Les paroles de Skärn semblaient déjà avoir fait du bien à son interlocutrice qui semblait reprendre de l’assurance. Elle ressemblait déjà plus à l’image que Skärn avait en tête de la championne du Sanctuaire, mais ce qui acheva de la remettre sur pied n’était pas les bonnes paroles de Skärn ou leur amitié mais une missive venue tout droit du Sanctuaire. Le Traqueur d’âme ne put qu’à grande peine réfréner un fou rire en voyant le brusque changement d’attitude de la chevalier des Gémeaux, il y a un instant encore en proie au doute et cherchant le soutien de Skärn et d’un coup redevenant la guerrière fière, ombrageuse et n’hésitant pas à faire connaitre avec bruit le fond de sa pensée. Si ce n’était sa préférence pour les charmes et les raffinements du monde moderne, Eurydice aurait sans problème put se faire passer pour une véritable guerrière de Nordheims.

Skärn nota cependant l’information qu’un nouveau Pope avait été désigné et, à première vue, il semblait que l’identité de celui-ci ne plaisait pas à la jeune Hellène. Skärn se garda néanmoins de tout commentaire, se concentrant sur la mission. IL venait de ne rien de moins que promettre le soutien de Nordheims dans la quête personnelle d’Eurydice, et sans en référer à une quelconque autorité. Il se demandait si le fait qu’Eurydice agissent ainsi dans le dos de sa hiérarchie faisait vraiment entrer cette situation dans le cadre de l’Alliance entre Nordheims et le Sanctuaire. Il se demanda aussi s’il devait amener Eurydice à ses propres supérieur pour avoir leur bénédiction, mais cela les ralentirait pour un résultat incertain (certains conseillers craindraient des représailles de la part des Spectres s’ils découvraient qu’Asgard avait créé un nouveau moyen de les enfermer. Pour Skärn, il était évident qu’il fallait aider les Saints pour prouver que Nordheims prenait cette entente au sérieux et aussi pour rééquilibrer les forces dans la lutte entre le Sanctuaire et les Enfers… surtout aux vues de l’absence d’aide véritable que Nordheims pourrait fournir en cas de nouvelle Guerre Sainte. La présence du nouveau Pope signalait également un changement dans la politique du Sanctuaire, restait à voir quel serait la nature de ce changement.

Finalement, lorsque Eurydice l’invita à passer le portail, Skärn s’exécuta. Passant des montagnes de Jamir aux étendues glaciales de Nordheims. Dès l’instant où il arriva sur place, Skärn posa le sac d’affaire qu’il transportait et fouilla dedans et en sortit une longue cape à capuche. C’était une pièce d’étoffe assez pratique, pouvant à la fois servir de manteau, de couverture ou bien d’abris, fait d’un tissu résistant. Il la donna à Eurydice quand elle le suivit par le portail.

- Comme tu commence à être un peu connue dans les environs, si tu désir restée discrète ça pourra t’aider. Quant à l’identité du nouveau grand Pope, je ne vais pas te demander de qui il s’agit, ce n’est probablement pas mes affaires… mais comme tu as l'air de le connaitre, et il n'a pas l'air d'être ton premier choix pour le poste.

Skärn n’en dit pas plus, il se contentait de faire une remarque sur ce qu’il venait de voir, libre à Eurydice de lui en parler ou pas. Appelant sa Järnskinn pour le recouvrir, il guida ensuite la Sainte de Gémeaux jusqu’au village. Son statut de guerrier divin permettait de circuler librement sans que les gardes ne posent de questions. L’intérieur de l’enceinte du village avait encore changer depuis la dernière visite des Saints. De nombreuses maisons avaient été construit, l’atmosphère était pesante… mais la gestion de la crise commençait à se voir. Depuis peu, Skärn pouvait le sentir également, une sensation plus froide que la morsure du climat Asgardiens, quelque chose qui lui nouait les tripes. La mort même semblait plus présente dans l’air de Nordheim pour les éveillés. Wulf sentait cela depuis plus longtemps, Skärn ignorait pourquoi mais lui aussi le sentait à présent. Quelque chose de mauvais était à l’œuvre, mais ils ne pouvaient ni définir ce que c’était, ni localiser son origine.

Le Traqueur d’âme amena Eurydice à l’auberge où elle avait l’habitude de s’arrêter lors de ses ambassades. Elle avait elle aussi beaucoup changé, ce n’était plus une auberge pour voyageur elle avait été convertit en une sorte de réfectoire où les habitants du village venaient se restaurer. L’intérieur avait plus des airs de soupe populaire que de pub. La maison longue où la population se retrouvait pour les fêtes avait subit le même sort, mais elle n’était guère assez grande pour accueillir tout le monde. L’intérieur de l’auberge n’était pas si rempli qu’on aurait pu le croire, mais aux vues du nombres de bols sales encore présent sur les tables, le gros de l’affluence était déjà passé. Quelques familles étaient encore là, buvant de la soupe et mangeant un peu de pain, le tout agrémenté d’un pichet de bière (y compris pour les enfants, c’est bourratif). Skärn invita Eurydice à rentrer. Le fils de l’aubergiste, qui rentrait à peine dans l’adolescence, vint directement à la rencontre de Skärn et Eurydice visiblement très intimider par la présence de Skärn.

- Je suis désolé messires, l’heure du repas est passé. Si vous le désirez, on peut vous vous servir un fond de potage qui reste ou alors un verre. Si vous voulez simplement vous asseoir… je peux essayer de vous obtenir une place près du feux…
- Ce ne sera pas nécessaire Ingvald, moi et la dame qui m’accompagne avons seulement besoin d’un endroit un peu calme pour discuter, dis à ton père de ne pas se soucier de nous et de continuer à aider nos frères. Eurydice, si tu désire te restaurer, libre à toi mais à part le potage il n’y a pas grand-chose d’autres en ce moment.

Skärn préférait être un peu à l’écart pour pouvoir discuter sans se soucier des oreilles indiscrètes, mais aussi parce qu’il n’avait aucune envie de devoir faire bouger les individus qui étaient installé près du âtre centrale. La plupart étant des enfants accompagnés d’un parents pour les plus petits. Probablement qu’ils étaient également un peu malades. La crise alimentaire était telle que la solidarité s’était mise en place, la taverne tournant actuellement à vide bien que pouvant compter sur l’aide des réfugiés pour les travaux.

- Comme tu le vois, les choses ont légèrement empiré. Ont à bien commencé à recevoir un peu d’aide de la part de nos frères dans le sud et même les Alfars ont daigner offrir quelques victuailles pour Yule, mais ça reste précaire. Au moins, on a passé la période la plus difficile. Et, avant qu’on continue sur le sujet qui nous préoccupe, il faut que je te révèle certaines choses sur la situation de Nordheims. Pour commencer, ce qu’on s’apprête à faire, je vais prendre sur moi plutôt que de risquer un refus de la part des autorités. Ensuite, aux vues de la confiance que tu place en l’alliance entre Nordheims et le Sanctuaire, j’estime que tu mérite de connaitre notre situation. Lors de ta dernière visite, avec le scorpion, tu as pu voir la totalité des guerriers divins encore en activité… Wulf, et moi… quant à Olrik, nous ignorons toujours ce qu’il est devenu.

La situation n’était pas brillante. Skärn comprendrait que Eurydice se sente quelque peu désappointée par la faiblesse de ses alliés. Mais Skärn préférait qu’au moins une personne au Sanctuaire connaisse la situation réelle de Nordheims si d’aventure les Athéniens comptaient sur leur Alliance avec le nord pour faire avancer leurs projets.

- Pour ce qui est de l’objet de ta venue ici… il y a effectivement plusieurs possibilités. Les Duergars sont des maitres artisans qu’aucun humain ne peut égaler, ils ont forgé plusieurs artefacts pour les dieux et même Helgrind, la herse qui ferme le séjour des morts, à été construite de leurs mains. Les Alfars sont des enchanteurs de talents et assez doué eux même. La première proposition est d’allé voir l’un de ces peuples pour que tu leur fasses ta demande, et nous verrons ce qu’ils répondront. L’autre possibilité, c’est d’aller directement à Helheim chercher quelque chose que nous savons pouvoir affecter l’âme des Spectres que ce soit Garm, le chien gardant les enfers, l’aigle Hraesvelg ou Nidhogg, tous sont des créatures pour qui les âmes des damnés sont des proies. La gueules de Nidhogg et de ses semblables sont même notre équivalent de votre tartare, un lieu où les âmes les plus viles sont jeté pour subir une éternité de souffrance et ne jamais en ressortir.

Skärn mit ensuite la main dans sa poche et en ressortit une clé. Il la lança à Eurydice.

- Et si je n’ai pas l’occasion de retourner chercher ma bécane à Rodorio après cette aventure, considère qu’elle est à toi.

Eurydice était peut-être une guerrière fière et au caractère bien trempée, mais elle n’en était pas moins capable de ressentir de la compassion pour les souffrances des autres et également de compréhension quant à la situation de Nordheims, des qualités que les hommes du nord oubliaient souvent tant leur honneur et le besoin de ne pas paraitre faible comptait à leurs yeux. Cela les mettait souvent dans des situations impossible et nombres de saga étaient bâtit autour de héros torturé par leurs contradictions, tel était souvent l’histoire de Nordheims, et royaume fière et favorisé par les dieux du nord, mais trop entêté pour accepter l’aide de qui que ce soit. Quand elle fit savoir à Skärn qu’elle le pensait fiable, Skärn eut un petit sourire amusé, ce n’était généralement pas le terme par lequel on le qualifiait dans son pays natal.

- Je te remercie, cela me va droit au cœur.

Lorsque son interlocutrice se laissa aller à une envolée quelque peu poétique en observant la situation des individus les entourant dans la salle, Skärn reconnut du Baudelaire dans ses paroles. Il ne réagit néanmoins pas dessus car ces paroles ne lui étaient pas spécialement adressé. Finalement, Eurydice fit connaitre sa décision, elle voulait régler cette affaire au plus vite et donc choisissait la voie dangereuse. Impétueuse comme toujours, mais s’improviser une expédition en Helheim ne se faisait pas sans quelques prérequis.

- Soit, va pour les profondeurs froide et infernale du Royaume de Hel. Je te montrerai le chemin, ce n’est pas le genre d’endroits où tes portails pourront te mener… à moins que tu sois capable de te téléporter dans le royaume d’Hadès sans le moindre problème… les dieux sont assez… récalcitrant à ouvrir les frontières de leurs domaines à n’importe qui.

Skärn retira à ce moment son heaume et regarda Eurydice dans les yeux. Le Traqueur d’âme était borgne, mais au moment où il observa Eurydice, son hamr s’éveilla très légèrement et une flammèche bleue apparut dans son œil mort, l’iris jusque là blanche se fondant dans le globe occulaire s’illumina d’une lueur bleue irréel, chancelante comme une flamme et reliant les deux parties de la cicatrice qui traversait son œil. Skärn montra celle-ci à Eurydice.

- Je suis un Helblindi, tout comme mon œil mort me permet de voir notre monde du point de vue des défunts et donc les âmes, je suis capable d’évoluer aussi bien dans le monde des vivants que celui de Hel… jusqu’à un certain point. Cela est autant dût à ma nature d’Helblindi qu’au fait que je sois lié à Garm, le molosse qui garde le monde des morts. Dans ton cas, à moins que tu ne te soie éveillé… comment vous appelez ça encore… le huitième sens, je crois ? Enfin bref, tout voyage en Helheim pourrait bien être sans retour.

Dans son esprit, Skärn entendit le grondement familier du « Hurleur ». Ce dernier ne semblait guère enthousiaste à ce que Skärn s’apprêtait à faire. Machinalement, Skärn se tapota la tempe, habitude qu’il avait quand son « esprit totem » grondait dans son esprit.

- Si tu n’es pas éveillé à ce sens, j’ai bien un substitut qui pourrait te permettre de quand même venir, mais il nécessitera un peu de préparation avant qu’on y aille. L’autre point est que si nous obtenons ce que tu cherches, ce ne sera que de la matière première, il devra de toute façon être retravaillé pour qu’il remplisse la fonction à laquelle tu le destines. Et enfin, n’oublie pas que les créatures que tu t’apprête à rencontrer son des êtres très puissants. J’ai pu apprécier ton pouvoir à quelques reprises, et je reste convaincu qu’il ne s’agissait que de tour de passe-passe par rapport à ta véritable puissance. Mais en face, tu as Garm qui est destiné à tuer l’un de nos dieux les plus puissants, Hraesvelg qui faillit briser Loki et Nidhogg que les Ases eux-mêmes évite d’affronter s’ils ne sont pas obligés. Ta mort n’aidera pas ta Cause dans ce cas-là, pire, les Sanctuaire perdra une grande guerrière et une belle âme, donc ne sous-estime pas le danger auquel tu feras face.

Les inquiétudes du Traqueur d’âmes étaient sincères. Il connaissait la puissance de sa compagne et son caractère, et il savait aussi à quel point atteindre de haut niveau de puissance pouvait être grisant… au point de parfois oublié qu’il y avait toujours plus fort que soit. Qu’importait la précédente affirmation d’Eurydice, où elle proposait de prendre les risques, le guerrier divin ne comptait pas rester sur la touche s’il estimait que la situation requérait son aide. Skärn remit son heaume cachant à nouveau intégralement ses traites sous ceux-ci. Après tout, à l’instar de nombres de ses frères, n’était-ce pas cela qui le définissait ? Il était un guerrier divin, son honneur, son devoir, toute sa vie ne devait être consacré à Nordheims et ses peuples seule. Qu’importait qui se trouvait sous le casque, qu’importait l’individu, quand on était guerrier divin, on était plus un homme, on devait être un modèle et un protecteur pour les siens. On ne faisait qu’un avec la Järnskinn que l’on portait. Il attendit la réponse d’Eurydice avant reprendre.

-Sinon… concernant la proposition d’aide que tu avais faite à Wulf pour Nordheims… il est toujours possible d’aider. Le tout est de savoir comment proposer son aide sans mettre à mal l’ego de mes semblables. Tu as pu, plus d’une fois, voir à quel point mes frères peuvent se montrer susceptible et Wulf en est un parfait exemple, éduquer toute sa vie dans notre culture. Pour ma part, j’ai vécu un certain temps dans les terres aux sud, j’ai appris à voir les choses différemment aussi je peux comprendre les deux points de vue.

Ton erreur à été de proposer un pont humanitaire, une aide complète à plus ou moins long terme pour mettre fin à la crise que notre peuple traverse. Ce n’est pas comme ça que nous réfléchissons. Toute épreuve se doit d’être surmonté, un véritable ami peut nous aider mais pas la passer à notre place… ce n’est pas un service à rendre et même il s’agit d’une insulte car cela prouve que tu n’estimes pas ton ami capable de s’en sortir. Une aide comme tu la proposais, dans notre conception du monde, ne peut être accordé que dans deux occasions, soit sous forme d’un tribut où celui qui donne reconnait notre force et nous offre régulièrement ces présents pour s’attirer nos faveurs et éviter notre courroux… les rapports entres Nordheims et le Sanctuaire ne sont pas ceux-là.

Soit cela vient au contraire d’un être que tu reconnais comme étant ton supérieur et à qui tu a juré obéissance contre sa protection, c’est une Seigneur accomplissant son devoir de protection envers son vassal. Accepté un pont humanitaire reviendrait pour Nordheims de reconnaitre la supériorité du Sanctuaire sur lui et de le reconnaitre comme son Seigneur.

Ce que le Sanctuaire peut faire par contre, d’un allié à un autre, c’est de proposer une aide ponctuelle, unique. Un don montrant votre estime à Nordheims sans mettre une claire supériorité de votre part. Bon le piège à ne pas tomber dans ce cas, ce sera d’éviter que cette aide passe pour un étalement de richesses et une preuve de puissance.

Quand il eut fini, Skärn se leva et offrit sa main à Eurydice par courtoisie pour l’inviter à en faire de même.

- Sur ce, je crois qu’on peut aller nous occuper de ta quête.

Eurydice comprenait vite, que ce soit les dangers auquel elle s’exposait ou concernant la manière de proposer son aide aux hommes du nord. Par contre Skärn se demanda si l’Athénienne avait bien conscience de l’organisation interne des royaumes, rester très féodale, quand elle évoquait de mettre en relation les services administratifs du Sanctuaire avec ceux de Nordheims. Oui, Nordheims possédait une administration, mais on était loin des bureaucratie moderne, on ne pouvait pas leur passer un coup de fil pour régler la situation. Par contre, le Sanctuaire pourrait toujours passer par les institutions du Conseil Nordique, qui était ce qui se rapprochait le plus d’un intermédiaire entre les royaumes du Nord et le reste du monde.

Skärn aurait pu directement suivre Eurydice dehors, il n’avait pas grand-chose d’autre à faire à l’intérieur de la taverne, mais il attendit quelques minutes, histoire qu’elle ait le temps de faire son rapport, avant de la rejoindre. Il en avait profité pour régler l’addition avant de partir. Échangeant quelques paroles avec le tenancier pour s’informer de la situation, celle-ci n’était pas encore critique, mais il ignorait pour combien de temps encore le système D pourrait encore permettre de survivre.

- J’étais même pas sûr que le satellite passerait, la technologie supporte assez mal nos contrée. Par contre, je ne préfère pas imaginer combien cet appel t’a coûté. Pour la suite, on va avoir un petit rituel à faire, mais je préfère le faire dans un endroit plus isolé… histoire d’éviter d’inquiéter la population.

Skärn indiqua à Eurydice de le suivre à l’extérieur de la bourgade. Les journées étaient courtes en ce moment dans le nord et la pénombre commençait déjà à poindre. À ce moment de l’année, les fêtes de Yule devaient être en train de se terminer, mais le manque de ressource avait écouté cela, bien que si et là, on pouvait encore voir certains villages continuer d’entretenir les grands feux de joie.

- Nous allons nous rendre dans le royaume de Niflheim, ma terre natale. C’est un lieu plus en phase avec l’endroit ou nous allons et le rituel en sera facilité. À pied ça nous prendrait plusieurs heures de marches mais, même si personnellement j’apprécie ces longues marches, on va gagner du temps.

Ce fut à ce moment qu’il fit apparaitre son aura autour de lui, signe qu’il allait décoller. Il se doutait qu’Eurydice aurait préféré faire usage de ses portails, mais cela ne lui servirait à rien si elle ignorait où ils allaient.