*****Communiqué spécial CNN International*****

- « C’est au cours de la nuit dernière que les habitants de la bourgade d’El Balyana affirment que des vents violents ont commencé à souffler depuis le désert, comme peut par ailleurs en attester la couche de sable ayant recouvert les routes et les habitations. Ce genre de phénomène, bien qu’exceptionnel, demeure connu des résidents : la « tempête des dix ans », comme ils aiment à la nommer ici. Comme vous pouvez l’apercevoir sur ces images, le brouillard de poussière est encore très dense bien que commençant à se dissiper progressivement. Les autorités territoriales ont mis en œuvre une tête de pont pour approvisionner la population en eau potable et apporter les soins aux éventuels sinistrés. Le déblaiement débutera un peu plus tard, lorsque les conditions météorologiques le permettront. »

- « Amanda Shark, en direct d’El Balyana en Egypte pour CNN International. »

*****Fin de communiqué*****



*****Communiqué spécial BBC News*****

- « Inexplicable… Voilà le terme employé par les experts scientifiques locaux. Revenons un peu plus tôt dans la journée, dans la petite ville d’El Balyana : une tempête d’une rare violence a frappé ce lieu paisible, déversant des tonnes de sable dans les rues. Un peu plus tard, ce sont les Etats-Unis les premiers qui ont remarqué l’anomalie par le biais de leurs satellites météorologiques et ont alerté le gouvernement égyptien, nous confirme dans un communiqué l’ambassade américaine. Une tornade de sable d’environ deux kilomètres de diamètre s’est formée dans le désert d’Abydos et cette dernière est, selon les experts, improbable car les conditions ne sont pas réunies pour la formation de ce genre de manifestation. De plus, la tornade semble, selon les premiers éléments recueillis par le corps scientifique égyptien, parfaitement circulaire et totalement immobile, ce qui est strictement impossible pour une manifestation de ce type. Pour l’heure, la population et les journalistes sont cantonnés à El Balyana – un barrage a été installé par les militaires, suppléés par les forces de police locales, contrôlant strictement les accès vers le site du phénomène. Nous vous tiendrons informé de l’évolution de la situation. »

- « Rupert Smith, en direct d’El Balyana pour BBC News. »

*****Fin de communiqué*****



*****Communiqué spécial MFB TV*****

- « Tout à fait Jean-Pierre, je suis actuellement avec notre expert local à El Balyana, cette petite ville pittoresque qui a été victime d’un phénomène d’une rare violence. Akim, avec vos propres mots, que pouvez-vous nous dire sur la situation ? »

- « Je rentrais avec mes chèvres et le vent s’est levé. Le sable a tout recouvert ; on n’avait jamais vu ça. »

- « [On n’avait jamais vu ça.] Comme nous l’explique Akim, la population n’avait jamais vu ça, c’est tout bonnement incroyable et stupéfiant. »

- « C’était Paul Lescraud, en direct pour MFB TV. »

*****Fin de communiqué*****

***** El Balyana – 24 heures après la catastrophe *****

- « Equipe 1, vous sécurisez le périmètre autour du PC de crise et empêchez les journalistes de forcer le périmètre de sécurité. Equipe 2, vous sécurisez la distribution des vivres et dispersez la population en cas de mouvement de foule.  Equipe 3, vous aidez au déblaiement du quartier nord… ».

L’officier en charge de la coordination sur zone donnait ses directives par radio, tout en analysant les différents rapports remontés par les équipes dispersées un peu partout dans la ville, ainsi que les données fournies par le corpus de scientifiques. La situation semblait stabilisée dans la ville, même si l’inquiétant phénomène persistant à onze kilomètres au sud ne lui inspirait guère confiance.

La priorité était dorénavant l’assistance à la population.

… / …

Le service d’administration du Sanctuaire avait bien reçu et consigné le rapport du chevalier du Lion. Phidias et ses collaborateurs avaient tout mis en œuvre pour faciliter la mission du duo de Saints, depuis l’organisation du support logistique jusqu’aux démarches administratives auprès du gouvernement égyptien. La mission diplomatique du chevalier Azir au Caire a été d’une aide précieuse dans cette dernière tâche.

Un message crypté fut transmis au chef d’équipe :

Tout a été mis en œuvre selon vos directives : votre séjour devrait être grandement facilité.
Le Grand Pope est actuellement indisponible : en tant que plus haut gradé sur zone, le commandement vous revient. Vous avez toute latitude pour l’évaluation de la situation et la mise en œuvre de la réponse la plus adaptée.
Bonne chance dans votre entreprise.

… / …

- « Halte ! L’accès au poste de commandement est strictement interdit aux civils ! », hurla le factionnaire tout en scrutant un tableau derrière lui. Une impression noire et blanche des passeports des envoyés de Grèce était épinglée sur ce dernier.

- « En fait, vous pouvez passer… », rectifia le soldat en se mettant au garde à vous à titre préventif, ne sachant pas trop à qui il avait affaire.

Les deux éveillés furent escortés par un second soldat jusque sous la tente de commandement.

- « Capitaine Achim ! Bienvenue dans le merdier d’El Balyana ! », prononça en guise d’accueil le chef des opérations.

Il donna des consignes pour que des laissez-passer de niveau maximum soient délivrés aux jeunes gens.

- « Pour l’instant, nous avons reçu pour ordres d’assister la population et d’interdire l’accès au désert d’Abydos. Au sud-est d’ici, à environ quinze kilomètres, une équipe de scientifiques et de militaires analysent le phénomène persistant. Je vais prendre contact avec l’Etat-major pour soumettre votre proposition d’évacuation – cette décision n’est pas de mon niveau hiérarchique. », confirma l’officier en chef en réponse aux sollicitations du Lion d’or.

Le militaire égyptien s’éloigna dans une autre tente pour un contact radio avec son QG. Le personnel de de la cellule de crise s’affairait en ignorant totalement le duo d’étrangers, chacun s’appliquant à accomplir la tâche dédiée dans faillir, telle une fourmi au milieu d’une colonie de ses semblables.

- « Dis Monsieur, c’est parce que je ne suis pas gentille que mon Papa est parti sans moi ? », questionna soudain une petite fille, le visage couvert de larmes séchées et les yeux rougis par les pleurs.

La fillette, âgée à peine de cinq ou six ans, s’agrippait au pantalon du chevalier du Sanctuaire d’une main chétive, serrant du poing une poupée de chiffon abimée de l’autre.

- « Hé, lâche le Monsieur Yasmine ! Je t’ai déjà dit de ne pas embêter les gens quand ils travaillent ! », aboya un aide de camp d’une trentaine d’année.

- « Excusez-la, Monsieur, Dame. La petite a perdu sa mère à la naissance et son père était dans le désert quand la tempête s’est déclenchée… Vous savez ce que ça veut dire n’est-ce pas ? », soupira-t-il en baissant les yeux au sol.

- « Il s’agit de ma petite cousine à vrai dire… Mais avec mon métier, je ne pourrai pas m’occuper d’elle. Avec un peu de chance, il y aura de la place à l’orphelinat du Caire… », continua-t-il, bientôt interrompu par son supérieur qui revenait.

Le capitaine donna ses ordres à ses subordonnés – il avait reçu l’aval de sa hiérarchie pour l’évacuation en ordre de bataille de la ville. Une tête de pont serait organisée entre la ville d’Al Balyana et la métropole Sohag.

- « J’ai expliqué la situation à mes supérieurs et ils ont décidé de suivre vos préconisations. Par contre, cette opération va nécessiter des renforts conséquents : comptez trente-six à quarante-huit heures pour une évacuation totale. », expliqua le gradé aux envoyés du Sanctuaire. 

A mesure que l’équipe approchait du site, une colonne sombre s’élevant vers les cieux se dessinait de plus en plus distinctement. Un immense cylindre de sable, anormalement régulier, se dressait bientôt au milieu de nulle part dans ce désert égyptien. Plusieurs campements avaient été établis à bonne distance du phénomène, des scientifiques pour la plupart, épaulés par une section de militaires en charge du contrôle des accès et de la bonne tenue au sein du périmètre.

La tension énergétique devenait de plus en plus palpable pour les éveillés, une cosmo-énergie latente était clairement à l’œuvre par-delà l’épais mur de particules minérales. Plus aucun doute n’était désormais possible sur l’origine cosmique de cet étrange et singulier phénomène.

- « Hmmm, tous les relevés sont contradictoires en réalité… Cette tornade ne devrait pas exister si on en croit les mesures atmosphériques. En plus le phénomène s’intensifie sans faiblir un seul instant depuis que nous sommes là : aujourd’hui le rayon de la colonne est estimé à un kilomètre ; dans quarante-huit heures, il pourrait avoir doublé si la croissance continue selon le même schéma. », commença par expliquer un des scientifiques les plus présentables.

- « En effet cher confère ! Les théories vont bon train sur les mécaniques de maintien du flux d’air nécessaire pour alimenter cette tornade : soit le sable pourrait être aspiré par le haut, soit il pourrait être soufflé par le bas. Selon quelle dynamique : cela dépasse l’entendement… », ajouta un autre pour faire son intéressant, ne sachant trop si quelques miettes de gloire ne jailliraient pas de cet entretien.

Ignorant bientôt les envoyés du Sanctuaire, plusieurs autres intellectuels sortirent des tentes et commencèrent à échanger, imposer plutôt, leurs théories de manière de plus en plus véhémentes. Tout le charabia technique devint des plus incompréhensibles et plusieurs individus faillirent en venir aux mains, si la police militaire n’était pas intervenue aussitôt pour calmer les ardeurs des uns et des autres.

- « N’écoutez pas ces vioques : ils sentent déjà le moisi… », interpella une jeune femme d’une vingtaine d’année, machant sans discontinuer un chewing-gum rose bonbon.

Vêtue d’un bermuda salopette en jean avec soutien-gorge de sport apparent, le tout réhaussé d’une chemise de lin à manches longues retroussées. Un chapeau de paille était déposé sur sa courte chevelure noir de jais, des lunettes rehaussaient un joli minois délicieusement ambré. La demoiselle pianotait sur une tablette dernier cri alors que virevoltaient autour d’elle plusieurs mini-drônes équipés de capteurs plus high-tech les uns que les autres.

- « Ces boloss ne sont pas d’accord entre eux, mais sont tous OK pour dire que ma théorie est fumeuse : qu’ils crèvent tous ces cons de misogynes… », grommela l’égyptienne.

- « Je pense en fait que la tornade n’existe pas et que le sable est la tornade. Avez-vous vu un nuage de poussière, de l’accumulation de sable, quelques choses qui serait rejeté par le phénomène ? Réponse : non ! Que dalle depuis la tempête de cette nuit… Quelque chose à l’intérieur amasse le sable exponentiellement, dans un but inconnu et grâce à un dispositif mécanique ou énergétique indétectable avec notre technologie conventionnelle… », ajouta-t-elle avec force conviction.

- « Vous allez vraiment tenter de traverser le mur ? », questionna-t-elle sur un ton faussement innocent.

Après tout, s’ils souhaitaient mourir, autant les barder de capteurs pour recueillir un maximum d’informations…

L’égyptienne regarda les deux Saints s’engouffrer, avec un certain sens du spectacle fallait-il bien le reconnaître, au sein de ce phénomène jamais observé par les hommes. Elle se frappa le front de la paume de la main droite, plus par reflexe que mue par une réelle intention.

Z’ont un vrai plan ou sont juste cons ???

La jeune femme pianota quelques commandes sur sa tablette et aussitôt plusieurs drones s’éveillèrent d’une malle tactique, renforçant l’équipe déjà en gravitation. L’essaim s’étendit en un cordon aérien tandis que leurs instruments de mesure respectifs scrutaient avec précision le mur de sable. Les premières données étaient déjà analysées par un algorithme des plus sophistiqués ; les premières corrélations ne tarderaient pas à apparaitre sous forme de graphes, plus ésotériques les uns que les autres pour tout néophyte en la matière…


… /…


Les deux chevaliers d’Athéna s’enfonçaient toujours plus dans la tempête de sable, la vue complètement brouillée par l’épais mur minéral. Chaque mètre parcouru demandait un effort titanesque, qu’aucun être humain normal n’aurait pu fournir (le moindre quidam lambda aurait d’ailleurs déjà été broyé et déchiqueté par la multitude de particules tranchantes propulsée à haute vélocité). Les défenses des deux guerriers de Grèce tenaient bon pour le moment, avec un pouce bleu pour la petite Ourse qui semblait bien plus résistante que la moyenne des autres chevaliers de son rang…

Aux termes d’une vingtaine de minutes, le Lion d’or et sa petite protégée purent progresser de près de trois cents mètres, avant d’être stoppés net par une sorte de barrière invisible, laquelle possédait une résonnance cosmique plus que palpable. Le contact entre les deux intrus et cette dernière déclencha quelque chose d’inattendu : un bruit strident résonna au sein du phénomène, alors que la masse sableuse stoppa net sa rotation et se compressa en un éclair. La pression était devenue insoutenable pour les deux guerriers du Sanctuaire, comprimant à l’extrême leur corps. Seule leur armure les empêchait désormais d’être broyés tels des insectes sous une semelle de randonneur…

Un second bruit strident se fit entendre à peine une secondes après le premier, puis une déflagration retentit, projetant en une nova circulaire destructrice tout le sable accumulé (plus les intrus bien évidemment). La puissance était telle que l’explosion atteignit la vitesse de la lumière, rendant le moindre grain de sable aussi létal qu’une balle de révolver, sans parler du souffle semblable à celui d’une explosion thermo-nucléaire de dernière génération.


…/…


Quelques secondes avant la déflagration.

Les yeux rivés sur son cadran tactile, la brunette écarquilla soudain les yeux.

Putain les cons…

- « Urgence OMEGA, déclenchement du protocole ZETA-02A ! », hurla-t-elle à ses compagnons mécatroniques, l’heure n’étant plus aux faux-semblants.


…/…


Le souffle chargé de sable serait sur le campement en moins d’une nanoseconde et sur Al-Balyana à peine un centième de seconde plus tard…

HRP:

Le Lion réagit en en éclair, ses réflexes devançant l’apocalypse sableuse qui se propageait et menaçait de frapper de plein fouet la jeune Colombe. L’attitude glorieuse du Lion d’or protégeant sa meute eut non seulement pour effet d’épargner la petite ourse mais aussi de dévier une partie de la puissance cinétique de la lame de fond cristalline. Le campement et ses occupants subirent quelques dommages, mais aucun mort ou blessé sérieux ne seraient à déplorer. Quant à la cité d’Al Balyana, elle n’eut pas cette chance : une petite main décharnée tenait une poupée de chiffon toute déchirée ; le corps de la petite fille avait été réduit en pulpe rougeâtre et en millier d’éclats osseux…

La tornade n’était plus, révélant désormais au monde le secret derrière cet improbable phénomène. Une antique pyramide dorée surplombait majestueusement le désert d’Abydos, une allée de pierre d’un revêtement tout aussi précieux conduisait vers une imposante entrée scellée. Deux gigantesques statues de métal couleur argent et or, gardiens immobiles et intemporels à tête de chacal, semblaient veiller à la quiétude des lieux. D’énormes obélisques délimitaient ce qui pouvait s’apparenter à une voie royale. L’édifice tout entier transpirait la majesté et la puissance d’une civilisation aujourd’hui disparue. Des symboles d’un autre temps ornementaient les pylônes fièrement dressés, mais aussi la porte aux dimensions titanesques de la structure. Ces hiéroglyphes étaient en tous points identiques à ceux relevés sur les objets dérobés à Miami et à Goa…

Du sommet de la pyramide refluaient parfois des ondulations cosmiques, tantôt invisibles à l’œil nu, tantôt teintées d’un léger halo bleuté. Les volutes cosmiques se rependaient harmonieusement tout le long d’une demi-sphère qui englobait totalement la superficie de cette imposante architecture du passé. A n’en point douter, il devait s’agir là du mur invisible rencontré par le duo envoyé par le Sanctuaire, lesquels avaient sous doute involontairement accéléré le processus d’excavation de cette bâtisse vraisemblablement plusieurs fois millénaire.

…/…


Il ne fallut pas plus de vingt-quatre heures pour que les premiers services de renseignement étrangers établissent, plus ou moins officiellement déclarés ou sous couverture, un campement de base autour de ce qui semblait être la découverte la plus inattendue de ce siècle. Depuis l’espace, plusieurs satellites fixes ou défilants scrutaient avec soin cette curiosité surgie du passé le plus lointain de l’humanité. Malgré tous les cordons de sécurité, des images circuleraient bientôt dans les médias du monde entier, l’ère du numérique et des réseaux sociaux aidant à la propagation des théories et rumeurs les plus folles et contradictoires : salvation divine, extinction de l’humanité, visiteurs venus du plus profond de l’espace, et bien d’autres encore…


…/…


- « Echo Alfa 1 au rapport : zone de largage dans : 3… 2… 1… Go ! Go ! Go ! », annonça le pilote du gigantesque transporteur aérien à hélices, alors qu’il survolait une zone dégagée et balisée à deux bons kilomètres de la structure dorée.

Plusieurs conteneurs et structures aéroportées descendaient à bonne vitesse vers le sol, freinées dans leur chute par un trio de gigantesques parachutes. D’aucun pouvait observer un logo récurrent imprimé sur tout ce matériel, celui de la Fondation Graad, fondée au XXème siècle par le vénérable Matsumada Kido, désormais soutien inconditionnel d’Athéna et du Sanctuaire. Contacté par le gouvernement Egyptien suite à la tragédie d’Al Balyana, Phidias avait pris les devants et fait dépêcher une tête de pont pour l’installation d’un hôpital de campagne, et plus encore (mais chut, ceci doit rester secret…).

Les défenseurs de l’humanité n’étaient pas les seuls à s’immiscer au milieu de cette scène géopolitique improbable, un autre campement travesti en mission humanitaire abritait des agents d’un autre genre, lesquels n’étaient là qu’en simples observateurs de l’histoire (pour l’instant).

HRP: