Poséidon et Daken s’éloignèrent des sources du conflit à venir entre le Léviathan et le Lion Noir pour évoluer au cœur du palais de Pandore. L’agitation que Poséidon avait pressenti jusqu’à présent semblait s’être évanouie doucement, les différents cosmos se sont séparés.

Le dieu resta silencieux devant les interrogations du jeune homme, le Tartare avait de quoi impressionner. Ensemble ils franchirent la porte de la salle d’audience… La seule partie de ce palais qui était digne d’intérêt.

-« Malheureusement, en ces lieux je ne puis tout te dire. Sache qu'iil ne faut pas craindre le Tartare, nous y avons également des alliés… Et puis je ne compte pas libérer qui ou quoi se soit de cette prison. J’ai seulement besoin d’un renseignement. »

L’empereur des mers admira un instant le trône de Pandore avant de contempler le plafond et ses admirables peintures. Ces reproductions dépassaient de loin les originales… Il y avait dans les teintes choisies un je-ne-sais-quoi d’inquiétant. Poséidon réprima un frisson avant de s’adresser à son jeune général.

-« Le Tartare est dangereux je veux bien te l’accorder et la seule puissance ne saurait en venir à bout. J’ai besoin de toi, de ta réflexion et du courage dont tu sais faire preuve. »

Le dieu espérait que ces quelques paroles rassureraient le jeune homme. Nombres de récits content le Tartare et tous sont vrais… Mais Poséidon était un dirigeant avisé qui ne sacrifiait ses hommes inutilement, tous sortiraient vivant de la prison infernale.

— Messieurs, soyez les bienvenus. Puis-je savoir ce que vous cherchez ?

Surgi de nulle part, Thanatos avait pris place sur le siège habituellement réservé à la prêtresse des Enfers. Absente depuis déjà trop longtemps, celle-ci ne lui tiendrait pas rigueur de cet emprunt, assurément ; il eût été criminel de laisser inusité un tel monument. Jambes croisées, doigts noués, le Dieu de la Mort les scrutait avec un calme certain depuis la hauteur conférée par sa position, tant sur un plan physique que métaphorique. Son regard balaya tour à tour les personnes présentes ; des trois concernés, seul l'Empereur des Mers avait pu reconnaître sa voix lorsqu'elle avait ébranlé le palais jusque dans ses fondations.

Ceci mis à part, il eût été impossible de se douter qu'il était responsable d'une telle colère Le Faucheur avait en effet profité de ces apparitions successives pour recouvrer son sang-froid. Si l'emportement bouillonnait encore sous la surface, les apparences étaient aussi impassibles que celle que Poséidon lui avait connu dernièrement. Quelque chose lui disait que venir voir ce dernier sans être maître de ses émotions ne ferait que lui fournir un prétexte à la guerre qu'il chérissait tant. Le frère de Zeus étant connu pour ses colères légendaires - c'était le cas de le dire -, c'était là un sujet sur lequel il ne valait mieux pas lui donner matière.

Bien qu'il n'eut jamais rencontré les deux autres, tant la prestance de leurs Écailles que l'ampleur de leurs auras lui indiquèrent qu'ils portaient le titre de Général. Il s'en fut fallu de peu qu'on se dise que, pour être venu ici accompagné d'un tel cortège, Poséidon ne s'animait pas des meilleures intentions... Mais n'était-il pas encore trop tôt pour sauter aux conclusions ? Quoi qu'il en soit, il mémorisa soigneusement les visages de ceux qui seraient peut-être demain ses ennemis - ou de puissants alliés. Les dernières relations avec les Marinas avaient été pour le moins houleuses, mais si Poséidon n'était pas ici pour les détruire, peut-être voudrait-il négocier.

Il était impossible qu'ils soient déjà au courant pour les Saints ; l'opération s'était montée dans le plus grand secret.Thanatos lui-même n'y avait assisté que de très loin, curieux de voir Perséphone prendre les choses en main. En cas de victoire, il aurait l'agréable surprise de la trouver moins incompétente qu'il n'y parait ; mais si seule la défaite l'attendait au bout du chemin... Non qu'elle ait choisi une proie difficile pour s'exercer. En outre, de par leur passif commun, nulle alliance circonstancielle ne saurait durer : les récents événements ne l'avaient-ils pas prouvé ? Quand bien même le silence du Sanctuaire laissait planer le doute sur son état de santé...

Avaient-ils tourné le dos à tout ce en quoi ils croyaient ? Ne trouveraient-ils qu'un lieu de culte vidé de toute substance à leur arrivée ? Voilà les réponses que Thanatos attendait en priorité. Si même les Saints cessaient de croire en Athéna, pourquoi encore s'en inquiéter ? L'obscurité s'agrégeant pour lui redonner consistance, il croisa les bras dans son dos, observant solennellement le chef du convoi - le déicide, celui-là même qui avait exterminé les Nyoraïs il y a de cela quelques temps. Là où il s'en serait autrefois moqué, mettant leur extinction sur le seul compte de leur propre faiblesse, il prenait aujourd'hui au sérieux cet avertissement.

— Qui sait ? Peut-être pourrai-je vous aider.

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N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des siècles peut mourir même la Mort.

À l'arrivée d'Oblivion, Thanatos se contenta d'un signe de tête approbatif. Bien que récemment arrivée au sein des Enfers - comparée à d'autres qui avaient plusieurs siècles au compteur -, elle avait rapidement assimilé les codes de leur armée. L'un des rares points positifs qu'il puisse reconnaître au fait de détourner les éveillés d'une autre faction. Cela ne le rendrait néanmoins pas plus enclin à cette pratique ; elle serait l'exception.
Qu'elle se présente spontanément à ses côtés, en plus d'un signe de bonne volonté, était une excellente manière de la garder sous étroite surveillance. Bien qu'il lui ait rendu son masque, il semblait qu'elle n'en ait plus la nécessité ; le fils de Nyx voyait là un autre témoignage de ses progrès, sans encore pouvoir s'y fier. Néanmoins, s'il y avait une chose dont il était certain à son sujet, c'était la haine des Marinas qu'elle pourrait manifester ; puisse-t-elle seulement la garder sous contrôle jusqu'à ce que ce lui soit ordonné.

De ce qu'il comprenait, Poséidon avait caché à ses hommes ce qu'il lui était arrivé. S'était caché sous la forme d'un de ses propres généraux le temps de savoir quoi faire à ce sujet. Si la manœuvre ne brillait pas par son élégance, Thanatos ne se permettrait toutefois pas de le juger : lui-même ne savait pas ce qu'il aurait fait dans sa situation. De là à penser que les dieux asiatiques puissent déployer ce genre de pouvoir dans leurs derniers instants... Voilà qui expliquait pourquoi ce qu'il avait appelé l'Opération Espadon avait sombré dans le silence récemment. Hormis ses démêlés avec Athéna, c'était peut-être la première fois de toute l'Histoire que le Dieu des Mers payait le prix de son ambition. Une échéance que le fils de Nyx aurait volontiers savouré si elle ne s'accompagnait de tels propos. Une absurdité digne des plus grands.

Le Tartare, rien que ça. Malgré les efforts du frère de Zeus pour paraître sous son meilleur jour, il lui serait impossible de cacher à la Mort qu'il était désormais à sa portée. La mort d'un dieu est chose complexe en cela qu'il est toujours possible de se réincarner ; rares sont ceux qui finissent par s'éteindre à jamais. Mais les protections empêchant Poséidon de mettre un terme à son éternité étant à présent tombées, voilà qui justifiait qu'il soit si largement accompagné. Ce n'était pourtant pas faute de l'avoir délesté d'une partie de son escorte ; nul doute qu'il avait été bien inspiré. D'ailleurs, comment ce combat avait-il bien pu se solder ? Il lui faudrait songer à aller vérifier, même s'il avait déjà sa petite idée. Toujours est-il que cet Hakon méritait une réponse de par la courtoisie démontrée.

— Je vous remercie de votre politesse, général. Quel dommage que tous ne partagent pas vos manières, fit-il en lorgnant vers l'autre Marina de corvée - Lyumnades, à en croire son Écaille. À moins qu'un autre dieu ne se cache sous cette ferraille ? Je n'ai pas jugé utile de mobiliser la garde, en effet. Nous ne sommes pas en conflit, que je sache, aussi je n'ai pas de raison de vous recevoir la lame au clair.

Son attention se fixa sur le chef du convoi, au final seul apte à prendre ce genre de décision. Thanatos aimait penser que, contrairement à la franche hostilité qui l'avait précédé, leur dernière entrevue avait abouti à un semblant de statu quo. Certes fragile de par ce qui l'avait amenée, mais une entente avec l'Ébranleur de Sol est-elle jamais faite pour durer ? Les pas du fils de Nyx résonnèrent en écho dans une salle si vaste que même le nombre de personnes présentes ne parvenait pas à l'atténuer. Si l'on parvenait à y faire tenir les cent-huit étoiles maléfiques au grand complet, ce n'étaient pas une poignée de visiteurs qui inquiéteraient sa capacité.

— Ce n'est pas tout à fait vrai. contredit-il Poséidon avec solennité. Vous en avez forgé la porte, oui ; cela ne veut pas dire que vous en avez les clés. Pas toutes, faut-il le préciser. fit-il alors que son regard oscillait vers le trident. Si je vous imagine sans mal à l'origine de l'un ou l'autre de ses prisonniers, je doute que vous ayez jamais tenté d'y mettre les pieds - qui le voudrait ? Il haussa les épaules ; un léger sourire apparut sur ses lèvres. Si certes vous pourriez y entrer, vous seriez incapable d'en ressortir, même en obtenant ce que vous êtes venu chercher. Je doute que ce soit le but escompté. Cela bien sûr à moins que je ne vous vienne en aide.

Si Poséidon avait conçu la porte du Tartare - avec un certain brio, il faut bien l'avouer -, l'Enfant de la Nuit, lui, était de ceux à l'avoir gardée durant plus de siècles que le monde n'en saurait compter. Dès lors, il n'était que bien normal qu'il en connaisse quelques subtilités. En dépit des inimitiés passées, le fils de Nyx ne voyait pas d'inconvénient à lui prêter main-forte - mais la première condition à cela était qu'il en admette ne pouvoir s'en passer. Malgré ses efforts pour lui offrir une rivalité digne de ce nom, Perséphone était loin d'être aussi versée que lui dans les affaires occultes ; c'était là son plus grand avantage. Une chance que ce ne soit pas sur elle que Poséidon soit tombé en premier - à moins qu'il ne soit sciemment venu vers lui ?

— Et la clé manquante n'est pas ici. Mais je sais où la trouver. Dans tous les cas... Il eut un bref coup d'œil pour ses chaperons. Je suppose que vous savez qu'il leur sera difficile de vous accompagner. fit-il en soutenant le regard du Roi des Mers pour jauger de sa réaction - s'il y avait bien une chose que Poséidon n'aimait pas, c'était qu'on lui dise non. Et... Il se pourrait que j'aie d'autres options à vous proposer. Mais bien sûr, libre à vous de poursuivre votre expédition.

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N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des siècles peut mourir même la Mort.

-« Je ne crains pas les nordiques… » Lança-t-il à l’adresse d’Hakon.

Le commandant en chef des forces atlantes gagnait en confiance, un peu trop au goût de Poséidon. Cependant, la posture délicate de l’Empereur l’empêchait de réprimander son général comme il aurait dû le faire.

Poséidon réprima un soupir et posa son regard quelques instants sur la jeune femme qui accompagnait la Mort dont l'attention paraissait accaparée par le Kraken. Maintenant il comprenait, elle accompagnait Wolgorn et Rogos à Sparte, ils s’étaient rencontrés au gré du hasard et dans son élan Poséidon lui avait conté la mort de sa sœur…

Puis, Poséidon porta l’intégralité de son attention sur Thanatos. Il imaginait parfaitement les émotions et pensées qui se bousculaient en lui. Avoir l’un des trois maîtres du monde a sa merci, ce doit être une position des plus grisantes. Le souverain aquatique augmenta considérablement le niveau de pression cosmique qu’il exerçait sur les lieux, jusqu'à un niveau digne de son véritable rang. Ses interlocuteurs comprendraient que malgré sa mortalité passagère il n’en restait pas moins un dieu.

-« Je subodore que l’épée de mon frère est entre les mains de son épouse ? »

Pour arpenter le tartare sans limitation aucune il devait porter son trident et l’épée de son frère, autrement ils risquaient tous de ne pas pouvoir en sortir. Il avait parfaitement conscience de cet état de fait mais aurait préféré le régler avec sa nièce. Thanatos chercherait probablement à tirer profit de la situation alors que Perséphone avait une dette incommensurable à l’égard de l’Empereur.

-« Quant à mes hommes, je saurais garantir leur sécurité… Je connais le Tartare quoi que l’on puisse en penser. » Poséidon s’avança au plus près possible des deux représentants infernaux… -« Malgré tout, une telle expédition prendra un certain temps et je n’en ai guère… Je suis donc curieux de connaître ces autres solutions et tout particulièrement leurs coûts. En fonction je déciderai ou non de la poursuite de cette opération. »

— Non, répondit-il simplement.

Le sourire qui étira ses lèvres découvrit l'émail de ses dents, évoquant celui d'un félon félin dont tous ici devaient avoir entendu parler. Pourtant, Poséidon n'était-il pas plutôt l'Alice de son Lapin Blanc, s'aventurant étourdiment dans un monde dont il n'avait pas idée ? Mais cette sombre terre n'avait rien de merveilleux, oh non - de cela, il serait le garant. Tout cela inspirait à Thanatos une certaine félicité : pour la première fois de l'Histoire - avant même que le terme n'ait été inventé -, Poséidon était forcé de s'incliner devant quelqu'un - sa personne, en l'occurence. Il pouvait s'efforcer tant qu'il le voulait de sauver les apparences : cela ne rendait que plus criant qu'il avait désespérément besoin de quelqu'un pour le restaurer. Un maître des arts occultes. Et quelle meilleure porte à laquelle frapper ?

— Elle se trouve encore en Elysion... Mais s'avère être quelque peu difficile d'accès. Poséidon devait déjà savoir où elle était usuellement située ; de ce fait, il comprendrait ce que les autres n'étaient pas en mesure de cerner. Néanmoins, je ne doute pas que vous, moi et... Cet objet - il avisa le Trident - soyons en mesure de la récupérer. Vos subalternes ne risquent pas de pouvoir nous suivre, j'en ai bien peur, mais ce ne sera que le temps d'une promenade de santé. Il doutait fort que l'Ébranleur de Sol soit homme - ou dieu - à dispenser allègrement sa bénédiction, même parmi ses plus hauts gradés ; dès lors, le « Paradis » leur serait interdit d'accès. Bien sûr, je me chargerais ensuite de la porter. Sans vouloir vous offenser, dans l'état dans lequel il est, je ne pense pas que votre corps soit capable de supporter leur énergie combinée.

Même sans y avoir assisté, ailleurs au moment des faits, Thanatos ne devinait que trop bien ce qui s'était passé : après avoir échoué à récupérer les armes de son tendre époux, Perséphone avait voulu s'assurer que nul autre ne le pourrait. S'il était vrai que cela aurait pu s'avérer périlleux par ses propres moyens, il n'aurait plu à s'en soucier avec l'aide du dieu marin - qui, malgré les revers, restait une puissance avec laquelle compter, ainsi qu'il s'évertuait à le rappeler. Thanatos ne mentait toutefois pas en l'estimant incapable de se l'approprier ; même parmi les divins, brandir un tel artefact n'est pas à la portée de tous, encore moins dans un corps humain. Privé d'une partie de ce qui le rendait exceptionnel, d'un fragment de sa divinité, le simple fait de brandir son Trident devait déjà lui coûter.

Par conséquent, ajouter une autre donnée à l'équation ne ferait que rompre l'équilibre fragile qu'il maintenait, qu'il en soit conscient ou non. Bien sûr, tout cela relevait de la théorie : d'aussi loin qu'il s'en souvienne, le Faucheur n'avait jamais eu l'occasion d'observer pareil phénomène de plus près. N'eut-ce été pour le caractère volcanique - paradoxal - du Dieu des Flots, il eut volontiers étudié plus amplement la question. Or, si sa condition était un mystère même pour le fils de Nyx, l'intéressé lui-même - guère plus éclairé - prendrait-il seulement le risque à la seule fin de le détromper ? Le silence pesa, laissant le temps à chacun d'assimiler. Seul Poséidon saisirait toute la teneur de ses paroles ; c'était déjà bien assez. Son regard passa sur Oblivion. Bien qu'il sentît émaner d'elle une certaine hostilité, elle semblait réussir à se dominer. En plus d'avoir laissé deux factions dans son sillage, aurait-elle une relation houleuse avec les submergés ?

Le soudain mutisme du Kraken, pourtant si disert précédemment, ne resta pas irremarqué. En se cachant sous cette défroque humaine, en mettant en place cette escroquerie, le Roi des Mers avait semble-t-il semé parmi ses hommes les graines de la révolte ; pourtant, ceux-ci demeuraient loyaux. Pour le moment. Mais le mesurait-il seulement ? Ses rêves de grandeur allant toujours plus loin dans leur disproportion, il paraissait en oublier ce qui était à ses côtés... À croire qu'il se sentait obligé d'étirer encore l'ardoise que tendait déjà vers lui l'humanité - pendant que ses plus fervents défenseurs restaient murés en leur demeure. Une négligence qu'ils devaient à présent regretter, compte tenu de ce qui les y attendait. Déjà, aux portes du monde des Morts, s'amassaient les moissonnés. L'heure de la récolte avait sonné.

L'autre, en revanche... Non content de manquer à toutes les politesses - ce qui aurait suffi à causer sa perte devant nombre de divinités -, voilà qu'il s'autorisait à donner un avis que Thanatos ne se rappelait avoir entendu personne lui demander. Et s'il lui arrivait de porter intérêt aux opinions des subordonnés, encore fallait-il pour cela que ceux-ci sachent de quoi il parlait. Silence, murmura-t-il d'une voix d'outre-tombe avant de libérer une partie de sa puissance à destination du malheureux, le broyant sous le poids de sa supériorité. Si la violence de son aura n'égalait pas celle de Poséidon même ainsi diminué, elle possédait en ses méandres quelque chose de néfaste, d'infiniment lugubre - comme un frisson d'épouvante, un sentiment d'horreur permanent. Nul autre que lui n'eut le droit d'en bénéficier, et il en serait ainsi jusqu'à ce qu'il se décidât à reculer.

— Il semblerait que certains de vos... Protégés manquent d'éducation. Aussi, permettez-moi d'y remédier. fit-il en tournant cette fois ses pupilles vers le Dieu des Mers, lesquelles chatoyaient de l'énergie déployée. Où en étions-nous ? Ah, oui : notre deuxième option. Tandis qu'il revenait à une attitude plus propice aux affaires, la pression se dissipa comme si rien ne s'était passé - bien qu'il restait dans l'air un soupçon de danger. De ceux qui, la nuit, vous gardent éveillé. Restaurer votre immortalité est chose délicate. Ainsi, peut-être serait-il plus simple au final de la remplacer. Une seconde passa, ménageant son effet. Même avec les secrets de vos prédécesseurs - si tant est qu'ils acceptent de vous les donner -, il n'est pas dit que vous parveniez à vous défaire des maux qui vous sont infligés. En supprimant le mal à la racine, en revanche... À nouveau, un léger sourire prit place sur ses traits. Il ajouta, avant que la pensée n'ait pu effleurer qui que ce soit : Comme vous vous en doutez, la mienne n'est pas envisageable. J'en ai encore besoin, et je serais incapable de mener le rituel dans ces conditions. Il s'agirait donc de trouver un donneur... Brillant d'un éclat de malice, son regard soutint celui de Poséidon. Mais je suis sûr que vous avez déjà votre idée sur la question.

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N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des siècles peut mourir même la Mort.

Poséidon allait-il s'en tirer à si bon compte ? Après avoir semer le chaos sur le monde, après avoir détruit des villes, après avoir privé au couple divin nippon leur idéal d'équilibre sur Terre. Non, la malédiction divine qu'Izanami lui avait jeté n'allait pas être effacée aussi simplement que le voudrait l'Ebranleur de Sol. Ce fut presque comme ci la Kami suivait l'Olympien sous la forme d'un fantôme, capable uniquement de savourer la souffrance que son arcane lui infligerait et d'influencer le sortilège pour s'assurer que le sacrifice des deux déités ne soit pas vain et qu'il ait au moins le mérite de le stopper dans sa folie.

Alors que le maître des Océans et les deux généraux qui l'accompagnaient s'entretenaient avec le fils de Nyx pour avoir accès au Tartare. Des sortes de flammes noirâtre commencèrent à lécher le corps mortel du dieu, comme si le sort d'Izanami s'aggravait à la manière d'une maladie. L'intensité des flammes ne suffisait certainement pas à mettre un terme à l'existence de Poséidon, toutefois elles suffiraient amplement à le forcer à se replier et à annuler sa petite expédition au sein des tréfonds du royaume sous-terrain et à le faire rapatrier dans son royaume sous-marin.

Cette malédiction jetée à la va-vite par la Kami aurait pu largement suffire à mettre fin à l'existence de Poséidon dans d'autres circonstances, suite à un combat direct entre les trois entités à Tokyo par exemple où le seigneur des Marinas aurait été affaibli; néanmoins dans ce cas bien précis, ce n'était qu'une question de temps pour que l'influence d'Izanami disparaisse à jamais et que Poséidon récupère son immortalité.

Le Général des Lyumnades semblait avoir retenu la leçon. Tant mieux : le Faucheur n'aimerait pas avoir à lui inculquer une nouvelle fois, et lui encore moins. Si Poséidon n'apprécierait pas forcément qu'il prenne de telles libertés vis-à-vis d'un de ses subalternes, il devait savoir que ce serait pour le mieux. Selon toute vraisemblance, tout du moins c'était à espérer, il s'agissait là d'une nouvelle recrue ; il ne devait pas avoir encore eu le temps de faire ses armes. Les Écailles et les Surplis avaient cela de semblable - bien qu'aucun des camps n'admette la comparaison - qu'elles insufflaient à leur porteur un niveau de combat à la hauteur de leur rang, leur évitant d'avoir à en passer par une longue formation.

Hélas, cela pouvait avoir parfois de fâcheuses conséquences sur leur comportement - comme une arrogance qui finirait par leur coûter la vie, ou un cruel manque d'étiquette. Thanatos osait espérer qu'aucun Spectre n'avait eu le malheur de se conduire de la sorte, sans quoi il devrait lui aussi se présenter à quelques cours de rattrapage. Et s'il n'était pas expert en éducation, le fils de Nyx tendait à croire qu'il s'y connaissait pour ce qui est d'incruster les choses en la mémoire. Sentant une pointe d'agressivité émaner d'Oblivion, il leva la main pour l'en dissuader ; ce qu'il venait de faire n'était qu'un coup de semonce. Bien qu'il apprécie sa vitesse de réaction, si elle devait intervenir directement, cela pourrait fort bien finir en échauffourée.

Le Souverain des Sept Mers n'était peut-être pas en situation de saisir le premier prétexte pour leur faire la guerre dans l'immédiat mais ne manquerait pas d'y remédier qu'il en aurait l'occasion. La gratitude était une notion toute relative chez les Olympiens - possiblement plus encore dans son cas.
Autant ne pas donner plus de cordes à son arc, ou de la poudre à son canon ; il avait déjà fait bien assez de dégâts. À l'heure de cet entretien, de nombreuses patrouilles devaient déjà ratisser le globe à sa recherche ; ne venait-il pas de devenir le plus grand génocidaire de l'histoire de l'humanité ? Il doutait que ce soit volontaire - c'eut été trop lui demander en terme de subtilité -, mais les Enfers étaient peut-être l'endroit le plus sûr qui soit pour lui en ce moment. Qui penserait à le poursuivre dans une autre dimension ?

Non que le frère de Zeus parût considérer l'humanité comme une menace. Bien qu'ils aient eu droit au même traitement trente ans auparavant, il ne semblait en avoir tiré aucun enseignement ; si c'était le cas, du moins n'était-ce en rien apparent. Ce qui pouvait toutefois se comprendre - qui se méfie de la colère des hommes, quand il a déclenché celle des dieux ? Poséidon avait voulu s'élever plus haut que les autres, et voici venir l'heure de sa chute. Et si, dans sa grande clairvoyance, le fils de Nyx ne l'avait pas vu venir, cela ne l'empêcherait pas d'être au premier rang.
Lui-même stupéfait par la tournure des événements, il ne put rien faire si ce n'est rester parfaitement immobile alors que Poséidon commençait à se tordre de douleur. S'il esquissait le moindre geste, ses bras armés - non que le sien propre ne le fut point - risquaient fort d'interpréter cela comme un signe d'agression. S'il ne doutait pas de pouvoir les inciter à revoir leur jugement, cela ne se ferait pas sans verser un peu de sang ; et s'il commençait, qui sait s'il pourrait s'arrêter ?

Ses yeux se plissèrent, non pas par crainte - il en faudrait plus pour briser son sang-froid - mais par défiance ; les dieux d'orient étaient plus mesquins qu'escompté. En dépit des égards avec lesquels il avait reçu Izanagi, le Dieu de la Mort ne l'aurait pas cru capable d'une telle perversion - avec ou sans le concours de sa tendre moitié. En s'attaquant à eux, le Dieu des Flots les avait poussé dans leurs derniers retranchements, et il n'avait pas fini de le regretter. Voilà pourquoi il est dangereux de s'en prendre un dieu même pour qui est dieu lui-même ; l'on ne sait jamais ce qui va arriver. Imbécile. N'est-ce pas pour ça que sont faits les chevaliers ?

Pour que, malgré la surprise et dans toute sa fierté, Poséidon en soit réduit à plier de la sorte devant lui, il devait être au bout de sa résilience ; pour faire montre d'un tel affolement, ses généraux ne devaient en rien l'ignorer. Son cosmos reflétait cet état de faits : s'il était déjà vacillant, il menaçait à présent d'exploser. La retraite était le meilleur choix ; si le nouveau héraut des Lyumnades avait de terribles lacunes pour ce qui est du savoir-vivre, il semblait avoir au moins compris cela. D'un geste de la main, Thanatos obligea les portes à s'ouvrir pour qu'ils n'aient pas à forcer le passage : chaque seconde pouvait compter.

— Partez, approuva le Dieu de la Mort en branlant du chef, ne laissant transparaître qu'une froideur de marbre. Le fait que le Kraken, en dépit de l'urgence, prît la peine de lui adresser quelques mots avant de s'en aller lui fit gravir des échelons dans son estime. Revenez quand vous le pourrez, dit-il à celui-ci en particulier. Il nous reste encore des choses à régler.

Si Poséidon ne pouvait être son interlocuteur, il semblait tout indiqué. Autrement plus instruit que son collègue - ce que le contraste ne faisait qu'amplifier -, le Général du Kraken faisait honneur à son rang, chose suffisamment rare pour être soulignée. Bien que ce ne fut qu'une première impression, il semblait suffisamment versé dans l'art de la diplomatie que pour en faire un interlocuteur digne de ce nom. Si (et seulement si) l'Empereur des Mers devait ne pas surmonter sa condition, c'est avec lui que leurs relations futures devraient se définir. Aussi, il parut de bon aloi de lui faire un cadeau.

— Prenez ceci avec vous, fit-il en levant la main. Les ténèbres se concentrèrent au creux de sa paume, jusqu'à laisser paraître une petite sphère de cristal sombre. Cela donnera à son âme un endroit où trouver refuge si son enveloppe devait périr. Gardez-la près de lui. N'ayez crainte, je n'ai pas apposé de sceaux.

Un instant plus tard, Hakon l'avait entre les doigts. Libre à lui de décider ce qu'il en ferait. S'il avait bien réagi en enfermant Poséidon dans la glace, cela ne leur permettrait guère que de gagner du temps. Aussi puissant qu'il soit, il n'y avait pas grand chose qu'il puisse faire pour contrer une malédiction. Peut-être reviendrait-il le voir pour conclure l'accord que son maître n'avait pas eu le temps d'accepter. Soldat loyal, ne ferait-il pas tout pour le sauver ? Pensif, Thanatos les regarda s'éloigner, s'en retournant pour sa part au siège qui l'attendait.

De nombreux Spectres cillaient encore en le voyant assis sur le trône, même s'ils le cachaient de leur mieux. Pandore, pourtant, ne s'en était pas privée ; en quoi aurait-il moins de droit qu'elle de s'y installer ? Peut-être parce que contrairement à la Dame des Enfers, ils sentaient qu'il était parti pour rester. Difficile de ne pas leur donner raison : le Sombre Monarque introuvable et lui aussi victime d'un maléfice, ils n'étaient pas près de le retrouver. Mieux valait qu'ils acceptent cette situation, dans leur propre intérêt.
Oblivion, quant à elle, semblait ne pas s'en inquiéter. Était-ce de n'avoir pas connu les Enfers sous le règne de leur souverain légitime, ou parce qu'elle lui était intégralement dévouée ? Après tout, il était celui qui l'avait accueillie dans leur funeste famille. Et Rogos et Wolgorn, qui l'avaient menée jusqu'à lui et l'entouraient encore à ce jour, semblaient se faire à l'idée du remplacement - ne fut-ce que parce qu'il ne durerait qu'un temps.

— Approche, fit-il calmement, lorgnant dans sa direction.

Il pouvait sentir d'ici sa frustration. Bien qu'il ne possède pas l'empathie d'autres divinités, il eut été difficile de ne pas le remarquer. Elle devait avoir relâché le masque qu'elle s'efforçait d'y appliquer, comme à elle autrefois, lorsque les Marinas étaient partis ; à sa propre façon, cela avait quelque chose de touchant. S'il était regrettable qu'il n'ait eu le temps de signer aucun contrat, Thanatos avait néanmoins su exploiter la diversion offerte par l'olympien. Avec un tel cosmos en effervescence, qui ferait attention au sien ? Il savait que Perséphone surveillait ses moindres faits et gestes - du moins s'y essayait-elle avec un succès limité -, mais même en y prêtant les sens, elle n'aurait pu relever qu'il manquait une partie de lui. Et c'était tout ce qu'il lui fallait pour faire quelque chose de très important. Ainsi, alors que son autre moitié arpentait les hauteurs du Sanctuaire, s'adressa-t-il à elle en ces mots :

— J'aimerais que tu fasses quelque chose pour moi.

Fin du RP pour moi.

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N'est pas mort ce qui à jamais dort, et au cours des siècles peut mourir même la Mort.