Avertie de la catastrophe d’El Balyana bien avant que les médias ne s’emparent de l’affaire, notamment grâce à une surveillance spatiale accrue depuis les débuts du phénomène, l’Agence russe avait rapidement rassemblé une équipe de scientifiques triés sur le volet parmi les plus éminents spécialistes à sa disposition. Tel le vautour se délectant de sa malchanceuse proie, l’occasion de rassembler de précieuses informations scientifiques et militaires était trop belle, malgré les évènements ayant causé la mort de près de 60% de la population de la ville égyptienne. Une escouade de commandos de choc accompagnerait et sécuriserait le poste avancé. Sous couverture d'une aide militaire et scientifique, la mission s'est déployé en un temps record grâce à plusieurs Antonov AN-225 réquisitionnés auprès de l'armée russe.

Androv Topalev, nom de code « Nigthmare » est un vétéran âgé d’une cinquantaine d’années ayant servi dans plusieurs conflits au sein de l’armée russe, notamment durant la seconde insurrection tchétchène. C’est en 2010 qu’il fut approché et recruté par l’Agence, après un long et soigneux processus de sélection. Aujourd’hui, il dirige un commando d’élite anti-éveillés au summum de la performance physique et mentale, bénéficiant d’un arsenal à la pointe de la technologique et de la biotechnologie.

Inspirée des meilleures avancées spatiales conçues pour les structures habitées de la future mission sur Mars, l’avant-poste modulaire de l’Agence est composé de sections hémisphériques capables de résister à l’absence de pression comme aux surpressions les plus contraignantes. Une double coque de toile cirée couleur sable recouvre chaque dôme pour lui donner une apparence commune. Des hangars à l’aspect de gros conteneur ceinturent le cœur de la base avancée et abritent les véhicules, ainsi que les ressources nécessaires pour leur mission et à leur couverture : assistance médicale, aide au déblaiement et à la reconstruction, appareils de mesures caduques, ... Enfin, un ensemble de clôtures délimite le périmètre de sécurité du poste avancé.

Chaque scientifique est équipé de tout un tas de capteurs et d’instruments optroniques miniaturisés à l’extrême (caméras lentilles, ordinateurs montre, antennes oreillettes, …) et reliés à la base de données de l’IA contre nature de FIRMA via des liaisons satellites quantiques à très haut-débits. Chaque agent technique de l’Agence recueille des pétaoctets de données diverses et variées chaque minute, tout en accomplissant les tâches humanitaires et/ou scientifiques nécessaires à leur couverture.

Inaya, nom de code « Blood Kiss » est une des plus jeunes prodiges jamais recrutés par l’Agence russe. Malgré sa flagrante jeunesse et son tempérament plutôt provocateur, la demoiselle est une des plus grandes, et la plus anonyme, experte des nanotechnologies et de la physique mécatronique morphique. Dotée d’un QI dépassant les 230, elle a construit son premier robot télécommandé par la voix à l’âge de 13 ans. A 17 ans, elle a développé son premier réseau de nanomachines biocompatibles, puis l’a fait évolué avant de se l’injecter en guise de test clinique. A 20 ans, elle a conçu sa plus grande innovation : un réseau morphique permettant à des structures mécatroniques isolées de réagir à des stimuli préprogrammés ou à des ordres directs pour s’agglomérer en structures complexes aux fonctions radicalement différentes. Originaire d'Egypte, elle sert d'agent de liaison pour la mission russe.

La chinoise entrait à peine dans le premier module du campement quand elle fut accueillie par trois mini-drones la scannant de la tête aux pieds. Pendant ce temps, Inaya finissait d’étudier les derniers relevés satellitaires de la perturbation et de l'impénétrable champ de force. Elle releva la tête lorsqu’une impulsion quantique téléchargea directement dans son réseau nano-cortical le dossier de la visiteuse, visiblement un agent sous couverture qui lui était totalement inconnu.

- « Bonjour Mamzelle ! Le boss est occupé, je suis en charge de t’accueillir : bienvenue dans notre humble mission humanitaire ! », clama l’égyptienne en mâchant encore et toujours son chewing gum.

Les trois drones ayant terminé leur mission première, ils se replacèrent en formation préconfigurée avec deux autres confrères accompagnant la jeune, mais non moins effrontée, scientifique.

- « Et donc, que vient faire une éveillée comme toi par ici ? Toi aussi tu veux faire tenter ta chance avec la pyramide et tout faire péter comme les deux autres ? », questionna-t-elle avec force ironie.

- « Je t’annonce déjà que c’est pas une bonne idée d’y aller en force. Quand on voit les dégâts de la première déflagration alors que les batteries étaient à plat, je te laisse imaginer ce que pourrait faire ce machin une fois chargé à bloc… Je pense que la moitié de l’Egypte y passerait et accessoirement tout le monde ici serait réduit à l’état de poussière d’atomes. », ajouta-t-elle en riant.

- « Remarque, d’un point de vue purement scientifique, l’expérience pourrait nous en apprendre beaucoup sur la cosmo-énergie et la manière dont elle interagit avec la matière. », surenchérit-elle enfin avec les yeux emplis d’une curiosité malsaine, même si la perspective de mourir ne l’enchantait guère.

Le moins qu’elle eut pu dire, c’était que la chinoise n’était pas très joviale et qu’elle affichait même un soupçon d’agacement profond. En vérité, ça n’avait pas dû être facile pour elle de se coltiner une écervelée depuis le début de cette affaire.

- « Keep cool Mamzelle Zhihao, je ne suis pas là pour t’embrouiller. J’aimerais bien t’aider plus mais d’après nos meilleurs statisticiens, s’attaquer de front au champ de force a 88,92% de chance de produire le même résultat que la première fois, avec une probabilité de 92,03% que l’effet soit exponentiellement 127 fois plus puissant que la première itération. Mes chances de survie dans un tel scénario seraient seulement de 0,89% et les tiennes de 12,65%, avec 100% de chances que tu conserves des séquelles motrices graves, genre « Mamzelle légume » si tu vois ce que je veux dire. », exposa la scientifique alors qu’elle était en lien direct avec l’IA contre-nature de la firme.

Elle se remémorait la première déflagration qui l’avait laissée pratiquement pour morte, malgré le bouclier énergétique déployé par sa compagnie de drones nano-construits. Ce que personne ne saurait jamais, c’est que l’essaim de nanomachines emplissant son organisme avait puisé dans les ressources environnantes pour reconstruire les parties abîmées de son corps. Un pauvre scientifique qui gisait par-là avait servi de matière première, offrant bien malgré lui fluides, protéines, acides aminés et même ADN pour la reconstruction expresse. Par un heureux hasard, sa mort et son état avait été imputés à l’accident…

- « La protection qui entoure le temple semble impénétrable et il est peu probable que nous puissions percer son secret avant la dead line, si tant est que ce soit un jour possible. D’ailleurs, son existence même est un mystère scientifique complet pour l’instant. Par contre, j’ai un traitement expérimental à base de nanotechnologie pour toi, qui pourrait booster tes capacités régénératives de manière significative et donc augmenter les chances de réussite de ta mission en cas de coup dur. », continua l’égyptienne en jouant avec son chewing gum.

La jeune femme se dirigea vers une armoire de conservation froide et se saisit d’une seringue aux proportions inquiétantes. Une sorte de liquide sirupeux argenté emplissant la moitié de la chambre d’injection.

- « Du coup, tu as le choix entre la méthode dure ou la méthode douce. L’injection fait vraiment mal ; certains gaillards tombent même dans les pommes tellement le cœur et le cerveau morflent dans les premières minutes. Y en a un qui est mort raide d’une crise cardiaque un jour, pourtant c’était un costaud. Allez, comme tu es mignonne, et que je suis pour la solidarité féminine et tout le toutim, tu auras le droit à la méthode sympa et indolore… », expliqua la rebelle, tout en se saisissant de la pâte rose qu’elle mâchait pour en faire une boule et la coller sans aucune gêne sous une table.

La brunette s’approcha de la chinoise et, jouant sur l’effet de surprise, lui saisit les épaules et colla sa bouche contre la sienne tout en lui tapotant un message secret lui demandant de se laisser faire. Cette scène aux allures torrides cachait en fait un autre processus : Inaya expira pendant plusieurs secondes un souffle hyper-concentré en nanorobots directement dans les voies pulmonaires de l’éveillée. Son œuvre accomplie, elle s’écarta pour laisser respirer sa camarade et ordonna à ses dociles machines de se répandre dans ce nouvel hôte et de commencer la réplication.

- « C’était sympa non ? Plus que de se prendre une grosse piquouze dans les fesses en tout cas. Bon, laisse faire mes copains sans trop forcer sinon tu risques de les griller. Dans 6 heures, ils se seront synchronisés avec ta fréquence cosmique et là tu pourras te lâcher. Dans 48 heures, l’essaim sera à sa concentration max et paré à réparer toute lésion que tu pourrais subir. Dans une semaine, ils se dissoudront en particules élémentaires et seront évacués dans les urines. », donna comme consigne la belle.

- « D’autres questions ? »

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