New york – Quelque part dans le Bronx

- « Holy shit, c’est quoi ce bordel Joe ! Tu te rends compte que ça n’arrange pas nos affaires ! Qu’est ce que je vais dire aux Boss ? », hurla au téléphone le contrebandier italien.

- « Bon, je prends le prochain avion. On se retrouve à la planque de Miami. Faut qu’on mette la main sur le fumier qui a fait ça avant les flics. On va le cuisiner comme il faut… », ordonna-t-il avec énervement.

Soixantenaire, Vincenzo, « Vinz’ » comme l’appelaient ses subalternes, était dans le business depuis plus d’une trentaine d’années. De la vieille école, il connaissait parfaitement les ficelles du métier et savait pertinemment que ses employeurs exigeraient des réponses. Il devait tout mettre en œuvre pour satisfaire la curiosité de ces derniers, surtout quand ils apprendront que la dîme sera moins juteuse suite au décès d’un des plus importants clients du petit groupe. Vinz’ ne doutait pas un seul instant que la diversification des activités amortirait la perte, mais quand même, on parlait ici d’un marché tout sauf anodin de plusieurs millions de dollars, il ne s’agissait pas de quelques pièces jaunes…

- « Tonio, tu viens avec moi. Transmets un message crypté à qui tu sais pour avertir de la situation. », donna pour consigne le vieil homme.

HRP:

Les deux guerrières faisaient connaissance au lieu du rendez-vous, enfin le lieu de ramassage pour être plus précis.
Une vieille astuce de l’âge d’or des familles…

Un coursier se présenta à l’endroit et à l’heure précise indiqués sur le pli. Bien que la demande eût pu être qualifiée de peu conventionnelle, la société de livraison marquait un point d’honneur à satisfaire les moindres exigences de ses clients. Parfois des stars, parfois des politiciens, ou encore des hommes d’affaire en vacances, l’originalité ne représentait en aucune façon une tare à Miami, bien au contraire au regard du business apporté par tout ce beau monde.

- « Pardonnez-moi Mesdemoiselles. », interpella timidement le jeune stagiaire.

- « J’ai une enveloppe pour vous – signez là s’il vous plait. », demanda-t-il gentiment en tendant à la fois le courrier et son registre.

Une fois les formalités remplies, le vacataire récupéra son vélo à l’extérieur, puis reprit sa route pour sa prochaine livraison.
A l’intérieur de l’enveloppe, un petit carton bristol sur lequel étaient inscrits les quelques mots suivants :

RDV sur le parking dans deux minutes.
Mot de passe : ‘audaces fortuna juvat ’.

Tonio tira une taffe sur sa cigarette, juste avant de consulter sa montre. Les « invités » n’allaient pas tarder à se montrer – il se demandait à quoi pouvait bien ressembler les envoyés des commanditaires de son patron. Costume italien trois pièces sur mesure de couleur grise au reflets métallisés, le trentenaire était plutôt beau garçon et bien bâti, comme tout bon homme de main qui se respectait. Cheveux noir de jais gominés, lunettes de soleil de luxe à la mode, le bellâtre portait un holster caché sous sa veste, un Beretta semi-automatique inséré dans le cuir épais de l’accessoire.

La Chevrolet CRUZE n’attendait plus que les belles pour les mener à la planque de leur hôte…

Les deux colis se présentaient pile à l’heure. Tonio s’attendait à deux molosses à la mine patibulaire - il n’en fut donc que des plus agréablement surpris en apercevant les deux jolies demoiselles. Toutes les deux affichaient un style totalement différent mais n’en étaient pas moins charmantes.

- « Bonjour Mesdames ! Tonio pour vous servir et je viens à peine d’arriver. », annonça le bel italien en réponse au mot de passe et à la question de l’européenne.

- « Votre carrosse est avancé ; le boss nous attend à la planque. », ajouta-t-il en ouvrant une des portes arrière de la berline à ses passagères.

La voiture roula une trentaine de minutes en direction du centre-ville, avant de s’engager dans les ruelles du quartier historique. Le chauffeur gara finalement le véhicule et invita ses invitées à le suivre.

…/…

Famiglia Bertolino. Le restaurant avait ouvert ses portes au début du XXème siècle, à l’époque de la grande gloire du banditisme organisé américain et peu avant la prohibition. Les premiers propriétaires avaient anticipé cette période faste pour la contrebande d’alcool, aménageant un second sous-sol secret sous la cave de l’établissement.  Tables de jeu et bar clandestin, accès dérobés permettant les allées et venues discrètes, cet endroit charmant n’avait jamais été localisé par les forces de répression d’alors et s’était transmis de générations en générations au sein de la Famille…

- « Mesdemoiselles, je vous souhaite la bienvenue dans notre humble établissement. Peut-être avez-vous envie de vous restaurer ou de vous rafraîchir ? Faites-le moi savoir ; les plats italiens de la mamma Bertolino sont les plus fameux de toute la côte est. », prononça le vieil homme en guise d’accueil.

Outre Tonio, « Vinz’ » était entouré par deux homme de main locaux, beaucoup moins agréables esthétiquement que son propre acolyte, mais non moins loyaux et efficaces. « Lou » était un ancien boxeur, pas très intelligent mais cognant dur, alors que « Nino » était plus cérébral en apparence, sauf qu’il avait une fâcheuse tendance à péter les plombs lorsqu’il avait une batte de base-ball dans les mains…

- « Où sont donc passées mes bonnes manières… Je me nomme Vincenzo, vous pouvez néanmoins m’appeler Vinz’. », ajouta le contrebandier en souriant.

L’enthousiasme de la rouquine faisait plaisir à voir. Si son appétit était du même acabit, la maîtresse de cuisine serait aux anges. Rien de mieux pour sceller une amitié qu’un partage culturel et par la même occasion une panse bien remplie.

- « Bien sûr, on va t’apporter ça ma belle. », approuva Vincenzo en claquant deux fois des doigts en guise de consigne pour ses acolytes.

- « Si je peux, je te conseille la fameuse ‘calzone de la Mamma’. Une pâte chausson bien croustillante, garnie entre autres choses d’une farce spéciale à base de hachis de bœuf mariné dans une sauce spéciale à base d’huile d’olive, de citron et autres épices dont la Mamma a le secret. Accompagnée d’un petit vin rosé napolitain, c’est le must have pour un repas à la fois succulent et consistant ! Un petit tiramisu maison pour terminer sur une note sucrée et c’est le paradis… », suggéra le contrebandier à la jolie demoiselle.

Il fronça les sourcils en entendant les récriminations à peine voilées de l’asiatique. L’impatience était si typique des jeunes… Elle devait être très certainement l’intello du groupe et pourtant elle n’était qu’un pion sur l’échiquier des puissances, comme la plupart dans cette pièce.

- « Ecoute petite, tu devrais prendre le temps de te restaurer un peu, ne serait-ce que pour rendre honneur à la cuisine de la Mamma. Elle risque d’être triste si tu ne goûtes pas à sa cuisine ; et après c’est moi qui me la coltine à la maison… Rends-moi service et choisis au moins une salade s’il te plait. Tu ne vas tout de même pas priver ta jolie partenaire d’un bon repas n’est-ce pas ? Tu devrais prendre exemple sur elle. », déclama le vieil homme en fixant fermement la chinoise.

- « Sinon, pour répondre à tes interrogations, j’ai reçu une enveloppe plus tôt dans la journée avec des instructions pour récupérer une équipe à l’aéroport. Si un certain mot de passe n’était pas prononcé : PAN ! PAN ! Dans le cas contraire, vous étiez les envoyées de qui vous savez. On dirait bien que des personnes ont organisé dans les moindres détails cette entrevue… », ajouta-t-il à l’attention de la plus sceptique des demoiselles.

- « Pour l’heure, nous allons juste attendre le début de la soirée. Nous avons graissé la patte à un indic bien placé dans la police locale. Une copie du rapport d’enquête nous sera remise en toute discrétion. Au fait, vous savez de quoi il retourne ou il faut tout vous expliquer depuis le début ? », conclut Vincenzo alors qu’un des subalternes revenait avec des cartes du restaurant et un plateau de rafraîchissements et autres amuse-bouches.

C’était décidé, les filles auraient le droit à au bon repas de la Mamma.

- « Nino, va commander une calzone pour la petite. Ramène aussi une bonne bouteille de rosé, cuvée spéciale ça va sans dire. Pour l’autre, une salade napolitaine fera l’affaire, je sens qu’elle n’est pas du genre à manger trop chargé. », ordonna l’homme âgé à son acolyte.

- « Ne vous inquiétez pas Mademoiselle Rosescu, vous pourrez manger autre chose si vous avez encore faim. C’est la maison qui régale bien entendu. », ajouta-t-il en souriant à la rouquine de service.

A la limite de la condescendance, Les remarques successives de la chinoise commençaient à agacer quelque peu le contrebandier.

Encore une qui n’a pas encore vu le loup et croit tout savoir de la vie…

Typique des élites, quels que soient les domaines dans lesquels elles exerçaient leur suprématie.

- « Vous avez raison, nous ne serions sans doute pas ici à converser ou à partager un moment de convivialité à l’italienne. Mais dans ce cas, vous seriez en ville sans la moindre attache avec l’affaire et vos pouvoirs, aussi puissants puissent-ils être, ne vous serez alors d’aucune utilité sans le moindre point de contact ou début de piste. », exposa Vinz’ sans détour.

- « C’est bien pour ça que des gens comme vous et des gens comme nous sommes en affaire. Pour vous donner un ancrage dans la réalité, un semblant d’influence dans un monde qui vous échappe totalement. En réalité, vous avez autant besoin de nous, que nous de vous. N’oubliez jamais cette vérité, jeune fille ! », conseilla-t-il ensuite sur un ton paternel moralisateur.

Ne souhaitant jeter plus d’huile que nécessaire sur le feu, l’italien changea rapidement de sujet pour revenir à la raison principale de cette réunion clandestine.

- « Effectivement, Monsieur Ethan CREST était un des notables les plus estimés de la ville de Miami, ainsi qu’un grand manitou de la presse écrite et audio-visuelle de l’Etat de Floride. Comme tout homme de son acabit, ce dernier n’était pas blanc comme neige, même si les politiques locaux préféraient fermer les yeux en contrepartie directe ou indirecte de son influence et bien évidemment de son argent. Vous savez déjà qu’il était en affaire avec une certaine société qu’il aidait à se développer, en influant notamment sur sa popularité auprès de l’opinion publique. Mais saviez-vous également que Monsieur Ethan CREST était également en affaire avec nous pour se porter acquéreur d'œuvres d’art au marché noir ? », expliqua-t-il en réplique aux éléments avancés par les deux jeunes femmes.

- « Qu’il soit grand amateur d’art ou trafiquant de haut-vol, peu importe au final : il nous rapportait des millions et des millions de dollars par an. Quand je dis « nous », il s’agit bien de notre petite entreprise locale et de votre organisation. Nous sommes tous perdants dans l’histoire… », ajouta-t-il en fronçant les sourcils.

- « Nous devons donc retrouver les salopards qui s’en sont pris à notre poule aux œufs d’or, afin de comprendre les raisons de cet acte et en profiter pour faire passer un message fort à qui de droit. », conclut-il enfin alors que les plats arrivaient.

Une agréable odeur de pâte chaude et de fromage fondu emplissait l’air. Bon appétit bien sûr !

Les premières impressions du chef de famille étaient confirmées : la slave était bien l’abrutie de la bande, le gros bras qui exécute sans réfléchir, voire qui fait preuve de zèle sans réfléchir un instant aux conséquences de ses actes. Croire que la force était la réponse à toutes les situations représentait un vilain défaut de la jeunesse. Comme si c’était la première fois que sa vie était menacée… Quelle différence au final entre la force physique brute d’un éveillé et un pistolet pointé sur la tempe ?

Bien que la situation étant particulièrement désagréable, Vincenzo conserva son self-control d’une manière tout à fait remarquable, relâchant tous ses muscles pour amoindrir le plus possible la douleur engendrée par les actions de la renégate, tout en faisant un signe de la main à son bras droit pour qu’il empêche les deux autres acolytes de faire n’importe et par la même envenimer une situation déjà suffisamment explosive. Après tout, nous parlons ici de celui que l’avant-dernier Don avait surnommé « le crotale », tant pour son sang froid légendaire en toute situation que pour ses capacités très particulières concernant la confection et l’usage de poisons de toutes sortes. Très méticuleux, le jeune homme d’alors étudiait ses victimes pendant des jours, des semaines, voire des mois, afin de récupérer le plus de données possibles sur les habitudes, l’état de santé, les hobbies, les pêchés mignons de ces dernières, avant de confectionner la toxine spécifique qui serait efficace à 100% d’une manière foudroyante ou au contraire à retardement. Puis le dernier Don avait ensuite pris la succession, optant également pour des activités moins dangereuses et tout aussi lucratives, si ce n’était plus : la contrebande dans des secteurs boudés, comme l’art ou encore les animaux exotiques.

A la fin de la petite scène musclée, le vieil homme prit le temps nécessaire pour arranger son apparence vestimentaire et soulager ses muscles endoloris. L’heure n’était pas au conflit.

- « Si je vous ai offensées, je vous prie de m’excuser Mesdemoiselles. Telle n’était pas mon intention. », implora-t-il en ravalant pour la bonne cause sa fierté masculine.

La chinoise semblait quant à elle beaucoup plus posée et réfléchie que sa sanguine acolyte. L’affaire apparaissait être pour elle une priorité plus importante que quelques egos à défendre ou à flatter. C’était une bonne chose…

- « J’imagine bien que Monsieur Crest, au regard de ses moyens financiers très confortables, devait disposer de plusieurs fournisseurs, peut-être même à l’international. Pour notre part, nous fournissions à ce client privilégié principalement des œuvres ou objets de l’époque romaine, ainsi que de la renaissance florentine. Nous étions en affaire depuis plusieurs années avec ce Monsieur, avec une fréquence variant de deux à quatre transactions par an. », exposa l’italien à ses invitées.

- « Quant à sa dernière acquisition par notre biais, elle date de six mois environ : un casque en bon état ayant vraisemblablement appartenu, selon les expertises, à un centurion de l’armée de Scipion. », poursuivit-il.

Après le malheureux intermède, les tout aussi belles que dangereuses renégates se décidèrent enfin à goûter aux plats de la Mamma. La cuisine passionnée avait meilleur goût d’après les plus fins gourmets ; sans être de la haute gastronomie, la cuisine traditionnelle napolitaine de la première Dame des lieux émoustillait sans peine les papilles les plus difficiles de la clientèle locale. Vincenzo n’était pas peu fier de la réputation de sa chère et tendre épouse, même si leur entente n’était pas au beau fixe, peut-être en raison du travail d’un mari qui le retenait plus que de raison à New-York.

- « Effectivement, les siciliens ont subi un lourd revers comme vous le savez pertinemment, ce qui nous a permis, à nous autres napolitains, de nous affirmer et prospérer comme jamais sous le couvert de notre collaboration. Notre activité a été choisie avec soin, un terrain sur lequel la concurrence est plutôt faible, ainsi que les risques plus modérés à tous les niveaux. Une vengeance sicilienne demeure possible, même si pour ma part je pense comme vous, à savoir que les survivants n’auraient pas été assez stupides pour signer leur propre arrêt de mort de la sorte… Dans le cas contraire, il eut fallu que ces derniers aient eu connaissance des liens entre le mort et nous, ainsi qu’entre nous et vous. Ça fait beaucoup de conditions. », argumenta le vieil homme en se massant le menton du bout des doigts de la main droite.

- « Comme tout homme puissant qu’il était, Ethan Crest a tout aussi bien pu être victime de sa propre ambition. Dans ce cas, il s’agirait peut-être d’une vengeance, mais pour des raisons plus personnelles que notre association. Ou alors, une organisation rivale essaie de prendre le contrôle sur la ville, en réduisant au maximum les sources de revenus de la concurrence… Ou encore notre pauvre bougre serait tombé sur un malfrat en voulant à ses biens et son argent… », continua-t-il en fronçant les sourcils.

Un homme de la trempe d’Ethan Crest devait disposer des meilleurs systèmes de sécurité et gardes du corps de la ville, si ce n’était du pays. La dernière option ne semblait pas la plus probante, quoiqu’il ne serait pas judicieux de sous-estimer certains cambrioleurs de haut-vol capables de pénétrer dans des lieux aussi bien protégés que Fort Knox.

- « Pour en revenir à la dernière acquisition au profit de notre homme, il s’agissait d’une transaction d’acquisition des plus classiques. Nous avons conclu affaire avec l’ancien possesseur du casque, un riche industriel turque, dirons-nous. Devant l’attachement un peu trop excessif du Monsieur, nous avons dû nous montrer très convaincants, accroissant à l’occasion nos parts respectives – je doute fort que notre étranger soit en cause dans cette affaire car Monsieur Crest n’a lésiné devant aucun moyen pour se porter propriétaire ce vestige antique, si vous voyez ce que je veux dire. », raconta le plus naturellement du monde le contrebandier.

Les tergiversations continueraient encore jusqu’au début de la soirée. Pour les gourmandes, un copieux goûter sucré aura été servi.

…/…

Le portable de Tonio se mit à vibrer à 20h00 précises. Le bel italien consulta un SMS, avant de se lever et de monter à l’étage. Quelques minutes plus tard, il redescendit avec une épaisse enveloppe dans les mains.

- « C’était notre indic’ Patron, il a remis ça pour vous. », annonça l’homme de main en déposant le colis sur la table.

Vincenzo ouvrit délicatement le pli, extirpa son contenu et en pris connaissance en premier. Puis, il déposa au fur et à mesure quelques photos, ainsi que plusieurs documents à la vue de toutes et tous.

- « Bon, je vous fais un résumé du dossier de l’affaire : Ethan est mort entre 3h ou 4h du mat’ par asphyxie, étranglé par des lanières, comme le montre les marques sur son cou sur les deux photos là. Aucune trace de lutte ou d’effraction apparemment, pas de traces tout court en fait d’après le rapport que j’ai sous les yeux. Et enfin, d’après les investigations, il manquerait un seul objet dans la collection de Monsieur Crest : le collier égyptien de la photo ici. Pas plus d’infos pour l’instant apparemment, à part qu’Interpol aurait été mis au parfum… », décrit l’hôte des lieux.

- « Bien, finalement peut-être que la cupidité revient sur le devant de la scène. A moins que ce ne soit que de la poudre aux yeux… Toujours est-il que je connais qu’une seule personne à Miami dont le mode opératoire d’exécution est la strangulation : Pitbull, le chef de la milice albanaise. Une raclure de merde qui fait dans la drogue et la pute de luxe pour gros nababs friqués et vicelards à souhait de ce beau paradis de la côte est. », renchérit le sexagénaire avec de la colère dans le ton.

- « Hé Boss, c’est pas ce gros bâtard qui a mis le grappin sur la petite Paloma ? », questionna le malabar sans cervelle de la bande.

Avant que le boxeur n’ait eu le temps de réagir ou d’enchaîner avec une autre phrase inutile, Tonio lui dégaina un puissant coup de genou dans les valseuses. Le maître des lieux lui fit un signe de la main pour stopper cette altercation inutile.

- « Ce fils de personne a causé la mort d’une jeune italienne de 16 ans. Elle venait aider Mamma de temps en temps durant les vacances d’été. On n’a jamais rien pu prouver et on n’a pas la force nécessaire pour attaquer les albanais en frontal… Mais vous Mesdemoiselles, ça vous dirait de faire d’une pierre deux coups ? Recueillir des informations et punir des salopards de pédophiles, ça ne se refuse pas n’est-ce pas ? », proposa sans aucun ménagement le chef de famille.

HRP:

L’atmosphère était redescendue à un niveau normal. Les malfrats italiens et les deux envoyées de l’ordre noir échangeaient différents points de vue sur les pièces du dossier. Au fur et à mesure que le chef de famille y réfléchissait, il lui paraissait de plus en plus improbable que l’un de ses rivaux soit impliqué dans cette affaire. Des gens friqués comme Ethan Crest faisaient vivre à eux seuls tout un panel de gens peu recommandable, que ce soit dans les girons de la drogue, de la prostitution de luxe, de la contrebande de haut niveau ou encore par le biais de services plus ou moins honnêtes (chantage, menace et plus si affinité). En un mot, Miami représentait un paradis pour tout criminel qui se respectait, lesquels se seraient tirés une balle dans le pied en éliminant une poule aux œufs d’or. Néanmoins, les circonstances étaient troublantes et aucune piste ne devait être négligée, surtout quand la piste en question se faisait appeler « Pitbull ».

- « Mesdemoiselles, nous avons justement une opportunité demain soir. L’albanais et ses lieutenants ont pour habitude de se réunir tous les vendredis soirs dans des bains chauds pour hommes leur appartenant. Bien que sérieusement gardé, pour des expertes de votre trempe cet endroit est le plus opportun afin d’approcher Pitbull et son état-major pour leur soutirer les informations nécessaires sur leur éventuelle implication dans notre affaire. », expliqua le vieil homme, tout en fouillant dans un tiroir de la table pour y extirper une carte de la ville.

Sur le plan, plusieurs quartiers étaient entourés d’un cercle au feutre rouge, alors que certains endroits étaient marqués d’une croix rouge ou encore annotés. Le napolitain pointa du doigt un lieu dans les quartiers extérieurs du sud de la ville.

- « C’est ici que se rassemblent les albanais. Le rez-de-chaussée comporte surtout des bureaux, l’étage des chambres pour les clients de passage, si vous voyez ce que je veux dire, et enfin le sous-sol comprend les vestiaires, ainsi que les thermes pour messieurs. Vous vous doutez bien que le vendredi soir est privatif : il sera donc improbable de rencontrer des clients lambda - hormis quelques filles infortunées peut-être présentes pour l’after, tout le personnel en poste sera à la botte de nos chers suspects et donc probablement armé. », enchérit Vincenzo en partageant aussi fidèlement que possible les informations en sa possession.

Au final, le fait que les albanais soient potentiellement impliqués dans le meurtre du magnat représentait une opportunité, celle d’affaiblir une des factions régnant sur ce paradis de la côte est. Il était peu probable que le recueil d’information se passe bien - à contrario le caractère sanguin de la rouquine représentait un atout de taille dans cette opération, celui d’offrir une probabilité très élevée qu’aucun albanais ne sorte vivant des bains douches, qui plus est si le principal intéressé demeurait aussi galant qu’à son habitude. Sans tête, le serpent se tortillerait encore un peu mais serait voué à dépérir…

- « De mon côté, je vais bien évidemment continuer à creuser les pistes avec nos indicateurs et contacts pour essayer de recueillir le plus d’informations complémentaires possibles. Vous pouvez emmener Tonio avec vous si vous souhaitez un peu de renfort. », conclut-il en adressant un regard à son fidèle lieutenant.