L’affaire était entendue puisque la manipulatrice en chef décida de se retirer sans formuler d’objections particulières.

Je sens qu’on va bien se marrer…

La sauvageonne de service semblait elle-aussi avoir son petit ego… Yasuha ricana ouvertement devant les réserves émises par sa compatriote forcée.

- « Fais ce que tu veux ma chérie, tant que tu ne fais pas tout foirer. Tu dois être classe, stricte, un peu hautaine sur les bords et par-dessus tout convaincante ; pour les détails ou tes aspirations personnelle, ta life ne m’intéresse absolument pas. », rétorqua la jeune espiègle sur un ton dédaigneux au possible.

- « Allez les filles, départ demain matin à l’aube. Je m’occupe de la logistique : j’adooorrreee le shopping, et encore plus cramer le fric des autres. », ajouta-t-elle en éclatant de rire.


…/…


Le lendemain en Grèce.

La nippone avait pris soin de faire commander et livrer en express tout le nécessaire dans le jet privé réservé pour les déposer en Grèce. L’ancienne porteuse de la Yoroï de Mikaboshi s’était isolée durant tout le trajet pour se reposer d’une part, ainsi que pour se préparer mentalement en cas de complications d’autre part. Elle avait revêtu une tenue et un masque dignes d’un seigneur Sith en devenir, tout en prenant soin de faire disparaitre complètement sa cosmo-énergie, ajoutant ainsi au mystère voulu par ses atours.

A Athènes, un van de couleur noire aux vitres teintées les attendait pour les mener jusqu’aux portes de la Palestre, dernier lieu de pérégrination du musculeux à la cervelle de moineau.

C’est parti mon kiki…

- « En piste les filles, nous serons bientôt en territoire ennemi. Pas de blagues et tout devrait bien se passer. », dicta-t-elle en guise d’encouragements, alors que sa voix était déformée en un rendu métallique par le modulateur de son masque.

- « Toi ma belle, tu vas être la vedette de la mission. N’oublie pas que Lady Pénélope est une femme à poigne et une belle salope de manipulatrice qui obtient toujours ce qu’elle veut. Ses sbires sont de cette trempe là aussi : tu dois donc mener la danse pour être convaincante et ne rien lâcher tout en n’atteignant jamais le point de rupture qui mènerait à la fin de la négociation ou à la baston. », ajouta la belle japonaise à l’égard de Daphnae.

- « Allez, Myra et moi on croit en toi ! Tu peux le faire ! », conclut-elle.

La voiture gravissait bientôt la route longeant la colline du domaine d’Athéna, et plus précisément celle traversant la forêt menant au centre d’entrainement de la Palestre.

Putain, encore une qui a une cervelle de moineau…

- « J’avais dit ‘Miss Anastasia’ mais si tu préfères faire l’étudiante russe, ça me va aussi. Tu veux une sucette pour compléter le tableau ? J’en ai toujours une ou deux sur moi au cas où… », réagit la pénible nippone en retour à la proposition de la guerrière farouche.

Le trajet s’avérait plus silencieux qu’escompté ; la tension de l’une et de l’autre était presque palpable. Yasuha se projetait déjà sur le moment fatidique des retrouvailles avec le gros lourdaud de catcheur misogyne. Elle réfléchissait aux options qui pourraient s’offrir à elle en cas de coopération infructueuse des Saints ou encore du sort qu’elle réserverait au crapuleux chevalier noir dans le cas contraire.

Bordel, on se croirait à un enterrement…

- « Après la mission, ça vous dirait qu’on aille en boîte les filles ? Je ne sais pas pour vous mais moi je me sens toute excitée : l’appel du sang me rend toujours toute chose et après faut que j’évacue. Danser et boire jusqu’au bout de la nuit, c’est un moyen comme un autre non ? », proposa la jolie japonaise pour détendre l’atmosphère, maladroitement certes.

Après avoir franchi la forêt à flanc de colline, la voiture ralentit alors qu’elle s’engageait sur une route rectiligne plus large menant à l’entrée du centre de formation des chevaliers en devenir. Une fois l’imposant portail franchi, les filles purent entrapercevoir les stigmates de ce qui fut l’évènement du siècle, du moins d’après les médias. La suie avait recouvert une bonne partie des toitures – ça ne laissait présager rien de bon sur l’état des structures entourant le point culminant du combat. Même l’atmosphère était encore chargée de l’odeur de calcination.

- « Allez les filles, c’est l’heure du show. On négocie, on menace subtilement au besoin et on repart avec le gros tas. », encouragea l’ancienne Nyoraise.

- « Au fait, on ne parle pas de ‘mort’ mais de ‘rééducation’ si on nous demande pour son sort. S’ils savent qu’on va le buter, cette bande de mauviettes serait capable de préférer le garder. Ils sont forts pour faire les beaux mais dès qu’il faut vraiment agir et prendre des décisions ou des risques, ils préfèrent se planquer comme des sous-merdes. », ajouta-t-elle en repensant à Tokyo.

Yasuha descendit la première du van et pointa aussitôt du doigt le premier garde visible. Sa tenue lui donnait une allure sinistre et inquiétante, renforcée par l’absence totale d’émanation cosmique de sa part.

- « Toi le loufiat ! Oui, c’est à toi que je parle ! Va chercher le premier gradé que tu vois et dis lui qu’une délégation de l’île de la Reine morte est ici. Et grouille toi, ma boss n’aime pas attendre. », héla-t-elle sur un ton autoritaire de sa voix métalliquement modifiée.

HRP:

Rhoooo, la pas drôle…

La jolie japonaise ne releva pas la réponse peu enjouée de la petite sauvageonne de service ; si elle préférait cueillir des baies et se rouler dans la boue, grand bien lui fasse. Myra semblait quant à elle plus enjouée à l’idée d’une soirée entre filles. Au final, Yasuha était en réalité plutôt impatiente de voir comment aller évoluer la performance de la délégation improvisée. Ce serait également l’occasion de croiser quelques huluberlus du Sanctuaire.

Un responsable pointa le bout de son nez quelques minutes après l’arrivée du trio magique. Un blondinet au teint bronzé, plutôt beau gosse, accueillit le groupe avec une certaine nonchalance apparente. La réaction de la grecque fut parfaite : coincée du cul à souhait comme le porte serviette de Lady P. qu’elle avait eu le loisir de rencontrer sur l’île de la Reine morte. Son discours laissait par contre sérieusement à désirer ; il avait au moins le mérite d’être concis et cohérent pour le coup.

On a pas gagné la guerre avec celle-là…

Myra, quant à elle, semblait plus à l’aise. Bref, l’espiègle nippone sentait qu’il se révélait nécessaire d’ajouter quelques arguments supplémentaires pour convaincre le bellâtre à la chevelure d’or.

- « Salut Blondin ! Miss Anastasia est très pragmatique et concise. Pour ma part, je dois ajouter que les seigneurs noirs évitent d’interférer les uns avec les autres. Aussi, ce con de Reagan est du ressort de l’abruti de Takeya Oni, celui là même qui a décidé que ce serait cool que les chevaliers noirs donnent dans le mercenariat. Au lieu de penser qu’au pognon façon ‘business man’ et de passer son temps à se taper des escort girls de luxe, il aurait mieux fait de surveiller ses sbires. », annonça la porteuse de Némésis.

- « Sauf que les actes du gros lourdeau et tout le tintouin des derniers jours foutent un peu la honte aux autres seigneurs noirs et notre Boss. Lady Pénélope n’aime pas trop la publicité gratuite que vous avez balancée à la face du monde. Elle ne vous en veut pas plus que ça hein, mais elle veut palier l'incompétence de Takeya et récupérer Reagan pour le juger selon les règles et le code des chevaliers noirs. », ajouta-t-elle en hochant la tête comme si elle approuvait son propre exposé.

Yasuha en avait assez fait et dit pour l’heure. Elle décida de rester un peu en retrait pour laisser se dérouler le plan. Après tout, la tête d’affiche de la délégation était Daphnae : c’était donc à elle de poursuivre et conclure d’une manière ou d’une autre cet entretien.

Bon, il me saoule lui…

Le chevalier d’or se montrait très frileux devant la décision lui incombant désormais : livrer ou ne pas livrer Reagan, là était la question. Quoi attendre de plus d’un de ces paladins de la Déesse de la guerre et de la sagesse ? Toute cette niaiserie énervait l’ancienne porteuse de Mikaboshi au plus haut point. Où étaient-ils tous ces bons sentiments quand le couple divin nyorais s’est sacrifié pour sauver Tokyo des foudres de Poséïdon ? Nulle part bien évidemment : tous ces bons à rien étaient terrés en Grèce, à l’image de ces petits lapereaux tremblotant dans leur terrier en tentant de d’échapper aux loups en chasse.

La japonaise fulminait de plus en plus, à tel point que ses yeux s’étaient machinalement recouvert de ténèbres. Elle percevait son environnement sous une forme tout à fait inédite pour le commun des mortels. Elle devait user de toute sa volonté pour garder le contrôle et ne pas sauter sur l’inconvenant blondinet. Un détail la tira subitement de son état : une cinquième ombre humanoïde se trouvait proche d’eux, cachée derrière une colonne. Un sourire se dessina sur le visage masqué de l’espiègle, un plan tordu se dessinant dans son esprit chaotique.

Coucou toi…

Daphnae avait pendant ce temps pris du poil de la bête, reprenant les rênes de ce qui semblait être des négociations. Elle s’en sortait plutôt bien à vrai dire. A voir si leur interlocuteur serait réceptif à cet argumentaire. Myra ajouta sa pierre à l’édifice en tentant de prendre à contrepied le discours du chevalier.

- « Dis donc Blondin, t’es sympa avec ton gentil blabla mais que comptez-vous faire de Reagan ? L’emprisonner à vie en priant votre déesse des bisous pour qu’il reste sagemment dans sa cellule ? Le bannir sur l’île de la Reine morte (c’est votre habitude après tout, de balancer vos ordures chez nous) ? », questionna la jolie nippone avec une pointe d’ironie non dissimulée dans la voix.

- « Et s’il se fait la malle et bute encore plus de monde, tu vas faire quoi ? Dire que c’est pas ta faute et que tu pouvais pas savoir ? Dire que t’es désolé et que tu feras mieux la prochaine fois ? Vous êtes vraiment une belle bande de fucking hypocrites… Quand la Boss veut quelque chose, elle l'a ! Tu es prêt à jouer aux dés et à te mettre à dos l’île noire pour un déchet fini qui ne sert à rien ? », ajouta-t-elle sur un ton agressif de plus en plus palpable.

L’entrevue venait de prendre un tournant des plus importants. Motivée et encouragée par sa propre folie, la maîtresse des ombres venait de décider que d’une manière ou d’une autre le trio repartirait avec Reagan. Elle chuchota quelques mots discrets à l’oreille de la sauvageonne.

Il se fout ouvertement de notre gueule ce con…

L’attitude de plus en plus condescendante du chevalier du Lion agaçait crescendo la jolie nippone. Bientôt, elle perdrait le contrôle de ses actes et laisseraient s’exprimer tout le chaos primordial déstructurant son esprit depuis des années. A moins que ce ne soit son envie irrépressible de vengeance qui ne l’emporte, celle de rétablir ce qu’elle juge comme une injustice depuis la disparition des dieux Nyorais.

A demie consciente les quelques instants suivants, elle se laissait bercer par la voix de sa consœur. Cette dernière réagissait fort bien au demeurant. L’annonce de la disparition du musculeux eut l’effet d’un électrochoc sur la japonaise et la ramena à la raison. Elle soupira comme pour remettre un peu d’ordre parmi l’entropie régnant au sein de ses pensées.

- « Et c’est maintenant que tu nous balances ça… Pauvre con ! », s’exclama spontanément l’ancienne disciple du chaos et de la destruction.

- « On n’a plus rien à foutre ici les filles. On rentre faire notre rapport sur l’île noire : ce guignol nous a assez fait perdre notre temps comme ça. », ajouta-t-elle en ignorant complètement l’homme à la chevelure dorée.

Myra n’avait pas tout à fait tort, il pouvait effectivement s’agir d’une manœuvre dissuasive pour se débarrasser du trio à moindre frais. Malheureusement, aucun moyen ne permettait de vérifier, sans escalade de violence, les dires du protecteur d’Athéna. C’est à contre-cœur qu’elles devraient lui laisser le bénéfice du doute – d’autant plus que les différentes vidéos tournées sur les lieux de l’affrontement ne révélaient que la présence de la guerrière du sanctuaire sur la scène finale du duel.

- « Un petit sourire pour la postérité ? », questionna rhétoriquement l’espiègle, alors qu’elle prenait une photo du Lion d’or avec son smartphone.

- « Si jamais Reagan réapparait, ou qu’on a un jour la confirmation que tu nous as menées en bateau, je m’occuperais personnellement de ton cas. Tu ne pourras aller nulle part, même pas aux chiottes, sans être certain que je ne serais pas tapie dans l’ombre à t’attendre pour te faire ta fête. Et comme je veux m'assurer que tu me prennes bien au sérieux, je vais te faire un petit cadeau de départ. », ajouta-t-elle sur un ton calme ne la caractérisant pas du tout d’ordinaire.

C'est avec une célérité peu commune que l’assassin se retrouva derrière la colonne de marbre camouflant Leihara. Profitant de son élan, et avant même son atterrissage, elle effectua en l’air une rotation du bassin afin d’assener à la disciple un puissant et précis coup de pied au niveau de la tempe. A la grande surprise de la guerrière, le blondinet s'interposa avec une vitesse fulgurante entre elle et sa cible. Le coup était malheureusement déjà décoché et exécuté avec une grande maîtrise technique : ce fut le chevalier servant qui encaissa le choc à la place de sa disciple.

- « C’est pas poli d’écouter aux portes Mamzelle ! Tu bouges vite pour un gros lourdingue, mais pas encore assez... », déclara la japonaise tout en se replaçant rapidement, avec grâce et précision, à distance de sécurité.

Intérieurement, elle espérait que le chevalier d’Athéna perde son sang-froid et réponde à cette provocation tentatrice. On ne pourrait pas l’accuser d’avoir ouvert les hostilités, même si son intervention se révélait border line. Dans le cas contraire, le petit groupe n’avait plus rien à faire en ces lieux et pourrait se retirer.