la réunion ils devront se revoir, parler de ces instants, construire quelque chose... A moins qu’elle ne fut qu’emportée par la magie de l’instant et qu’elle ne ressentait rien pour lui. Il détourna son esprit de ces mauvaises pensées et se concentra sur le jeune homme, « Il n’a vraiment pas l’air malin dans cette armure ». Il devait lui parler de Nephtys, mais pas tout de suite, plus tard il saurait trouver les mots…

- « D’autres viendront, nous sommes là pour nous choisir un pope. Hors de question de quitter l’endroit tant que personne n’occupe ce trône. » Précise-t-il en désignant le trône du Pope de la main.

Fidèle à sa solitude, Calissa se plaça elle-même à l’écart, adossée contre un mur elle ne devait certainement pas perdre une miette des évènements actuels. Pour la première fois depuis quelques heures le chevalier des Gémeaux détourna son attention de la jolie guerrière, pour se concentrer sur l’irrespectueux Ephraem. Gareth s’approcha du casque du Taureau, posa sa main sur ce dernier et dans un murmure prononça l’incantation pour l’expédier dans une autre dimension, sans réellement observer son porteur il déclara solennellement :

-« C’était le Grand Pope Riku, mort pour protéger le sanctuaire des divinités Hindoues et ce siège était le sien… Si je te revoie manquer de respect aux institutions de notre ordre c’est toi qui finiras dans une autre dimension, chevalier d’or ou non. Tu récupéreras ton casque à la fin de la réunion… Enfin si je le retrouve. »

Il lui aurait bien mis deux trois coups de cannes histoire de lui apprendre la vie, mais son élan éducatif fut stoppée par l’arrivée d’une Scorpionne. Oh elle peut masquer son visage, ses bandages, sa voix, son armure et son cosmos parlent pour elle. Le chevalier d’or des Gémeaux écarquilla les yeux et serra sa canne si fortement qu’elle se brisa sous la pression. Que faisait-elle ici ? Les journées octroyées par leur tortionnaire n’étaient pas encore épuisées… Si elle portait l’armure du scorpion…
« L’imbécile… A son réveil Oblivion a dû lui dire ou nous nous trouvions et il n’a pas trouvé mieux à faire que de se précipiter. Et si elle porte son armure c’est que lui est mort et que la tatouée y a trouvé son compte… »

Le chevalier des Gémeaux parvint à retrouver sa maîtrise de lui-même. Il porta son attention sur la canne brisée, difficile d'expliquer que tout allait bien après ça, avant de jeter une œillade sur sa délicieuse compagne aux Poissons. Ephraem, lui, débitait ses intentions amoureuses… « Mais qu’est-ce que j’en ai à foutre ? » effectivement peu intéressé par les déclarations du Taureau il coupa court à ses suppliques.

-« Pour Nephtys tu verras plus tard, je suis certains qu’elle connait déjà tes intentions. »

Gareth se retourna vers le trône puis en fit le tour pour extraire de ce dernier un petit coffre recouvert d’or. Il l’approcha du centre de la pièce et l’ouvrit. Ce dernier contenait les apparats du Pope ainsi qu’un rouleau de parchemin scellé aux armes du sanctuaire… Le testament de Riku ?

-« D’ordinaire c’est aux Popes de choisir leur successeur, peut-être nous-a-t-il laissé un indice ? » Alors qu’il remit le document encore scellé dans le coffre, il observa longtemps Calissa… Qu’allait-elle comprendre dans son comportement face à Nephtys ?

Il allait le faire. Un dernier gloussement et Ja’far était prêt à écouter la demande du pénible bouc d’or afin de pouvoir circuler et rejoindre son temple. Sa main s’était déjà posée sur sa Pandora Box complètement cachée sous tout ce tissu. Les bras levés de façon nonchalante, sa voix sortie d’outre tombe taquina alors Norio.

Très bien, je vais la mettre cette armure si tu y tiens. Au moins, on est sûr d’être en sécurité avec un chevalier aussi éreintant que toi en première ligne.

Alors que cette petite boutade se termina, le regard du Cancer se fit plus sérieux et pourtant, à la surprise générale, une explosion retentie. Dans le sombre Temple du Bélier s’engouffra une forte lumière ainsi qu’un souffle chaud qui força les deux frères d’armes à s’en protéger, les mains devant le visage. Ni une, ni deux, l’Emissaire des Morts vit sa mine s’estomper au point où même son faciès ordinairement des plus neutres laissa transparaitre la peur. Non pas la peur de perdre sa propre vie, loin de là. Un seul mot s’échappa de sa bouche à cet instant. S’il ne devait s’agir que d’un soupir, Ja’far se surprit à l’avoir dit bien plus haut qu’il ne l’aurait pensé.

Athéna !

Il lui fallait savoir si elle était en sécurité. Certes, le Cancer savait très bien que son cosmos ne ressemblait en rien à celui d’un chevalier d’or, d’un être de bonté ou même d’un protecteur de la justice. Non, si Norio ne voulait pas le laisser passer c’était avec une bonne raison. En effet, l’aura qui s’échappait constamment de l’homme du désert ne semblait être faite que d’ondes négatives et morbides. On le confondait bien plus avec un Spectre. La faute à une vie passée auprès des âmes défuntes mais Ja’far n’en avait cure. Il savait à quoi s’attendre en intégrant l’ordre des Douze. Il savait qu’il serait opprimé pour ce qu’il laissait paraître. Il savait que son attitude désinvolte ainsi que son physique plus qu’antagoniste en effraieraient plus d’un mais il restait le propriétaire d’une armure d’or et à ce titre, il se devait de protéger la seule entité encore capable de protéger la terre. Sans se faire attendre, avec un visage dur et sérieux, il attrapa sa Pandora Box camouflée par une anse et courut à travers le Temple du Zodiaque sans faire attention aux menaces de son protecteur. Il ne se retourna pas vers lui et continua sa course vers cette explosion cosmique.

Désolé Bélier, ce sera pour une prochaine fois, j’ai à faire.

Le Nécromancien n’était même pas sûr qu’Aries l’ait entendu, sa voix étant étouffée par le son de ses propres pas à vive allure. Il traversa à une vitesse ahurissante les Onze autres Maisons zodiacales et se surprit à n’avoir même pas eu le temps de faire attention à ce qui s’y trouvait ni même à ceux qu’il traversait sans encombre finalement.

À mesure qu’il se rapprochait du Palais du Pope, Ja’far se rendit compte par les infimes bribes de cosmos retombant qu’il s’agissait là du pouvoir d’un chevalier d’or. En effet, lui au moins avait le luxe de pouvoir s’offrir une véritable aura d’or contrairement au funeste Cancer. Un appel ? Une menace ? Il n’en avait absolument aucune idée et c’est avec un long soupir qu’il s’introduit dans la demeure papale. Il avait fait une telle course emplie d’adrénaline qu’il se retrouvait presque à bout de souffle lorsqu’il poussa la grande porte et déposa ses deux mains sur ses deux mains avant de cracher sur le côté cette quelque salive restante qui obstruait sa voix respiratoire, hélas à la vue de tous. Encore une fois, sans qu’il puisse se contrôler, son énergie violacée s’appropria les murs du Sanctuaire et, invisible brume, se répandant comme un linceul venu couvrir une ultime fois un mort sur le départ.

À son grand dam, sa Pandora Box sur le dos, ses vêtements largement entachés par la vie dans le désert, il se trouvait devant une assemblée et pas des moindres. Que des Gold Saints. Il les reconnu tous. Taureau, homme. Poissons, femme. Scorpion, femme. Et Gémeaux… on ne sait pas trop quoi. Il se redressa alors et presque déconfit par la honte, il frappa son visage de sa propre main tout en secouant lentement le visage avant de se découvrir et d’observer plus dans le détail la scène qui se déroulait devant ses améthyste yeux.

Euh… Ja’far. Chevalier aussi , il tourna alors son dos de trois quart afin de montrer sa Pandora Box en guise de preuve. Chose bien inutile étant donnée que celle-ci était enroulée dans un tissu blanc mais la forme était au moins faite. Enfin, nouveau Chevalier. Je suppose qu’il se passe quelque chose d’important ?

Gareth laissa le taureau poser sa main sur le coffre, il n’esquissa pas le moindre mouvement pour l’en empêcher. Après tout s’il voulait l’ouvrir il n’avait qu’à le faire… Cela faisait quelques temps que son appel fut lancé. Calissa toujours aussi silencieuse observait la scène sans intervenir, Nephtys l’inconnue de l’équation et un Taureau instable, voici les seuls qui ont répondu. « Où sont les autres ? ». Il tenta de garder un soupçon d’intéressement pour son élève et accepta de répondre à quelques une de ses questions.

-« Oui des divinités Hindous ont ravagé Rodorio, Riku s’est interposé et s’est fait tuer. Athéna étant absente pour le moment, le sanctuaire est actuellement décapité. »

Il ne répondit à aucune autre question d’Ephraem. Comment l’aurait-il pu ? Lui-même avait beaucoup de mal à entrecroiser les différents évènements passés, trop de changements, trop d’actions libres. Le sanctuaire devait retrouver un cap et très rapidement. Trois des leurs étaient partis à la poursuite de leurs ennemis, depuis le sanctuaire n’avait pas eu la moindre nouvelle. Un nouvel arrivant l’aida à quitter sa torpeur.

Jeune, la peau mate, des vêtements tachés de sable… Il dégageait une aura bien particulière, un peu trop particulière pour être honnête. Il dévoila la Pandora Box qu’il portait le dos, recouverte de tissu cette dernière n’était pas identifiable. Le chevalier d’or des Gémeaux passa une main dans sa barbe l’esprit à la réflexion. Ce jeune homme semblait complétement perdu, méconnaissant très certainement les us et coutumes de cet endroit. En tant que plus ancien de ce rassemblement et pour éviter tout débordement bovin, Gareth posa ses coudes sur la table et croisa ses mains devant son visage sans quitter Ja’Far des yeux.

-« Bienvenue… Tout dépend quelle importance vous attribuez au choix d’un nouveau Pope. » Le chevalier d’or poussa un profond soupir avant de reprendre. « Cependant cette, congrégation, étant réservé aux chevaliers d’or vous ne pouvez y assister… Sauf si cette Pandora Box contient une armure d’or ? »

Il fréquentait le sanctuaire depuis plus de vingt-cinq ans et il n’avait jamais vu l’homme qui se tenait aujourd’hui devant eux, il ne doutait pas de sa bonne foi, mais aurait apprécié connaître sa position hiérarchique. Il porta un regard sur la boite contenant le testament de l’ancien Pope, soit ce dernier portait le nom du successeur, soit ils devraient le choisir eux-mêmes, phénomène extrêmement rare… Peut-être une première pour l’histoire du sanctuaire.

- Je puis vous assurer que c'en est une. répondit-il à la place de Ja'far.

J'en suis la preuve, se retint-il d'ajouter. Ils n'étaient pas prêts pour cela, et il ne voulait par ailleurs pas avoir à entrer dans les détails. L'heure n'y était point. Si on les avait réunis en ce lieu, ce ne pouvait être que pour une affaire de la plus haute importance, et le Verseau était bien placé pour savoir que le plus grand sérieux y était de rigueur. La tenue de soirée de même – aussi avait-il pris soin de garder son armure sur le dos au moment de s'y présenter. D'autres auraient-il la même réaction à sa vue que la jeune femme Chevalier de la Lyre ?

Lui-même dut faire face à une surprise du même acabit. L'assemblée n'était certes pas encore au complet, mais l'élue du Scorpion était du nombre. Or le moins que l'on puisse dire était qu'il – elle – n'avait que peu en commun avec celui que le gardien de la onzième maison avait personnellement soigné quelques heures auparavant. Pour être familier du phénomène – à son grand regret -, il sut ne rien laisser paraître de son effarement. La question de savoir s'il avait échoué à le sauver ne put cependant que germer dans son esprit.

- Arsiesys. Chevalier du Verseau. Il retira et rangea ses lunettes. Mais je ne vous apprends rien.

Effectivement, Aquarius osait croire que toute personne ici était capable d'associer une Armure d'Or au signe qu'elle incarnait. Ses pas résonnèrent dans la grande salle qui même en si bonne compagnie demeurait trop vaste pour se dispenser d'écho. Calés sous son bras s'amoncelaient quantité de livres et parchemins en tout genre, directement extraits de la massive bibliothèque qu'il avait découvert dans la Maison du Verseau. À n'en pas douter, ceux qui l'y avaient précédé partageaient son goût pour la lecture et l'érudition. Il n'irait pas s'en plaindre.

Certains ouvrages qu'il y avait retrouvé étaient même partie intégrante de la collection privée du Grand Pope, celle qui n'est censée reposer nulle part ailleurs que sur Star Hill. Preuve d'une confiance sans bornes s'il en est compte tenu des secrets et des périls cachés entre certaines de ces pages. Arsiesys en savait quelque chose pour avoir rédigé de sa main une partie d'entre elles. Les connaissant fort bien et n'éprouvant nullement le besoin de les relire, à tout le moins dans l'immédiat, il jugeait préférable de les remettre à leur place.

S'il devait y avoir à nouveau accès, il souhaitait que ce soit en son nom propre, non grâce à ce qu'avaient pu accomplir les différents Verseau à travers les âges. S'il avait été lui aussi surpris de voir une déflagration de cette ampleur cerner la Chambre du Pope, lui rappelant au passage de bons comme de mauvais souvenirs – avec, hélas, une victoire écrasante de ces derniers -, il ne s'en affola pas outre-mesure : c'était de toute façon sa destination. N'y trouver personne portant la toge qui fut autrefois la sienne pour présider le conseil lui apprit toutefois bien assez tôt qu'il n'aurait personne à qui remettre ces documents en mains propres. Il obliqua vers l'élu des Gémeaux, ses lèvres s'ourlant d'un sourire éphémère :

- C'est à toi que nous devons cette intempérie, j'imagine. Belle performance.

N'en déplaise à certains, Arsiesys avait gardé cette habitude d'employer le tutoiement dès que faire se peut. Or, quel contexte s'y prêtait davantage qu'entouré de ses propres frères d'arme ? L'instigateur de l'orage cosmique – et même galactique – qui avait environné le sommet du Sanctuaire pour quelques instants était sans conteste l'individu le plus âgé présent dans cette pièce, après lui s'entend. Un vétéran, pouvait-on supposer : il était rare, quoique pas impossible, que les Saints soient choisis aussi tardivement. Voir que la jeune génération n'était pas totalement composée de jeunes gens censés avoir encore toute la vie devant eux le rassura quelque peu.

De ses yeux d'un bleu mystique, il passa en revue les différents protagonistes, gravant dans sa mémoire leurs visages que des noms rejoindraient bien assez tôt. Le Dernier Centurion veillait toujours à apprendre avec qui il se battait, à connaître ses frères d'armes du mieux que ces derniers le lui permettaient. Selon ses bandages, la demoiselle qui avait hérité des couleurs de Sargas n'avait pas l'air d'aller bien  - certainement pas autant qu'elle aurait voulu le faire croire en tout cas. Le destinataire de ses dernières paroles n'était, devinait-il, pas non plus au mieux de sa forme mais s'en cachait bien mieux.

- Bien. Inutile de demander pourquoi nous sommes ici. Dès lors, permettez-moi d'y mettre les formes.

Pour avoir initié plus d'un congrès du même acabit en qualité de maître de cérémonie, Arsiesys savait exactement comment s'y prendre. Il ne marqua aucune hésitation lorsqu'il leva le bras vers le plafond lointain du treizième palais et que les arabesques dorées de son cosmos se muèrent en colonne de lumière. L'énergie se faufila dans les moindres interstices que la pierre avait à offrir, la structure entière s'animant d'une discrète vibration, évoquant un coeur qui bat au rythme du temps, tandis que s'allumaient à son pinacle les flammes de l'horloge. Le Krusos Sunagein était par ce geste officiellement déclaré. Le bras retombé le long du corps, il avisa le Gold Saint du Cancer, mi-strict mi-espiègle.

- Tu devrais mettre ton armure à présent, ou on va devoir te jeter dehors.

Ja’far reprenait son souffle alors que le Saint des Gémeaux, sans même avancer parlait et parlait. Sa voix était sage. D’une façon bien étrange, elle lui rappelait celle de son nouvel ami. Etant l’élément central de ce décor, il ne faisait pas de doute qu’il se trouvait être le maître de cérémonie. De plus, il reconnaissait en lui cette même aura d’or qui avait provoqué le grondement céleste l’ayant mené jusqu’ici.  Des cosmos si pur… bien loin du sien, tâche d’ombre parmi les représentants du soleil.  Pourtant, un petit quelque chose dérangeait l’Emissaire des  Morts au point qu’il en oublie l’assemblé les entourant. Qu’est-ce qui pouvait pousser un Chevalier à se cacher de la sorte. Si la loi qui poussait les femmes à porter un masque était ridicule, on pouvait se demander pourquoi un homme devait il faire de même. Même pour un homme discret comme Ja’far, ce n’était pas quelque chose qui lui plaisait. D’autant plus à présent qu’il connaissait la raison de cette réunion. L’élection d’un nouveau  Grand Pope. Ainsi donc, il devait s’agir de la raison pour laquelle il avait été si facile pour lui de s’introduire dans le Sanctuaire afin d’y dérober l’armure du  Verseau quelques semaines auparavant.  

La disparition d’un alpha marquait la fin d’une meute, c’était la première chose que Ja’far avait appris lorsqu’il devint le chef de son clan. Chaque bêta à son commandement était alors susceptible de fuir et pire, de mourir seul, en oméga.  Au sein d’une organisation militaire telle que l’armée d’Athéna, cela s’avérait d’autant plus vrai. Depuis plus de siècle qu’on ne peut compter, les Ferenites, gardiens de la Flèche avait été secrètement au service du Sanctuaire. Non, d’Athéna elle-même et de personne d’autre. Cette éducation qu’il avait reçue, personne ne la comprendrait. Lorsqu’il était né, il était à la fois voué à être un chef mais également un paria, condamner à n’avoir que la mort comme amie. Si la plupart voyait en cela une quelconque malédiction, Ja’far se plaisait à l’imaginer comme un don.  Qu’importe s’il ne vivait qu’avec la compagnie des âmes défuntes, qu’importe si son cosmos même s’était vu corrompre au point qu’un Saint comme le Bélier l’ait confondu avec un Spectre ; grâce à ce don, il pouvait servir Athéna comme aucun autre Ferenite ne l’avait fait en plus de deux mille ans.

Mais trêve de nostalgie, ce n’était pas du tout le genre du Cancer. Et d’ailleurs, à ce juste titre, de son côté aussi il était temps de mettre un terme à cette mascarade qui n’avait que trop duré. Qu’il en ait douté était une chose mais qu’il n’y ait plus cru en était une autre. Cette peur qui liait son regard à sa Pandora Box était devenue absurde. Evidemment qu’il était le Chevalier du Cancer quant bien même les nombreuses critiques qu’il allait sans doute recevoir, quant bien même il possédait un physique, un cosmos antagoniste, son âme était, elle, vouée à sa déesse. Il avait prêté serment, il était donc temps d’enfiler le manteau d’or.  Et d’ailleurs, une voix familière eut tôt fait de le lui rappeler. Sans même se retourner pour l’apercevoir, un sourire taquin ourla les lèvres du mystérieux gardien. Arsiesys était enfin arrivé. Un comble que le plus désinvolte des deux soit arrivé à l’heure. Un bref regard sur le nouvel attirail du Verseau et Ja’far se trouva obliger de lui lancer une petite moquerie. Lunettes, bouquins…

Je vois que tu as vite retrouvé tes aises ici !

Loin d’être acerbe, il est vrai que le ton du Quatrième Gardien restait naturellement quelque peu âpre, encore. Arsiesys devait s’y être fait depuis le temps. Rien de personnel, Ja’far avait une tête de méchant, l’assumer semblait être la seule chose à faire à ce sujet.

Sans même se regarder, le Dernier Centurion et le Nomade du  Désert avait compris aux mimiques du Scorpion que quelque chose n’allait pas et le regard améthyste du Cancer se fit perçant tandis qu’il la dévisageait plus que de raison. Elle était manifestement blessée et ce n’était pas un masque et une cuirasse qui allait laisser qui que ce soit abusé.  Le Nécromancien avait beau passer pour le dernier des insensibles impertinents, il était loin d’être dupe et bête, bien loin même. Cependant, il pensait qu’elle pouvait avoir ses raisons de se cacher de la sorte. Cela semblait être monnaie courante par ici.

Et ainsi, le Krusos Sunagein pouvait débuter. Les douze flammes que venait d’allumer Arsiesys étaient semblables à des feux-follets, comme ces âmes qui tournoyaient sans cesse autour de Ja’far, invisible aux yeux de tous sauf des siens. Un marrant ce Taureau d’ailleurs.  Un poil brut dans ses propos mais ce n’était pas Ja’far qui allait critiquer qui que ce soit, il était bien mal placer pour cela. Le visage impassible, il le pointa de son regard jusqu'au blanc des yeux avant de sortir d’un ton morne :

On ne peut plus d’accord avec vous deux.

Il posa alors sa main sur la Box camouflée avant d’arracher d’une façon bien trop dramatique le tissu l’ornant laissant à tous le plaisir d’y découvrir une cube au métal précieux serti d’arabesque en tout genre jusqu’à laisser apparaître le Quatrième symbole. Un vent immatériel émana alors du protagoniste. Alliant un funèbre camaïeu de mauve,  la boîte de Pandore répondit à la surprise de tous à ce cosmos grandissant. Dans un éclat doré, celle-ci s’ouvrit et comme en Enfers ce jour-là, l’armure resplendissait comme jamais après avoir été enfouie au fin fond du Yomutsu Hirasaka durant tant de temps. Un bruit strident, sûrement plus dérangeant que la vive lumière qui échappait de la cloth se fit entendre, marquant le crissement métallique des pièces se détachant une à une avant de se coller à la chair presque nue de Ja’far. Cette protection voulait faire son travail en protégeant justement son hôte. Lorsque cette cérémonie s’arrêta en même temps que la lumière qui s’’était enfin estompée,  le Saint ramassa le long manteau carmin tâché de sable qu’il portait afin de le l’enfiler par-dessus la cloth aux pointes acérées.

Je ne me suis pas présenté en bon et du forme comme mon ami. Il s’arrêta afin de lancer à son tour un regard mi-espiègle, mi-strict. Ja’far. Chevalier du Cancer.

Le Verseau ne laissa répondre le jeune homme balafré, il le complimenta sur sa maitrise de l’explosion. Gareth sourit, légèrement une autre aurait mieux réussit que lui. Il laissa un Verseau lettré disposer de l’espace et de la parole, surpris par l’allumage de l’horloge Gareth resta de marbre. Peu savent comment allumer les douze feux, peut-être était-ce inscrit dans les différents livres qu’il transportait ?

Quoiqu’il en soit lui et le Cancer se connaissaient  « tu as déjà repris tes aises ici… », déjà repris tes aises ? Quand était-il venu ? Gareth chevalier depuis quinze ans ne l’avait jamais vu. Ou peut-être que si ? Il conserva un regard fixe lorsque le Cancer dévoila l’étendue de son art, cette aura si singulière, la mort venait d’enfiler la quatrième armure d’or. Il ne s’offusqua pas de l’aura, après tous les armures choisissent leur porteur, le choix ne saurait être contredit, Gareth également avait sa part d’ombre.

Le Chevalier des Gémeaux passa une main au cœur de sa barbe, jeta un regard furtif à Calissa puis à Ephraem qui aidait Nephtys à se remettre d’aplomb. La séance devait être des plus pénibles pour la porteuse du scorpion. Enfin il termina son tour d’horizon par un « bien » faible et distant.

Gareth se saisit du parchemin et brisa le sceau. Il demeura interdit quelques instant devant le papier, ne sachant pas s’il devait l’ouvrir ou non. Finalement il prit son courage à deux mains et déroula l’œuvre testamentaire devant ses yeux et entama une lecture silencieuse… Les considérations d’usage, les dernières volontés de Riku mais rien sur son successeur… Ah si c’était là quelques lignes plus bas passablement étonné par la tournure de la phrase... Si étonné qu’il reprit la lecture à voix haute : « quant à mon successeur je faillirai aux traditions et ne le nommerai pas… je gage que les gardiens du sanctuaire sauront le reconnaitre en leur sein… » il stoppa la lecture et le fit passer à son voisin.

-« Eh bien il semblerait que la réunion s’éternise un peu… Nos frères : Lion, Capricorne et Sagittaire sont actuellement à la poursuite des hindous. Je crains que nous devions nous passer de leur présence. » Gareth marqua une courte pause et reprit son monologue. « Je crois bien que c’est l’une des premières fois que ce genre d’évènements arrive. Quelqu’un est-il candidat au trône ? »

Qui hormis lui pouvait-il diriger les lieux ? Calissa, trop jeune, peut-être un peu trop introvertie, la voie des Poissons excluait d’office le rôle de Pope. Ephraem ? Non il s’y opposerait, beaucoup trop impulsif, déraisonnable. Quant à Nephtys et Ja’Far ils venaient d’obtenir leur armure et ne semblaient pas aspirer aux plus hautes fonctions. Néanmoins ici tous sont frères et sœurs, tous ont voix au chapitre et chaque candidature se devra être respectée avec le plus grande équité. Ne restait que lui, le regard de Gareth obliqua en direction du Verseau, lui pourrait être le successeur de Riku.

Gareth espérait que l’élection se passe rapidement qu’ils puissent aborder d’autres sujets. Qu’ensemble ils puissent définir la politique à venir du sanctuaire, fixer un cap des objectifs, que le navire grec ne navigue plus à l’aveugle.