Après quelques temps, sans aucune visite, le chevalier avait fini par déblayer la totalité des affaires qu’il ne trouvait pas utile. Si certains auraient fait plusieurs tours pour apporter tout ça à Rodorio, lui ne s’était pas pressé, entassant tout au milieu de son propre temple, avant de tout mettre sur un chariot. Pourquoi faire plusieurs tours, quand on pouvait n’en faire qu’un et servir d’entraînement par la même occasion. S’il était vrai qu’il n’avait eu aucun ennui pendant ses heures de travaux, il avait tout de même ressenti une vibration étrange, le soir même où la Vierge était venue lui rendre visite. Les sens en alertes, le Taureau était sorti pour scruter le ciel, sentant que quelque chose approchait. Et en effet, une étoile filante passait au-dessus de son temple, se rendant dans celui du Cancer. Au même moment, un vide immense se faisait ressentir, celui d’un cosmos qui disparaissait en apothéose. Owain comprenait ce qu’il venait de ressentir et de voir et ne put retenir un message pour Spica, si elle l’écoutait encore.

* On vient de perdre un frère d’armes… *

N’ayant pas connu le chevalier du Cancer, le Saint ne le pleura pas. En revanche, il avait arrêté son rangement pour la journée et s’était installé sous les étoiles, un verre de whisky à la main.


Une fois qu’il avait tout fini et tout installé sur son chariot, le chevalier s’était mis en route pour Rodorio. Soulevant le chariot au-dessus de sa tête, le colosse était descendu par les marches, saluant les gardes qu’il croisait, amusait par leur regard médusé. Le Saint se rappelait maintenant la différence qu’il y avait entre les chevaliers d’ors et les simples gardes. Si les chevaliers de bronzes étaient déjà plus puissant qu’eux, autant dire qu’il existait un fossé entre leurs mondes.

En arrivant au village, les enfants lui tournèrent autour, afin de savoir ce qu’il transportait et SURTOUT comment il avait pu devenir aussi fort. Tout en souriant et en demandant aux enfants de s’éloigner un peu, le chevalier posa sa cargaison au milieu de la place du village. Il fouilla un moment, cherchant des choses qui pourraient faire plaisir aux enfants, tout en demandant à Priam de venir l’aider.

- Ce sont les affaires du précédant Taureau. Il y a surement du matériel utile pour la Palestre, une fois qu’elle sera de nouveau sur pied. Pour le reste, on va distribuer ça aux habitants de Rodorio. Vu ce qu’ils font pour nous, ils le méritent bien.

Tout en continuant sa distribution, le géant donna une liste à Priam, afin de lui faire gagner du temps sur ses courses. Il lui donna ensuite bourse pleine de pièces, afin qu’il puisse payer les fournitures. La liste n’était pas réellement complète, mais le chevalier savait qu’il ne pourrait pas trouver tout ce qu’il voulait ici.

Je n’ai jamais été aussi satisfaite de ma personne. Je ne rigole pas, on dirait que je reprends vie. Enfin, reprendre vie en dehors des montagnes que j’ai fréquentées pendant des années. Sans déconner, depuis que je ne suis plus Colombe-Anselme Gélinas mais plutôt Colombe de la Petite Ourse, je rayonne.

Vous devez vous demander ce que j’ai fait après que je sois devenue un chevalier de bronze. C’est simple. Je suis retournée en Grèce pour signaler qu’en passant, vous avez un Saint de plus, merci bonsoir. Cette fois-ci il n’y avait pas de mic drop. Ensuite, j’ai acheté un appartement à Rodorio. Oui, oui, je suis pourtant un Saint et je ne suis pas payée. Le Sanctuaire a tout payé. Ça doit être l’incarnation des parents de tous, sauf en plus classe. «T’as pas un sous? Tiens, on va t’en emprunter pour les deux prochains mois et on va t’acheter une place où dormir. Make it raaaainnn!» Dans le fond, j'ai rien acheté du tout mais chuuuuut...J’étais tel une personne qui reconnait sa chanson préférée pendant un concert intense dix secondes après tout le monde : extrêmement excitée et un peu folle. Je suis sûre que j’ai fait une bonne impression. Mon enthousiasme s’est accentué quand ils m’ont prévenu que j’allais devoir faire des courses…mais vraiment pour acheter TOUT. Sinon j’allais juste passer la nuit sur le plancher et j’allais devoir apporter des feuilles d’arbre dans la salle de bain. Sans plus attendre, je me suis mise en route pour le marché, une bourse pleine d’euros dans la main.

Me voici donc au marché de Rodorio, qui n’aura sûrement pas de meubles IKEA mais qui au moins aura sans doute des chaises artisanales. Je dis des blagues, mais je dois bien admettre que c’est tout mignon et c’est bien foutu, avec les stands et tout ça. Les vendeurs à qui je m’adresse sont quand même gentils même si clairement ils se demandent d’où je sors, avec mes sweats pants que je porte depuis cinq jours et mon t-shirt de ninjas en pain d’épice. Alors j’achète, j’achète et j’achète. J’avoue que j’achète pas toujours les trucs les plus importants, comme ce livre dont j’ai jamais pu finir en France et que j’ai oublié de ramener avec moi, mais je suis assez intelligente pour prendre des items utiles et usés que les gens ne veulent plus. Mes bras supportent plus de sacs qu’ils ne devraient et j’ai commencé à vider leur contenu dans la boîte de mon armure, au découragement de certains passants. Oui c'est sacré je sais, mais mon confort est sacré aussi et on fait avec ce qu'on a.

J’aperçois un homme géant, mais alors vraiment géant, arriver en tirant un chariot chargé de différentes affaires de toutes sortes. J’observe à distance les enfants accourir vers lui, qu’il chasse poliment après leur avoir donné des jouets je suppose. Il appelle un monsieur, que je crois vaguement reconnaître mais je suis incertaine. Celui-ci l’aide à distribuer le contenu du chariot aux civils. Ça doit être les Pères Noël du mois, à moins que ce sont des serpents qui prétendent être gentil mais en fait ce sont des vrais manipulateurs vicieux que leurs buts sont extrinsèques. Un peu comme la fille dans Games of Thrones qui a réussi à être reine avant de se faire enfermer et puis de se faire sauter. Happy times.

C’est sans m’en rendre compte que l’homme qui me sonne une cloche me tend de quoi gentiment. On se regarde en silence un instant, moi parce que j’essaie de me souvenir d’où je l’ai vu et lui parce qu’il vient de voir mon urne accrochée à mon dos et qu’il ne se souvient pas de ma gueule. Il me sourit en guise de bienvenue et me demande si je veux l'affiche qu’il tient. Douteuse, je demande qu'est-ce qu'elle illustre. Je veux pas avoir de mauvaise surprise en l’affichant sur mon mur (non mais si c’en est un d'une fille pratiquement nue je vais être un peu mal à l’aise). «Oh c’est du film La Belle et la Bête.» qu’il me répond. Vendu! La fanatique de Disney en moi n’a jamais quitté mon cœur. Quoique que je ne sais pas pourquoi Monsieur Épaules-Drastiquement-Larges avait ça chez lui, mais hey, je ne juge pas, moi aussi je suis une adulte qui adore les films familiaux.

Je le remercie, lui souhaitant bonne chance pour les courses qu’il devait faire pour l’autre type, que je salua de la main en guise de remerciement pour cette gratuité, et je continue ma route, le cadeau sous mon bras. Je continue ma route et je m’arrête plus loin, à l’ombre, et je dépose tout ce que je trimbale au sol. Je crois que si je tasse intelligemment mes affaires, je pourrai rentrer ma nouvelle acquisition dans ma boîte sacrée. Je ne peux quand même pas m’empêcher de la dérouler pour y jeter un œil…QUOI?! C’est un poster du film live action de 2017!!! Je me suis faite jouée solide! C’est pas une femme nue mais j’en suis quand même choquée! Ah non, là je vais retrouver un de ces deux mecs et je lui remets cette merde, sinon je ne vivrai plus avec moi-même.

J’entame donc une recherche qui se termine assez rapidement, étant donné qu’à peine que je reprends toutes mes affaires que je fonce pratiquement sur M. Épaules-Longues-Comme-Un-Lit-King. Je me casse presque le cou juste pour le regarder dans les yeux, tellement qu’il est grand et que je suis petite en comparaison.

-Ah bonjour! Votre pote là-bas m’a donné ça, dis-je en lui montrant le poster que j’ai pris soin d’enrouler. Je croyais que c’était le bon film Beauty and the Beast mais c’est le remake avec Emma Watson, et disons que j’ai pas envie de voir sa face et celle de la Bête faite en mauvais CGI. Donc voilà, merci mais non merci Monsieur.

Je lui tends l’objet de ma haine et je continue:

-Faut dire que Watson était vraiment pourrie, je comprends pas pourquoi les gens tripent autant sur elle. Je veux dire, sa poupée dégueulasse à son effigie aurait pu chanter mieux qu’elle dans le film. Sinon j’adore ce que vous faites: distribuer vos affaires comme ça, c’est super sympa. Vous devez être ce type qui se déguise en Père Noël pour faire plaisir aux enfants pendant le temps des fêtes.

Les gens repartaient avec ce qui leur faisait envie, ne prenant que ce dont ils avaient besoin. Les habitants de Rodorio se serraient bien plus les coudes que la majorité du reste du monde et connaissaient le sens du partage. Du moins, c’était ce que croyait le colosse, avant de voir arriver une jeune femme, presque aussi grande que les gamins qui étaient venus en premier. Sauf qu’au lieu de choisir quelque chose qui lui serait utile, il avait préféré se plaindre d’un poster. Le Taureau trouva même l’accusation amusante, car il était sûr et certain qu’un tel poster n’avait jamais existé dans les affaires d’Ephraem. Des groupes de rock et de métal auraient été possible, mais il n’avait trouvé que des cd et un vieux poster des Beetles, mais qui concernait plus l’ancien Aldébaran, que le dernier bovin. Il se souvenait même d’avoir vu Priam partir avec, peut-être le professeur de la Palestre s’était trompé en voulant donner le poster et viendrait surement reprendre son précieux bien.

L’affaire aurait pu se terminer rapidement, si la demoiselle ne s’était pas mise à parler du film, perdant complètement son interlocuteur. Owain n’avait fait des études qu’en sismologie, il n’y connaissait rien pour le monde du cinéma et même le nom de cette Emma Watson ne lui disait absolument rien, fallait dire qu’il ne passait pas vraiment son temps devant des films, préférant s’entraîner pendant ses temps libres. Une fois qu’elle eut terminé son flot de parole, le chevalier remarqua la box de bronze qu’avait la jeune femme et souri largement, heureux de rencontrer une nouvelle camarade, même si celle-ci n’était pas aussi impressionnante que la Vierge.

- Tu as la langue bien pendu. C’est parfois pratique, mais tu devrais tout de même faire attention avant de parler. Si Priam t’a donné le mauvais poster, tu devrais plutôt le retrouver lui, il va surement faire la tête en découvrant qu’il a celui des Beetles, mais pas celui-ci.

Le géant repris sa distribution, tout en poursuivant la discussion.

- Désolé de te décevoir petite oursonne, mais je ne suis pas le Père Noël, juste un généreux donateur, qui vient de faire le ménage chez lui. Et si tu veux savoir où j’habite, c’est juste là, dit-il en désignant la direction du Sanctuaire. Je suis Owain, gardien du second temple, pour te servir.

Le chevalier aida un homme à charger un meuble dans sa charrette, avant de reprendre la distribution. La montagne d’affaires commençait à rétrécir, le plus gros commençant enfin à partir. Le Saint était plutôt heureux de voir la joie sur le visage des habitants et trouvait même la comparaison avec le Père Noël plaisante.

- Si tu as besoin de quelque chose, tu devrais te dépêcher de faire ton choix. Sinon, comme tu viens surement d’avoir ton logement de fonction, je pourrai te faire descendre des meubles. Y en a pas des masses, mais je devrai pouvoir trouver ton bonheur. Sauf si je n’ai pas ce qu’il te faut, ce qui serait embêtant et insultant pour celle qui sera peut-être ma voisine un jour.

Le géant aida ensuite une vieille dame, laissant l’oursonne pendant quelques secondes, avant de revenir.

- Alors, tu as besoin de quoi ?

Je me mords discrètement les joues pour ne pas sourire en l’entendant commenter sur ma «langue pendue». S’il savait combien de fois je me le suis fait dire de toutes les manières possibles, il saurait comment je m’en fous. Bon d’accord des fois c’est vrai que je parle un peu trop, mais j’assume, et puis je n’ai pas l’air de l’avoir vexé. Il se contente de sourire et de m’expliquer que dans ce cas, je ferais mieux de voir Priam. Attends…oui je me souviens maintenant! Priam, c’est un des instructeurs de la Palestre non? Putain que ça fait longtemps…Peut-être qu’en voyant l’affiche l’homme devant moi s’est dit «Oh non, moi je ne me ramasse pas avec cette merde pour Priam!» Tout est possible.

-C’est noté, j’irai le voir.

Il semblerait que l’autre affiche qu’il aurait serait des Beatles. Vénérable choix de goût, mais ça serait bête de la prendre alors que je n’écoute pas de leur musique, bien qu’il m’arrive de fredonner ce que je sais de ‘’Come together’’ et de ‘’Yellow Submarine’’, ce qui équivaut à trois mots de chaque que je répète en boucle pour compenser mon manque de culture. Le propriétaire du chariot poursuit ses actes de charité tout en se présentant :

-Désolé de te décevoir petite oursonne, mais je ne suis pas le Père Noël, juste un généreux donateur, qui vient de faire le ménage chez lui. Et si tu veux savoir où j’habite, c’est juste là.

Ouf. Déjà, ne m’appelle pas petite oursonne s’il-te-plait. C’est peut-être mignon quand l’écolier d’anime fait ça, mais t’es pas un personnage anime (non juste un de RPG) et on ne dit pas des affaires comme petite oursonne à une personne qu’on ne connait pas, pour la seul raison que là je vais m’attendre à ce que tu sois un pédophile qui pense que j’ai 12 ans et qui veut m’amener voir son lapin. Non mais je sais qu’il a remarqué ma boîte sacrée, ça résulte d’ailleurs à un drôle de mélange de retenue, dans lequel je me retiens de lui expliquer sèchement tout ce que je viens de vous énoncer et dans lequel je me retiens aussi de faire une série de poses pour mettre mon urne plus en évidence. On se connait pas mec, c’est trop tôt.

Je regarde vers la direction qu’il pointe et bien que j’écarquille les yeux, j’essaie encore de me dire «Non, il se fout de ma gueule…»

-Je suis Owain, gardien du second temple, pour te servir.

BORDEL COLOMBE QU’AS-TU FAIT.

Les chevaliers d’or, c’est la grosse affaire! C’est le premier que je vois de ma vie, et moi je lui parle super familièrement. Bravo Coco. Au moins, j’ai pris la peine de le vouvoyer, mais quand même, merde! Tu parles d'une manière de faire une impression. En plus, c’est le chevalier d’or du Taureau? Celui qui pourrait me botter le cul les bras croisés style danse russe traditionnelle? Ah ouais, j’ai passé à ça de merder.

Pendant que j’absorbe le choc tout en rangeant de côté l’affiche de malheur de mon mieux, Seigneur Owain du Taureau (oui oui, je change soudainement de formule de politesse, merci de le remarquer) aide un citoyen à charger un meuble. Tiens tiens, ça, ça pourrait m’intéresser…

Il m'invite à choisir ce que je voudrais lui prendre et je lui réponds avec un rire qui se veut naturel mais qui en fait est nerveux :

-Ahaha oui peut-être que je vais être votre voisine dans l’avenir. Peut-être même qu’un jour je vais vous voler votre armu-…armoire. Dans le sens que si un jour vous ne la voudriez plus ou que vous ne seriez plus là...mouais. Auriez-vous de ça dans votre chariot par hasard? Moi c’est Colombe, en passant.

Je me suis rattrapée de justesse pour ne pas dire une connerie, quoique ça aurait pu être drôle. Mais le Seigneur du Taureau semble avoir un sens de l’humour différent du mien, alors pour qu’on reste sur des bonnes bases je vais essayer de faire attention pour aujourd’hui. J’ai aussi pris la peine de me présenter afin qu’il n’ait plus à m’appeler «Petite Oursonne». Il me demande ce que je veux et je me rapproche pour voir quoi d’autre qu’il peut avoir d’intéressant à part des meubles. Plus j’y pense, moins j’ai le goût de prendre une armoire. Trop difficile à transporter avec ce que j'ai sur les bras en ce moment. La vache, il y en a des altères et des poids dans son chariot!

-Wow, l’ancien Taureau devait être un vrai chest-bras, dis-je pour moi-même en promenant mes yeux. J’élève ma voix pour capter son attention : Je prendrais bien votre table basse juste là.

Je peux dormir sur mon sac de couchage. Je peux m’asseoir sur un coussin ou sur mon sac de couchage. Je peux ranger mon linge (pas que j’en ai beaucoup) dans le coin de la chambre. Mais manger une salade à même le sol, alors non! Comme Clyde Vanilla le dirait, on ne peut pas se permettre de tout se permettre. Et puis, c’est pas que je fais quasiment le T pour tenir tous mes sacs en plastique et que j’ai plus de papier de toilette que de pièces d’armure dans la boîte accrochée à mon dos…mais oui c’est exactement ça. Au moins, je pourrai empiler la table basse sur mon urne sacrée ou essayer de la mettre en équilibre sur ma tête ou sur un de mes bras (ils sont déjà droit, alors tant qu’à y être).

-Je vous en demanderai pas plus, après tout je n’ai rien pour transporter. Est-ce que ça serait correct au pire de mettre quelques trucs de côté pour moi et je pourrais venir les chercher plus tard quand j’aurais les bras hum…moins encombrés? Car croyez-moi, il y a bien plus que je vous prendrais en ce qui concerne vos meubles et même quelques poids.

Le géant avait souri en entendant les paroles de la jeune femme. Il n’avait surtout pas loupé son petit lapsus, quand elle s’était reprise pour prononcer « armoire ». Peut-être que certains chevaliers auraient pris ça pour une menace, mais Owain n’était pas comme les autres. Le lapsus avait été pris comme un signe d’espoir, celui d’un chevalier voulant grimper les échelons, pour devenir l’un des meilleurs. La seule chose qu’espérait le Taureau, était que cette envie soit là pour la protection du monde et non pour un désir personnel. Mais même s’il acceptait le désir de grimper pour devenir l’un des chevaliers d’ors, il n’avait pas l’intention de laisser son armure au premier venu. Il songeait même à prendre un apprenti, qui pourrait ainsi prendre sa place un jour.

Maintenant qu’il connaissait le prénom de la chevalier, le gardien du second temple allait devoir mettre quelque chose au clair. Il se pencha alors vers la jeune femme, avant de lui parler, avec le plus grand sérieux qu’il pouvait.

- Les présentations étant faites, Colombe, j’aimerai que tu fasses quelque chose pour moi. Pourrais-tu arrêté de me vouvoyer ? Je préfère le tutoiement, c’est plus convivial. En plus, je ne suis pas si vieux que ça, pour qu’une jeune me vouvoie ainsi… bon d’accord, je suis peut-être un peu vieux, mais quand même.

Le chevalier n’avait pas réussi à garder son sérieux jusqu’au bout et avait presque éclaté de rire. Il nota mentalement qu’il devrait descendre une armoire, ou alors en acheter une, pour que Colombe ait ce qu’elle voulait plus tôt que prévu. En revanche, pour l’armure du Taureau, elle devrait attendre encore quelques années, si n’était pas jamais.

- Tu peux prendre la table, je peux te l’apporter chez toi si tu veux. Sinon, la plus part du matériel va partir à la Palestre, ça devrait leur être utile. Par contre… je ne me souviens pas que l’ancien Taureau fût une montagne de muscle. Plutôt l’inverse même, du genre musclé, mais seulement pour avoir un beau corps. Après, la gravité ne demande pas une musculature de colosse, ni une taille imposante… je crois qu’il dépassait à peine le mètre quatre-vingt.

Le chevalier écouta attentivement les paroles de Colombe, qui avait vraiment envie de remplir son logement vide. Le Taureau avait largement de quoi l’aider, il faisait un ménage complet et se contenter de dormir à la belle étoile pour le moment, le temps s’y prêtant. Il pouvait donc lui offrir tout ce qu’il avait et même lui commander ce qu’il n’avait pas, pendant qu’il faisait ses propres commandes. De toute façon, le Taureau savait qu’il devrait faire un tour à Athènes, s’il voulait pouvoir acheter l’entièreté de ce qu’il avait besoin. Peut-être même devrait-il se rendre plus loin, s’il ne trouvait pas tous les appareils de mesures nécessaires.

- Si tu veux en faire ton exercice, je te laisserai venir chercher ce que tu veux dans le temple, enfin presque ce que tu veux. Je ne vais pas te laisser embarquer le matériel que je viens d’acheter. Normalement, il n’y a personne dans le premier temple, tu pourras donc venir rapidement, sans avoir besoin de te justifier.

Le colosse avait sorti la table basse, afin de la mettre un peu plus à l’écart.

- Tu bois quoi d’habitude ? Histoire que j’ai de quoi t’accueillir dans mon temple.

On s’entend pour se tutoyer, parce que le vouvoiement c’est juste pour les vieux grincheux. C’est vrai qu’il n’a pas l’air plus vieux que moi. Je blâme mon sang canadien trop poli qui a fait son effet. Je dirais qu’Owain a l’âge de Vincent. Les hommes extrêmement grands comme lui ont toujours l’air plus vieux. Pas que je vais lui demander hein. On vient de se connaître après tout. Hum, si seulement il existait une sorte de fiche qui me permettrait de tout connaître sur lui nyark nyark nyark. Je le rassure gentiment tout en le taquinant :

-Oh rassures-toi, t’as pas l’air vieux du tout, du premier coup d’œil je dirais que t’as l’âge de mon frère. T’es sans doute un aimant à donzelles et à mecs.

Si le Père Noël ressemblait à ça dans son jeune temps, je ne pense pas qu’il y aurait juste des enfants qui voudraient s’asseoir sur ses genoux. Je commence à comprendre que c’est pas juste l’âge qu’il partage avec maudit Vincent. Il semblerait que je suis condamnée à être entourée de golden boys. Enfin, Owain semble pas si parfait que ça, ce qui me rassure grandement. J’ai la vague impression qu’il ne connaît pas grand-chose qui n’a pas rapport aux chevaliers du zodiaque. Il sait pas ce qu’est un chest-bras, ce qui est plutôt triste, surtout qu’il me le confirme exactement en m’expliquant la musculature de l’ancien Taureau. Il semble pas très sorteux le grand Owain. C’est pas grave, je juge pas…ok un peu, mais moins que d’habitude. Ça indique juste que notre relation sera probablement juste professionnelle et qu’on ne sera pas proche particulièrement.

Quant à son offre de venir porter la table chez moi, je l’accepte avec joie et soulagement. Je m’imagine très mal rentrer dans ma nouvelle planque avec une table basse en équilibre sur ma tête tout en posant pour être le prochain Christ Rédempteur de Rio de Janeiro.

-Si vous vous proposez pour me l’amenez, c’est sûr que je vais dire oui! Merci!

Ensuite il me demande ce que je bois. Devrais-je le tester? Devrais-je répondre du champagne ou du martini pour paraître beaucoup trop chic? Devrais-je répondre un smoothie protéiné pour le faire chier parce qu’il n’a pas de mélangeur? Non. Juste…non.

-Du Nestea c’est toujours bon. Si un jour c'est à moi de vous offrir de quoi, j'ai un tableau entier pour les boissons fraîches classes sur Pinterest.

Dommage que je peux pas faire la blague que seuls les Québécois comprennent. Un jour, un jour, je la ferai!

Je lui indique d’un coup de tête la direction que je suis supposée prendre pour arriver à mon nouveau chez-moi.

-Si vous avez encore des courses ici, il y a pas de presse. En attendant je vais aller retrouver Priam pour lui redonner son affiche.

Je repère ce dernier avec une vieille dame qui monopolise toute leur conversation. Je lui lâche un petit ''Pssst!'' pour lui montrer son objet de mauvais goût. Il me jase un peu, question de prendre de mes nouvelles, laissant la vieille dame un peu bougonne de ne plus pouvoir continuer d'expliquer comment sa bonne amie Germaine triche aux cartes en utilisant son chat Fourchette. Cependant, je ne souhaite pas être prise là dans une conversation plate avec toutes les questions de bases ennuyeuse, du genre ''Oh il fait beau aujourd'hui.'' Je finis par glisser un au revoir et je laisse l'entraîneur et la vieille là. Je rejoins Owain et ensemble, on se rend à mon appartement. Il n'est pas resté longtemps, probablement car il avait des trucs à faire de son côté. Wow. Première journée de travail et je rapporte déjà un gars chez nous. J’ai des tantes fatigantes et des voisins fouineurs qui seraient fiers de moi (vous savez, ceux qui doivent toujours te demander si t’as un copain alors que clairement tu ressens pas le besoin d'en avoir un).

Je devrais commencer à ranger toutes mes nouvelles acquisitions, mais honnêtement, j'ai juste envie de faire une sieste à même le sol, ce que je fais promprement. Demain, Colombe de la Petite Ourse fera des trucs de Saint et pas de shopping!