Saint Seiya
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Dolorès
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Un étranger intime. Cela fait bien une décennie qu’elle n’en avait plus eu aucune nouvelle. À vrai dire, Dolorès avait renoncé voilà longtemps à le retrouver, le retirant doucement de ses pensées. Le simple fait de songer à lui suffisait à réveiller ses démons du passé. Il incarnait sa déchéance. Bien sûr, il n’était responsable de rien, sinon d’avoir été élu et elle non. Du moins, le pensait-elle, jusqu’à ce que l’imprégnation la relève brusquement d’une destinée d’Oubliée. Apparue de nulle part en Grèce, là même où Akritès vivait. Quel étrange sentiment... Se rappeler de ses entraînement la rapprochait de lui. Des années plus tard, elle empruntait finalement le même parcours.

Oh, nul doute que son maître lui en avait fait voir d’autres. Casse cou qu’il était, son enseignement avait dû se faire dans la douleur... là où Akritès se révéla un maître plus spirituel. Élue ou pas, sa nature la positionnait aux antipodes de la violence. Ferait-elle une bonne combattante ? Certainement pas. Son utilité serait ailleurs, probablement. Son potentiel attendait de se révéler. Comme toujours, la Destinée s’amusait à la faire miroiter. Montant les escaliers, Dolorès fit en premier lieu la rencontre du chevalier du Bélier. Avec son accord, elle parvenait au prochain niveau, là où se trouvait son frère. Serait-il surpris ? Comment pourrait-il en être autrement ? Se doutait-il seulement de son sacrifice ? S’il savait... Une basse tentation dont il valait mieux se détacher.

Balayant l’environnement du regard, il lui était toujours étrange de fouler du pied le Sanctuaire. Trop longtemps piégée dans les bas quartiers de Los Angeles, il est difficile de concevoir l’un de ses enfants sur la terre des dieux. Arrivée au sommet des marches, la jeune femme cherchait Lesath du regard. Sa coiffe en forme de tête d’oiseau était le seul attribut visible de son armure, dissimulée sous son poncho verdâtre. La discrétion, voilà une caractéristique qui ne cesserait jamais de la définir. Toujours à observer le monde dans son ombre, à l’enfermer dans ses pensées pour découvrir une image abstraite. L’image présente... Celle d’un homme arrivé au bout de sa destinée.

-Lesath... Je vois que tu y es arrivé. Tu te souviens de moi ?

Une question ce qu’il y avait de plus spontané. La sagesse... Quelle sagesse quand la première parole enferme le poison de l’abandon ? Son visage placide peut bien jeter le voile sur ses arrières-pensées, elles n’en demeurent pas moins présentes. S’en rendant compte, la Chouette esquissa un léger sourire. N’était-elle pas venue chercher des retrouvailles ? Celles-là en appellent à la joie, non aux ressentiments.
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Lesath
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Cela faisait désormais quelques heures qu’il avait dépassé le temple du bélier et qu’il avait amorcé l’escalade des marches, qu’il les avait grimpé deux par deux se demandant si elles étaient infinies, qu’il avait traversé un certain nombre de temples étrangement aussi disparates que semblables pour les profanes, qu’il avait atteint le sien, toujours en pied. Cela faisait quelques heures aussi qu’il avait senti cette aura, provenant d’un passé qu’il pensait avoir enterré. Et cela faisait évidemment quelques heures qu’il s’était assis en tailleurs, le dos nu posé contre une colonne de son nouveau logement.

Son torse, comme toujours, le faisait souffrir. Les arabesques d’encre avaient beau dissimuler la blessure, il était illusoire de penser qu’elles en étouffaient la douleur, ne serait-ce qu’un tout petit peu. Quelques mois auparavant, alors qu’il ne portait pas l’armure, la solution aurait été simple. Il se serait injecté du poison dans le bras, ou aurait gobé une pastille ou deux, et se serait laissé aller à ce plaisir coupable qu’était la torpeur. Mais il avait décidé d’essayer de passer la page.

La pierre dans son dos était froide, mais ce n’était rien comparé à certains hivers qu’il avait pu connaître. Au contraire de l’hiver, cette fraicheur était bienvenue, baissant un peu la température de son corps. Il n’était pas fiévreux, oh non. Il était chaleur. Le poison qu’il avait eu dans les veines avait eu de nombreuses conséquences. Quelques tremblements, mais aussi une certaine tendance à dépasser les trente-huit degrés Celsius. Une sorte de fièvre constante, si vous me permettez.

Et c’était dos à cette pierre qu’il attendait qu’elle arrive, car elle arriverait. Il sentait son cosmos s’approcher, lentement mais surement. Combien de temps cela faisait qu’il ne l’avait pas vue ? Il était incapable de le dire. Compter les années, pour être honnête, semblait inopportun. Il balaya la honte comme d’un revers de la main, ce sentiment serait pour plus tard, mais pas pour l’instant.

Lorsqu’elle passa la porte de son temple, il la regarda, quelques instants, depuis le seuil de sa colonne. Il n’aurait pas pu la reconnaitre – autrement que par son aura, il en va sans dire - et pourtant il y avait un air qui ne mentait pas. Il s’agissait bien d’elle.

« Bonjour Dolorès. » Souffla-t-il doucement, prenant appui sur ses genoux, pour se relever, lentement. On disait que les constellations les choisissaient avec leurs propres critères. Le Scorpion était sans doute une allégorie un peu trop claire à son goût. Sa coiffe trahissait légèrement celle de la jeune femme, même si l’ibère n’était pas réellement doué en ornithologie. S’agissait-il de la Colombe, du Corbeau ou de la Chouette ? Il n’en savait rien. « Il semblerait que tu y sois parvenu aussi. » Ajouta-t-il maladroitement.

Les rapports humains n’avaient jamais été son fort, clairement, et il avait eu beau avoir plusieurs heures pour spéculer sur ce qu’il allait bien pouvoir lui dire, il avait perdu tout ce qu’il avait préparé.

Après tout, ce n’était pas tous les jours que l’on retrouvait sa sœur.
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Dolorès
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Des retrouvailles bien éloignées du mélodrame qui aurait pu accoucher de leur histoire passée. Non, Lesath et Dolorès étaient fidèles à eux-mêmes, dans la retenue. Encore que la chouette avait en tête une image moins édulcorée de son frère. Lui aussi avait dû en baver, loin d’une vie épanouissante. Car il fallait bien l’admettre, rejoindre le Sanctuaire, c’est consacrer sa vie pour une Cause supérieure à toute autre. Qu’elle prenne le temps de l’observer, et ses arrières-pensées de tantôt se dissipaient déjà.

-J’en suis la première surprise. Notre déesse a attendu longtemps pour m’appeler à elle. Akritès ne m’a appris que les bases… mais il me faut bien admettre que je ne connais pas grand-chose de cet autre monde. Jusque là, j’ai été habituée à une vie plus… terre à terre.

S’avançant vers son frère de quelques pas, son regard observait les différents éléments composant le sanctuaire du scorpion. Oui, il n’y a pas à dire, ce lieu en impose bien plus que tout ce qui lui a été donné de voir jusqu’à présent. De quoi faire vibrer l’âme de ses défenseurs. Plus que quiconque, les chevaliers d’or doivent se sentir appartenir à ce monde.

-Dis moi, c’est sympa par chez toi. Même si je dois bien dire que ça manque d’un barbecue ou autre. C’est que... ce n’est pas très convivial par ici. Tu ne dois pas souvent recevoir de visiteurs, je me trompe ?

Arrivée au niveau de Lesath, Dolorès voyait avec un certain amusement l’idée de faire griller un peu de barbaque en un endroit aussi sacré. Était-ce là chose contradictoire avec la mission divine d’Athéna ? Après tout, qu’est-ce qui réunit mieux les gens que des côtes levées trempées de sauce Teriyaki sur le grill ? Ça, et une bonne bière. Enfin, à défaut de se remplir la panse, la jeune femme pouvait au moins espérer désamorcer cette étrange tension au commencement de leur conversation.
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Il rajusta son haut à carreaux violets et verts et se redressa finalement de toute sa stature, faisant craquer quelques peu son dos par cette même action. Son pantalon – ou plutôt son long pantacourt – orange jurait une fois de plus avec le reste de son accoutrement, mais qu’y pouvait-il ? On ne luttait pas contre les vieilles habitudes. Quelques années plus tôt, il avait compris qu’inspirer le rire était plus utile qu’inspirer la peur, ou la peine. Ses tenues étaient son habit de clown triste.

Il repensa aux premières paroles prononcées par sa sœur et aquiesca une fois de plus. « Je vois très bien ce que tu veux dire. Un peu trop pour être honnête. Je viens d’arriver en réalité. Je n’ai pas vraiment eu le temps de … Hmm… De ranger ? » Il avait attendu presque dix ans à patienter que l’autre cuirasse dorée accepte de le tolérer. Dix ans de peine qu’il avait méritée. Se retrouver dans ces nouveaux habits lui semblait … étrange, principalement. Mais il devait s’y faire. Ils devaient s’y faire tous les deux d’ailleurs.

« Et je n’ai en général pas trop l’habitude de la compagnie, de surcroît. Qui est cet Akritès ? » Continua-t-il, curieux. Un peu trop ? Il avait traversé ces dernières années croisant de-ci de-là certaines personnes, mais il n’avait eu, au final, personne de bout en bout. Ce n’était pas plus mal, après tout. S’il avait dû la partager …

Alors qu’elle parlait de la décoration, l’Espagnol eut comme une révélation. La jeune femme devait avoir aussi faim et soif que lui. Il leva un index, non pour interrompre sa puînée, mais plutôt pour lui dire de continuer, pendant que lui allait œuvrer à … une autre tâche dirons-nous. Il profita tout de même d’une pause dans son récit pour souffler quelques mots. « Je te proposerais bien un … truc. Laisse-moi vérifier. »

Passant rapidement dans la salle d’à côté, qu’il avait identifié comme une cuisine, ou quelque chose dans le genre, il se rendit compte que la tâche serait peut-être plus ardue que prévue. Passant l’index sur le présentoir devant lui, il comprit vite que la poussière était sans doute la seule nourriture qu’il risquait d’y trouver. Quelle chance. Heureusement, il n’en était pas de même pour la boisson. Poussant une porte il eut la chance de tomber nez à nez avec une belle série d’amphores. Décidemment, ce temple était un vrai bazar, dans le bon sens du terme. Il souleva la première, de la taille d’une petite bouteille, et réapparut dans la salle principale cette dernière sous le bras.

« J’ai pas trouvé mieux, désolé. » Dit-il avec une légère moue. D’un coup sec il fit sauter la cire qui bloquait le liège, et proposa le récipient à son invitée avant de se reprendre. Et si ce n’était plus buvable ? Encore une fois il leva son index, et goutta une gorgée du liquide. Il s’agissait d’une sorte de vin au miel. Douçâtre. Franchement pas terrible.

« Hmm. Ce n’est franchement pas délicieux, mais honnêtement je vois pas ce que je pourrais te proposer de mieux, si ça te dit… » Lui dit-il en tendant la bouteille en même temps.

« Tu viens … de … heu … loin ? » Ajouta-t-il en se grattant le menton.

C’était assez moisi comme question, pour sûr. Elle venait au moins d’en bas des escaliers, et vu la grimpette, c’était déjà pas mal.
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À l’évidence, Lesath n’avait pas rompu avec son héritage d’humain, comme en témoignait son accoutrement. Le genre à ne pas se prendre la tête, et à ne pas se perdre dans l’étiquette. Tant mieux, parce qu’elle n’aurait probablement pas supporter ce comportement chez lui. Quant à elle, l’unique trace qui indiçait son passé se trouvait être une petite colombe blanche prenant son envol, tatouée en bas de son œil gauche.

Avec une certaine surprise, il lui apprenait être arrivé assez récemment. Étrange, elle s’était toujours imaginé qu’il aurait rapidement trouvé sa place. Un brin de réflexion et… oui, rien de bien étonnant au fond. Quand bien même Lesath avait toujours eu en lui ce potentiel, il n’en demeurait pas moins un marginal parmi les élus. Un type bien digne d’être son frère, tiens. À la mention d’Akritès, elle lui répondait.

« Rien de moins que mon maître. Lorsque le regard d’Athéna s’est posé sur moi, je suis passée des murs aseptisés de l’hôpital au ciel clair découvrant le Mont Athos en Grèce. Tu finiras bien par le croiser. Il protège le sanctuaire du Poisson. »


Son regard s’éclairait un peu plus tandis que son grand frère se rendait dans ses quartiers, visiblement réceptif à son invitation. Curieuse impression que cela… d’arriver comme une étrangère, pour retrouver cette familiarité bonne à la rendre nostalgique. Était-ce le bon vieux temps ? Cela n’y ressemblait en rien, mais le nouveau tournant que prenait leur relation lui plaisait bien. Alors qu’il lui tendait sa coupe de vin, c’est avec un sourire franc que Dolorès l’acceptait. Le portant aux lèvres, elle en savourait le goût… que l’on pourrait trouver mitigé si on n’était pas habitué à des alcools bons marchés que les épiceries délabrées des bas quartiers avaient à servir aux oubliés de ce monde.

« Il est à mon goût. Oui… cela fera parfaitement l’affaire. »


Un œil vers son compagnon de beuverie, la jeune femme voyait avec un certain amusement l’attitude de ce chevalier d’or à son adresse… comme si les rôles s’étaient inversés. Une gêne qui ne manquait pas de l’attendrir.

« De loin ? Oh oui… J’ai été transférée à Los Angeles après ton départ. Je m’y suis trouvé une nouvelle famille. Il n’en reste plus grand monde, à vrai dire. »


Une grimace.

« Oui, ce n’était pas la folie… Je ne vois pas trop comment en parler sans miner l’ambiance. Cela a été ma vie. Je m’étais fait une raison. Et maintenant, je suis là, avec toi, à goûter au nectar des dieux. Le Destin ne manque pas d’ironie. »


S’efforçant de ne pas tomber dans le pathos, Dolorès gardait un léger sourire, comme déballant de lointains souvenirs à présent désincarnés, hors d’elle.

« Mais toi, dis moi… tu dis être comme moi ? Un petit bleu ? Il s’est passé quelque chose entre-temps ? »
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Lesath
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Lesath hocha la tête plusieurs fois. Il mémorisa le nom du chevalier. Après tout, s’il s’agissait du maître de Dolorès, il serait sans doute amené à le cotoyer, d’une façon ou d’une autre. « Akritès du Poisson donc. Fort bien, je tacherai de m’en souvenir. » Après Azir et Sorata, il connaissait désormais le nom d’un autre chevalier. Il avait déjà oublié combien ils étaient parmi les douze… Cinq ? Sept ? Il passa à autre chose ramenant la coupe à sa bouche. Ce n’était vraiment pas terrible quand même, mais cet alcool avait le mérite d’être disponible, ce qui n’était, au final, pas rien.
« C’n’est pas le pire que j’ai bu, on va dire. »

L’Espagne avait des bons vins, mais aussi la mauvaise coutume de les couper avec à peu près n’importe quoi. Des fruits pour faire de la sangria, de la Casera (sorte de limonade moins sucrée) pour du Tinto de Verano, voire du Coca pour en tirer le honteux, mais oh combien passe partout kalimotxo. Tout ça pour dire qu’il avait bu de la piquette plus que de raison. Et cet alcool, sans entrer dans son trio de tête des plus mauvais, n’en était pas forcément bien loin.

Il écoutait les paroles de sa sœur lorsque Lesath leva les yeux quelques instants et soupesa la possibilité de lui raconter son histoire. Il oublia immédiatement cette idée, comme si elle n’avait jamais existé. Ce n’était ni le lieu, ni le moment de tomber dans un récit pathétique. Encore une fois, il repoussait cette discussion – aussi désirée qu’elle serait agréable – à un moment plus … opportun. Jamais, si cela était possible, même si le Scorpion se doutait que ce n’était pas non plus souhaitable.

« J’ai eu mon lot de déconvenues, et je suppose que comme moi, tu as un fardeau à porter. » Si le sien était de l’ordre physique, via cette douleur insoutenable qui le prenait un jour oui et le suivant, aussi, peut-être que celui de sa sœur était différent. Peut-être pas. Il lui souhaitait, toutefois. Certaines douleurs étaient plus simples à porter lorsqu’elles n’étaient plus l’apanage d’une simple personne, mais d’autres ne pouvaient être partagées.

« On ne devient pas l’équivalent de surhommes sans devoir en payer le prix, d’une façon ou d’une autre, je suppose. » Ajouta-t-il en haussant les épaules. Il n’y accordait au final que peu d’importance. Il n’avait pas spécialement envie de partir dans ce genre de discussions, encore moins lors de retrouvailles qui se voulaient un tant soit peu sympathiques.

Il regarda sa sœur quelques secondes, puis son propre verre, une poignée de plus. Il était aussi mauvais que possible en communication, et ses maigres échanges avec d’autres êtres ces dernières années n’avaient pas dû l’aider à s’améliorer sur cette facette de sa personnalité.

« Les Etats-Unis alors ? Je suppose que tu ne parles pas du village à côté de Segovia. Le fameux American dream ? Vu ta tête, il doit avoir la même gueule que ce picrate. Putain, j’en peux plus de ce truc, il me faut un peu d’eau. » L’Espagnol laissa sa sœur reprendre le contrôle de la conversation, si elle le souhaitait, alors qu’il se levait pour chercher une cruche d’eau fraîche. Cette dernière au moins, ne risquait pas de le faire tourner de l’œil…

[Direction : Arène]
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