La phase un n’était pas si stressante que ça. Un seul coup de poing et voilà. Et puis, j’étais persuadée c’était un truc de chevalier, frapper des roches pour montrer sa force. Je régularisais ma respiration afin de me mieux me concentrer sur ma cosmo-énergie. Le cosmos, cette énergie équivalente de l’éther dans Amos Daragon, du Chemin dans Red Sisters et du Qi dans le Feng Shui, je devais sentir sa présence en moi et autour de moi. Par autour de moi, c’était surtout cette paroi rocheuse auquelle je faisais face. En haut, un peu plus loin, il était possible de voir la maison de Maître Hervé. Je n’avais pas la moindre idée de ce que ce dernier foutait, à part ne pas me superviser. Probablement de la peinture à numéro. Je me promis de le faire chier un jour et de mettre du liquide correcteur sur tous les chiffres.

Je concentra mon cosmos dans mon poing qui décolla sur la paroi rocheuse. À part de mes doigts qui craquèrent sous l’impact, rien ne se passait. Oh wait, il y avait moi qui jurait sous la douleur :

-Ayoye-donc!! Putain de tabarnak!

Je me mordis les lèvres pour ne pas dire davantage et je tentais de me calmer rapidement. Comment l’écureuil dans l’Ère de Glace pouvait faire ça avec un gland? Devais-je invoquer le pouvoir de l’Écureuil-Tout-Puissant pour qu’il me prête de sa force? J’allais l’avoir, c’était une question de dignité. Je voulais réussir. Je voulais montrer que j’étais compétente. Je voulais réussir pour passer à autre chose. Je voulais aller faire ma vie ailleurs. Je voulais retourner à la civilisation et profiter de leur wifi. J’avais faim. C’est en pensant à tout ça que je fis brûler mon cosmos encore une fois. Je l’imaginais former un poing et avec cette image en tête, je frappa de nouveau.

-YAAAAAAAAAAAHH!!!

Cette fois-ci, quelque chose se passa. La pierre craqua sous l’impact, et ce craquement s’élargissait et montait jusqu’en haut. Des morceaux de pierre se détachèrent de la paroi.

Ma respiration s’accéléra. C’était la phase deux qui commençait. Je tentais de rebalancer ma cosmo-énergie, toute concentrée dans ma main, vers le reste de mon corps afin de créer une sorte de couche protectrice. Alors que les premières pierres tombaient sur moi, ça marchait, je ne sentais absolument rien. Je savais pas si c’est mon excitation ou ma peur de me tuer sous une pluie de cailloux qui m’a trahi. Sans doute les deux simultanément. C’est un peu débile de dire ça, mais je n’aimais pas la cosmo-énergie. Non seulement je n’étais toujours pas sûre ce que c’est supposé faire en soi, mais je la comparait un peu à de l’argile. Oui oui, de l’argile comme celle avec laquelle vous avez dû faire des masques, des bustes ou d’autres trucs débiles à votre cours d’arts plastiques en secondaire 4. J’haïs l’argile. Tu la presses un peu trop et tu fuck ton œuvre. Le cosmos est comme un gros bloc d’argile que je devais manipuler pour qu’il me recouvre complètement. Je n’arrivais pas encore à le porter comme une seconde peau, et ça a tout foutu en l’air.

J’ai commencé à stresser, pensant que ça n’allait pas marcher, et comme de fait, je sentis une grosse roche s’écraser entre mes omoplates, me faisant tomber au sol. Parce que quand je vous disais qu’une pluie de pierre s’abattait sur moi, je ne parle pas de la petite garnotte, mais vraiment une pluie de pierre du style Temna qui pète le barrage. Ouais. J’allais peut-être mourir. Mais hey, esti de bougresse que j’étais, j’étais quand même là à me faire lapider en hauteur. Bientôt, j’étais pratiquement ensevelie sous les pierres. Sonnée, j’entendis faiblement maître Hervé sortir de sa planque et de me crier, non sans détachement :

-Ça va Colombe?

-N…n….non…

J’ai dû me répéter quelques fois à cause de mon souffle coupé et de mes poumons écrasés. Je relève péniblement ma tête, pour lui crier assez fort. Enfin, je croyais que je m’étais fait entendre…

-Ok. Je suis à l’intérieur si tu me cherches.

Ok…OK?!? La moutarde me montait au nez et me faisait remuer plus énergiquement sous l’amoncellement de roches sous lequel je me retrouvais. Le…le con! C’est sûr qu’il ne m’avait pas vu. S’il ne m’a pas entendue comme du monde, ça ne lui tentait pas de me le dire pour que je lui dises plus fort? Ou, dites-le moi si j’ai des idées trop extravagantes, REGARDER VERS LE BAS?

Je…j’y crois pas. Comment suis-je supposée progresser et apprendre quelque chose comme ça?

-V…va chier fils de pute…

Base de FIRMAMENT, site ■■■■■

L'atmosphère était fébrile dans les quartiers de la base, alors que les mercenaires en retard couraient partout pour récupérer tout ce qui leur manquait. Pour certains, c'était leur premier congé, et tous avaient hâte de reprendre contact avec l'extérieur et apprécier la lumière du soleil sans crouler sous trois tonnes d'équipement. Théo ne partait que la semaine prochaine, pour s'assurer qu’il y a toujours un minimum d'effectif en fonction, mais ce n'était pas pour le déranger, même si la quasi-totalité de ses plus proches collègues partaient avant lui, car une seule s'était résignée à rester derrière : Leticia, qui n'avait nulle part où aller. Ce qu'il croyait, du moins, jusqu'à ce qu'il aperçoive la jeune fille assise sur une chaise dans un coin en compagnie de Papanek, le docteur aux multiples talents, affairé sur son visage avec une trousse de maquillage. Jess, la sniper rousse, s'empressa de rejoindre le grand Québécois et le scruta de la tête aux pieds en fronçant les sourcils.

-Théo, tu ne penses pas partir dans cette horrible combinaison quand même?

-Hein? J'pars juste la s'maine prochaine moi.

-Quoi? Mais Taras nous a dit… oh, l'enfoiré… D'accord, je vais aller prévenir Marchesi…

-J’pensais même pas qu'elle sortait.

-Juste aujourd'hui, elle a trouvé une sorte de marché nocturne avec Emily qu'elle aimerait visiter, ça lui aurait vraiment fait plaisir que tu viennes.

Le cœur de Théo se serra en entendant ces mots, encore plus quand il reporta son attention sur Leticia, qui se forçait à rester immobile pendant que Papanek lui collait une perruque sur la tête. Si ce n'était de ses yeux, à la sclère noircie par quelques horreurs dont elle ne parlait pas, elle lui aurait rappelé sa fille aînée, mais il pouvait aussi voir son malaise sous ce lourd déguisement, la peur que ce ne soit pas suffisant, mais aussi l'impatience et la fébrilité. Avait-il besoin d'en voir plus que ça?

-OK, donne-moi cinq minutes…

France

-Comment ça vous avez rien prévu d'autre?! Y est midi!

-Je savais même pas il serait quelle heure à l'arrivé, je croyais qu'on arrivait en soirée!

Le militaire se pinça l'arrête du nez dans un signe de découragement, son autre main posée sur l'épaule de Leticia pour la calmer. Ils étaient tous des soldats d'élite, entraînés pour les pires situations, et ils n'étaient même pas capables de s'organiser une journée de tourisme? La dispute était sur le point d'éclater entre les deux adultes -Emily restait à l'écart à attendre passivement qu'une décision soit prise- quand la petite mercenaire se força à prononcer quelques mots.

-J'ai faim.

-Bon, vous pouvez commencer avec ça d'abord. Y a une crêperie plus loin, vous pouvez aller là, tu peux même demander toute la crème glacée qu'tu veux, pis y a une couple de musée, ça devrait vous t'nir occupées.

-Tu ne viens pas?

-J'ai besoin de calme pis d'silence. J'va rev'nir vous rejoindre dans quelques heures.

-C'est comme tu veux.

Leticia semblait déçue, mais la perspective de crème glacée à volonté semblait lui convenir, ils se firent donc leurs adieux et partirent chacun de leur côté. Les mains dans les poches de sa combinaison -son ancienne des Forces Canadiennes, au grand dam de Jess- il entreprit une longue promenade qui allait le mener bien loin de la civilisation.

Son pas était rapide et infaillible, au point où il se retrouva dans la forêt bordant les montagnes, si vides et inoccupées qu'elles auraient pu appartenir à n'importe quel pays et il ne les aurait pas reconnues. Les seuls bruits qui l'accompagnaient étaient le bruissement des feuilles et le chant des oiseaux, et il décida de s’arrêter pour en profiter un peu. Si ce n'était des implants dans son corps et son devoir qui le rappellerait à la civilisation dans à peine quelques heures, il se serait cru seul.

Il n'avait pas toujours été capable de profiter de ce genre d'excursion, mieux valait en profiter.

Les Agences leur avaient fourni un téléphone -aux capacités limitées et étroitement surveillées- mais s'il devait retourner en ville pour trouver un de ces téléphones publics à cinquante sous, trouverait-il le courage de se mettre dans le pétrin et d'appeler Guylaine? Pas qu'il avait grand-chose à lui dire, et elle devait préparer les enfants pour l'école à cette heure, mais juste pour pouvoir lui dire un autre « je t'aime «  qui n'appartiendrait qu'à eux, le risque en valait la peine. Il s'en allait se relever pour ce mettre en marche quand il entendit un grand bruit d'éboulement au loin. Par réflexe, le soldat se dépêcha de trouver refuge pour se protéger, mais à part quelques petits cailloux rien ne l'atteignit. Son cœur rata un battement lorsqu’il sentit ce qui avait probablement causé cet incident : un faible cosmos. Il n’était pas seul dans cette région.

Lentement, le Québécois sortit de sa cachette et entreprit de traquer l’éveillé en traversant la forêt d’un pas silencieux, ses propres poings aussi chargés de cosmos et prêts à frapper. Il pouvait tomber sur n’importe quoi là-haut et il n’était pas armé, il ne pouvait être trop prudent. Et pourtant, quand il aperçu enfin l’éboulement, bien caché derrière un arbre, il ne vit pas d’éveillé, mais il ressentait pourtant toujours sa présence. Était-il aussi caché? Non... il était sous les décombres! Aussitôt, Théo oublia toute prudence et sortir de sa cachette pour filer vers les rochers.

-Oh shit! T’es-tu correct?!

J’imaginais que Maître Hervé se serait hâté pour venir me voir finalement, mais non, c’était un étranger qui vint s’inquiéter pour moi. Good job Hervé, pensais-je, t’es un bon maître. J’espérais qu’il allais se fourrer sa peinture à numéro dans le cul.

-Oh shit! T’es-tu correct?!

J’essayais de respirer normalement pour ne pas m’étouffer avec la poussière et pour garder mon calme. Je toussais et crachais un peu avant de remonter la tête, ce qui me donna un léger et bref tournis, pour observer le mec. Il avait l’âge et l’apparence d’être mon père. Je pensa que cela pourrait finir ironiquement comme Silk Specter et le Comédien dans Watchmen et qu’il pourrait être vraiment mon daron. Remarque qu’il était pas mal comique de me demander si j’étais correcte alors qu’il n’y avait que mes bras et ma tête qui n’étaient pas ensevelis dans les débris que j’avais moi-même créés.

-Oui m’sieur, répondis-je sarcastiquement, j’suis parfaitement correcte. Tu vois comment je me tire faiblement de là et que je…je commence à saigner du nez tiens! Tu vois? Comment ne pas être correcte après se faire bourrer la gueule de roches?

Bon d’accord, c’était pas l’effet robinet dans mes narines, c’était qu’un simple coulis. Le genre de coulis de sang que les héros badass dans les films ont, mais dont les éditeurs coupent la scène où ils doivent renifler bruyamment pour remonter la goutte où elle est supposée rester comme je le fit si bien dans la face du Comédien. Je me remis sur pieds, balayant la poussière de mes sweatpants. Je commençais déjà à mieux respirer et je reprenais de la vigueur et de l’énergie. Peut-être que mon entraînement portait vraiment ses fruits, si j'étais capable de me remettre d'un éboulement. J'étais amochée, mais j'avais survécu! Il y a eu un temps pas si lointain que je serais morte dans la même situation.

Mon regard passa des décombres à l’étranger. D’où sortait-il? Nous étions au beau milieu de nulle part dans un lieu très peu fréquenté. Ça devait être un homme en recherche de connection avec la nature. Si c’est le cas, il a pas apporté beaucoup d’équipement de camping. Il portait une combinaison des Forces Canadiennes et mon cœur a fait une pirouette, s’ennuyant du pays où il s’est mis à battre pour la première fois. Comme si rien ne s’était passé, je mis mes mains sur mes hanches et je commençais une petite conversation. C’était rarement arrivé que je rencontre des inconnus ici, mais j’avais vu Maître Hervé s’arranger avec eux : mini conversation, puis tu les pousses poliment à partir.

-Alors, vous êtes en vacances monsieur? À moins que vous soyez en mission secrète dans le coin? Nan j’déconne, je dis juste ça à cause de votre uniforme. Moi aussi je viens du Canada vous savez. Vous venez de quel coin? Montréal? Ottawa? Bromont?

Mon sixième sens, celui lié à la cosmo-énergie, était encore en alerte. Je vis la sienne dans ses mains, et c’est seulement là que j’ai eu la petite impression que ce n’est pas juste un monsieur pas mal perdu.

-Euh…c’est peut-être indiscret de ma part, mais vous savez que vous avez le cosmos chargé dans vos mains? Vous êtes qui, un ami d’Hervé? Si vous le cherchez, il doit être en haut dans la cabane. Vous en faites pas, j’essayais pas d’attaquer sa planque, en fait je suis son apprentie.

Les derniers mots furent plus amers lorsqu’ils sortirent de ma bouche. Je m’appelais encore son apprentie, mais lui s’appelait-il encore mon maître? J’étais tellement préoccupée par mes pensées edgy que je ne réalisais même pas que ça aurait pu être un Éveillé venu avec de mauvaises intentions à qui j’aurais révélé trop d’information.

Criss, c'est une ado! Théo put presque sentir son coeur cesser de battre lorsqu'il vit la petite tête brune s'extirper des roches, toute sale et ensanglantée, et il ne lui en fallu pas plus pour se ruer vers elle pour déplacer les rochers et là laisser sortir de là. C'était un peu trop tard, par contre, un peu trop bas dans sa liste de priorités selon la demoiselle —OK, lui demander si elle allait n'était pas très malin, mais comment était-il supposé savoir, avec ces éveillés?!—qui parvint à se sauver toute seule. L'air penaud devant les remontrances de la demoiselle, le Québécois jeta la pierre qu'il tenait entre ses mains, puis s'approcha maladroitement de l'adolescente pour l'aider à garder son équilibre, puis la dépoussièrer un peu.

-S'cuse, s'cuse, c't'ait vraiment cave. Attends, j'dois avoir des mouchoirs pour ton nez, fais juste garder ta tête baissée, pis attention à tes vêtements... hey check ça, j'ai encore mieux! Vu certains d'mes collègues, j'fais mieux d'en avoir tout l'temps avec moi.

Le soldat se dépêcha de présenter un rouleau de bandage médicaux à la jeune fille, puis l'aida à découper ce dont elle avait besoin pour panser ses autres blessures. Rien de bien grave, mais il lui devait bien ça. Elle commença alors à lui demander ce qu'il faisait là, après une petite blague sur une possible "mission" qui donna quelques frissons au mercenaire de FIRMAMENT. Son accent avait toujours tendance à occasionner ce genre de conversation, mais il fut très surpris d'apprendre que la demoiselle était aussi Canadienne. Elle ne devait pas passer à la maison souvent, il ne pouvait que maintenant entendre quelques pointes de son accent, et il répondit avec enthousiasme quand elle demanda plus de détails —en parfaite Québécoise!

-Chuis de Saint-Ours, c'est en Montérégie, pas ben ben loin de Trois-Rivières. J'dirais... à une heure et quart, une heure et demi de Montréal. C'est d'là qu'tu viens, Montréal?

Mais avant de lui répondre, la jeune femme remarqua le cosmos émanant du grand Québécois, et semblait donc méfiante. Lui même fut surpris de voir que même lorsqu'il s'était concentré sur autre chose, son énergie ne s'était pas dissipée. Après toutes ces années, recommençait-il à s'améliorer? Secouant la tête pour se tirer de sa distraction, il fit disparaître toute trace de son cosmos, puis utilisa toute sa volonté pour ne pas montrer sa stupeur quand elle lui annonça tout innocemment que son maître n'était pas loin. Non seulement elle était aussi une éveillée, mais elle n'était pas seule, il y en avait un autre plus puissant pas loin! Tout son être lui hurlait soudainement de sortir de là au plus vite, avant que FIRMAMENT ne s'en rende compte, mais ça n'allait pas s'améliorer s'il se contentait de prendre la fuite en hurlant, il fallait trouver mieux. Il lui offrit donc son plus beau sourire.

-S’cuse, j’pensais plus à ça. J’allais m’en servir pour t’aider, mais t’as déjà l’air pas mal tough. Ch’ais qu’c’est weird, mais j’me promenais juste dans l’coin, j’profitais d’mes vacances un peu pour me promener pis j’ai entendu l’éboulement. Chuis pas un Chevalier, juste un gars des Forces. D’ailleurs, moi c’est Théo.

En se présentant, il lui tendit la main pour pouvoir la saluer correctement. Si c’était vraiment une apprentie, elle ne devait pas être rendue loin dans sa formation, mais malgré son aversion naturelle pour ce genre de chose, il n’avait pas vraiment le cœur à la mépriser, on ne jugeait pas les gens sur ces choix, lui avait été jugé à plusieurs reprises pour son rôle dans l’armée et il n’aimait que ce soit ce qui prenait le dessus sur ses motivations personnelles qui, il pouvait s’en vanter, étaient bien positives. Il préférait encourager ces gens qui aspiraient à quelque chose, encore plus si c’était des jeunes!

-Faque toé, t’es une apprentie, t’essayes tu de devenir Chevalier? Tu trouves ça comment?

Je me sentais presque mal d’avoir été un peu dure envers lui alors qu’il me fournissait un mouchoir et des pansements de l’armée, ce qui était vraiment cool. J’étais assez cool pour du bandage de l’armée à partir de ce moment. Je le laissa m’aider à panser mes blessures, mais ça ne m’a pas plu pas pour autant. Le truc est que je n’aimais pas ça les inconnus qui me foutaient des tissus sur le corps, qui se raidissait instinctivement. Cependant je voyais bien qu’il voulait juste aider, alors je me calma un peu et au lieu d’en faire un drame je répondis à sa question, la tête penchée comme il me l’avait conseillé :

-Ouais, Montréal. J’habitais chez mes parents. J’dois y retourner en hiver pour leur dire coucou.

Je l’ai écouté sans rien dire expliquer comment il est arrivé ici. Je plissa les yeux de suspicion. Il était vraiment fin et tout ça, mais il faisait juste se promener dans le bois comme ça? Il a préféré aller se perdre dans la forêt au lieu de faire le tour des plus belles places du pays? Je lui serra quand même la main, mais je ne l’ai pas trouvé crédible du coup. Mais bon, je n’en fit pas tout un plat. C’était juste un gars des forces armées qui pouvait manipuler sa cosmo-énergie, oui, mais qu’est-ce qu’il pouvait me faire? En plus ça aurait été débile de tenter de quoi ici, alors qu’il se trouvait maintenant dans le repère de maître Hervé.

-Moi c’est Colombe. Colombe Gélinas.

Il me demanda ensuite comment se déroulait mon entraînement. Ah. Cette question. On me la posait souvent. Ma famille la posait en sachant que ça ne progressait pas. C’était la question qui générait habituellement des répliques sèches et qui quelquefois même générait des disputes. Alors bon, me demander comment l’entraînement allait était une source d’irritation pour moi. Je n’étais pas stupide non plus, je voyais qu’il disait pas ça pour me décourager. C'était pas le premier. J’allais pas l’attaquer non plus et l’envoyer chier pour s’être enquis. Je savais quoi répondre, une réponse toute faite que j’ai développé au cours des cinq dernières années.

-Oh ça va bien, je me sens comme une nouvelle personne depuis que je suis ici! Je fais beaucoup de progrès et je pense que j’ai de plus en plus de contrôle sur mon cosmos. Z’allez voir Théo, j’vais l’avoir bientôt mon titre de Chevalier!

Comme pour me narguer, j’entendis une pierre s’ajouter à l’amoncellement de débris que j’avais moi-même créé, signe d’échec. Ce fût comme la goutte débordant du vase. Je craqua et je lâcha la vérité, laissant tomber le beau mensonge réconfortant et acceptant la déception qui allait venir.

-Okay non tu sais quoi, pourquoi ne pas être franche après ça?, demandais-je en désignant le désastre derrière moi. Ça va pas. Je fais pas de progrès, je m’améliore pas. Ça fait cinq ans que je suis ici et je me fais encore bourrée la gueule. Y a manqué son coup, mais y a après moi, c’qui est encore plus bas. En fait j’haïs ça être ici, et je pense que j’ai atteint l’exploit que mon propre maître m’haït la face parce qu’il croit que j’ai plus de raisons d’être ici. Mais! Je vais crever dans cette montagne s’il le faut, mais je serai un putain de Chevalier d'Athéna! Je n’abandonnerai pas même si je suis clairement une merde à me battre!

Notez bien que j’ai lâché tout ça amèrement et que ça aurait eu un effet vraiment dramatique si ça n’aurait pas été que j’avais un mouchoir pratiquement fourré dans le nez et que je regardais constamment le sol.

Il avait donc vu juste, elle venait de la grande ville. Et avait une famille un peu trop près de ses racines, la pauvre, vu son nom… Tout comme lui, en fait. La dénommée Colombe semblait bien heureuse des résultats de sa formation, et Théo hocha la tête pour l’encourager sans avoir le cœur de lui parler de son dernier échec, après tout elle venait tout juste de finir enterrée sous un éboulement de montagne… mais elle n’était pas stupide. Le soldat n’avait juste pas idée à quel point cette impression d’échec était déjà ancrée profondément dans son esprit.

Le Québécois n’aurait pas dû ressentir cette pitié pour la petite : une future Sainte de moins, découragée par les standards surhumains d’une armée d’éveillés, il aurait dû s’en réjouir! Et pourtant, elle semblait si déçue d’elle-même, encore courbaturée et ensanglanté, à espérer y arriver quand même, que ça l’attristait plus qu’il ne souhaitait l’admettre. Elle aurait dû lui rappeler Fanny, vu son habileté à se blesser dans toutes sortes de cascades, mais il voyait plutôt Sylvia, sa fille aînée : si certaine d’avoir trouvé son avenir, et tant d’obstacles sur sa route dans le simple but de la faire abandonner. Peu importe la cause, ça ne lui semblait pas très juste.

-Hey, hey… c’était juste un accident, faut pas déprimer à cause de ça! Tu t’fais quand même pas décrisser par des roches depuis cinq ans!

Peut-être pas, mais ça ne voulait pas dire qu’elle était douée dans ce qu’elle faisait… ce qui avait plusieurs définitions en soit. Théo leva les yeux quelques secondes, à chercher ses mots et organiser ses pensées, puis plaça chacun de ses mots avec prudence, pour être bien sûr qu’il ne la blessait pas.

-Tsé, dans l’armée, y a plusieurs sortes de soldats différents. Y a ceux au front, ouin, mais t’as les pilotes, t’as ceux qui conduisent les tanks, les experts en armement, en désarmement, les médecins… Et…

Et tous commencent par passer le balai après une tempête, mais ce n’était peut-être pas le temps et la meilleure façon de lui dire ça.

-Et c’est pas toujours facile, encore moins l’fun, mais tout l’monde a sa façon d’y arriver. Tiens, même les Saints, y doivent en chier aussi! Faque mettons, t’es devenue un chevalier d’Athéna, t’as une armure, t’es envoyée te battre contre… un Spectre, je sais tu moé. Comment tu t’vois le faire, tu fonces-tu direct pour lui calisser une volée avec quarante mille coups de poing ou tu reste là pis tu lui fais d’l’attitude en encaissant toute l’affaire comme une boss? Ou t’es plus du genre subtile, y sait même pas qu’t’es là?

C’était une bien drôle de conversation à avoir, mais Théo sentait bien que Colombe n’avait pas besoin de simples encouragements et essayait de lui donner du concret, de quoi réfléchir pour améliorer sa situation. Il n’avait pas grand-chose de mieux à faire, de toute façon, et la petite voix de la raison à l’arrière de son crâne lui rappelait que c’était peut-être l’occasion d’apprendre quelque chose que FIRMAMENT ne savait pas.

-Mais bon, tu dois déjà avoir eu c’te conversation là avec ton maître, faque c’est peut-être pas d’mes affaires…

C’était un bon moment pour décider de tout arrêter. Je savais que je ne le ferais jamais, mais il m’arrivait quand même d’y penser. Si j’arrêtais. Si je rentrais chez nous et je décidais enfin de m’inscrire au collège. Je savais pas quel programme. Peut-être quelque chose de plus tranquille et qui demandait pas trop d’efforts physiques. Si je retournais chez mes parents. Si je réessayais de me trouver un boulot qui aurait de l’allure pour quelqu’un de mon âge. Si je retournais dans la civilisation. Il m’arrivait parfois d’y songer et de me demander si ce n’était pas une erreur ce que je faisais. Malgré tout ce découragement qui m’accablait, je ne baissa pas les bras. Juste la tête. Figurativement et littéralement.

Théo essayait de me remonter le moral et je n’eut pas le courage de lui avouer que ça faisait cinq ans que je me faisait crisser de toutes les manières possibles. Dès le départ, c’était dur, mais Hervé m’avait prévenu. C’était ça, les entraînements pour devenir un Saint, qu’il m’avait dit. Il a pensé que j’étais capable et je l’ai cru. Assise à côté de Théo, ce n’était plus le cas vraiment, mais je tenais vraiment à prouver le contraire. Je voulais continuer à croire que j’étais capable de faire quelque chose correctement et admirablement pour une fois.

Je me suis surprise en train d’écouter attentivement Théo comme si c’était lui, mon maître. Ce qui faisait drôle sachant que c’était juste un gars des Forces Canadiennes. Je me suis imaginée dans l’armée et ça m’a fait un peu sourire. Ça devait être trop classe conduire un tank. J’aurais bien payé pour essayer ça juste pour le plaisir. Sauf que c’est bien l’armée, mais ça ne changeait pas le fait que j’étais juste pourrie au point de me demander ce que j’étais en train de faire. Avais-je vraiment un plan ou j’essayais de faire une Jack Sparrow de moi-même? Remarque que même le bon Jack était cool quand il manquait son coup. Marrant au moins. C’est peut-être comme ça que les gens me percevaient. Marrante. À part pour Théo, qui m’injectait de l’encouragement en grande quantité et qui chassait mes mauvais nuages, surtout quand il me rappela que c’est jamais facile. Je le croyais fermement ajoutant même, avec de l’entrain :

-Et plus c’est difficile et merdeux, plus la destination sera gratifiante et géniale. Je mélange probablement des phrases de sagesse mais je comprends!

À mon étonnement, il me demanda comment je me verrais comme Chevalier d’Athéna. Oh man. Si j’aurais le moindre talent en dessin, je me serais déjà fait un fanart de moi-même en armure tellement je m’étais imaginée de quoi j’aurais l’air et qu’est-ce que je serais capable de faire. J’avais eu effectivement cette discussion avec Hervé il y a bien longtemps de ça à propos de mon style de combat. Vu que je n’en avais aucune idée, il a décidé de tester mes différentes capacités pour voir ce qui serait le plus convenable pour moi. On a essayé de faire quelque chose d’équilibré entre la défense et l’attaque. L’attaque a viré en désastre, ce que je crois a un peu blessé l’égo de mon maître, qui était persuadé qu’il pourrait me l’enseigner, d’autant plus qu’il était plus spécialisé dans la matière. La défense a techniquement viré en désastre également, mais c’était encore loin de la catastrophe de l’offensive.

Comme j’avais peur que le soldat s’en aille en croyant que ça ne le concernait pas, je me suis empressée de répondre pour qu’il reste :

-Ben je suis vraiment pas du genre à tabasser quelqu’un. Pas que des fois c’est pas tentant, c’est juste que j’aime pas frapper parce que ça ouvre la porte à l’autre de te frapper après pis à la fin c’est toi qui se fait bourrer la gueule.

En envoyant valser un caillou d’un coup de pied, je poursuivis :

-Par contre j’aime l’idée de juste foutre la trouille à quelqu’un, mais pas en me cachant. Merde, j’me serais pas entraînée pour me cacher sans montrer mes skills. Pour une fois, je pourrais faire ma show-off et être «Hein tu ris plus de ma gueule maintenant?». Juste pour les intimider et leur faire comprendre qu’ils ont commis une grosse erreur en me confrontant. Genre, si…attends non…QUAND je serai un Saint, ben là j’aurais pas le choix de savoir me défendre contre des roches, parce que tu vas voir que le Spectre va vouloir m’en lancer tellement qu’il aura peur jusqu’à en oublier comment se battre! Il va m’en lancer quelques unes et ça me fera pas mal juste pour qu’il pense «Oh shit ça marche pas.» et qu’il fiche le camp.

Je perdit mon souffle à force de décrire comment je m’imaginais plus tard. Ce fût après avoir repris une grande inspiration que je finis par dire timidement :

-Enfin, si je pourrais ressembler au chevalier d’or du Taureau, demande-moi pas lequel, ça change à chaque semaine, avec les bras croisés et les gros sourcils intimidants, ça serait bien.

Je supposa que c'était le petit côté positif de la situation: après cinq ans de se faire casser la gueule, je savais mieux ce que je voulais à ce moment-là.

Même si Colombe ne semblait pas très enthousiaste au début, plus elle expliquait ce qu’elle recherchait dans son propre style de combat, plus elle semblait reprendre vie et l’intérêt revenait dans sa voix. Et Théo, en bon support moral, écouta tout avec attention en hochant la tête, et il croyait même avoir compris tout ce qu’elle avait dit. Au moins l’apprentie savait ce qu’elle voulait, et après cinq ans d’échecs répétés il aurait été insultant de croire qu’elle n’avait pas la motivation, ni le talent. Après tout, le Québécois n’avait pas de leçons à lui donner sur ce point… Mais qu’avait-il eu de plus pour s’améliorer, lentement mais sûrement, pendant plusieurs années alors que Colombe avait eu un début correct, sans doute, mais avait stagné tout de suite après? Discipline, support et éducation…

Quand elle finit par lui expliquer qu’elle aimerait pouvoir s’inspirer du Chevalier du Taureau, le soldat lui répondit par un large sourire. Tout ça lui donnait une idée.

-Bon ben les sourcils j’peux rien faire, mais pour le reste y a peut-être une solution.

Lors de son temps dans l’armée, il y avait une balance très précise entre l’apprentissage théorique et pratique, pensée plus pour les jeunes à sang chaud qui cherchaient du résultat que pour les élèves studieux. Si cette balance n’était pas atteinte, soit les novices s’ennuyaient, soit ils perdaient intérêt faute de compréhension. Et dans ce cas-ci, la deuxième situation semblait être ce qui se passait. Mieux valait faire attention, alors, il n’était pas professeur.

-Tsé les ours noirs? C’est gros, c’est fort, ça court vite, ça grimpe aux arbres, c’est des prédateurs pis chez moi y en a une trâlée. Mais y ont deux gros problèmes : le premier, c’est qu’ils sont peureux en criss. Le deuxième, c’est qu’ils savent pas qu’ils sont plus forts que toi. Faque comment tu te défends contre un ours? Tu leur fais peur, en faisant semblant d’être plus fort qu’eux.

Tel un général, le mercenaire faisait maintenant les cent pas devant la demoiselle, mains derrière son dos et tête baissée, sa voix plus forte et sévère. Il lui lança un bref coup d’œil, pour vérifier qu’elle était attentive, puis continua en hochant parfois la tête, comme s’il devait lui-même s’écouter avant d’être d’accord. Pendant son petit discours, il se demandait si c’était le genre de chose qu’il pourrait apprendre à Leticia, mais la connaissant, elle n’en avait pas besoin.

-Les éveillés, la plupart d’entre eux, sont comme des ours noirs. Y l’pensent pas, c’est sûr, eux dans leur tête sont toute des gros grizzlys ben tough, mais non. Comme le Taureau, dès que t’es capable de juste dominer la place pas en étant l’plus fort, mais juste en faisant comme, tu leur donne la chienne pis c’est toi l’boss.

Une fois cela dit, le grand Québécois s’approcha de l’apprentie et d’un simple signe de la main lui ordonna de lever la tête et de se redresser. On n’apprend pas la technique de l’ours en se tenant comme une crevette! Blessée ou pas, elle allait devoir apprendre à prendre sa place si elle voulait continuer sur cette voie. Une fois sa posture corrigée, Théo recula et se plaça à quelques mètres de distance, juste assez loin pour qu’elle puisse user de quelques techniques sans forcément le blesser. Ce n’était pas le but de l’exercice. Un effort de volonté et ses mains se chargèrent de cosmos, prête à frapper.

-OK, prise un. Chuis un grand méchant Spectre, j’ai attaqué ton village, là chuis un peu trop effronté pis j’viens attaquer un maître éveillé pis son apprentie. Concentre-toi, visualise ton cosmos, reste calme pis fais-moi regretter mes choix d’vie.

Le sourire de Théo m’assura que je ne disais pas du gros n’importe quoi. D’autant plus qu’il me prenait au sérieux et qu’il voulait m’aider. Je l’ai donc écouté en silence et avec attention, le suivant du regard alors qu’il faisait les cent pas, même si j’ai froncé des sourcils en entendant son explication sur les ours noirs. J’ai vu plein de bestioles dans cette forêt, certaines avaient même eu l’audace de s’approcher de moi pour essayer de grignoter mes baskets et mon sac de couchage à mon arrivée ici. Je n’avais jamais vu d’ours encore, mais Hervé m’avait confirmé qu’il y avait quelques uns.

-Donc…le secret est d’être un gros bully?

Dans ma tête, ça faisait du sens. Ça expliquait pourquoi la plupart des combattants ressemblaient à des brutes. No offense à Théo. Moi aussi, je devais devenir une grosse brute! Le problème est que je n’étais pas baraquée comme le militaire, alors je ne paraissais pas intimidante au naturel. Il fallait que je pense à un autre moyen de donner la chienne à l’adversaire. Ma réflexion fut interrompue par mon nouveau mentor improvisé qui me faisait signe de me redresser. Par réflexe je me mis au garde-à-vous, prête à recevoir les prochaines instructions, sauf qu’il semblait avoir terminé avec ça. À la place il recula et se mit en position de combat, les poings chargés de nouveau de cosmos.

-Oh putain on fait ça là! Ok ok donne-moi juste quelques secondes.

Je lui fis dos un instant et je me retrouva mon calme un peu. Je ne m’attendais pas à ce que cette journée prenne cette tournure. Yeah…j’peux le faire! J’dois juste lui donner la chienne, j’ai pas à l’attaquer, même s’il est un «Spectre» et qu’il a brûlé un village à lui tout seul. Si j’avais l’air d’une criss de folle, il voudrait pas avoir affaire à moi. Personne veut combattre une criss de folle. Mesdames, prenez ça en note : au combat, la force, la défense et la stratégie n’ont rien à y avoir : c’est l’hystérie qui compte. La clé est d’être en confiance. J’avais juste à lui faire peur…comme Beetlejuice. Mais j’avais jamais vu le film…j’avais pas vu beaucoup de films effrayants d’ailleurs. Dommage, ça aurait pu me servir à ce moment-là. Attendez, il y en avait que j’avais vu et qui m’avait donné des cauchemars pendant des nuits entières. Je pensa à ce moment-là que je savais quoi faire…

Le yeux clos, je me concentra pour faire apparaître mon cosmos qui ressemblait à un gros nuage vert m’engouffrant toute entière. Je pris le temps de ralentir ma respiration. Je commençais à sentir une aura de puissance. La mienne?...non, c’était juste une illusion. Mais tout de même, je me sentais plus forte, plus confiante, et j’étais prête à donner à Théo la peur de sa vie. Je me retourna lentement pour lui faire face. Sans un sourire, je l’observas avec un regard fou…puis je me mis à courir vers lui en secouant la tête dans tous les sens. Tellement vite que ça m’étourdissait, mais je continuais, parce que j’étais sûre que ça valait la peine! À la place de courir normalement, j’écarta les jambes pour ressembler un peu plus à un crabe, hurlant de ma voix la plus aigu et la plus flippante possible. Bon d’accord Pennywise j’me souvenais pas qu’il faisait le crabe quand il essayait de tuer les gosses mais je pensais que ça ajoutait un bon effet convaincant.

Wow, j’étais persuadée que j’étais super flippante! Si Théo ne faisait pas dans son froc dans les prochaines secondes, j’allais me poser des questions. Parce que moi, si j’aurais été à sa place, j’aurais perdu connaissance à voir quelqu’un aussi fucké comme ça. Nailed it!

-… Ouais! Sois un gros bully!

Bon, ce n’était pas tout à fait ça, mais elle semblait motivée, et puisque l’idée était de l’aider à trouver son style de combat… ça allait faire l’affaire. Théo n’était pas certain qu’elle ait absolument tout compris, mais ce n’était pas trop grave. Il n’y avait rien de mal à ne pas être un prodige. Il se tenait donc là, prêt à foncer, étudiant le cosmos de son apprentie d’un jour et guettant ses réactions, quand Colombe passa enfin à l’attaque. Si « attaque » était le bon mot. Malgré toutes ses belles paroles, le soldat eut soudainement plusieurs doutes.

-Ben voyons…

Plutôt que d’utiliser son cosmos pour imposer une présence intimidante, comme il l’avait suggéré, Colombe avait plutôt décidé de… qu’est-ce qu’elle avait décidé, au juste? Courir comme ça, dans une position vulnérable, en hurlant comme une débile… et son cosmos plutôt décent, mais rien qui pouvait le convaincre d’avoir peur d’elle. En fait, avec une telle performance, aucune puissance cosmique n’allait pouvoir lui faire peur. En se contentant de froncer les sourcils et de faire disparaître son propre cosmos, Théo évita l’attaque en se déplaçant sur le côté, et fit trébucher la Sainte en devenir d’un simple croc-en-jambe. Clairement, il n’était pas très impressionné.

-Coudonc avec quel genre de bully t’as grandi?

Il la laissa se relever, puis pris quelques secondes pour se ressaisir lui-même. Il fallait juste la guider…

-OK, j’pense qu’on s’est pas tout à fait compris. Là t’étais… t’étais fuckée, mais t’étais pas intimidante. J’ai été surpris mais rien de dangereux, pis le plus important, tu m’as pas convaincu que t’étais trop forte pour moi. Non, laisse faire, le plus important c’est que tu regardais pas où t’allais pis tu t’es planté à terre!

Peut-être que toute cette histoire d’intimidation n’était juste pas une bonne idée! Non, c’était trop tôt pour dire, il fallait lui donner un peu plus de temps. En retenant un soupir de découragement, Théo prit quelques pas de recul et reprit sa position initiale.

-Réessaye. Chuis le méchant Spectre, j’attaque le village. T’es le Chevalier du Taureau, t’es mille fois plus tough que moi pis tu l’sais. Montre-moi que t’es la plus tough.