Saint Seiya
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[Frontline FB] Mad Science 3 : Awakening
Rogos
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« Départ dans six heures, docteur. »

Rogos sursauta en entendant une voix s'élever soudainement dans son dos pendant l'une de ses promenades nocturnes – enfin, celles qu'il faisait sur son temps de sommeil quand ce qu'il avait en tête l'empêchait de dormir en tout cas – et se retourna juste à temps pour que Beth lui fourre d'autorité une pile de paperasse dans les mains. Sans un mot pour s'excuser de l'avoir une fois de plus traqué via la balise de son badge avant de lui tomber dessus par surprise, elle l'abandonna là au milieu du couloir et s'en alla continuer sa tournée. Plutôt que de la poursuivre après l'un de ses passages en coup de vent le français, qui commençait à avoir l'habitude, adressa un regard noir à l'appareil de surveillance le plus proche.

« Et sinon, bonjour / bonsoir, tu connais ? Tu ne pourrais pas prévenir à l'avance ? »

Le haut-parleur attaché à la caméra crépita : « Vous n'appréciez pas non plus que je vous contacte comme ça. Allez dormir. »

Il se faisait commander par un fichu sujet de test, c'était un monde ça... mais elle avait malheureusement raison, il ne pouvait pas se permettre d'arriver exténué à son rendez-vous. On l'avait averti il y a une semaine que ses services seraient requis ailleurs – ce serait la toute première fois qu'il quitterait le site 17 depuis plus d'un mois qu'il avait été affecté à la cellule ! – et qu'il lui faudrait libérer son emploi du temps pour une durée de plusieurs jours. Des dizaines de nouveaux dossiers avaient également fait leur apparition sur son bureau : il y était principalement question d'une procédure neurochirurgicale dont il n'avait jamais entendu parler ainsi que des patients qui l'avaient subie. La description de l'opération elle-même était parsemée de bandes noires – voire plus, certaines sections censuraient des paragraphes entiers –, indiquant qu'il n'était pas accrédité pour en connaître tous les tenants et les aboutissants. Les profils des cobayes par contre étaient extrêmement détaillés : il ne manquait que leurs noms, remplacés par une désignation alphanumérique délibérément déshumanisante, et leurs visages. Des condamnés à mort utilisés pour une procédure expérimentale donc ; le seul fait que ces profils soient en grande majorité accompagnés d'un rapport d'autopsie aurait suffi à le faire parvenir à cette conclusion.

Le faux docteur tenta de suivre les conseils de la désagréable demoiselle mais rien n'y fit, même après avoir pris une bonne douche, une tasse d'un des breuvages relaxants maison du professeur Kihara et s'être mis au lit, le repos se refusait toujours à lui. Il aurait aimé pouvoir se dire en toute bonne conscience que ses collègues ne le comprenaient pas vraiment, lui et ses responsabilités, qu'ils avaient beau jeu de lui dire de déstresser mais c'était impossible. S'il exécutait les instructions d'un Dieu, eux travaillaient d'arrache-pied dans le fol espoir de protéger leur pays et le monde de forces qui ne les voyaient même pas comme des insectes. Tout le monde était sur les nerfs, sous la façade professionnelle qu'ils arboraient avec plus ou moins de succès pour rassurer autant leurs pairs qu'eux-mêmes ; pas étonnant qu'il ne soit pas le seul à bondir lorsque Beth se glissait sans un bruit derrière quelqu'un avant de l'aborder. C'était toujours plus drôle quand ça arrivait aux autres.

Il passa finalement le reste de sa « nuit » à se familiariser avec sa dernière fournée de dossiers. De nouveaux cobayes à l'identité effacée sous une suite de lettres et de numéros, de nouvelles descriptions cliniques et détachées de l'état de leurs cadavres – ou pire, de ceux qui survivaient à la procédure. Système nerveux détruit, une constante ; parmi les dizaines de sujets dont les profils avaient défilé sous ses yeux, il pouvait compter sur les doigts d'une main ceux qui s'en étaient sortis sans répercussions négatives. Il y avait trop de papiers pour qu'il puisse tous les étudier en détail, ça lui ferait au moins de la lecture dans l'avion...

Il s'était attendu à être transporté jusqu'à un aéronef sans hublots à bord d'un autre véhicule également dépourvu de fenêtres, ou à embarquer directement dans un hangar souterrain. Quelle ne fut donc pas sa surprise lorsque, ayant enfin rejoint la surface pour la première fois depuis un nombre de semaines qui commençait à lui échapper, on le laissa marcher sur le tarmac du petit aérodrome militaire niché au milieu des montagnes et profiter d'un grand bol d'air frais. En tout cas il put voir qu'il faisait nuit, confirmation que son horloge interne n'était plus du tout alignée comme celle des gens normaux.

« Ça fait du bien, n'est-ce pas ? » demanda Rosenberg en s'étirant avec bonheur, une réaction que le Dullahan imita par réflexe. Il ne pouvait qu'approuver, on finissait par se sentir à l'étroit à force de toujours rester enfermé dans ces tunnels.

« J'ai enfin le droit de savoir où on est, c'est pour ça qu'ils me laissent sortir ? Je ne vois pas les gardes faire ça par bonté d'âme. »

« Non et non, en effet. Remerciez plutôt les nuages pour cette petite bénédiction. »

« Les nuages ? »

« Nos amis en uniforme poussent la paranoïa jusqu'à s'assurer que le personnel non-autorisé ne pourra pas déterminer ne serait-ce que la latitude approximative d'une base en observant les astres. Ou même la faune et la flore locales. »

« Ces types sont pas bien dans leur tête, y'a vraiment des gens qui ont essayé ça ? »


Son supérieur haussa les épaules, laissant un Dullahan consterné à ses interrogations. Ils arrivèrent à leur moyen de transport, un avion massif chargé de personnel et de matériel, trouvèrent leurs places dans la soute et attendirent le décollage. Trop bruyant et encombré, l'endroit n'était guère propice à la discussion, aussi le voyage se passa-t-il dans une ambiance studieuse une fois munis de casques antibruit. Le Spectre ne savait même pas vers quel point cardinal ils se dirigeaient et Rosenberg lui avait confisqué sa montre, qu'il lui rendrait sans doute réglée à l'heure de leur point d'arrivée, l'empêchant du même coup de savoir combien de temps aurait duré le vol au-delà d'une vague estimation. Mais les petits désagréments entraînés par ces précautions pleines de bon sens n'étaient rien face à l'irritation qu'il ressentit lorsqu'ils débarquèrent à bon port et avisèrent rapidement une silhouette bien connue.

« Guten tag ! »

« Noooooooooooooooooooooon... »
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Le déplaisir de Rosenberg était évident, même s'il faisait l'effort de le cacher. N'étant pas assez important pour pouvoir se permettre de paraître aussi agacé en présence d'un supérieur, le français s'appliqua à rendre ses propres émotions absolument indéchiffrables.

« Je ne savais pas que vous étiez censé nous rejoindre, que nous vaut cet honneur ? »

« Un changement de dernière minute. » répondit l'allemand, toujours aussi souriant et toujours aussi imperméable à toute forme de sarcasme. « Vous me connaissez, dès qu'il est question d'expériences où l'on peut s'affranchir des règles éthiques et faire de la vraie science, j'accours ! »

Et il en était fier en plus. Même si les cobayes étaient des ennemis ou des criminels et que les Agences cherchaient à rentabiliser leur inévitable élimination, les rendant plus utiles à la société morts que vivants, il n'y avait pas de quoi se réjouir. Sauf si l'on était un Spectre bien sûr, et encore : dans ce type de situations la réaction appropriée était une sombre satisfaction à la vue de pécheurs recevant leur juste châtiment, mélangée de regrets quant à la décrépitude morale de l'humanité qui obligeait les serviteurs de l'Au-delà à en arriver là. Ils n'étaient pas censés désirer de nouvelles fournées de damnés sur lesquels exercer leurs talents de tortionnaires ni éprouver ce genre de joie cruelle à faire leur devoir, c'était malsain.

Feuerbach insista pour leur infliger sa présence tout au long de la descente dans les entrailles d'un nouveau complexe souterrain – décidément ces bases militaires se suivaient et se ressemblaient toutes... mais cela pouvait se comprendre, elles n'étaient pas conçues pour amuser les visiteurs –, ce qui poussa les autres scientifiques à faire de leur mieux pour éviter de se retrouver dans le même ascenseur que lui. Quitte à sacrifier un collègue lorsque les gardes s'impatientèrent de leur manège et leur ordonnèrent de remplir la cabine fissa parce qu'ils n'avaient pas que ça à faire, merci beaucoup. En sa qualité de plus récente addition à l'équipe, le Dullahan fit partie des malchanceux qui durent effectuer le voyage avec l'irritant individu. L'animosité à sens unique entre les deux professeurs était palpable et aucun des autres passagers n'osa leur adresser la parole, préférant discuter entre eux et à voix basse des tests à venir.

« Je ne sais même pas ce que je fais là. » confessa le français dans un accès d'auto-dérision. « Les infos qu'on m'a données étaient censurées de partout et il doit y avoir des gens plus qualifiés pour ça, non ? »

« C'est parce que c'est la première fois, vous serez sans doute simplement affecté aux autopsies et vous observerez en attendant. » le rassura une scientifique plus âgée en lui tapotant l'épaule.

« Les types des archives sont encore plus paranos que d'habitude pour tout ce qui touche à ce genre d'expériences. » ajouta un deuxième chercheur en agitant sa propre paperasse, cryptée à l'aide d'un code différent de celui dédié au docteur Cantor et également striée de bandes noires. « Les traces écrites sont réduites au strict minimum et la plupart des briefings se font à l'oral. »

« Très strict le minimum alors, je ne sais même pas comment s'appelle la procédure. »

« NSD. »

« Euh... merci mais ça ne m'avance pas des masses. »

« Neurally stimulated dyskinesia, » intervint un troisième larron, « même si certains croient drôle de prétendre que ça veut dire “Not so different”. »

« Pourquoi ça ? »

« Vous verrez. »

L'ascenseur s'immobilisa tandis que ses confrères et consœurs prenaient la remarque avec un air pincé. La gêne ne dura cependant qu'un instant : dès que les portes s'ouvrirent, tous bondirent dehors pour s'éloigner le plus possible de Feuerbach. Il ne semblait pas se formaliser d'être traité comme un pestiféré, bien au contraire : il s'étira de manière ostentatoire, savourant le grand espace libre autour de lui là où l'exiguïté des lieux obligeait les autres à marcher serrés. Comme dans la base qu'il avait quitté plus tôt dans la journée – ou nuitée – le groupe arriva à un point où le passage s'élargissait pour accommoder un petit bataillon de gardes et de robots militaires devant une énième porte blindée.

Quelques minutes après l'avoir dépassée, il eut la preuve que ces configurations similaires n'étaient pas une coïncidence. Au fond d'un couloir se trouvait un battant marqué d'un sceau ésotérique pulsant d'énergie contenue ainsi que d'une inscription en lettres écarlates.

05 – גבורה

Mais au lieu de se diriger vers la salle du cœur de ce qui était incontestablement une autre cellule de Tetragrammaton, les chercheurs empruntèrent un chemin latéral qui les fit déboucher dans une grande morgue à la propreté impeccable, pleine de matériel dernier cri. L'heure n'était cependant pas encore venue de s'arrêter ici, ils ne faisaient que passer. Rogos profita d'avoir un peu plus de place pour se rapprocher de Rosenberg, que l'allemand laissait en paix pour le moment.

« Je suppose que vous voulez savoir où nous sommes ? » demanda-t-il comme s'il avait lu dans les pensées de son subordonné, ce à quoi ce dernier répondit par un hochement de tête. L'américain se lança obligeamment dans un court exposé : « Geburah, cinquième cellule, spécialisée dans les manipulations ultra-précises. Nanotechnologies, expériences génétiques, chirurgie de pointe... cet endroit sert même d'hôpital pour les cas les plus désespérés. C'est ici qu'a été fabriquée ma prothèse. » termina-t-il en exhibant la main mécanique qui lui avait plus d'une fois valu l'attention captivée de l'Etoile Terrestre.

Un centre d'innovations technologiques notamment à but médical donc. Le Dullahan se demanda si ce n'était pas également ici qu'avait été soigné le camarade d'Obli... de Marchesi, celui dont le rétablissement avait été accueilli avec tant de liesse par ses collègues. Le tour du propriétaire se poursuivit, le prochain seuil franchi les déposant sur une plate-forme surplombant une pièce où régnait un vacarme assourdissant. À l'étage du dessous se trouvaient plus d'une centaine d'hommes et de femmes vêtus de l'uniforme caractéristique des prisonniers des Agences, hurlant et tentant en vain de s'en prendre à leurs gardiens harnachés d'intimidants exosquelettes. Le contraste entre ce chaos et le calme de l'endroit précédent était saisissant.
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« Je veux mon avocat, vous n'avez pas le droit ! »

« Pitié, je ferai tout ce que vous voudrez ! »

« Tu t'crois fort, Robocop ? Viens t'battre d'homme à homme ! »

« Vous savez qui je suis ?! »

« Vous êtes tous morts, vous m'entendez, MORTS ! Vous, vos familles, vos amis, vos connards de collègues, nous vous tuerons tous ! »

« Je connais des gens haut placés, ça ne se passera pas comme ça ! »

« Je peux faire de vous un homme riche ! »


C'était presque comme à la maison, toutes ces menaces et ces supplications... même si les plaintes du chœur des damnés étaient le plus souvent complètement inintelligibles du fait de l'effet de la Loi d'Hadès. Certains captifs essayaient d'intimider leurs geôliers, d'autres de les soudoyer ou d'en appeler à leur sens de la compassion – le Dullahan ne comprenait pas toutes les langues employées mais ils devaient tous raconter à peu près les mêmes choses quel que soit leur pays d'origine –, cependant aucune de ces tentatives n'eut de succès. Comme souvent pour ces expériences à grande échelle, les Agences s'étaient efforcées de réunir des cobayes aux caractéristiques variées : les deux sexes étaient représentés à parts égales, il y avait des adolescents et des vieillards, toutes les couleurs de peau possibles, de même pour la taille, la corpulence et sans doute aussi l'historique médicale ou la classe sociale... Aucun facteur pouvant influer sur le résultat final n'avait été négligé pour s'assurer que tous les biais statistiques soient éliminés.

Une grande brute tatouée en eut finalement assez de se contenter d'aboyer et voulut s'attaquer à un garde. Le soldat n'eut besoin ni de son cosmos, ni de la force prêtée par son exosquelette pour esquiver avec fluidité une charge maladroite, faucher les jambes de son assaillant et le maîtriser avec une prise d'arts martiaux. Un second agitateur, plus réaliste quant à ses chances de parvenir à vaincre un garde, choisit de se révolter en s'en prenant plutôt à ses congénères. Mal lui en prit : il s'effondra comme un pantin dont on aurait coupé les fils, les membres parcourus de convulsions. Rogos observa la scène avec intérêt, ce n'était pas tous les jours qu'on pouvait voir les implants de contrôle en action ; aucun des gardes n'avait bougé pour activer cette sécurité, qui devait donc être commandée depuis l'extérieur. Même si par miracle les prisonniers réussissaient à fausser compagnie à leurs geôliers, il suffirait que quelqu'un appuie sur un bouton dans une autre salle pour tous les réduire à l'impuissance.

« Je vous présente nos patients pour aujourd'hui ; la plupart d'entre eux finiront sur nos tables de dissection d'ici deux ou trois heures. » ricana Feuerbach tandis qu'un militaire relevait brusquement le second rebelle dont la paralysie commençait à se dissiper. Aucun cobaye ne semblait plus enclin à employer la violence après cette démonstration de la futilité d'une telle lutte ; le ratio menaces / implorations s'altéra brutalement. Le teuton fit claquer sa langue, agacé. « De mon temps les gens allaient à l'abattoir avec davantage de dignité. Je suppose qu'il ne faut pas s'attendre à mieux de la part de simples criminels. »

Rosenberg refréna visiblement une folle envie d'étrangler son collègue – ou pire : « S'il y avait une justice vous seriez avec eux. »

Oh, il y en avait bien une mais elle intervenait beaucoup trop tard, confinée qu'elle était à l'après-vie à cause de ces Saints qui persistaient à se mettre sur leur chemin. Les choses étaient cependant sur le point de changer, pour peu que le Sanctuaire reste dans le marasme et que les Spectres continuent sur leur trajectoire ascendante.

L'allemand reçut le commentaire avec sa désinvolture coutumière et fut l'un des premiers à entrer dans la pièce suivante, un vestiaire où on leur fit enfiler les mêmes combinaisons protectrices que celles utilisées par les soldats. Il ne put retenir une pointe d'appréhension : à quel genre d'expérience allait-il participer pour qu'il ait besoin d'un tel attirail ? Une fois correctement apprêtés, ils traversèrent un dernier sas pour aboutir à une nouvelle salle divisée en deux étages. En haut se trouvaient les plate-formes d'observation sécurisées abondamment garnies en matériel informatique et en bas étaient alignées une vingtaine de cellules transparentes contenant chacune un bloc opératoire high-tech. Tout ici était blanc ou gris, aseptisé et utilitariste. L’œil du français fut immédiatement attiré par les sangles et entraves métalliques sur les tables, ainsi que par les machines placées à la tête de ces mêmes tables ; on aurait dit des Da Vinci, des robots chirurgicaux, sauf que ceux-ci étaient plus massifs et plus complexes – dix bras articulés terminés par un assortiment d'outils médicaux là où un Da Vinci n'en comptait que quatre. Pour l'instant inactifs et repliés sur eux-mêmes, ces appareils ressemblaient à d'énormes araignées mécaniques prêtes à bondir sur leurs proies.

Il remarqua ensuite l'entrelacs de symboles et motifs sur les murs, le sol, le plafond... ainsi que les seize occultistes eux aussi vêtus d'exosquelettes – toujours reconnaissables grâce au pentacle servant d'emblème à leur Département – en faction à intervalles réguliers tout autour de la pièce. Même les techniciens qui s'affairaient en bas étaient engoncés dans des armures mécanisées. Sans blague, qu'est-ce que FIRMAMENT faisait de si dangereux ici ?!

« Vous m'avez l'air inquiet, Cantor. »

« On le serait à moins. Des gardes surarmés, des vitres pare-balles et anti-explosions partout, une barrière thaumaturgique et... sont-ce des Timur que je vois là, dans ces renfoncements ? »

« En effet. Mais je vous rassure, cela fait des années que nous n'avons plus eu d'accident. »

« Nous préférons être prudents, c'est tout. »

Contrairement à son habitude, Feuerbach les interrompit sèchement : « Taisez-vous, ça va commencer et je ne veux pas en perdre une miette ! »

Effectivement, un battant blindé coulissa pour laisser passer vingt cobayes et leur escorte. Sentant bien que quelque chose n'allait pas, les prisonniers avaient oublié la peur précédemment inspirée par leurs gardiens et résistaient de toutes leurs forces. En vain : chacun d'eux fut traîné jusqu'à l'un des compartiments et attaché sans ménagement à la table d'opération. Une fois rendus incapables de bouger ne serait-ce que d'un millimètre, des assistants médicaux tout aussi caparaçonnés que le reste du personnel s'abattirent sur eux comme une nuée de vautours pour les brancher aux instruments de mesure et poser des perfusions. Ils se retirèrent tout aussi vite une fois leur besogne achevée, refermant les portes renforcées derrière eux, laissant les sujets enfermés dans leurs cages transparentes.

Rogos s'approcha de la rambarde pour mieux voir et régla le canal de communications afin d'exclure l'allemand de la conversation avec ses collègues. Il en avait assez d'être maintenu dans le noir, la procédure était sur le point de débuter, il voulait des réponses. « Ça y est, j'ai le droit de savoir ce que FIRMAMENT fabrique ici maintenant ? »

Sa collègue ne se tourna même pas vers lui pour répondre : « Des éveillés, évidemment. »

Les mains de l'infiltré se crispèrent tandis qu'en bas, vingt robots s'animaient comme s'ils n'étaient qu'une seule et même créature, déployaient leurs appendices puis la batterie d'instruments tranchants cachés à l'intérieur et enserraient subitement les crânes des cobayes. Vingt hommes et femmes hurlèrent à l'unisson.
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Il n'arrivait pas à détourner les yeux de ce répugnant spectacle. Même s'il y était parvenu, il n'aurait pas pu échapper à tous ces terminaux qui retransmettaient des images de la procédure en plans extrêmement rapprochés, assorties d'une suite ininterrompue d'informations sur ce que les machines chirurgicales faisaient subir aux condamnés.

L'opération lui rappelait à la fois celle qu'il avait pratiqué pour gagner sa place à FIRMAMENT et ce qu'il avait fait et vu en Chine, en plus poussé et surtout beaucoup plus horrifique. Les robots avaient ôté la calotte crânienne des sujets, mis le cerveau à nu et manipulaient à présent directement la matière grise, y enfonçant une collection cauchemardesque de sondes, seringues, électrodes, pinces et autres outils tranchants. Les bras mécaniques restants accomplissaient un travail similaire, à peine moins invasif, au niveau des disques intervertébraux et de nombreux points-clé du système nerveux périphérique. Sur les écrans défilaient les détails des myriades de stimulations électriques que l'appareillage infligeait aux cobayes, des multiples drogues injectées au cœur-même de leurs centres nerveux ; le cavalier sans tête ne savait pas comment l'Agence s'y était prise mais le dispositif canalisait même de faibles décharges cosmiques. Rien de cela ne servait à l'anesthésie : les cobayes ressentaient chaque seconde de ce supplice à son intensité maximale, les machines les stabilisaient même de force lorsqu'ils semblaient prêts à s'évanouir, à entrer en état de choc ou à faire une crise cardiaque. Leurs corps auraient dû être agités de convulsions incontrôlables mais leurs entraves les empêchaient de faire le moindre mouvement ; ils hurlaient à pleins poumons mais leurs cages étaient insonorisées et les caméras ne retransmettaient pas l'audio.

Était-ce ce qui permettait à ses collègues de regarder cette atrocité se dérouler avec un tel détachement, ou avaient-ils trouvé un autre moyen de faire taire sur commande leur sens de l'empathie ? Rosenberg répondit partiellement à cette interrogation lorsqu'il posa une main sur l'épaule du Dullahan et l'entraîna précautionneusement à l'écart.

« Vous pensez pouvoir tenir le coup ? »

Drôle de question, ce n'était pas le français qui était attaché à une table d'opération, qui pleurait et implorait alors que des doigts mécaniques lui disséquaient le lobe pariétal. Son supérieur ne l'aurait pas non plus amené ici s'il ne le pensait pas capable d'encaisser ; il s'était préparé à être témoin de quelque chose dans ce genre-là dès qu'on lui avait donné les dossiers des cobayes.

« Ça ira, professeur. » réagit-il d'une voix à la tension palpable.

« Il y aura une évaluation psychologique pour tout le monde à la fin de la journée. »

Rogos hocha la tête à la dernière réplique de l'américain et se focalisa sur son observation. Il se concentra afin de dissocier l'image du jeune homme à peine sorti de l'adolescence dans le compartiment le plus proche de l'acte chirurgical lui-même, de faire abstraction de la terreur, des cris et du sang pour ne traiter cela que comme une procédure médicale comme une autre. Petit à petit, ses efforts portèrent leurs fruits et il réussit à discerner la méthode derrière la cruauté apparente, la science sous la torture. Ce qu'il voyait n'était pas le produit d'un sadisme gratuit mais celui d'une logique clinique et froide, même si le résultat final n'en était pas moins moralement condamnable – et comparable aux pires tourments infernaux.

« Je croyais que nous n'étions pas capables de provoquer un éveil instantané ? » demanda-t-il autant parce qu'il voulait connaître la réponse que parce que poser la question l'aidait à ignorer l'expression des suppliciés en bas.

« Pas de manière fiable et pas sans conditionnement préalable, non. »

Comme pour illustrer la réponse du professeur, plusieurs cosmos naissants commencèrent à se faire ressentir en provenance des cages. Dans le même temps, les signes vitaux des cobayes devinrent de plus en plus incohérents : certains voyaient leur rythme cardiaque s'effondrer jusqu'à l'arrêt complet, d'autres le voyaient s'emballer jusqu'à ce que le cœur lâche. Le rythme respiratoire, les taux de diverses substances dans le sang et l'électroencéphalogramme se comportèrent de la même façon : moins de trente secondes plus tard et plus de la moitié des sujets d'expérience étaient morts ou inconscients.

« Six succès. » remarqua un scientifique tandis que les portes des cages abritant les « échecs » s'ouvraient pour laisser passer les techniciens. Ceux-ci chargèrent les cadavres et les comateux sur des civières avant de se mettre à nettoyer le bloc opératoire pour les prochains prisonniers, passant la table au jet d'eau pressurisée pour emporter tous les fluides et restes de l'opération dans une rigole creusée dans le sol, désinfectant chaque surface...

« Un coup de chance. » ajouta un deuxième collègue, qui voulut aider le petit nouveau à mettre les choses en perspective : « À ce stade, le taux de réussite est de 20% en moyenne. »

Une réussite toute relative car les auras créées par l'expérience – des auras tourmentées qu'il se forçait à ignorer alors qu'elles assaillaient son sixième sens des échos de la souffrance de leurs propriétaires – étaient risibles. Des éveillés de niveau 1, si faibles que même un humain sans pouvoirs ni équipements particuliers pourrait les vaincre avec suffisamment d'entraînement et d'astuce... Mais son aîné avait laissé entendre qu'ils n'en avaient pas terminé et en effet, les robots se remirent à l'ouvrage sur ceux qui avaient survécu à la première étape pendant qu'une nouvelle fournée de condamnés faisait son entrée et était menée vers les compartiments libres. L'horreur recommença : la peur, la souffrance, les cris, le sang.

« Avons-nous prévu de tenter un passage au niveau 3 aujourd'hui ? » intervint Feuerbach, qui depuis que la procédure avait débuté s'était contenté d'observer dans un silence qu'on aurait presque pu qualifier de religieux.

« Seulement s'il nous reste au moins cinq sujets à la fin de la deuxième phase. »

« Prions pour une aberration statistique alors. »

Le Dullahan se tourna sans un mot vers ses collègues et l'un d'eux, comprenant où il voulait en venir, répondit à sa question muette : « Le taux de réussite pour un passage du niveau 1 au niveau 2 est d'environ 15%. Faites le calcul. »

Ce n'était pas la même chose qu'un taux de passage du niveau 0 au niveau 2, ce qui voulait dire... 3%. Sur cent prisonniers dépourvus de pouvoirs, trois seulement parviendraient à acquérir le plus bas niveau de capacités réellement surhumaines, l'équivalent de ces apprentis ratés du Sanctuaire trop faibles pour recevoir une armure, qui servaient de piétaille tout juste bonne à se faire massacrer par le premier chevalier venu. Ils avaient 120 cobayes donc avec de la chance, peut-être auraient-ils droit à un quatrième « succès »... quant à ceux qui échoueraient, il n'en resterait que des cadavres, des légumes ou des invalides.

« Quel gâchis... les Saints arrivent à obtenir des chevaliers d'Or avec un ratio pareil. »

Loin d'être offensés de voir leurs compétences ainsi remises en question, les autres scientifiques acquiescèrent gravement. L'alliance avec les autres Agences – et l'accès à leurs ressources humaines, au sens le plus littéral du terme – avait dû représenter une véritable aubaine pour ce projet de FIRMAMENT.

« Et pourtant nous avons des dizaines d'agents qui se portent volontaires pour subir l'opération. » nota Rosenberg. Rogos le dévisagea avec incrédulité et il compléta fort heureusement sa remarque : « Nous avons toujours refusé, bien entendu. Nous sommes déjà réticents à mettre leur vie en danger lors des programmes d'entraînement, nous n'allons pas les sacrifier avec une procédure expérimentale ! »

Cette fois, le Spectre parvint à anticiper le moment où s'achèverait la deuxième phase en gardant un œil sur les fluctuations du cosmos transmis par les machines – sans doute en provenance de la cellule ; la procédure était-elle guidée par l'interface de Geburah, un éveillé comme Beth dont la tâche était de torturer et tuer tous ces gens ? – et leur harmonisation avec ceux des six rescapés du premier groupe. Leurs auras s'amplifièrent encore et encore, pressant contre la barrière les séparant du niveau supérieur... et s'éteignirent brutalement, les unes après les autres. Six échecs, aucun survivant. Les épaules de l'allemand s'affaissèrent : il était déçu.

« Aux suivants, et plus vite que ça... » marmonna-t-il alors que les croque-morts s'engageaient dans un nouveau ballet. Rosenberg, lui, tapota pour la deuxième l'épaule de son subordonné : « Vous en avez assez vu, vous n'êtes pas obligé de rester jusqu'au bout. »

Les autres chercheurs désertaient peu à peu la rambarde, aucun d'eux n'ayant apparemment envie de rester là à regarder d'autres êtres humains se faire disséquer comme de vulgaires rats de laboratoire pendant des heures.

« Merci... vous avez raison, je ne crois pas que j'en serais capable. »

Sur ces mots, le français accepta l'offre et suivit son supérieur dans une pièce attenante d'où l'on ne voyait plus les cages, seulement les éléments de la procédure sur lesquels se focalisaient les caméras. Maintenant qu'ils étaient entourés de diagrammes et de flux de données, loin de l'hémoglobine et des hurlements et qu'ils n'avaient plus à contempler les visages de leurs « patients », ils pouvaient presque prétendre qu'ils discutaient d'une opération tout ce qu'il y a de plus normale... presque. Il devait se forcer à recentrer son attention sur les explications détaillées de l'américain alors que dans la salle voisine, des effusions sporadiques de cosmos marquaient l'instant où un cobaye se heurtait au mur de l'éveil. Ceux qui échouaient à le franchir étaient les plus chanceux, car ceux qui réussissaient y gagnaient seulement une souffrance encore plus grande en passant à l'étape suivante de la monstrueuse opération.
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Deux heures s'écoulèrent avant que le dernier cobaye ne rende enfin l'âme. Deux heures pendant lesquelles le Dullahan avait amèrement et sincèrement regretté l'impossibilité de fermer son esprit à ces auras qui s'imposaient à lui en une expérience d'une intimité révoltante, inondant son sixième sens de la souffrance et de la terreur abjectes de ces malheureux sacrifiés sur l'autel d'une science sans conscience. Qu'importe qu'il s'agisse de pécheurs condamnés à la peine capitale et promis aux tourments des Enfers, il faudrait être dénué de toute empathie pour ne rien ressentir après avoir été bombardé d'émotions aussi puissantes. Comment les gardes éveillés de cet endroit arrivaient-ils à tenir le coup, eux qui contrairement aux chercheurs bien à l'abri derrière leurs écrans n'avaient même pas le luxe de pouvoir détourner les yeux de cette scène ? Ou alors peut-être que FIRMAMENT avait confié cette tâche à ses soldats les plus profondément dérangés ?

Quant au bilan final... trois niveaux 2, pas assez pour tenter la troisième phase de la procédure. Trois « succès » contre 76 morts, 25 sujets souffrant de séquelles physiques et psychologiques graves voire irréversible et seulement 16 échecs qui s'en étaient tirés relativement intacts. Quel monumental gâchis.

« Ça va docteur, pas trop secoué ? » lui demanda-t-on sur le chemin de la morgue. Cette question...

« Oui, ça va. »

« Vous êtes sûr ? »

« Je vous dis que oui, c'était pas moi sur la table d'opération ! »

Il s'admonesta intérieurement pour cette réaction involontairement péremptoire, une honte après s'être efforcé de demeurer impassible pendant tout ce temps. Il n'y était pas totalement arrivé mais il avait réussi à réprimer l'envie de vomir, c'était déjà pas mal dans ces circonstances. Ses confrères se montrèrent cependant très compréhensifs face à cette saute d'humeur et passèrent rapidement à autre chose. Ils pénétrèrent dans la morgue où les techniciens étaient déjà en train de préparer la première fournée de cadavres et il suivit Rosenberg lorsque celui-ci lui fit signe de venir le rejoindre.

« Puisque c'est votre première visite, vous serez en rotation aujourd'hui. » expliqua-t-il en se penchant sur leur « patient » et en se saisissant des outils nécessaires à l'autopsie. « Vous examinerez d'abord ce sujet avec moi puis vous irez rejoindre nos collègues qui s'occupent des survivants, succès comme échecs, histoire de voir le panorama complet des résultats de la procédure, puis vous reviendrez ici. »

« Compris. » répondit-il en s'emparant du matériel restant pour aider à l'autopsie. Il inspira un grand coup pour reprendre entièrement le contrôle de ses nerfs puis s'apprêta à disséquer ceux du macchabée au village couvert d'un linge rouge, servant à masquer à la fois ses traits et les multiples coulées de sang sortant de ses yeux, de ses oreilles et de ses narines. Ce n'était plus un humain sur cette table, rien qu'un sac de tissus et d'os à ouvrir pour en extirper tous les secrets. Ayant ainsi compartimenté son esprit, Rogos se mit à l’œuvre avec des gestes précis et mesurés, pratiquant ses incisions, rabattant la peau, écartant les muscles, mettant les zones d'intérêt en évidence et notant avec un calme clinique l'état catastrophique du système nerveux de la carcasse. Posant alternativement les yeux sur l'intérieur du corps, sur son dossier médical et les données de l'expérience, il prouva qu'il était parvenu à se détacher entièrement de ses précédents scrupules en posant son diagnostic. « Sujet D-15086, mâle caucasien, 37 ans. Cause probable de la mort : crise cardiaque due à une suractivation du système nerveux sympathique... »

Il se laissa porter par la routine de l'autopsie qui monopolisait la plus grande partie de ses ressources mentales ainsi que par les explications du professeur. Les applications potentielles de cette technologie étaient innombrables, disait-il, la porte ouverte à une révolution scientifique, technologique et industrielle qui transformerait toute leur civilisation comme l'avaient fait la maîtrise du feu, l'invention de l'écriture, de la roue ou d'internet en leur temps. Mais sous son scalpel et son bistouri, la réalité de la situation se rappelait à son bon souvenir. Le français avait pratiqué cette procédure des centaines de fois mais il n'avait jamais rencontré le type de dommages qu'il observait à présent. Les neurones du cobaye présentaient un type de nécrose ante-mortem absolument unique et les capillaires sanguins avaient éclaté dans tout son encéphale... il n'avait jamais vu cela, même en examinant les cadavres d'éveillés tués par leurs propres pouvoirs après en avoir perdu le contrôle.

Une fois son aîné sûr et certain que cette dépouille n'avait plus rien à leur apprendre, qu'ils avaient pratiqué tous les examens et réalisé tous les prélèvements nécessaires, il l'envoya – sous escorte armée – dans une autre salle tout aussi avenante et aseptisée que la morgue. Là étaient rassemblés – ou plutôt parqués avec des entraves qui ne laisseraient même pas les éveillés s'échapper – les survivants, sous la garde bienveillante du professeur Feuerbach. L’Étoile Terrestre serra les dents et ne se laissa pas affecter par la présence de l'allemand, qui était de toute façon dans l'une de ses phases les plus professionnelles, pour une fois trop occupé à faire son travail pour harceler ses subordonnés.

Au bout d'une heure de silence passée à tester les réflexes de pauvres bougres traumatisés par ce qu'il venait de leur arriver – des tests servant surtout à déterminer l'étendue des dégâts sans avoir à recourir à leur vivisection –, à enchaîner prises de sang et ponctions lombaires, ce fut le Spectre qui – à sa propre surprise, il ne savait pas ce qu'il lui prenait tout à coup –engagea la conversation, via communicateurs pour ne pas laisser les cobayes entendre quoi que ce soit.

« C'était... surprenant, je ne savais pas que FIRMAMENT avait avancé à ce point. »

« Malgré l'affligeant gaspillage que la procédure actuelle représente ? » rétorqua le teuton sans cesser de tester la dilatation de la pupille de son patient tandis que son subalterne en prenait le pouls.

« C'est déjà mieux que ce à quoi je m'attendais. Il y a déjà eu des niveaux 3 produits par cette expérience ? »

« Quelques-uns oui... ils ont même réussi à créer un niveau 4 une fois, même s'ils n'ont plus réussi à réitérer l'exploit depuis. Mais aucun de ces éveillés n'aurait pu être déployé sur un champ de bataille par nos amis américains : même avec des implants de contrôle, il y a des limites à ce qu'on peut exiger de « recrues » aussi récalcitrantes. »

D'accord, c'était du sérieux alors, ratios lamentables et impossibilité de se servir des effectifs actuels ou pas. Lui qui pensait qu'il faudrait attendre plusieurs années avant de voir les Agences se mettre à travailler sur des ersatz d’Étoiles Maléfiques artificielles... même si le niveau 5 – le septième sens, celui des chevaliers d'Or – leur restait pour l'instant inaccessible, mieux valait prendre acte de ces développements dès maintenant.

Les factions divines enrobaient la chose de toute une rhétorique ésotérique mais au final, l'éveil au cosmos était essentiellement un phénomène d'ordre neurologique. L'enseignement, les entraînements, la méditation, tout cela se traduisait par la sécrétion de neurotransmetteurs et la formation de connexions entre neurones qui, une fois organisés pour former le circuit adéquat, permettaient d'accéder au potentiel caché en chaque être humain. Les Étoiles Maléfiques étaient simplement des outils fiables à 100% permettant aux Dieux infernaux de « programmer » instantanément de nouveaux Spectres en remaniant les cerveaux de simples mortels – il vaudrait mieux qu'il évite de poser la chose en ces termes en présence de Wolgorn cela dit –, il fallait donc s'attendre à ce que l'humanité, éternelle insatisfaite, commence un jour ou l'autre à empiéter sur ce qui était auparavant leur domaine exclusif au fur et à mesure des progrès de la science.

Plus il restait ici, plus le désenchantement s'enracinait dans l'esprit du Dullahan. Il n'était rien de spécial, rien d'autre qu'une machine organique temporairement élevée au-dessus de ses pairs par l'installation d'un logiciel et l'octroi d'un matériel particuliers. La mystique attachée au divin – des Dieux dont il savait déjà qu'ils n'étaient ni invincibles, ni infaillibles – et aux Étoiles Maléfiques était pour lui le dernier bastion du sacré et du merveilleux ; le jour où il ne lui resterait même plus ça, où il n'aurait même plus la force de crier au sacrilège alors que l'on analysait ces ultimes mystères...

« Mon estimé confrère et sa clique croient que Tetragrammaton peut changer le monde, offrir au genre humain une ère de paix et de prospérité sans précédent. Adorable, n'est-ce pas ? » reprit l'allemand en passant au patient suivant. Rogos le suivit, sortant de sa détresse métaphysique : « Ils vendent la peau de l'ours avant de l'avoir tué. »

« Avant d'avoir ne serait-ce qu'appris à tirer et acheté le fusil pour partir à la chasse vous voulez dire. Aussi séduisante que soit la perspective de lever une armée d'éveillés d'un claquement de doigts, ça ne suffira jamais. Et même si par quelque miracle ils y arrivaient... que se passerait-il ensuite ? »

Les nations représentées au sein de l'alliance régneraient sans partage sur une planète dénuée d'autorité divine pour y faire régner l'Ordre et la Justice. Le cavalier sans tête n'était pas sans savoir que les Agences s'étaient au départ constituées pour des buts bien moins nobles que la protection de l'humanité dans son ensemble et qu'elles n'avaient consenti à mettre de côté leurs projets visant à permettre à leurs pays respectifs de dominer le monde qu'à la suite des cataclysmes de 2016. Elles fourniraient aux États-Unis, à la Chine, à la Russie le pouvoir d'imposer une hégémonie sans commune mesure avec celle dont ces États jouissaient actuellement. En l'état elles n'y arriveraient jamais par elles-mêmes, elles n'avaient pas de quoi remporter une Guerre Sainte même face à la plus faible des factions divines, mais si par malheur les Saints parvenaient à arracher aux autres camps un nouveau répit de quelques décennies pour l'humanité... et au vu de l'inactivité des Marinas ces derniers mois, il se pourrait bien que les Spectres soient la dernière de ces autres factions. Le sort de la Terre reposait entre leurs mains.

Mais ce n'était pas la réponse que l'allemand attendait de lui.

« Je suppose qu'il n'y aurait plus besoin de gens comme moi ou mon employeur pour commencer, nous deviendrions obsolètes. Et je n'ose pas imaginer ce qu'il adviendrait de l'alliance une fois l'ennemi commun vaincu... ou les choses qu'elle ferait avec ce pouvoir. »

Feuerbach acquiesça et compléta son dernier examen ; il était temps pour le Dullahan de revenir auprès de Rosenberg.

« Il y aura toujours un nouvel ennemi, nous le fabriquerons nous-même si besoin. La paix n'est tout simplement pas pour nous, quoi qu'en disent les idéalistes. Tout ce que nous pouvons faire, c'est nous assurer d'être du côté des vainqueurs. »

Oh, pour ça pas de problème, le Spectre y comptait bien. Prenant congé de l'allemand, il retourna auprès de son autre supérieur. Il y avait encore de nombreux secrets à percer pour faire en sorte que les infernaux gardent la main sur les rênes de l'humanité.
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