-« C’est décidé, compte-tenu de son incapacité à contrôler sa colère, l’apprentie de Gareth, Eurydice, ne concourra pas à l’obtention d’une armure sacrée. » Ordonna le président du conseil de formation…

-« Vous commettez une grossière erreur… » répliqua Gareth, également membre du conseil. « Eurydice possède des capacités exceptionnelles, sa maîtrise des arcanes gémellaires dépassera bientôt la mienne… L’inexpérience mise à part, elle est plus puissante que la plupart des chevaliers en activité. Le Sanctuaire ne peut se passer d'un tel talent. »

Un membre du conseil, moins ancien que Gareth, s’avança et rappela au chevalier d’or des Gémeaux les circonstances ayant conduit à cette regrettable décision. Il lui narra, une nouvelle fois, les mains ensanglantées de son élève, le visage détruit de son adversaire et le fait qu’elle ait manqué de faire exploser le centre d’entrainement… Sans l’intervention de Gareth, l’apprentie aurait exécuté l’arcane ultime des Gémeaux en plein cœur de la Palestre.

-« Tu devrais t’estimer heureux, certains ont fini sur l’Ile de la Reine Morte pour moins que ça. » railla le président tandis que Gareth s’apprêtait à quitter les lieux.

-« Je refuse cette décision, je continuerai d’entraîner Eurydice et je l’aiderai à se contrôler » affirma Gareth…

-« De quelle autorité ?» répliqua un autre membre

-« La mienne. » termina le chevalier en quittant les lieux. Esquivant alors le procès en arrogance qui allait être mené à son encontre.

En ce qui concernait son élève, il avait ses idées. Certains éveillés maîtrisaient le contrôle des sentiments, avec l’entrainement adéquat ils parvenaient à dominer leurs émotions… D’autres parvenaient à les sceller, plusieurs choix s’offraient à lui. Il suffisait de choisir celui qui conviendrait le mieux à son élève.

-« Pourquoi ces cartes ? » interrogea la jeune femme, circonspecte devant les cartes de tarot présentées par Gareth.

-« Elles ont pour objectif de t’aider à dominer tes émotions. » lui répondit simplement le chevalier d’or des Gémeaux. « L’objectif est de lier tes capacités cosmiques à ces cartes ».

Eurydice comprenait l’entreprise que menait actuellement Gareth, elle s’en voulait toujours autant… Son partenaire avait refusé de la recevoir et les autres apprentis de la Palestre l’évitaient. Ainsi exclue, Eurydice évitait les enseignements communs pour se concentrer sur ses entrainements privés avec son maître et/ou sa sœur.

-« N’est-ce pas dangereux de lier ses propres capacités à un objet tiers ? Je pourrais les perdre… » exposa l’apprentie, peu intéressée par le propos.

Gareth comprenait le désarroi de son étudiante, comment aurait-il réagit à sa place ? Le chevalier ouvrit une faille dimensionnelle afin d’en tirer un paquet de carte à jouer. « C’est une question d’habitude, je n’ai jamais égaré les miennes. Tu sais, les arts gémellaires sont tels qu’ils nécessitent un contrôle permanent… Ces cartes le faciliteront. »

Eurydice saisit le jeu de tarot et passa les cartes une à une, Gareth avait précisé sur des post-it les significations de chacune d’entre elle, une attention charmante et appréciable. Il invita la jeune femme à choisir ses préférences et de revenir vers lui dans la soirée. Dans la soirée ? A-t-il enfin ouvert les yeux ?

Le soir venu, Eurydice se dirigeait vers le temple des Gémeaux. Elle portait une courte robe noire, élégante et discrète. Pieds nus, la jeune femme affichait pour seuls accessoires quelques bijoux visant à rehausser ses yeux émeraudes. Une dizaine de minutes d’attente et Gareth vint la rejoindre, il la dévisagea un instant et la complimenta sur sa tenue « je te vois rarement en robe, ça te va plutôt bien. »

Eurydice lui dédia un sourire de remerciement, la jeune femme de bientôt vingt-deux ans, suivit son maître qui l’invitait à rejoindre le centre du temple. « J’ai bien réfléchi et si l’on souhaite que les cartes soient des sceaux efficaces, je suggère de les lier à la dimension parallèle que tu nous a présenté il y a quelques semaines. Peux-tu nous y conduire ? »

« Parfait » pensa-t-elle, là-bas ils ne seraient pas dérangés. Très sérieuse, Eurydice opina du chef et ouvrit un portail. En quelques secondes, ils se retrouvèrent tous deux au cœur du Palais de Lumière. Les émotions reproduites sur les murs évoquaient la paix, le calme et une certaine forme de sensualité bienvenue.

Elle présenta au chevalier les différentes cartes qu’elle s’était choisie en fonction des explications fournies plus tôt dans la journée. Satisfait de ses choix, Gareth lui expliqua comment lier une technique à un sceau physique. Pour une meilleure compréhension de l’art, il lui désigna ses propres sceaux.

Suite aux suggestions précédentes, il lui conseilla d’effectuer les opérations nécessaires seulement en ces lieux, voire même d’y laisser les cartes. Ainsi, hors du palais sa puissance demeurerait limitée, son plein potentiel ne se révèlerait qu’ici.

Les explications durèrent encore une bonne heure et, lorsque Gareth cherchait quelque chose dans l’une de ses poches, Eurydice s’approcha de lui et colla ses lèvres contre les siennes. Le baiser, aussi éphémère qu’intense s’estompa rapidement. Gareth repoussa gentiment la jeune femme. « Je ne veux pas que tu te méprennes… » Econduite, les joues d’Eurydice virèrent au carmin, Gareth tenta de poser une main sur son épaule mais elle le repoussa vivement.

Trop inquiet pour son étudiante, l’expérimenté chevalier ne prêta aucune attention aux changements environnants. Les murs du palais évoquaient à présent une colère sourde, froide et implacable. Les dominantes azurées passèrent à l’écarlate…

-« C’est elle c’est ça ? C’est Cassandre, depuis quand ? Depuis quand vous vous voyez dans mon dos ?! »

-« Mais qu’est-ce que tu racontes ? Cassandre et toi êtes comme mes sœurs… »

Le cosmos d’Eurydice explosa, son corps irradiait d’une lumière vive. Pour se protéger, Gareth plaça son bras droit devant ses yeux, et tenta, sans succès, d’apaiser les tensions. « Va-t’en ! » répliqua froidement son élève. « J’ai dit dégage ! » hurla-t-elle après une nouvelle tentative de Gareth pour la raisonner.

Joignant le geste à la parole, une nuée de faisceaux lumineux s’écrasèrent autour du chevalier d’or des Gémeaux. Lequel, pour seule issue raisonnable, dut battre en retraite, laissant alors seule, son étudiante en larme.