Ça va aller? Comment est-ce que ça pourrait aller? La douleur dans mon ventre m'empêche de me relever. Pire, de vraies larmes me montent aux yeux et l'eau salé cause encore plus de douleur. Ça n'a pas de fin. Les voix dans ma tête me font toujours plus de mal et même Arsiesys ne peut pas les arrêter. Ça ne va pas aller. Rien ne va plus maintenant.
J'aurais préféré être morte.
Mais alors que le Verseau m'aide à me relever, je sens une vague de froid au niveau de la blessure ouverte, puis la douleur s'estompe doucement. Ça, additionné à la présence du Gold Saint et son énergie réussissent à me calmer et je commence à respirer plus lentement. Mais malgré la tendresse rassurante du chevalier, je sens son inquiétude, sa colère et sa peur, parce que ça ne semble jamais finir.
Dès que ça va, tu deviens un fardeau. C'est ta faute. Lui aussi il en a marre, mais toi tu t'accroches à lui comme un boulet. Tu lui fais du mal.Je me mets à pleurer. Ai-je si peu de contrôle que ça? J'étais prête à souffrir pour le bien commun. Maintenant je souffre pour faire encore plus de mal. Je n'ai jamais voulu ça, j'ai voulu me débrouiller seule et ça m'a causé encore plus tort. Résultat, d'autres en paient les frais. Alors qu'Arsiesys se met à crier pour attirer quelqu'un, n'importe qui, pour me prendre en charge, je tente de m'écarter de lui, articulant les mots que j'ai dû prononcer des centaines de fois auparavant. Et encore une fois aujourd'hui, ils cachent un secret pourtant dur à ignorer.
-Non... je vais bien... Ne... Ne t'inquiètes pas... pour moi...Mais il me retient solidement contre lui et je me résigne vite à rester, plutôt que de terminer cette épreuve seule. Au fond, est-ce que j'ai vraiment envie de repousser qui que ce soit maintenant? Même si ce n'est pas facile pour personne, pourquoi devrais-je refuser n'importe quelle attention, même forcée?
Pitoyable égoïste. Je pose doucement ma tête contre le torse du Verseau, lasse de tous ces malheurs et surtout fatiguée... je ne dois pas dormir, je ne veux pas entendre les voix, mais je n'en peux plus d'être éveillée. Avec suffisamment de morphine, je pourrais dormir sans rêver...
Quelqu'un approche, mais rien ne se passe. Que je crois. Après un temps l'aura du Verseau se refroidit et je tente de comprendre ce qui se passe en retenant mal mes tremblements. Mais il se reprend et ordonne à un serviteur d'aller chercher quelqu'un capable de me soigner. Je crois que ce sera là la fin, qu'on viendra me chercher et qu'enfin, tout cela se termine, et me détends de plus en plus, quand Arsiesys me demande de qui je parle.
Qui est-Il?
Je serre les poings. Ma respiration devient irrégulière et je commence à me débattre dans les bras du Verseau. Devoir penser à Lui... après ce qu'Il m'a fait, devoir prononcer son simple nom semble être assez pour me faire sombrer dans un cauchemar sans fin, enfermer toutes les voix du monde dans ma tête et me faire attendre la mort enfermée dans une dame de fer. Encore. Mais...
-Il... il n'était pas un... il ne pouvait pas...Il va te tuer.-Il m'a... il voulait...Je n'arrive pas à terminer mes phrases. Je me souviens de ces moments où Il changeait drastiquement de personnalité, des fois rempli de colère et de mépris à mon égard, mais d'autres fois si calme et posé... mais encore capable de me faire vivre les pires horreurs du monde juste parce qu'il en avait envie. Et il se parlait tout seul, comme si deux personnes s'exprimaient avec la même voix... il m'a terrifié, et même s'il n'est plus là il continue de le faire.
-... Iblis...Le nom résonne dans ma tête comme un écho. Comment pourrai-je un jour arriver à l'oublier? Les larmes coulent à nouveau et me piquent les yeux. S'il revient, peut-être que même Arsiesys ne sera pas capable de l'arrêter... Non. Il a promis qu'il s'occuperait de moi. Il ne me laissera pas tomber. Sargas non plus. Mais où est mon frère? J'ai disparu si longtemps, il aurait dû être le premier à s'inquiéter. Est-ce qu'il cherche encore sa disciple? Et Vermalis? La vérité imposée par le Démon, celle que j'ai nié jusqu'à ma mort, me revient comme une claque en plein visage.
-Il avait raison... personne ne se soucie d'une simple Sainte d'Argent...J'entends des bruits de pas. Les secours arrivent enfin, je sens la prise d'Arsiesys sur moi se relâcher alors qu'une équipe de soigneurs me saisit doucement pour m'installer sur une civière. J'attrape la main du Verseau et refuse de la lâcher, même si on veut me forcer à le faire, je ne lâche pas prise. Même après que l'on m'ait attaché les bras et les jambes pour m'immobiliser, juste au dessus de ces liens de métal que personne n'a réussit à m'enlever. On immobilise ma tête, je sens quelqu'un me caresser doucement les cheveux et j'entends une voix de femme qui me parle:
-Comment tu t'appelles?-... Oblivion...Rage-Tout va bien aller, Oblivion, on va s'occuper de toi.L'autre docteur là, il a dit la même chose. Ça n'a rien fait.-Ce n'est pas vrai... arrête de dire ça...Il est encore trop tôt pour opérer. N'importe quoi. Y avait rien à faire. Tu crois qu'ils te fileront de la morphine?-Ha... oui... si seulement...Un grand soulagement me parcourt les jambes. Les soigneurs du Sanctuaire ont commencé leur traitement au cosmos, et en même temps qu'ils solidifient les os de mes jambes et font disparaître chaque blessure encore ouverte, la blessure de mon ventre se referme aussi. Je respire profondément, presque endormie par le manque de douleur, alors que petit à petit mon corps est réparé. À mesure que les lacérations disparaissent, les soigneurs retirent les points de suture devenus inutiles.
-Plus que le visage. Je m'en occupe.Je sens les doigts de la femme repousser quelques mèches de mes cheveux, puis elle approche sa main de mon visage. Mais au moment où commence le "traitement"...
Au moment où son cosmos entre en contact avec mes blessures, une vague de douleur suraiguë m'envahit.
Un véritable coup de fer rouge au visage. Je pousse un hurlement de douleur et me débat si fort que les liens qui me retenaient à la civière se détachent, alors qu'une explosion de mon cosmos repousse l'équipe de soigneurs plus loin. La vague de chaleur qui s'échappe de mon visage fait craquer le masque de glace offert par Arsiesys. Sept jours de souffrance réunis en un seul coup...
D'un coup brusque, je bascule et tombe au sol. Lentement, respirant de façon irrégulière et entrecoupée de gémissement, la sensation de brûlure encore présente sur mon visage, je me relève.
-Qu'est-ce que...Comme une automate, je tourne la tête vers la voix et m'avance vers elle. J'en ai assez de cette douleur. Je ne laisserai plus jamais personne me faire du mal.
J'entends la respiration de la femme tout près de moi. D'un mouvement brusque et rapide, je la saisis à la gorge.
-PLUS JAMAIS! ÇA FAIT TROP MAL!La femme crie. Les autres soigneurs m'attrapent et me repousse plus loin. Je tombe par terre, enfoui mon visage entre mes mains et éclate en sanglots. Pour moi, ce n'est pas compliqué à comprendre. La douleur ne partira jamais complètement. Mon visage ne guérira pas. Je ne verrai plus jamais.
Celle que t'étais avant est encore morte. Elle n'existe plus.-Je ne voulais pas... je suis désolée...Mais pourquoi? Je jure que j'ai fait tout ce que je pouvais pour ne pas écouter les voix, elles voulaient que je sois méchante et j'ai fait mon possible pour ne pas l'être, pour redevenir comme avant, pour enfin terminer cette histoire. Mais les voix sont trop fortes pour moi. J'ai peur, peur qu'un jour personne ne puisse les chasser. Je ne veux plus être abandonnée...
-Elles ne veulent plus se taire... elles me brûlent de l'intérieur...Je me souviens vaguement d'un temps où cette idée de feu intérieur était pour moi une bonne chose. Parce que ça représentait mon frère. Mais maintenant, associer cette douleur à Sargas me rappelle sa malédiction, et le fait que je l'ai peut-être perdu, lui aussi. Je veux lui pardonner, à Nephtys aussi. Mais ça ne les empêchera pas de partir pour ne jamais revenir, comme tout le monde.
Une vague de froid m'enveloppe. Arsiesys est encore là. Je ne sais pas pourquoi il l'est, encore moins pourquoi il l'est encore, mais le fait est qu'il a tenu sa promesse. Il est resté avec moi, et tant qu'il le sera je ne serai jamais seule. Il est assez fort pour se défendre contre les mauvais tours que me joue le destin. Ça devrait m'inquiéter, comment être sure qu'il ne faillira pas lui aussi, mais au moment présent je m'en fiche. Je n'ai pas le droit de rester aussi faible.
Doucement, je me relève une deuxième fois. Mes muscles sont plus forts maintenant, et je peux marcher seule si je fais attention. Les yeux toujours fermés pour fuir la lumière du soleil, je cherche comme je le peux le Verseau. Ou n'importe qui capable de m'approcher.
-Je ne sais pas ce qui m'a pris... je suis vraiment désolée...De bien misérables excuses pour ce que j'ai tenté de faire. Je baisse la tête, incertaine de la suite et soudainement mal à l'aise. Quelle est la prochaine étape? Doit-il y en avoir une?