Wolgorn pénétra dans la caverne dissimulée et s'enfonça progressivement dans une obscurité insondable. Il randonna ainsi pendant une heure dans la pénombre, sans trouver une seule trace de lumière sur son chemin. Ce dernier était tortueux et descendait de plus en plus dans les profondeurs du volcan, sans doute avec son cœur pour ultime destination. Du moins le Bourreau espérait-il que c'était là-bas qu'il se rendait, au lieu d'un endroit complètement vide et inutile. S'il y avait bien une chose dont il n'avait pas besoin, c'était de tomber sur une impasse après toute la sueur qu'il avait versée. Au bout d'une heure et demi de marche, il déboucha enfin sur un couloir en bonne et due forme, faiblement éclairé par des lumignons. Le corridor était creusé dans une matière ressemblant à de l'obsidienne, à ceci près que des veinures rouges procuraient un éclat incendiaire aux pierres noires. Des statues taillées au burin ornaient toute la longueur du passage, représentant chacune des figures masculines et féminines dénudées. Toutes n'avaient pas des corps athlétiques néanmoins, certaines étant affublées de physiques disgracieux, leur auteur les ayant probablement sculptées à son image. Qu'elles soient pensées comme laides ou belles, elles exsudaient sans distinction dans leur ouvrage de la même énergie sauvage et rugueuse. Le coup de burin qui avait donné naissance à ces troublantes décorations leur procurait une certaine égalité et une unité qui transcendait leurs conditions physiques respectives. Derrière cette roche si brutalement travaillée, une sensation indescriptible par son immensité se dérobait au spectateur ignare et aveugle aux mystères de l'esprit. Était-ce donc cela, l'art capable d'élever l'âme par la confrontation de l'intelligence humaine à quelque chose qui le dépassait ?

Cependant, le Russe n'était pas là pour effectuer une sortie au musée, mais pour chercher une épée légendaire. Bien qu'il reconnaissait l'intérêt de contempler ces statues et de leur accorder tout le crédit qu'elles méritaient, il devait rester focalisé sur sa mission. Le couloir commença alors à s'élargir après une vingtaine de minutes de trajet, les sculptures de bronze laissant place à des œuvres ciselées dans de l'argent. Le plafond était également plus illuminé qu'auparavant, ce qui permettait à Wolgorn de mieux distinguer son environnement. Des cristaux phosphorescents assuraient l'éclairage, une touche naturelle qui donnait une atmosphère presque féerique à l'endroit. Néanmoins, ce somptueux tableau fut gâché par la vision d'une porte en acier colossale, barrant la route de l'Exécuteur de sa hauteur monumentale. Qu'à cela ne tienne : il allait la briser d'un coup de poing, comme il l'avait fait avec le rocher à l'entrée de la galerie souterraine ! Il fit donc craquer les phalanges de ses mains afin de les échauffer puis embrasa son cosmos en préparation de la frappe imminente. Toutefois, il n'eut guère le temps de s'attaquer à cet obstacle, car l'issue s'ouvrit d'elle-même dans un interminable grincement sonore. Par principe de précaution, le Spectre se mit en garde et attendit de voir ce que cette porte allait lui révéler. A en croire les bruits sourds qu'il entendait et le souffle puissant qui se dégageait de l'accès, il s'agissait sûrement de quelque chose de gigantesque.

Cette présomption ne fut pas erronée, car un taureau d'airain monstrueux se dévoila finalement aux yeux de Wolgorn. La bête était similaire aux bovidés métalliques qui avaient été confiés durant l'ère mythologique au roi Aiétès, le souverain de Colchide. Elle devait certainement peser plusieurs tonnes et détenir une force titanesque, capable de mettre un héros tel que Jason à rude épreuve. Voilà enfin un défi qui s'annonçait digne de l'écrasante puissance démoniaque du Bourreau ! Ce dernier comprit qu'il devait absolument terrasser cette créature s'il voulait avancer jusqu'aux forges, une perspective qui l'enchantait. Il allait pouvoir utiliser contre cet adversaire redoutable toute l'étendue de ses capacités et se déchaîner comme bon lui semblait, une liberté de mouvement qui lui avait manqué depuis des lustres. Batailler contre de la piétaille, même sous déguisement et sous restriction, n'était pas suffisant pour un vaillant guerrier tel que le Russe ! Le taureau d'airain poussa alors mugissement belliqueux, signifiant ainsi son intention d'en découdre avec lui. Il se mit également à piétiner furieusement le sol d'impatience et se prépara à charger sur son ennemi de toute sa masse. Conscient que la confrontation approchait, Wolgorn intensifia son aura ténébreuse de plus belle et hypertrophia sa musculature mortifiée. Les articulations de son Surplis diffusèrent une lueur parme qui passa rapidement à une teinte sanguinolente, comme si son propriétaire subissait une hémorragie. Cependant, les vibrations dynamiques de la protection démontrèrent que loin de s'affaiblir, le Spectre ne cessait de gagner en vigueur.

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Après une phase d'intimidation peu fructueuse, le buffle mécanique chargea finalement sur Wolgorn à toute vitesse. Ce dernier ne tenta pas de fuir et déploya toutes les défenses à sa disposition afin de préparer une contre-attaque. Lorsque la créature fut suffisamment proche de lui, il essaya de lui opposer un Demon Punisher pour lui écrabouiller le crâne. Néanmoins, la collision tourna en défaveur du Bourreau, qui fut violemment propulsé tout au fond de la salle. Il laboura le sol de sa lourde carcasse sur une dizaine de mètres puis roula piteusement sur lui-même jusqu'à ce que son élan ne cesse. Complètement étalé sur les pavés en obsidienne, il s'efforça de rassembler ses esprits avant que le taureau d'airain ne le piétine. Il pouvait déjà entendre le bruit de ses sabots et son mugissement s'avancer dangereusement vers lui, aussi devait-il se presser. Le Russe esquiva de justesse une ruade écrasante du monstre et se releva d'un bond énergique en altitude. La hauteur qu'il avait prise lui permit ainsi de s'accrocher au plafond grâce aux griffes acérées de ses gantelets. Hors du périmètre de son adversaire bovin, il pouvait maintenant souffler un peu et réfléchir à la stratégie qu'il allait employer. Toutefois, la bête ne lui accorda guère ce répit et fonça donc brutalement contre un mur, les cornes les premières. L'impact provoqua de terribles secousses qui firent trembler la salle toute entière, faisant perdre à Wolgorn sa prise sur les cristaux lumineux. Il fut ensuite réceptionné dans sa chute par une nouvelle offensive du bovidé métallique, qui le percuta de plein fouet et l'envoya valdinguer à travers la pièce. La puissance de l'assaut avait redoublé d'intensité comparé au précédent, laissant ainsi l'Exécuteur sur le carreau. Celui-ci devinait aisément qu'à ce rythme, il risquait soit d'y laisser sa peau soit d'y passer toute la sainte journée.

Il se redressa donc une seconde fois, mais il ne tenta pas sur cette occasion d'éviter la charge de la créature ou de la bloquer frontalement. A la place, il opta judicieusement pour l'utilisation du Dark Pressure afin de ralentir le monstre. Ce dernier fut freiné dans sa course par l'onde maléfique, le rendant en conséquence plus vulnérable à une riposte. Le Spectre, saisissant l'ouverture offerte par sa manœuvre, se jeta sur son ennemi et réitéra son coup de poing fétiche sous la forme d'un crochet. Il frappa ainsi le crâne du taureau d'airain juste en dessous de sa corne gauche, qui se rompit sous le choc, puis enchaîna avec un uppercut cinglant. Abasourdi par la technique spéciale de Wolgorn, le buffle tituba mais résista à l'envie impérieuse de s'effondrer. Quant à son antagoniste, il profita de ce moment de faiblesse pour rassembler consciencieusement ses forces. Cependant, il gaspilla trop de temps et fut obligé de se défendre face à la redoutable contre-offensive qui déferla sur lui. Effectivement, les entrailles du gardien robotique entrèrent en ébullition et une immense gerbe de flammes s'échappa de sa gueule. Par tous les diables, le voici donc capable de cracher du feu comme un véritable dragon ! Un tel prodige était digne d'une réalisation d'Héphaïstos, on ne pouvait décidément le nier ! Pris au dépourvu, le Bourreau fut obligé d'encaisser la tempête ardente qui s'abattit rageusement sur lui. Néanmoins, la chaleur émise par la rafale incandescente n'était que chose triviale en comparaison de ce que pouvait lui infliger le Humbaba ! Le Russe avait déjà affronté pire que cela maintes fois par le passé et il allait montrer à ce steak ambulant toute l'étendue des progrès qu'il avait effectués ! Motivé à gagner ce duel, il sublima ainsi son cosmos démoniaque jusqu'à son paroxysme et balaya les flammes comme s'il ne s'agissait que d'une légère brise.

Ébranlé par cet exploit, le buffle mécanique recula instinctivement d'un pas avant de s'enhardir de nouveau. Un meuglement résonna à travers toute la salle, accompagné d'une attaque désespérée de la part du monstre. Ce dernier chargea une troisième fois sur Wolgorn et tenta de l'empaler à l'aide de sa corne restante. Malheureusement, sa cible anticipa cette action et sauta au-dessus de lui dans l'objectif de lui infliger un Death Penalty. La croix ténébreuse taillada cruellement le dos blindé de la bête et fendit sa carapace de bronze. Des morceaux de métal volèrent dans tous les sens tandis que la victime ne pouvait que mugir de souffrance. Un fluide brûlant semblable à de la lave s'écoula de sa plaie et goutta lentement sur le sol, montrant qu'elle était bel et bien blessée. Quand l'Exécuteur retomba finalement sur son adversaire, il plongea vigoureusement son bras dans l'estafilade bouillante et commença une session extrême de rodéo. Le taureau d'airain se débattit nerveusement et chacun de ses piétinements fracassait les dalles en dessous de lui. Courroucé par tant de résistance futile, le Spectre vociféra à l'attention de son ennemi :

"TU VAS FINIR PAR CREVER, ESPÈCE DE SALOPERIE ?! MURYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !"

Dans la confusion, des sculptures d'argent furent brusquement renversées et éclatèrent par terre. Lorsqu'elles n'étaient pas fracturées, elles furent broyées et cabossées par les sabots de la créature bovine. Histoire de raffermir sa prise sur cette dernière, Wolgorn plongea sa main libre dans sa gorge et entama sa cuirasse grâce à ses griffes tranchantes. La poigne du guerrier infernal ne tarda guère à plier en deux le cou de sa proie, qui essayait vainement de l'éjecter de son dos. D'un geste sec et impitoyable, le premier arracha vicieusement à son antagoniste une large portion de sa gorge. Le buffle poussa un meuglement de douleur et vit ce qui lui servait de sang se vider, même s'il était déterminé à ne pas abandonner la lutte. Sur cette manche décisive, le combat approchait inexorablement de son dénouement...

Dans un ultime effort désespéré, le taureau d'airain fonça sur un mur et tenta de s'en servir pour écraser Wolgorn. Ce dernier endura courageusement la collision et resta solidement cramponné à sa malheureuse proie. Si la charge avait réussi à fracasser la paroi rocheuse et à provoquer un véritable séisme, il demeurait aussi imperturbable qu'une montagne face à une tempête. La créature, en revanche, avait souffert de sa propre attaque et des craquelures lézardaient son corps massif. Jugeant que cela en était assez, le Bourreau abandonna son adversaire et se plaça à environ quatre mètres de lui. La distance était suffisante pour lui procurer l'élan nécessaire afin de maximiser l'impact de son Demon Punisher. Le Spectre se rua donc sur sa cible et lui asséna un coup de poing ravageur en pleine poire, lui déformant horriblement la tête par la même occasion. Néanmoins, le monstre s'obstinait à tenir debout, une ténacité exemplaire qui ne pouvait que forcer le respect. Puisqu'il refusait de rendre les armes, Wolgorn allait lui porter le coup de grâce comme il se devait. Le second invoqua ainsi un glaive d'énergie démoniaque et l'empoigna fermement de sa main droite. D'un geste sec et précis, il le planta ensuite dans la nuque du buffle métallique puis l'enfonça profondément dans sa chair bouillante. Ce fut à cet instant que la bête finit par s'effondrer lourdement au sol et par cesser de se mouvoir, privée de la vie artificielle qui l'habitait jusqu'ici. Elle était désormais vaincue à plate couture et ne pouvait en conséquence plus barrer la route au Russe. Celui-ci épousseta son Surplis, inspecta les dommages qui lui avaient été infligés et reprit son chemin après avoir constaté qu'il n'avait subi rien de grave. Effectivement, sa protection n'était que très légèrement rayée et cabossée, pas de quoi s'inquiéter pour le moment...

Toutefois, l'Exécuteur choisit de rester prudent et continua ainsi d'avancer à travers le corridor souterrain à la recherche des forges. Il tomba alors sur un escalier en colimaçon qui descendait de manière vertigineuse vers les profondeurs insondables de la Terre. Ce passage suintait le traquenard, mais il n'avait guère d'autre option s'il voulait atteindre sa destination. Non sans méfiance, Wolgorn emprunta donc les marches et effectua une interminable plongée dans les abysses. Contrairement à l'escalier menant aux Enfers du Palais de Pandore, celui-ci était relativement étroit et restreignait la marge de manœuvre du Spectre. Quelques torches éclairaient l'endroit, mais elles ne produisaient rien de bien lumineux comparé au couloir des statues d'argent. Le guerrier d'Hadès progressa ainsi avec une lenteur calculée et prêta attention au moindre bruit suspect, sa vision n'étant que peu adaptée à l'obscurité. Une heure s'écoula laborieusement au rythme de cette descente, un silence anxiogène pesant sur les lieux. C'était à se demander s'il y avait la moindre âme qui vive dans ce trou perdu, à l'exception de pâles imitations robotiques. Wolgorn en venait même à douter de l'existence du domaine d'Héphaïstos, sauf qu'il ne pouvait s'autoriser à renoncer maintenant. Le taureau d'airain devrait pourtant constituer une preuve suffisante de la présence du Boiteux au cœur de l'Etna, à part s'il avait déménagé sans prévenir personne. Cependant, ce n'était pas le genre d'un dieu de quitter son poste, aussi le Bourreau devait-il garder espoir. Il avait juste besoin d'arriver tout en bas des escaliers pour atteindre son objectif, à moins que ceux-ci ne soient sans fond.

Soudain, le Russe entendit des cliquetis résonner et se rapprocher peu à peu de sa position. A en juger par l'origine des échos, ces sons étranges provenaient autant de plus haut que d'en dessous. Par simple esprit de déduction, Wolgorn comprit immédiatement que des ennemis essayaient de le prendre en tenaille. C'était prévisible, mais il devait avouer qu'il se trouvait dans une situation problématique, étant donné qu'il avait perdu de sa liberté de mouvement. Sur ses gardes, il attendit que ses nouveaux adversaires viennent à lui et se rappela de ne pas les sous-estimer comme le buffle mécanique. Heureusement, ce dernier s'était révélé moins compliqué que prévu, sauf que l'Exécuteur ne pouvait se permettre d'appliquer la même échelle de valeur à tous les obstacles qui se présentaient à lui. En toute logique, il pouvait aisément s'imaginer que ses prochains antagonistes seront plus redoutables que les précédents. Ce fut alors que ceux-ci se montrèrent finalement au Russe dans toute leur gloire : un duo d'automates dorés ressemblant à des femmes nues aux physiques sculpturaux. Leur apparence évoquait celle de la gynoïde du film Metropolis, à l'exception près qu'elles possédaient des courbes infiniment plus souples, fluides et dynamiques. Elles étaient indéniablement le fruit d'un travail d'orfèvre et transpiraient autant la beauté que la puissance, avec une pointe sophistiquée d'agilité. Néanmoins, s'il y avait bien une chose essentielle qui leur faisait cruellement défaut, c'était la vitalité. En effet, leurs yeux étaient complètement vides et ne laissaient entrapercevoir que la mort dans leur éclat glacial. Ces sinistres jumelles affichaient également des visages d'une impassible neutralité, un manque d'expressivité qui ne pouvait que faire froid dans le dos.

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Les deux automates toisèrent chacune de leur côté Wolgorn avec leurs yeux indéchiffrables, aussi vides que magnifiques. Elles étaient aussi immobiles que des statues mais prêtes à bondir au moindre geste de leur proie, comme des mantes religieuses en chasse. Que ce soit le bas ou le haut des escaliers, toutes les issues avaient été condamnées par les gynoïdes. Si le Bourreau désirait avancer ou fuir, il n'avait guère d'autre choix que de rentrer dans le lard de ces satanés pantins métalliques. Ces derniers ne comptaient pas prendre l'initiative, préférant manifestement que l'intrus commette une faute en se lançant en premier à l'assaut. Malheureusement, le Russe ne pouvait que mordre à l'hameçon et ouvrir lui-même les hostilités, quitte à subir une riposte féroce. Il abattit ainsi son poing massif sur le robot qui l'empêchait de descendre, histoire de lui exploser d'entrée de jeu la caboche d'un Demon Punisher. Après avoir démoli son adversaire, il comptait fausser compagnie au second automate et se précipiter jusqu'aux forges au pas de course. Néanmoins, son plan tomba de manière prévisible à l'eau, la gynoïde du dessous esquivant son attaque avec une aisance insolente. Elle se renversa donc vers l'arrière, enroula ses jambes autour du bras épais de Wolgorn puis l'entraîna avec lui dans sa chute.

"WOOOOOOOOOOOOAAAAAAAAAAAAH !"

Le robot effectua ensuite une acrobatie spectaculaire et projeta son antagoniste la tête la première contre les marches du colimaçon. Le crâne de l'Exécuteur fracassa la roche et son énorme carcasse s'effondra piteusement sur l'escalier, avant de les dégringoler dans un vacarme assourdissant. Cependant, le duo doré s'engagea à la poursuite de l'envahisseur, qui s'arrêta brusquement après que son Surplis se soit accroché à un mur. Les pantins métalliques profitèrent de la confusion de leur victime pour la prendre de nouveau en tenaille et s'emparer d'elle. Le Spectre fut ainsi agrippé par les deux bras par ses opposantes puis fut envoyé percuter la paroi juste en face de plein fouet. Le choc fut rude pour lui et il pouvait déjà sentir les cloches résonner inlassablement à l'intérieur de son cerveau malmené. La pierre était exceptionnellement résistante en ces lieux et pouvait supporter des collisions d'une puissance phénoménale, même celles provoquées par un Gold Saint. Toutefois, le niveau minimal de cette caste n'était guère suffisant pour être comparé à la violence qui était déployée à cet instant contre Wolgorn. Effectivement, celui-ci subit un deuxième impact de la main des automates, qui étaient décidés à lui écrabouiller le ciboulot comme une pastèque. Suite à une troisième tentative d'une grande brutalité, le Bourreau se retrouva finalement la tête encastrée dans le mur. Elles n'en avaient pas l'air à cause de leur silhouette longiligne, mais ces maudites marionnettes possédaient une force supérieure à celle du taureau d'airain !

Leur proie étant coincée et estourbie, elles profitèrent de cette occasion pour la rouer impitoyablement de coups. Que ce soit le foie, l'estomac, les reins, les différentes vertèbres ou encore les côtes, aucun os ni organe n'était épargné chez le Russe. Ce dernier encaissa un supplice qui semblait sans fin, tant il était désorienté et incapable de s'extirper de la paroi dans laquelle il était enfoncé. Néanmoins, un tel passage à tabac n'était guère un problème pour lui, car son style de combat était adapté à ce genre de situation épineuse. La douleur était une source inépuisable d'énergie pour Wolgorn, qui jouissait avec un masochisme religieux des tortures qui lui étaient infligées. Mutiler sa chair, cette souillure terrestre et matérielle, était la meilleure méthode qu'il connaisse pour purifier son âme et se rapprocher du divin. Plus il recevait de blessures, plus sa puissance incommensurable augmentait et gagnait en monstruosité. Via l'afflux croissant de son cosmos démoniaque, sa musculature famélique retrouvait progressivement de sa tonicité et de son élasticité. Un ricanement sinistre et étouffé se fit alors entendre, s'échappant de son heaume et du mur à l'intérieur duquel il était encastré. L'heure de la contre-offensive allait bientôt arriver et l'Exécuteur ne se privera pas de rendre à ces saletés de gynoïdes la monnaie de leur pièce !

Les automates dorés continuaient d'agonir Wolgorn de coups, mais celui-ci réagissait de moins en moins aux dommages qui lui étaient infligés. Cependant, les premières savaient que le deuxième n'était toujours pas hors d'état de nuire, aussi ne s'arrêtèrent-elles donc pas de l'attaquer. Leur acharnement se révéla malheureusement futile, car le Bourreau utilisa l'énergie qu'il avait emmagasinée pour s'extraire du mur dans lequel il était encastré. Une fois libéré, il déstabilisa ses adversaires à l'aide d'un double Dark Pressure puis leur agrippa la tête de ses mains griffues. Les gynoïdes essayèrent de lui infliger une prise de soumission en lui enserrant les bras, sauf que le Russe ne leur en accorda guère le temps. Effectivement, il se lança dans une chute libre puis effectua une roulade périlleuse afin de descendre les escaliers à toute vitesse. Il entraîna ses antagonistes avec lui dans le processus, tourne-boulant avec elles dans un fracas métallique incessant et répétitif. Ce voyage précipité et improvisé mit les vertèbres de Wolgorn à rude épreuve, mais il s'efforça au maximum de résister au supplice qu'il s'était lui-même administré. Lorsqu'il arriva finalement en bas, il percuta violemment les dalles qui recouvraient le sol volcanique et libéra de son étreinte le duo robotique. Il ne se trouvait dorénavant plus dans un colimaçon étroit, mais dans une salle circulaire au centre de laquelle se situait une sorte d'ascenseur. Celui-ci semblait conduire plus profondément encore sous terre, à en juger par son incapacité à s'élever jusqu'à l'entrée des galeries abyssales. Quoi qu'il en soit, l'Exécuteur avait maintenant l'espace nécessaire pour se battre à son aise : l'heure de la revanche avait sonné !

D'habitude rapides et agiles, les automates dorés tardèrent à se remettre en posture offensive, trop occupées qu'elles étaient à rectifier leurs articulations. Leur ennemi capitalisa sur cette opportunité pour charger furieusement sur l'un d'eux et lui asséner un Death Penalty. Toutefois, la gynoïde esquiva la technique spéciale d'un bond prodigieux, mais elle fut poursuivie dans les airs par le Spectre. Ce dernier dépassa en hauteur sa cible et lui frappa l'arrière du crâne d'un Demon Punisher, la faisant ainsi s'écraser brutalement contre les pavés. Quand Wolgorn atterrit ensuite sauvagement sur le dos de sa victime et lui enfonça ses genoux dans ses omoplates, jusqu'à les broyer puis les éclater en mille morceaux. Hélas, ce ne fut guère assez pour mater ce satané robot, car ses bras continuèrent de fonctionner et immobilisèrent ceux de son opposant. Le Russe se trouvait donc de nouveau cloué au sol, du moins pas pour longtemps : il avait juste besoin d'émettre une impulsion cosmique suffisamment puissante pour se délester de ces pitoyables contraintes. Cependant, la jumelle de la marionnette accourut en renfort et décocha un drop-kick cinglant au visage de son adversaire. Celui-ci fut projeté au loin par la force de l'impact puis heurta douloureusement une paroi rocailleuse de plein fouet. Désormais accoutumé à ces collisions intempestives, le Bourreau endura le choc grâce à sa volonté de fer et put garder sa concentration intacte. Il put ainsi voir l'automate restant se ruer prestement vers lui à travers une série dynamique de souplesses. Si ces poupées sans âmes cognaient comme des bourrins et jouissaient d'une grande vélocité, elles semblaient en revanche cruellement dénuées de tout sens pratique.

Wolgorn se débarrassa donc des bras métalliques qui étaient enroulés aux siens et se jeta sur son antagoniste, prêt à le fracasser d'un coup de poing à la prochaine acrobatie. Néanmoins, il n'arriva guère à réceptionner la gynoïde, qui sauta au-dessus de lui avant de lui enserrer vigoureusement la gorge grâce à ses jambes. Elle empoigna ensuite les chevilles du Spectre et se servit de ce second appui pour commencer à lui plier la colonne vertébrale en deux. La pression que cet automate exerçait était tout bonnement monstrueuse et pouvait briser n'importe quel ennemi comme une vulgaire brindille de bois séché. Malheureusement pour le premier, son opposant du jour n'était ni un guerrier ordinaire ni du genre à céder aussi facilement face à l'adversité, fût-elle partie de la crème de l'élite. Le Bourreau se mit ainsi à résister vaillamment à l'emprise du robot et à se redresser peu à peu à mesure que sa puissance stellaire augmentait. S'apercevant que sa proie était en train de lui échapper, le deuxième conjura l'énergie cosmique qui subsistait dans la carcasse de son infortunée sœur et l'absorba afin d'accroître sa propre force. Une fois gonflée à bloc, la gynoïde tenta d'achever sa victime, sauf que cette dernière n'avait pas encore exploité toutes les ressources à sa disposition. En effet, Wolgorn n'avait pas dévoilé toute l'étendue de ses capacités, qui comportaient un riche éventail de sortilèges tous plus sournois les uns que les autres. Certaines des malédictions qui se trouvaient dans son arsenal étaient d'ailleurs déjà à l’œuvre et entamaient lentement mais sûrement leur travail de sape...

Cinq minutes s'écoulèrent et l'automate doré n'était toujours pas arrivé à plier la colonne vertébrale de son ennemi en deux. Ce dernier commençait progressivement à renverser la vapeur et à se redresser malgré la pression démentielle qui était exercée contre lui. La puissance maléfique qu'émettait Wolgorn était d'une telle intensité qu'elle parvenait même à endommager le métal dont était constitué la gynoïde. Effectivement, celle-ci s'aperçut que ses articulations grinçaient douloureusement et que sa cuirasse était en train de se fissurer sous l'effort. Cependant, elle n'avait pas été conçue pour se préoccuper de ses blessures, ce qui constituait autant un avantage qu'un inconvénient au combat. En l'occurrence, la marionnette surestima grandement ses capacités et s'obstina trop longtemps à essayer de briser son adversaire comme une brindille. Cette opiniâtreté exacerbée se révéla fatale : ses bras et ses jambes se rompirent brutalement avec fracas, éprouvés à l'extrême par leur propre force. Grâce à ses sortilèges, le Bourreau avait réussi à affaiblir son opposante en redirigeant sur sa structure moléculaire les dégâts qu'elle lui infligeait. Le premier avait également ciblé le noyau cosmique qui servait à alimenter la seconde en énergie, histoire de la fragiliser toujours plus. L'automate s'était ainsi enfoncé dans une situation sans issue, où il se voyait obligé de ruiner son corps à petit feu dans le vain espoir de terrasser sa cible. Évidemment, la gynoïde avait pitoyablement échoué dans sa tâche et le Russe était ressorti victorieux de l'affrontement. Néanmoins, le deuxième considérait que son triomphe ne sera complet qu'une fois qu'il aura entièrement réduit en miettes son ennemie.

"Pathétique !" s'esclaffa Wolgorn, empli d'une vigueur nouvelle. "Au final, une poupée en or ne vaudra jamais rien face à un glaive en bronze forgé pour la guerre ! Mon éclat est peut-être terne comparé au tien, mais il a été éprouvé par mille batailles ! HORS DE MA VUE !"

Il accompagna son sermon en agrippant fermement les mollets fracturés du robot puis en le balançant sauvagement par terre. La violence de l'impact fut telle qu'elle éventra le sol et provoqua un séisme qui ébranla l'intégralité de la pièce. Encastré dans la roche, l'automate doré était complètement cabossé et sa carapace, lézardée de tous les côtés, menaçait de se briser d'un instant à l'autre. Privé de ses membres, il ne pouvait dorénavant plus se lever ni poursuivre correctement la confrontation. Ses mains et ses pieds étaient trop bousillés pour lui être d'une quelconque utilité à ce stade, même en employant sa technique de manipulation à distance. Incapable de peur, de colère ou de tristesse, la gynoïde ne pouvait que contempler silencieusement le spectacle de sa destruction imminente. L'Exécuteur conclut alors le combat en abattant furieusement son poing gigantesque sur elle et en la pulvérisant jusqu'au dernier atome.

"QUE MON DEMON PUNISHER T’ÉCRASE !" rugit-il en même temps qu'il effectuait son attaque dévastatrice. "MURYAAAAAAAAAAAAAAH !"

Le choc causa une explosion ravageuse qui fit trembler le volcan lui-même, une action qui l'amena au bord de l'éruption par son ampleur dantesque. Quand le nuage de poussière soulevé par le déploiement de l'arcane secret se dissipa, il dévoila la vision terrifiante d'un immense cratère fumant. La marionnette ayant maintenant disparu de ce monde, le Spectre pouvait poursuivre son chemin en toute quiétude.

Il s'avança ainsi vers l'ascenseur qui se situait au centre de la salle puis l'activa en appuyant sur un levier. Celui-ci était étonnamment difficile à manipuler, à croire qu'il fallait impérativement posséder une puissance herculéenne pour s'en servir. Wolgorn s'imaginait que détenir une telle force était un prérequis pour travailler au sein des Forges d'Héphaïstos. Après tout, il s'agissait de l'endroit où les armes les plus prestigieuses et les plus redoutables de la planète étaient fabriquées. Comme elles ne pouvaient être brandies que par des surhommes et des dieux, il était logique d'assumer qu'elles soient le fruit du labeur d'artisans aux facultés exceptionnelles. Quoi qu'il en soit, il était l'heure pour le Russe d'entamer sa descente en direction du cœur de l'Etna. Cette fois-ci, il en était sûr et certain : il approchait enfin de son objectif et s'engageait dans la dernière ligne droite. Toutefois, le Bourreau devait faire preuve de prudence et se préparer à surmonter un ultime défi s'il souhaitait s'emparer de Harpè.

La descente se déroula sans accroc durant une quinzaine de minutes, jusqu'à ce que l'ascenseur ne cesse subitement de fonctionner. Un claquement sonore et une brusque secousse alertèrent Wolgorn de l'arrêt de la machinerie, avant que celle-ci n'active l'ouverture de portes coulissantes juste devant lui. Néanmoins, il ne s'agissait apparemment pas d'une erreur, car la plateforme semblait avoir atteint sa destination. Effectivement, les Forges d'Héphaïstos se révélèrent aussitôt aux yeux du Russe dans toute leur gargantuesque et incandescente immensité. Des cheminées et des foyers titanesques s'étendaient à perte de vue, tandis que des rivières de lave en fusion s'écoulaient à côté des ateliers, les alimentant en feu et en métaux fondus. A l'intérieur de ces ateliers turbinaient inlassablement une véritable armée de forgerons, qui battaient le fer brûlant avec vigueur et une dévotion proche de la ferveur religieuse. Tous étaient dotés de corps surentraînés, incessamment éprouvés par de longues journées de labeur à concevoir les armes et les protections les plus redoutables au monde. Accrochées à des câbles suspendus au-dessus des ouvriers, de nombreux instruments de guerre défilaient éternellement dans l'attente de leur finalisation ou pour être entreposés une fois achevés. La sueur ruisselait et les muscles pulsaient à mesure que les artisans se dépensaient sans compter pour maintenir courageusement la production à une cadence industrielle. Ils appuyaient sans faiblir sur leurs soufflets, battaient furieusement le métal, soulevaient des charges de minéraux grâce à des poulies et des chaînes, enclenchaient des leviers et sculptaient soigneusement leurs œuvres. Si chacun était concentré sur sa tâche, tous veillaient cependant à ce que chaque matériau, chaque pièce et chaque composant soit travaillé comme il se devait et soit transmis sans faute à la prochaine étape du processus de fabrication. Les rôles assignés à chacun étaient respectés, mais tous s'assuraient avec solidarité que le boulot soit honorablement accompli et qu'aucune négligence ne soit commise.

Une telle vision emplissait le Bourreau d'admiration, ému qu'il était par la rigueur professionnelle, l'application et l'ordre qui régnaient en ces lieux sacrés. Cependant, les forgerons s'interrompirent dans leur labeur, déposèrent leurs outils et se tournèrent d'un air menaçant vers l'intrus. Si ce dernier était plutôt heureux de les voir, ce n'était guère le cas pour les ouvriers, qui ne goûtaient que peu la présence d'un inconnu dans leur domaine. Tous vêtus de tabliers et de vêtements en cuir, leurs yeux brûlaient d'une lueur féroce derrière les masques en céramique dont ils étaient affublés. Un silence funèbre s'installa donc, les fumerolles toxiques qui se dégageaient des rivières de lave ajoutant à l'atmosphère anxiogène. Parmi les artisans, certains faisaient craquer leurs phalanges avec agressivité et commençaient même à encercler Wolgorn. Voyant qu'une bagarre risquait d'éclater, celui-ci se mit à scanner la zone du regard afin d'évaluer le nombre d'ennemis qu'il aurait potentiellement à éliminer. Il adopta ensuite une posture défensive, mais il se ravisa après mûre réflexion quant à la situation actuelle. En effet, s'il comptait demander une faveur à Héphaïstos, il valait mieux pour le Spectre qu'il évite de tabasser son personnel. Massacrer des automates assignés à la défense de l'endroit était une chose, sauf que les forgerons n'étaient pas aussi facilement remplaçables. De toute évidence, l'Exécuteur devait déjà être en délicatesse avec le maître des lieux, alors autant s'abstenir d'en rajouter une couche. En signe de paix, il leva les bras et garda ses mains ouvertes, puis s'adressa aux forgerons :

"Inutile d'en venir à la violence, ô industrieux serviteurs du Divin Héphaïstos. Cela ne fera que nous nuire à tous, et ce sans aucune distinction. Si j'ai été obligé de recourir à la violence face aux automates, je souhaite ne pas avoir à faire de même avec vous. Je suis simplement venu en ces lieux pour demander audience à votre maître, dans l'espoir d'obtenir une certaine faveur. Pourriez-vous me laisser passer ?"

Sa requête fut accueillie par un mutisme défiant et son auditoire était toujours préparé à se jeter sur lui d'un instant à l'autre. Les ouvriers se rapprochèrent progressivement de Wolgorn, qui se résigna avec fatalisme et frustration à employer la force. Puisque ces imbéciles s'entêtaient à lui barrer la route, alors qu'il en soit ainsi : il allait les réduire en miettes si telle était leur volonté ! Soudain, au moment précis où il augmenta l'intensité de son cosmos démoniaque, une aura monstrueuse se manifesta. La seconde suivante, une boule de feu gigantesque tomba en plein milieu de l'assistance et dispersa brutalement les belligérants.

"COMMENT ?!" s'étrangla le Bourreau, pris à dépourvu par cet assaut impromptu.

Heureusement, l'attaque ne provoqua pas d'explosion tonitruante et se contenta de souffler une impressionnante déferlante de flammes. Ces dernières n'étaient guère suffisantes pour blesser les artisans et le Russe, mais elles réussirent à flanquer une bonne frousse aux intéressés. Aussi paradoxal cela puisse paraître, cet inoffensif brasier parvint également à refroidir les esprits de l'assemblée. Une voix de stentor résonna alors à travers les forges, puissamment portée par les échos depuis les tréfonds de l'Etna. Gutturale et caverneuse, elle réprimanda bruyamment les fidèles du Boiteux, qui ne pouvaient ignorer pareil sermon :

"IL SUFFIT, BANDE D'INCONSCIENTS ! MÊME A MILLE CONTRE UN, VOUS NE PARVIENDREZ JAMAIS A LE VAINCRE ! VOUS AVEZ TROP DE TRAVAIL SUR LA PLANCHE POUR VOUS PERMETTRE DE CREVER, M'ENTENDEZ-VOUS ?!"

"EXACTEMENT !" renchérit une seconde voix, moins grave mais plus rocailleuse. "REMETTEZ-VOUS MAINTENANT AU BOULOT ET QUE ÇA SAUTE ! NOUS NOUS OCCUPONS DE CE VISITEUR !"

"C'EST DE TOI DONT NOUS PARLONS, SPECTRE !" ajouta une troisième, plus claire que les deux précédentes mais autrement plus profonde. "CONTINUE D'AVANCER, SI TU DÉSIRES TON AUDIENCE !"

Désarçonnés par ces vociférations dantesques, les forgerons hésitèrent un bref instant avant de finalement obtempérer. Non sans renâcler face à un ordre qu'ils jugeaient douteux, ils s'écartèrent donc du chemin de Wolgorn et s'en retournèrent à leur dur labeur. Le vacarme des souffleries, des machineries et des métaux qui s'entrechoquent chassa ainsi le silence mortuaire qui s'était récemment installé. Quelle que soit son origine, cette intervention providentielle avait empêché un bain de sang futile de se produire. De son côté, le Bourreau ne se fit guère prier pour accepter l'invitation et continua de progresser à l'intérieur des souterrains. Sous les regards hostiles des ouvriers, il traversa ainsi les forges et se dirigea vers la source des voix mystérieuses, qui se situait bien plus loin. L'endroit était organisé comme un corridor pharaonique et une dernière salle devait très certainement se trouver au fond de ce couloir. Une fois arrivé là-bas, l'Exécuteur aura peut-être la possibilité de s'entretenir avec le dieu de la métallurgie et de voir son souhait exaucé... Néanmoins, il restait encore sur ses gardes et s'attendait toujours à être soumis à une ultime épreuve.

Wolgorn poursuivit ses pérégrinations au sein des forges et sillonna le corridor titanesque à multiples étages qui constituait l'endroit. A la fin de son parcours, il pénétra dans une vaste salle composée d'une plateforme circulaire et d'un vide immense plongé dans des ténèbres insondables. Un gouffre qui semblait sans fond, habité par un grondement sourd, menaçait d'engloutir tous ceux qui oseraient s'aventurer trop en bordure. Les lieux paraissaient complètement abandonnés et la fonction de cette pièce gigantesque était encore à déterminer. Il s'agissait probablement d'un espace de réunion, même si aucun meuble ne venait appuyer cette possibilité. Aux aguets, le Bourreau s'avança prudemment jusqu'au centre de la plateforme puis attendit sagement la suite des événements. Soudain, trois sphères lumineuses émergèrent de l'obscurité et rivèrent leur éclat sur l'intrus. Ce dernier, ébloui par cette apparition impromptue, se recroquevilla et se protégea de cette radiance aveuglante avec ses bras. La lumière émise par les orbes s'estompa alors et révéla leur véritable nature, celle d'énormes yeux globuleux flottant dans la noirceur abyssale. La brillance dont ils étaient dotés surpassait de loin celle des joyaux décorant les galeries souterraines qui conduisaient à l'intérieur du volcan. Trois visages colossaux se dessinèrent ensuite au cœur des ténèbres, mais ils ne s'en détachèrent que partiellement et restèrent ainsi au stade de contours. Encore décontenancé par la lumière, le Russe comprit alors qu'il avait affaire au redoutable trio de cyclopes au service d'Héphaïstos. Ceux-ci ne tardèrent guère à se présenter de leurs voix puissantes auprès de leur invité :

"BIENVENUE DANS NOTRE DOMAINE, SPECTRE ! JE SUIS LE CYCLOPE ACAMAS !"

"QUANT A MOI, JE SUIS PYRACMON !"

"ET MOI ADNANOS ! NOUS SOMMES TOUS AU SERVICE DE SON EXCELLENCE HÉPHAÏSTOS, L'INDUSTRIEUX MAÎTRE DE CES LIEUX !"

En signe de révérence et de paix, Wolgorn s'inclina puis s'agenouilla devant les gargantuesques artisans. Ces derniers étaient probablement capables de le réduire en bouillie si jamais ils l'attaquaient à plusieurs, aussi devait-il procéder avec prudence. Le regard baissé et l'esprit rongé par une certaine anxiété, l'Exécuteur déclina à son tour son identité :

"Wolgorn du Bourreau de l’Étoile Terrestre de l'Exécution, au service de Sa Majesté Hadès. L'humble soldat que je suis est honoré de vous rencontrer, ô Sublimes Cyclopes !"

"HONORÉ, DIS-TU ?" tonna Pyracmon. "TU AS BIEN DU CULOT DE NOUS DIRE ÇA, APRÈS AVOIR DÉTRUIT NOS AUTOMATES COMME UN VULGAIRE SAUVAGE ! SAIS-TU A QUEL POINT ILS SONT PRÉCIEUX POUR NOTRE SOUVERAIN, MISÉRABLE ?!"

Ces réprimandes irritèrent le guerrier infernal au plus haut point, lui qui avait pourtant opté pour une approche diplomatique face aux larbins du Boiteux. Démolir les robots sentinelles n'était certes pas la chose la plus délicate à faire, sauf que ces tas de ferraille n'avaient offert aucune alternative à leur opposant. Ils s'étaient érigés en obstacles et négocier avec ces créatures dépourvues de raison était impossible : les vaincre était la seule solution viable dans une telle situation. Hélas, simplement les immobiliser était un luxe que Wolgorn ne pouvait guère se payer, ce qui l'avait obligé à choisir la méthode forte. Même s'il avait pris grand plaisir à massacrer ces marionnettes de ses propres mains, cela ne signifiait pas non plus qu'il aurait refusé une issue pacifique. Quoi qu'il en soit, le Russe était un fier membre de l'armée spectrale et il valait mieux pour les cyclopes qu'ils n'abusent pas de sa patience. Après tout, il demeurait sous les ordres d'un Olympien et de Thanatos, l'incarnation de la Mort elle-même, aussi mieux valait-il ne pas le sous-estimer.

"Faites attention à ne pas me prendre pour un imbécile, les 108 Étoiles Maléfiques n'apprécient guère ce genre de comportement." gronda le Bourreau. "Je suis en effet coupable d'avoir détruit ces automates, mais vous auriez pu vous éviter ce genre de désagrément si vous aviez pris la peine de m'accueillir comme il se doit. Je ne suis peut-être qu'un soldat de bas étage, mais je reste tout de même un ambassadeur des Enfers ! Les légions du Sérénissime Hadès seraient donc si peu dignes de respect pour vous ? Cependant, si jamais Son Altesse Héphaïstos désire me punir pour cet outrage, alors j'accepterai ma punition sans rechigner."

Il montra toute l'étendue de sa détermination aux forgerons monstrueux à travers son aura satanique, qui brûlait avec une intensité inégalée. Relativement intimidés par cette démonstration, les visages des cyclopes se plongèrent plus profondément dans la pénombre, comme s'ils reculaient de peur. Néanmoins, ils ne se découragèrent pas pour si peu et ils se confrontèrent de nouveau à leur hôte démoniaque. Ce dernier les toisait avec une ardeur qui rivalisait avec celle de leurs regards, histoire de leur indiquer qu'il n'était pas là pour être humilié. De leur côté, les gigantesques artisans n'avaient guère l'intention de se laisser impressionner par un Spectre ni de se faire dicter leur conduite dans leur propre demeure.

"SON EXCELLENCE HÉPHAÏSTOS NE PEUT PAS TE RECEVOIR, DE TOUTE MANIÈRE." déclara Adnanos. "NOTRE MAÎTRE SE REPOSE ET NE TOLÉRERA PAS QU'ON LE DÉRANGE DURANT SON SOMMEIL. CELUI-CI EST RARE ET PRÉCIEUX, ALORS NOUS COMPTONS SUR TOI POUR LE RESPECTER !"

"Loin de moi l'idée d'importuner votre seigneur, ô Laborieux Cyclopes !" rétorqua Wolgorn. "Si cela est possible, je souhaiterais vous demander une certaine faveur... Voyez-vous, l'armée infernale aurait besoin des services de vos forges et de votre armurerie afin d'accomplir sa mission divine."

"VOTRE MISSION DIVINE ?" cracha Pyracmon. "VOUS VOULEZ DIRE VOTRE PROJET D'EXTERMINATION DE L’HUMANITÉ DIGNE DE FANATIQUES SANGUINAIRES ?"

"Sauf votre respect, vous n'avez pas à juger notre action purificatrice. Le jugement et le châtiment sont nos prérogatives, surtout pas les vôtres ! Ou dois-je comprendre qu'après les automates et cette remarque désobligeante, vous ayez l'outrecuidance de dispenser un traitement défavorable à l'égard des Spectres ? Seriez vous donc coupables d'une pareille infamie ? Vous, des forgerons censés faire preuve de neutralité ? J'ose espérer que vous montrez la même sévérité envers les autres factions..."

"ESPÈCE DE- !"

"SILENCE, VOUS DEUX !" rugit Acamas, agacé par ces chamailleries stériles. "NOUS SOMMES ICI DANS UN LIEU SACRÉ, ALORS CESSEZ DE VOUS DISPUTER !"

Comprenant qu'ils avaient tous les deux dépassé les bornes, les intéressés se turent immédiatement et attendirent que les autres forgerons titanesques se prononcent. Au-delà de son exaspération, Acamas était en proie à une profonde anxiété, car il craignait les représailles que pourraient leur infliger Hadès s'il découvrait d'éventuelles accointances entre le Boiteux et Athéna. Certes, les forgerons n'avaient sollicité l'aide des Saints que pour sceller Typhon, mais même ce type d'intervention pouvait être perçu d'un mauvais œil par leurs ennemis immémoriaux. Les cyclopes devaient à tout prix détourner la conversation de ce sujet sensible et s'occuper exclusivement de la requête de l'Exécuteur. Ce dangereux spécimen paraissait empreint d'une nature inquisitrice, aussi valait-il mieux éviter de trop susciter son attention. Acamas comprit alors que la meilleure solution était de continuer à le questionner, ce qu'il fit prestement :

"QUE DÉSIRES-TU DONC, WOLGORN DU BOURREAU ?"

"Vous emprunter Harpè, l'une des épées légendaires qui se trouvent en votre possession." répondit son interlocuteur.

"HARPÈ ?!" s'étrangla Adnanos, offusqué par le culot d'une pareille requête. "ET POURQUOI DEVRIONS-NOUS CONFIER UNE SI PRESTIGIEUSE ARME, JADIS BRANDIE PAR LE FILS DU TOUT-PUISSANT ZEUS, A UNE SIMPLE ÉTOILE TERRESTRE ?"

La colère éprouvée par les forgerons fut d'une telle ampleur qu'elle provoqua un séisme qui ébranla le volcan dans son entièreté. Leurs globes oculaires s'embrasèrent de fureur et ils fixèrent le Russe avec férocité, comme s'ils comptaient l'incendier du regard. Emplies de révulsion devant tant d'arrogance, leurs expressions faciales se tordirent également en d'affreuses grimaces, derrière le voile d'obscurité qui les recouvrait. Toutefois, Wolgorn n'avait guère l'intention de se dégonfler et il affronta ainsi dignement les yeux accusateurs des assistants d'Héphaïstos. Effectivement, il était bien trop proche de son objectif pour se rétracter à un moment pareil, aussi allait-il persister jusqu'à ce que les cyclopes cèdent.

En dépit de l'animosité que les cyclopes ressentaient à l'égard de Wolgorn, ceux-ci paraissaient disposés à lui accorder une chance de s'exprimer. Néanmoins, le second était conscient que les premiers pourraient tenter à tout instant de le supprimer si jamais il venait à proférer des propos qu'ils jugeraient trop insultants. La provocation bête et méchante n'était pas à l'ordre du jour, mais s'il devait les brusquer un peu pour les forcer à appréhender l'importance capitale de sa mission, alors ainsi soit-il. L’Étoile Terrestre émit donc un raclement de gorge afin de s'échauffer la voix puis commença son plaidoyer :

"Vous avez déjà votre opinion sur notre cause, aussi ne vais-je pas essayer de vous convaincre de son bien-fondé dans l'absolu. Cependant, vous devez reconnaître que l'expansion de l'humanité, si elle n'est pas régulée d'une manière ou d'une autre, risque très fortement de réduire notre planète à l'état de caillou stérile. Nous, les Spectres de Sa Majesté Hadès, avons certes adopté depuis longtemps une politique sévère à l'égard des humains, peut-être trop cruelle selon vous, mais ne pensez-vous pas qu'elle a réussi à ralentir leur développement aussi effréné que destructeur ? C'est bien grâce à nous que ces parasites n'ont pas encore entamé leur conquête mortifère de la galaxie et des sphères célestes où résident Nos Seigneurs et Maîtres ! Hélas, ces vermines ont déjà commencé depuis longtemps à violer les frontières entre le monde des hommes et celui des dieux, s'arrogeant des trésors qui leur étaient clairement interdits ! Ne sentez-vous donc aucune rancune envers ces singes stupides, qui osent vous dépouiller des ressources que vous étiez censés être les seuls à posséder et à exploiter ?! Ne constatez-vous donc aucune injustice en voyant ces mines gargantuesques, ces pompes affamées et ces foreuses monstrueuses saccager les entrailles de Mère Gaïa ?! N'êtes-vous donc pas révoltés en la voyant peu à peu vidée de sa substance dans la souffrance ?!"

"ASSEZ DE TON ARROGANCE !!" éructa Pyracmon. "COMME SI VOTRE ARMÉE EFFECTUAIT UN TRAVAIL D'UNE TELLE IMPORTANCE ! AURAIS-TU LE CULOT D'OMETTRE L'OEUVRE PURIFICATRICE DE POSÉIDON ?! ET QU'EN EST-IL DES GUERRES QUE SE LIVRENT SANS CESSE LES HOMMES ENTRE-EUX ? ELLES SUFFIRONT LARGEMENT A RÉGULER LEUR POPULATION !"

"Et pourquoi ne pas omettre cette soi-disant contribution ? Quant aux guerres des humains, vous êtes bien naïfs pour penser qu'elles suffiront à les freiner et à leur enseigner des leçons constructives ! Au contraire, grâce à leur capacité de résilience hors-normes, ces guerres ne font que les rendre plus ingénieux, plus vicieux et plus dangereux qu'auparavant ! Sachez aussi qu'il ne leur suffit que de quelques décennies pour oublier les enseignements tirés de ces conflits sanglants et surenchérir avec des armes plus dévastatrices que les fois précédentes ! Et c'est sans parler de leur recherche éternelle de ressources énergétiques afin de soutenir le fonctionnement dépensier de leur civilisation boursouflée ! Les humains essayent de nous endormir avec des promesses de nouvelles énergies renouvelables, mais le résultat final sera le même tant qu'ils ne changeront pas leur manière de concevoir l'économie de leur société ! Nous ne pouvons pas leur faire confiance pour effectuer ces réformes en profondeur ! Nous ne pouvons pas non plus espérer qu'ils échouent lamentablement dans leur entreprise et offrent ainsi un répit salvateur à notre planète ! Si nous les laissons faire, ils survivront à la Terre et abandonneront derrière eux sa pitoyable carcasse ! Ils survivront aussi aux dieux et à nous, leurs humbles et dévoués serviteurs !"

"RIDICULE !" protesta Adnanos. "COMME S'ILS POUVAIENT ACCOMPLIR UN PAREIL EXPLOIT SANS LES CHEVALIERS D’ATHÉNA ! S'ILS PEUVENT EN EFFET VIDER LA TERRE DE SA SUBSTANCE, L'EMPOISONNER DE PRODUITS TOXIQUES ET LA CALCINER SOUS LE FEU NUCLÉAIRE, JAMAIS ILS NE VIENDRONT A BOUT DES DIEUX DE L'OLYMPE ! DE TOUTE ÉVIDENCE, LE SANCTUAIRE SERA LA POUR VEILLER A CE QUE CELA N'ARRIVE JAMAIS !"

"Vraiment ? Sauf votre respect, vous êtes confits dans vos certitudes dépassées ! Traverser les dimensions, synthétiser des armures cosmiques et créer des abominations invincibles ne sera plus pour longtemps hors de leur portée ! Vous essayez de vous rassurer à ce sujet, mais vous savez que cela arrivera un jour prochain ! Qui dit que ce n'est pas déjà arrivé, par ailleurs ? Mais ce n'était pas comme si vous pouviez le savoir, enfermés dans vos forges à longueur de journées ! Avez-vous aussi entendu parler de transhumanisme ? Ce concept peut sembler farfelu, mais soyez convaincus qu'au regard des prodiges dont l'humanité est capable, ses applications auront tôt fait de remplacer nos divinités ancestrales ! Cette évolution est inéluctable, car même ceux qui sont dénués d'une maîtrise poussée du cosmos sont capables de se surpasser au-delà de leurs limites ! Hélas, du labeur des humains ne naîtra qu'une force maléfique et destructrice que nul ne pourra arrêter ni contrôler ! Jamais ils ne pourront gouverner ce monde avec sagesse et fermeté, comme Nos Souverains en sont capables !"

"MAIS QU'EN EST-IL DE POSÉIDON, SPECTRE ?!" s'enquit Acamas.

"Ces paroles vont peut-être vous choquer, mais je dois malheureusement vous dire qu'il n'est plus qu'un traître de la pire espèce ! Cela fait longtemps qu'il a abandonné ses velléités de purification, sauf quand il s'agit de contrecarrer les plans du Vénérable Hadès ! Ne voyez-vous pas que par maintes occasions il s'est allié à Athéna pour sceller le Monarque des Enfers et maintenir le statu quo ?! Ce même statu quo sclérosé qui permet aux hommes de proliférer et de sévir en toute impunité, sans qu'ils n'apprennent de leurs erreurs ?! Poséidon en est réduit à être la marionnette du Sanctuaire, qui s'est servi de l'Opération Espadon pour asseoir son hégémonie sur la société humaine ! Poséidon n'est plus que l'ombre de lui-même et le Sanctuaire est devenu aussi corrompu que les humains dont il a la protection ! Nos méthodes sont peut-être extrêmes, mais nous avons récemment tenté une approche plus pacifique et pédagogue auprès de l'humanité... Hélas, nos efforts ont été étouffés par les Chevaliers Sacrés et les Marinas, qui se sont alliés contre nous pour nous empêcher de transmettre notre message ! Non pas parce qu'ils craignaient que nous causions un massacre, mais parce qu'ils avaient besoin d'un ennemi public à clouer au pilori pour se dédouaner de leurs propres échecs ! Rien ne justifie un tel traitement à notre encontre ! Rien ne justifie une telle infamie et une pareille lâcheté ! Au lieu de défendre l'humanité comme le dicte leur devoir, ces paladins de pacotille ont choisi d'être leurs nouveaux oppresseurs !"

Sur ce dernier point, les cyclopes étaient forcés d'admettre que le Bourreau avait raison et que l'attitude des accusés pouvait être considérée comme indigne. Néanmoins, ces récriminations envers Athéna et sa faction leur semblaient passablement injustes, surtout au regard de son sacrifice face à Typhon. Malheureusement, ils savaient pertinemment que discuter de l'intervention du Sanctuaire en présence de leur invité était pour le moment à exclure. Les Étoiles Maléfiques n'apprécieraient guère de constater que les fidèles d'Héphaïstos préféraient l'assistance des Chevaliers Sacrés plutôt que la leur, ce qui était un euphémisme à ce stade. L'armée infernale avait beau être composée de fanatiques fous à lier, ceux-ci étaient indubitablement sincères dans leur souhait de protéger la Terre. Se voir refuser ce privilège était une insulte à leur honneur et ils étaient trop à cran pour tolérer une quelconque collusion des forgerons volcaniques avec les Saints. Toutefois, les trois colosses ne pouvaient décemment pas se permettre de laisser ce zélote vomir ces insanités teintées de mensonges sans opposer de contradiction. Gonflé à bloc, Wolgorn ne leur en accorda guère l'occasion et poursuivit son sermon enflammé :

"Posez-vous aussi cette question : Athéna est-elle encore au moins aux commandes de son propre domaine, à l'heure actuelle ?! Dois-je vous informer de l'affaire Reagan, qui a causé un véritable séisme médiatique à travers le monde entier ?! Cet individu était un ancien disciple du Sanctuaire, exilé comme le dernier des pestiférés à Death Queen Island en raison de sa violence ! Violence que le Sanctuaire a pourtant consciencieusement cultivée en lui, avant de décider qu'ils n'avaient pas à assumer un échec pareil ! Reagan a ensuite mis la Chevalerie d'Athéna face à ses crimes devant la Terre entière, un affront qu'ils ne lui ont pas pardonné ! Afin de se venger, le Sanctuaire l'a provoqué en combat singulier, avant de se raviser au dernier instant plutôt que de l'affronter avec honneur ! Pour le réduire au silence, les Chevaliers Sacrés ont employé des méthodes d'une rare couardise, car ils savaient que Reagan avait raison à leur sujet ! Reagan n'était certes pas un ange, loin de là, mais est-ce que ça justifiait les actions honteuses du Sanctuaire à son encontre ?! Est-ce que ça justifiait la censure de ses propos ?! Tout ça pour que ces hypocrites puissent dissimuler leur décadence morale aux yeux de la populace !"

"NOUS EN AVONS ASSEZ DE VOTRE COMPLEXE DE PERSÉCUTION, A VOUS LES SPECTRES !" vitupéra Pyracmon. "VOS IDÉES AUTOUR DE L'ALLIANCE ENTRE POSÉIDON ET ATHÉNA TIENNENT PLUS DU DÉLIRE PARANOÏAQUE QU'AUTRE CHOSE ! ET SACHE QUE LES CHEVALIERS SACRÉS NE SONT QUE DES HUMAINS, IL EST DANS LEUR NATURE DE COMMETTRE DES ERREURS ! CES FAUTES N'ONT PROBABLEMENT RIEN A VOIR AVEC UN QUELCONQUE COMPLOT DE LEUR PART !"

"Oooooooh, vous croyez ? Même si le champion du Sanctuaire n'est autre que le Chevalier des Gémeaux en personne ? Ne trouvez-vous pas aussi inquiétant qu'à l'époque de cette alliance pathétique, le Grand Pope soit un Gold Saint affublé de ce signe maudit ? Voici leurs noms : le sournois Gareth et son héritière, la redoutable Eurydice ! Ne voyez-vous pas à quel point ces erreurs calamiteuses se répètent sans cesse ?! Nous ne pouvons avoir confiance ni en l'humanité ni en l'armée d'Athéna !"

Un silence de mort accompagna cette révélation, qui laissa les cyclopes pétrifiés de stupeur et de consternation. Ils avaient conscience que la présence des Gémeaux à la tête du Sanctuaire ne pouvait signifier qu'une chose : la venue prochaine d'un terrible désastre. L'Opération Espadon, en tenant compte de ce paramètre crucial, pouvait être considérée comme la première catastrophe provoquée par l'arrivée au pouvoir de ce Chevalier Sacré de mauvaise augure. Si l'Exécuteur racontait la vérité au sujet de cette sinistre lignée de calamités ambulantes, de nouvelles tragédies étaient à prévoir en raison de la simple existence de la dénommée Eurydice. Pour la faction athénienne et la planète dans son ensemble, la prééminence de guerriers aussi instables et assoiffés de pouvoir ne pouvait que présager du pire. Derrière le rideau d'ombre qui cachait leurs visages, les trois géants blêmirent d'horreur et échangèrent des regards anxieux devant une telle perspective. La récente disparition d'Athéna rendait cette situation plus critique qu'elle ne l'était déjà, car plus personne ne pouvait restreindre la mégalomanie dévorante des Gémeaux. Pouvaient-ils encore se reposer sur la venue providentielle de Bronze Saints à la rectitude morale et à la force cosmique exceptionnelles pour faire de nouveau triompher la justice ? Se tourner les pouces et espérer un miracle n'était plus un luxe qu'ils pouvaient se payer à une heure aussi grave. Quitte à se salir les mains, ils devaient trouver un moyen de corriger les égarements du Sanctuaire et des humains avant qu'il ne soit trop tard... Les forgerons colossaux savaient que les Spectres ne changeront jamais leur ligne politique, mais ils ne pouvaient guère se permettre d'ignorer les circonstances actuelles.

Wolgorn fit preuve de patience et laissa tout le temps nécessaire aux cyclopes pour qu'ils puissent réfléchir à la gravité de la crise imminente. Pour effrayer les forgerons et arriver à ses fins, il avait consciemment exagéré la situation et copieusement calomnié les Chevaliers Sacrés, même s'il croyait en partie à ses propres délires. Fût-elle insidieusement déformée pour répondre à des besoins de propagande agressive, ces mensonges reposaient néanmoins sur une certaine réalité. Le Bourreau considérait qu'il n'y avait aucune honte à manipuler ainsi la vérité, pourvu que cette sournoiserie serve les nobles desseins de son suzerain et fasse triompher son idéal. Afin de préserver la pureté et la magnificence de son vertueux maître, il était déterminé à se salir les mains à sa place et à ne pas ménager ses efforts dans cette entreprise. Concrétiser l'utopie d'Hadès était sa priorité et, dans cet objectif, combattre le poison par le poison demeurait la meilleure méthode à employer pour l’Exécuteur. Verser le sang de ses ennemis et commettre les pires atrocités à la place de ses supérieurs était son rôle en qualité de soldat, aussi ingrat soit-il. De toute évidence, le temps des tactiques honorables était révolu : celles-ci n'avaient que trop desservi l'armée infernale, qui n'avait jamais utilisé au maximum sa supériorité numérique. Un excès de fierté mal placée et la peur de paraître déloyaux avaient pendant trop longtemps handicapé les Spectres, une attitude complaisante qui leur avait coûté maintes fois la victoire. Cette fois-ci, ils n'allaient plus négliger leurs points forts ni se restreindre sur le plan stratégique, surtout en cette époque de déliquescence morale.

Les cyclopes sortirent alors de leur hésitation et leurs yeux uniques se mirent à briller avec l'éclat terne de la résignation. Une décision lourde de conséquences avait finalement été prise, à leur profond regret, mais ils étaient persuadés qu'une action ferme était plus que nécessaire en ces temps troublés. Néanmoins, ils n'allaient pas confier Harpè au premier troufion venu sur une simple intuition sans obtenir une certaine garantie de sa part. Effectivement, cette épée légendaire était destinée à être brandie par un héros et non par un soudard de bas étage : si Wolgorn désirait réellement ce trésor, il devra s'en montrer digne. Acamas se chargea donc d'annoncer la nouvelle d'un ton solennel :

"NOUS ACCEPTONS TA REQUÊTE, WOLGORN DU BOURREAU. L'HEURE EST GRAVE ET NOUS DEVONS DE TOUTE URGENCE REMETTRE LE SANCTUAIRE SUR LE DROIT CHEMIN. HARPÈ SERA LE GLAIVE AVEC LEQUEL LE JUGEMENT DES CHEVALIERS SACRÉS SERA RENDU ! A CETTE FIN, TU DEVIENDRAS LE BRAS ARMÉ DES SPECTRES AINSI QUE LE NÔTRE ! QUI DE MIEUX, EN EFFET, QUE LES ENNEMIS JURÉS D’ATHÉNA POUR S'ACQUITTER D'UNE TELLE TÂCHE ?"

"La sagesse de votre décision vous honore, ô Ingénieux Cyclopes." le complimenta son interlocuteur d'un ton mielleux. "Je ne trahirai pas votre confiance, vous avez ma parole."

"NE T'EMPORTE PAS, SPECTRE !" gronda Pyracmon. "NOTRE CONFIANCE, TU DOIS ENCORE LA GAGNER ! SI TU SOUHAITES T'EMPARER DE L’ÉPÉE LÉGENDAIRE, TU DEVRAS SURMONTER UNE ULTIME ÉPREUVE. JAMAIS NOUS NE PRÊTERONS HARPÈ A UN VULGAIRE SOLDAT DE TROISIÈME ZONE ! SEUL UN VALEUREUX HÉROS COMME PERSÉE PEUT PRÉTENDRE MANIER UNE ARME DE CETTE QUALITÉ !"

"Une dernière épreuve, hein ? Je ne m'attendais pas à ce que ma quête soit chose aisée, de toute manière..."

"TE SENS-TU A LA HAUTEUR ? ACCEPTES-TU DE RELEVER CE DÉFI ?!" tonna Adnanos.

"Séance tenante !"

"FORT BIEN ! ALORS CONTEMPLE DONC L'OBSTACLE QUE TU DEVRAS AFFRONTER !"

Soudain, les globes oculaires du gigantesque trio émirent une lumière éblouissante qui enveloppa l'intégralité de la salle d'audience. Aveuglé par cette radiance, le Russe s'empressa de détourner le regard et de se protéger avec ses bras. Un vacarme assourdissant s'ajouta ensuite à ce scintillement, semblable au fracas des outils d'un forgeron en plein travail, amplifié dans des proportions épiques. Par leur effort dantesque, les monstrueux artisans provoquèrent un séisme qui secoua le volcan tout entier, mais leurs cosmos combinés l'empêchèrent d'entrer en éruption. L'union de leurs énergies spirituelles donna naissance à une quatrième entité, dont l'aura vigoureuse surpassait de loin celle de ses créateurs en puissance et en agressivité. Même Wolgorn fut intérieurement ébranlé par cette présence nouvelle, une existence que nul au monde ne paraissait être capable de terrasser. Cette fois-ci, il n'avait plus affaire à une sentinelle de pacotille, mais à un véritable adversaire doté d'une force phénoménale. Quand la lumière et le tintamarre se dissipèrent, le Bourreau put observer dans toute sa gloire l'antagoniste qui allait lui être opposé...

"NOUS TE PRÉSENTONS TON ADVERSAIRE : NÉOTALOS !" déclara Pyracmon. "NOUS ESPÉRONS QU'IL SERA A TON GOÛT, SPECTRE !"

Effectivement, l'ennemi qui se dressait majestueusement devant lui n'était autre qu'une réplique du mythique automate de bronze, jadis chargé de veiller sur le royaume de Crète. Cependant, cette version de Talos ne possédait pas la taille colossale de son prédécesseur, se contentant plutôt de dépasser celle de l'Exécuteur d'une tête. La pression démentielle qu'exerçait le successeur rivalisait toutefois avec ce que pouvait dégager l'original, mais de façon largement plus contenue. Néotalos témoignait d'une plus grande maîtrise de la part des forgerons dans leur ouvrage, de précieux enseignements ayant manifestement été tirés de l'ancien modèle. Presque identique à ce dernier en apparence, il était sculpté à l'image d'un guerrier antique, totalement dénudé à l'exception d'un casque de style corinthien. Son physique athlétique exhibait une musculature noueuse et généreuse, aux formes sinueuses et complexes évoquant les plaques d'une cuirasse. Rien ne semblait pouvoir entamer ce blindage redoutable, une solidité qui sonnait telle une injure en raison de la nudité qu'affichait fièrement l'androïde. Acamas, gonflé d'orgueil par son œuvre, ne se priva guère de vanter son excellence auprès de Wolgorn :

"NÉOTALOS N’ÉGALE CERTES PAS SON FRÈRE AÎNÉ EN ALTITUDE, MAIS SA FORCE ET SA RÉSISTANCE SONT DE LOIN SUPÉRIEURES A LA SIENNE ! SON AGILITÉ, SA MOBILITÉ ET SA VITESSE SONT PAR AILLEURS INCOMPARABLES A CELLES DE TALOS, QUI ÉTAIT TROP ENCOMBRANT POUR SON PROPRE BIEN ! INUTILE AUSSI DE CHERCHER UN CLOU AU NIVEAU DE SON TALON, CAR NOUS AVONS SUPPRIMÉ CE MENU DÉFAUT DE CONCEPTION !"

"UNE NETTE AMÉLIORATION PAR RAPPORT A L'ORIGINAL, IL VA SANS DIRE." souligna Adnanos. "DES MILLÉNAIRES SE SONT ÉCOULÉS DEPUIS, C’ÉTAIT LE MINIMUM. SI TU VEUX LE VIDER DE SON SANG, IL FAUDRA Y METTRE PLUS D'HUILE DE COUDE !"

"NOUS AVONS ÉGALEMENT UNE AUTRE SURPRISE POUR TOI !" ajouta Pyracmon. "ADMIRE !"

L'instant suivant, les cyclopes invoquèrent des espèces de piliers titanesques qui se plantèrent brutalement sur la plateforme où se tenait leur invité. En regardant plus attentivement ces colonnes, le Bourreau s'aperçut qu'elles étaient drôlement similaires aux bobines Tesla, ces engins permettant de générer de l'électricité à haute tension. Son intuition se révéla être juste, car des éclairs s'en échappèrent violemment pour l'enfermer et dessiner ainsi un ring octogonal. Le Russe appréhenda rapidement la situation : il venait d'être emprisonné au beau milieu d'une arène improvisée, avec son antagoniste métallique pour seule compagnie. Cette mise en scène était un brin théâtrale et grossière, mais il pouvait s'en satisfaire sans aucun problème. Puisque les serviteurs d'Héphaïstos voulaient du spectacle, Wolgorn allait volontiers s'occuper de leur en offrir !

Wolgorn et Néotalos se toisèrent férocement, chacun guettant le moindre mouvement de son adversaire afin de réagir en conséquence. La tension était palpable entre les deux belligérants et l'électricité émise par les piliers réagissait en fonction des fluctuations de leurs cosmos respectifs. Quant aux trois cyclopes, ils observaient le spectacle avec avidité et attendaient impatiemment que la confrontation débute, même s'ils ne le laissaient pas transparaître. Leur excitation et leur curiosité était cependant mêlée à l'angoisse, car ils ne savaient pas quelle serait la meilleure conclusion pour cet affrontement. Plus que la perspective d'un terrible désastre en cas de victoire du Bourreau, ce qui les inquiétait réellement était cette impression étouffante d'incertitude qu'ils ressentaient. Jamais les gigantesques forgerons n'avaient été aussi peu assurés de leurs propres décisions, surtout en ces temps troublés où ni Zeus ni Héphaïstos ne pouvaient les éclairer de leurs lumières. Dorénavant, tout ce qu'ils pouvaient faire était s'en remettre entièrement au destin, en souhaitant que ce dernier leur réserve un avenir clément. Néanmoins, espérer autre chose que le moindre mal était un luxe qu'ils ne pouvaient guère se payer...

BGM- https://www.youtube.com/watch?v=HfSEu5NaxZU -BGM

Finalement, le Russe adopta sa posture offensive fétiche, celle qui lui servait à préparer sa technique favorite : le Death Penalty. Solidement campé sur ses jambes, les bras levés et les griffes aiguisées, il comptait dépecer la chair métallique de son antagoniste d'une seule traite. Celui-ci ne jugea pas utile de se mettre en garde et conserva une position relaxée, comme s'il ne craignait aucunement la menace qui se trouvait devant lui. Wolgorn ne devait pas confondre cette apathie avec de l'arrogance toutefois, car un automate était complètement dépourvu de ce genre de considérations. De toute la puissance de son énergie démoniaque, maintes fois sublimée après moult combats acharnés, il prit donc l'initiative et déploya sauvagement son arcane suprême.

"DEATH PENALTY !" beugla l'Exécuteur à pleins poumons. "MURYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !"

La grande croix purificatrice déferla ainsi sur sa cible, l'engloutissant violemment de son irrésistible force satanique. Malheureusement, le Spectre s'aperçut que lorsqu'elle se dissipa avec fracas, elle avait lamentablement échoué à découper son ennemi en rondelles. Ce dernier émergea du nuage de poussière soulevé par l'attaque spéciale et fonça à toute vitesse vers sa proie tel un rouleau compresseur. Le golem abattit son poing destructeur contre son adversaire, mais celui-ci anticipa l'assaut et l'esquiva avant de riposter d'un Demon Punisher en pleine poire. D'un crochet du gauche, Wolgorn réitéra sa botte secrète et visa le pectoral de son opposant, sauf que celui-ci réussit à parer le coup de justesse. Les deux belligérants assénèrent ensuite en parfaite synchronisation une nouvelle offensive et leurs poings massifs entrèrent brutalement en collision. Néanmoins, le choc retentissant ne fut guère à l'avantage du Bourreau, qui vit ses doigts se disloquer sous la pression.

"M-Malédiction !" pesta-t-il, estomaqué par la puissance incommensurable de son adversaire.

L'impact fut tel qu'il repoussa le bras de l'Exécuteur vers l'arrière, ce qui offrit à Néotalos une ouverture à travers laquelle il s'empressa de vicieusement s'engouffrer. En effet, l'automate profita de cette opportunité pour infliger à son antagoniste un coup de pied ravageur au foie, endommageant par la même occasion ses organes internes. L'assaut fut d'une vigueur si dévastatrice qu'il fractura son Surplis au niveau de l'abdomen, le laissant ainsi avec de nombreuses fissures. Wolgorn fut alors projeté à distance puis percuta douloureusement l'une des gigantesques bobines qui servaient à délimiter le ring. Pour sa peine, il subit une décharge électrique d'une rare intensité, tant et si bien qu'il sentit son propre squelette chercher à s'extraire de son corps. Il s'écroula ensuite misérablement par terre, comme une marionnette pathétique dont on aurait tranché les fils. Cependant, ce ne fut guère suffisant pour faire perdre connaissance au Russe, qui put entrapercevoir la silhouette de son ennemi en train de s'approcher dangereusement.

Afin de lui porter une frappe létale, l'ombre musculeuse dressa son bras vers le ciel et accumula dans son poing une quantité astronomique de cosmos. Toutefois, l'Exécuteur déstabilisa son opposant à l'aide du Dark Pressure puis l'envoya valdinguer au loin d'une seconde salve d'énergie ténébreuse. Affronter Néotalos au contact était une très mauvaise idée, aussi devait-il garder au maximum ses distances s'il avait l'intention de gagner ce combat. Hélas, Wolgorn devait également faire attention à ne pas toucher ces maudites colonnes électrifiées, sinon il risquait de finir grillé comme une saucisse sur un barbecue. La solution la plus sûre était de parvenir à monopoliser le centre de l'arène afin d'éviter tout accident, sauf qu'il n'était pas certain d'y arriver. Effectivement, déloger le colosse de bronze de sa position privilégiée était une entreprise périlleuse, voire trop pour être décemment conduite en l'état. Le moindre coup décoché par ce redoutable golem témoignait d'une force largement supérieure à celle du Bourreau, un écart que même ses propres sortilèges ne semblaient pouvoir combler. Il devait se résoudre à la jouer fine et se dépasser dans le domaine stratégique : il était donc l'heure de mobiliser les compétences qu'il avait acquises lors de son séjour auprès des Agences !

"MUUUWOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOH !!"

Prêt à en découdre, le Spectre embrasa son aura maléfique jusqu'à son paroxysme et se releva promptement. Néanmoins, il fut piteusement coupé dans son élan par le soldat métallique, qui tira depuis ses globes oculaires des rayons laser afin de brûler ceux de sa cible. La rétine incendiée et les nerfs optiques carbonisés, Wolgorn hurla de souffrance et se couvrit le visage d'un geste désespéré. Il ne comptait toutefois pas jeter l'éponge de sitôt : même s'il était en miettes, il devait s'efforcer de rafistoler son physique brisé autant que possible afin de poursuivre la lutte ! Il invoqua ainsi ses Gantelets de Répression pour armer ses bras et ressouder les phalanges fracassées de sa main droite. Même sans ses yeux, il pouvait encore se battre tant qu'il avait la capacité de brandir ses poings et d'enflammer son cosmos. Gonflé à bloc, l'Exécuteur gueula furieusement à son adversaire :

"Allez mon gros, essaye d'approcher un peu qu'on rigole ! J'en ai encore sous la pédale, espèce de connard !"

Ce fut à cet instant qu'il entendit un claquement suspect, suivi d'un relâchement de vapeur puis du rugissement assourdissant d'un réacteur. Une milliseconde plus tard, un direct venu de nulle part lui démolit brusquement la tronche, immédiatement accompagné d'un uppercut tout aussi cinglant. Au beau milieu de cette confusion, le Russe arriva péniblement à distinguer un bruit similaire à celui de fusées en plein vol. Il ne comprenait pas comment avait pu se produire un pareil exploit : il n'avait même pas senti Néotalos s'avancer dans sa direction ! La perception spirituelle de Wolgorn était pourtant extrêmement affutée, alors pourquoi n'avait-il pas pu prévoir de telles attaques ? Les quelques indices qu'il avait réussi à glaner lui suggéraient une certaine possibilité, mais il la jugeait trop farfelue pour être envisageable. Encore que... Puisqu'il était confronté à une sorte de robot d'apparence humaine, cette éventualité ne paraissait plus aussi saugrenue que cela. Cependant, il fallait posséder un sens de l'humour ou de l'esthétique puéril pour fabriquer une créature équipée de ces gadgets ô combien stupides. Soudain, la voix tonitruante de Pyracmon vint confirmer ses soupçons :

"ROCKET PUNCH !"

Son exclamation fut ponctuée par une nouvelle offensive du colosse de bronze, qui visa cette fois-ci le genou droit et l'épaule gauche du Bourreau. Les os de ce dernier furent déboités sous l'impact et sa cuirasse essuya des dommages supplémentaires, la réduisant à une simple couche de verre vulnérable au moindre choc. Le casque du Spectre en particulier était dans un piètre état : sa surface était sévèrement cabossée et des morceaux de métal éclaté lui avaient transpercé la figure. Du sang s'écoulait en abondance de son corps meurtri, cette enveloppe charnelle pourtant si fragile et soutenue seulement par son aura démoniaque. Hélas, ce n'était plus une énergie ardente qui se dégageait de ses muscles hypertrophiés, mais des lamentations toutes plus atroces les unes que les autres. Wolgorn allait-il parvenir à triompher de son ennemi en employant la douleur qu'il éprouvait à son avantage, ou se heurtera-t-il à un mur insurmontable comme lors de son duel face au Humbaba ? Non, se résigner à une humiliation pareille n’était pas une option pour un valeureux guerrier comme lui !

Exténué et aux aguets, Wolgorn attendait avec anxiété le prochain assaut de son redoutable adversaire. Privé de sa vue, il devait dorénavant compter sur les six sens qui lui restaient et les aiguiser au maximum afin d'anticiper les attaques ennemies. S'il pouvait se dispenser pour l'instant du goût et de l'odorat, il devait se focaliser en priorité sur le toucher, l'ouïe, sa perception spirituelle et le septième sens. Parvenir à détecter les vibrations de l'air émises par les poings à réaction téléguidés de son opposant était essentiel si le Bourreau comptait remporter la victoire. Cette stratégie en tête, il se concentra donc sur les bruits environnants, sur le cosmos de Néotalos et sur la sensibilité accrue de sa chair mortifiée. Le Russe ne tarda guère à entendre les poings de son antagoniste fendre l'air comme des fusées et se diriger dangereusement vers lui telles des roquettes sur le point de lui exploser à la figure. Dans l'objectif de parer cette offensive, il invoqua dans chacune de ses mains une épée constituée d'énergie démoniaque et frappa vigoureusement les terribles projectiles. A sa propre surprise, il réussit à repousser l'assaut destructeur avec panache, même si ses lames avaient volé en éclat pour obtenir ce résultat. Néanmoins, ce franc succès était insuffisant pour décourager le colosse de bronze de réitérer son attaque, en accélérant cette fois-ci le rythme de manière considérable. Avec son épaule déboîtée, Wolgorn ne pouvait plus brandir d'armes à sa guise ni suivre correctement la vitesse démentielle à laquelle les poings de son adversaire virevoltaient. C'était un miracle qu'il ait pu porter un seul coup dans cet état calamiteux, sauf qu'il avait finalement atteint ses limites de ce côté. Avant d'envisager toute tentative de riposte, il devait trouver l'occasion de remettre son bras gauche en place. Malheureusement, Néotalos n'avait guère l'intention de lui accorder le moindre répit : autant dire que se soigner était pour le moment hors de question.

Cependant, les facultés martiales de l'Étoile Terrestre étaient plus vastes et subtiles que les cyclopes ne le soupçonnaient. Il conjura ainsi une myriade de glaives maléfiques et s'en servit pour faire obstacle aux poings détachables de son opposant. Toutefois, ces épées étaient trop fragiles pour résister à la collision avec les projectiles, mais ce n'était pas leur solidité qui intéressait leur propriétaire. Ce dernier désirait avant tout repérer la position exacte des roquettes afin de s'en prémunir au mieux, même si le vacarme qu'elles produisaient lui rendait la tâche particulièrement difficile. Grâce à son stratagème, le Spectre arriva à esquiver les tirs dévastateurs de son ennemi et en profita pour réajuster l'articulation de son épaule disloquée. Pour le moins douloureux, ce geste fut accompagné d'un craquement d'os écœurant mais inévitable en raison de l'urgence de l'opération. Hurlant de rage à s'en arracher les poumons, Wolgorn enchaîna en matérialisant d'autres lames puis les balança sauvagement vers Néotalos afin de le déchiqueter :

"DREADFUL PURGE ! QUE MES ÉPÉES D'OUTRE-TOMBE TE TERRASSENT !"

Le premier sprinta ensuite vers le second pour le transpercer d'un Demon Punisher, capitalisant sur le fait que l'automate soit privé de ses avant-bras et donc plus exposé à une offensive. Son genou droit était certes toujours endommagé, mais l'élan conféré par une seule jambe lui suffisait amplement pour se ruer en direction de sa proie. Hélas, les glaives sataniques échouèrent à entamer la cuirasse blindée de leur cible et ne firent que rebondir piteusement contre elle. Quelques éraflures pouvaient être discernées tout au plus, mais aucun dégât significatif n'avait été infligé lors de cette attaque. Néanmoins, le Bourreau ne se laissa guère démoraliser et essaya ainsi de perforer la poitrine de son antagoniste grâce à sa technique spéciale. Malheureusement, celle-ci fut bloquée par un coup de boule retentissant du soldat de bronze, qui fracassa brutalement le poignet et les doigts de l'assaillant. Effectivement, les os carpiens et phalangiens de ce dernier ne supportèrent pas une pression aussi soudaine, se pliant avant de se fissurer à l'impact. Même consciencieusement protégée par un Gantelet de Répression, la main droite de l'Exécuteur avait été magistralement réduite en miettes. Cette fois-ci, il ne s'agissait plus d'une simple dislocation, mais bien de multiples fractures qui, dans des circonstances normales, ne pourront jamais être complètement guéries. Hadès soit loué, les Étoiles Maléfiques n'avaient guère à se préoccuper bien longtemps de ce genre de blessures, qui tenaient plus de la routine et du souci temporaire que de l'irrémédiable. Cependant, Wolgorn devait se traîner ce handicap jusqu'à la fin du combat : qualifier cela d'épine dans le pied était pour lui un euphémisme.

"IM-IMPOSSIBLE !" s'offusqua-t-il, incrédule devant sa propre impuissance. "Aucun de mes coups ne fonctionne contre lui !"

"TU AURAIS DÛ MIEUX Y RÉFLÉCHIR, AVANT DE T'ENGAGER DANS UNE ENTREPRISE AUSSI ABSURDE !" le sermonna Acamas. "MAIS IL EST TROP TARD POUR REGRETTER TA FOLLE ARROGANCE, SPECTRE !"

"EN EFFET, C'EST ICI QUE SE TERMINE TON AVENTURE !" renchérit Pyracmon. "NOUS ALLONS DÉSORMAIS FONDRE TA CHAIR, TES OS ET LE MÉTAL DE TON SURPLIS DANS LE MAGMA DE CE VOLCAN !"

"TU AVAIS RAISON SUR UN POINT CEPENDANT, WOLGORN DU BOURREAU !" le complimenta Adnanos d'un ton sarcastique. "L'ARGENT ET L'OR NE POURRONT JAMAIS SURPASSER LE BRONZE SUR UN CHAMP DE BATAILLE ! ET DE TOUT LE BRONZE QUI PEUT ÊTRE FORGÉ SUR CETTE TERRE, NUL NE PEUT SURPASSER CELUI QUE NOUS FORGEONS !"

Les avant-bras de Néotalos rejoignirent alors le reste de son corps, lui permettant ainsi d'agripper son pectoral et de l'ouvrir afin de révéler sa botte secrète. A l'intérieur du torse de la créature se cachaient des globes de couleur rubis, au cœur desquels brillait la flamboyance d'un véritable brasier. Subitement, une vague de chaleur ardente jaillit de ces sphères et consuma entièrement la silhouette du Russe, totalement désarmé face à une pareille déferlante.

"VOYONS VOIR SI TON CORPS PEUT ENDURER LE FEU DIVIN D'HÉPHAÏSTOS, SPECTRE !" le railla Pyracmon. "BREAST FIRE !!"

Les radiations incandescentes se transformèrent ensuite en un rayon gigantesque qui calcina tout sur son sillage, à l'exception des piliers électriques. La température incendiaire fit bouillir l'Exécuteur à l'intérieur de son Surplis, dont l'alliage brûlant commença lentement à se liquéfier. Accablé par d'atroces souffrances, le supplicié voulut crier toute sa douleur à la face du monde, mais le métal fondu obstrua sa bouche, s'infiltra dans sa gorge puis inonda ses poumons. Piégé dans sa propre protection, il était en train de cuire comme un vulgaire morceau de viande sur un barbecue et rien ne pouvait le prémunir contre cette torture. Dans ces circonstances, il n'avait pas d'autre option que de serrer les dents, en espérant qu'il puisse encore tenir le coup face à une telle offensive. Wolgorn sublima donc son cosmos au-delà de ses limites et s'efforça de résister jusqu'à ce que la fournaise s'estompe enfin.

"Gnuuuuuuuuuuuuuaaaaaaaarrrgh !"

Son calvaire s'acheva au bout d'une minute, le temps que l'automate de bronze procède à un refroidissement de son système organique. Vacillant mais toujours vaillant, le Bourreau tenta de repartir à l'assaut, sauf que ses muscles étaient encore trop meurtris pour lui permettre de bouger immédiatement. De son côté, Néotalos profita de l'immobilité de sa victime pour inspirer profondément puis émettre un souffle aussi violent que glacial et humide. Une véritable tempête s'abattit ainsi sur l'Étoile Terrestre, qui sentit son Surplis se solidifier de nouveau et la chaleur insoutenable se dissiper. Cependant, il eut également la désagréable impression que des milliers d'aiguilles gelées étaient en train de pénétrer son physique pourtant déjà si malmené. Wolgorn était complètement frigorifié et son armure fondue commença même à rouiller, à sa grande stupéfaction. Jamais il n'aurait imaginé que sa protection ne puisse être ne serait-ce que légèrement oxydable : cela ne pouvait relever que du prodige ! Emprisonné à l'intérieur de sa cuirasse, sans articulations pour lui permettre de bouger, il était désormais à la merci de son impitoyable adversaire. Le Russe avait beau refuser de l'admettre, le pétrin dans lequel il s'était embourbé était tout bonnement sans issue...

"CE QUE TU VIENS D'EXPÉRIMENTER A L'INSTANT, C'ÉTAIT LA FUREUR DU RUST HURRICANE !" se vanta Adnanos. "NE SOUS-ESTIME PAS NOTRE CONNAISSANCE POINTUE DE L'ALLIAGE DONT EST CONSTITUÉ TON SURPLIS, WOLGORN DU BOURREAU ! NOUS, LES CYCLOPES, SOMMES AUTANT CAPABLES DE DÉTRUIRE QUE DE FABRIQUER N'IMPORTE QUELLE ARMURE, ET CE DE DIVERSES MANIÈRES !"

"LA LEÇON EST LOIN D'ÊTRE TERMINÉE TOUTEFOIS !" souligna Acamas. "NOUS ALLONS MAINTENANT T'INITIER A UNE AUTRE MÉTHODE DE DESTRUCTION DE NOTRE CRU : L'HYPOKERAUNOS !"

Obéissant à l'impérieuse volonté de ses géniteurs, l'automate de bronze leva son bras droit vers le ciel, tendit son index et enflamma son énergie cosmique. Soudain, les colonnes électrifiées répondirent de concert à cette manœuvre et frappèrent le monstrueux golem avec une décharge fulgurante. Le tintamarre provoqué par ce phénomène vrilla les tympans du Spectre, qui ne pouvait dorénavant plus compter sur ses oreilles pour le guider dans l'obscurité. Imperturbable en dépit de la puissance pure dont il venait d'être investi, Néotalos garda son doigt dressé et disciplina fermement la puissance titanesque dont il venait d'être investi. Des éclairs crépitaient au bout de son index, nimbé d'une lueur éblouissante dans laquelle était concentrée la force dévastatrice dont il allait se servir pour foudroyer son infortuné ennemi.

BGM- https://www.youtube.com/watch?v=EOioT_aTS8A -BGM

Une fois la décharge électrique canalisée et concentrée à la perfection, Néotalos déchaîna toute la puissance du tonnerre contre Wolgorn. Transformé en sculpture inerte de métal fondu, ce dernier ne put esquiver ni se prémunir de cette attaque dévastatrice, du moins en apparence. Effectivement, son cosmos satanique continuait de s'embraser avec une intensité croissante et préparait son corps mortifié à l'impact. Celui-ci fut aussi tonitruant que ravageur, fracassant en mille morceaux la prison étouffante qu'était devenu le Surplis du Bourreau, liquéfié puis solidifié à cause des précédentes offensives successives. La chaleur démentielle émise par l'assaut acheva de griller sa victime comme une saucisse sur un barbecue et la foudre lui infligea une souffrance surpassant de loin l'intolérable. La douleur atroce qu'avait ressentie le Russe lorsqu'il avait percuté les piliers électrifiés avait été comme décuplée, lui donnant ainsi l'impression que son enveloppe charnelle avait volé en éclats. Ses nerfs étaient à vif et avaient été rudement martyrisés, une expérience traumatisante qui avait failli trancher définitivement le lien entre son âme et son Étoile Maléfique. Cependant, sa bravoure et son esprit combatif incandescent lui avaient permis de résister vaillamment à l'annihilation de son esprit.

Malheureusement, son organisme meurtri avait fini par atteindre ses limites, ses muscles s'atrophiant sous l'effet d'une fatigue extrême. L'épiderme intégralement brûlé et privé de sa pilosité, il ressemblait désormais plus à un cadavre extirpé d'un four crématoire d'Auschwitz qu'à un fier guerrier d'Hadès. La cuirasse de Wolgorn, réduite à des débris dispersés à travers l'arène, laissa son propriétaire nu comme un ver, dépourvu de toute forme de défense apparente. Néanmoins, son énergie cosmique prit le relais et recouvrit entièrement sa silhouette squelettique dans un véritable ballet de flammes dansantes. Une aura parme incendiaire enroba donc son corps estropié et le supporta de toute sa puissance, avant de passer à une teinte pourpre plus agressive. Au cœur du brasier, les contours du physique de l'Exécuteur se précisèrent et se muèrent en une ombre sinistre d'un noir profond. Ses yeux se distinguèrent également et se mirent à briller d'une lueur violacée pour la moins inquiétante, ne pouvant être qualifiée que d'inhumaine. Ce regain de vigueur et cette persévérance exemplaire époustouflèrent les cyclopes, qui ne s'attendaient pas à ce qu'il survive à l'Hypokeraunos.

"INCONCEVABLE !" s'étrangla Pyracmon. "COMMENT A-T-IL PU ENCAISSER L'HYPOKERAUNOS ?!"

"NOTRE FOUDRE A BEAU N'ÊTRE QU'UNE PÂLE COPIE COMPARÉE A CELLE DE BRONTÈS, ARGÈS ET STÉROPÈS, ELLE AURAIT DÛ SUFFIRE A LE PULVÉRISER !" s'indigna Acamas. "COMMENT UNE VULGAIRE ÉTOILE TERRESTRE PEUT-ELLE ENCORE SE RELEVER APRÈS ÇA ?!"

"PARCE QUE NOUS L'AVONS SOUS-ESTIMÉE, ET CE EN DÉPIT DE TOUTES NOS PRÉCAUTIONS !" leur expliqua Adnanos. "REGARDEZ PLUS ATTENTIVEMENT !"

Les trois forgerons rivèrent alors leurs yeux uniques sur le cosmos démoniaque du Russe, qui changea progressivement de forme jusqu'à dessiner la silhouette du Wyvern. Toutefois, l'abomination reptilienne se métamorphosa à son tour et laissa place à l'ombre écrasante de Thanatos, à la grande stupeur des spectateurs. Ces fantômes étaient les traces rémanentes des bénédictions dont Wolgorn avait jadis profité, devenues depuis lors des parties indissociables de son être. Il avait dépassé le niveau des Chevaliers d'Or depuis des lustres et frôlé le domaine divin lors de son expédition au Sanctuaire, ceci grâce à l'incarnation de la Mort en personne. En conséquence, s'imaginer le pourfendre avec une imitation bas de gamme de la foudre de Zeus confinait tout simplement au ridicule. Le Bourreau n'était pas du genre à s'avouer vaincu face à la demi-mesure : seule une attaque capable de blesser sérieusement un dieu pouvait le terrasser ! Le gigantesque trio appréhenda ainsi toute l'étendue de son erreur et s'accorda sur la nécessité de finalement y remédier. Puisque le Spectre voulait lutter jusqu'à sa destruction complète, ils allaient obligeamment exaucer son souhait !

Les cyclopes s'empressèrent donc d'augmenter la puissance de Néotalos en lui injectant une généreuse dose supplémentaire de force pure. Cette opération provoqua une violente éruption cosmique et les articulations de l'automate s'élargirent subtilement afin de faciliter la circulation du flux additionnel d'énergie. Un panache de feu jaillit ensuite majestueusement de son casque et de la vapeur s'échappa bruyamment des interstices de son blindage. Une fois son cosmos gargantuesque discipliné, la créature de bronze adopta de nouveau la posture offensive correspondant au déploiement de l'Hypokeraunos. En conséquence, elle fut une deuxième fois investie par la foudre artificielle générée par les colonnes électrifiées et se prépara à la déchaîner. Cependant, l'androïde ne se contenta pas de cette simple décharge et l'amplifia drastiquement grâce à sa propre puissance. Un grondement de tonnerre annonça l'utilisation imminente de la technique secrète, qui était cette fois-ci censée réduire intégralement sa cible en poussière. Néotalos, gonflé à bloc jusqu'au point de rupture, passa finalement à l'assaut et déploya toute la fulgurance de son arcane ultime contre Wolgorn. Quand ce dernier fut frappé de plein fouet par l'orage destructeur, la collision provoqua une explosion cataclysmique qui fractura un quart entier de l'arène. Or, celle-ci était supposée résister à des dégâts extrêmement sévères, sauf que l'intensité de l'affrontement commençait à exercer une pression trop lourde sur sa structure.

"EST-CE QUE NOUS L'AVONS ENFIN DESINTÉGRÉ ?!" demanda Pyracmon d'une voix nerveuse.

Quand le nuage de fumée et la lumière aveuglante se dissipèrent, les cyclopes purent constater que non seulement le Bourreau se tenait encore debout, mais il était aussi parvenu à comprimer une partie du Hypokeraunos entre ses deux paumes. La milliseconde suivante, il renvoya brutalement ce fragment d'attaque à son expéditeur, qui fut violemment renversé au sol par l'impact. Phénomène impensable auparavant, le choc avait réussi à créer de minuscules fissures un peu partout sur la cuirasse de l'automate, au grand effroi de ses créateurs. Ces derniers comprirent alors que les sortilèges d'affaiblissement lancés par l'Exécuteur avaient fini par s'acquitter de leur travail de sape. Petit à petit et sur le long terme, les maintes malédictions conjurées contre le colosse de bronze étaient arrivées à entamer sa défense impénétrable. Il était désormais aussi fragile que son antagoniste, les belligérants se retrouvant donc à compter de ce moment sur un pied d'égalité. Imperméable à la douleur malgré les dommages subis, Néotalos se redressa promptement et s'apprêta à repartir à l'offensive.

Néanmoins, Wolgorn se montra plus rapide et invoqua une myriade d'épées ténébreuses qui se plantèrent instantanément dans les articulations de son opposant. Profondément enfoncés, les glaives occultes immobilisèrent de manière ferme leur proie et la rendirent vulnérable au prochain assaut de leur propriétaire. Effectivement, celui-ci se jeta avec une vélocité terrifiante sur le monstre métallique et lui asséna un Demon Punisher renforcé à l'estomac. Pour faire bonne mesure et maximiser les dommages, il embraya ensuite avec un Death Penalty décoché exactement au même endroit. Toutefois, l'androïde ne se laissa pas démolir et répliqua immédiatement en propulsant ses poings à réaction contre son adversaire. Cette manœuvre éloigna les deux combattants l'un de l'autre, ceci afin de permettre à Néotalos de se ressaisir et réfléchir prudemment à sa stratégie. Tandis que le Russe était occupé à repousser les missiles téléguidés après se les être mangés en pleine tronche, son ennemi en profita pour briser les lames qui l'entravaient. Le ménage enfin accompli, le second récupéra ses avant-bras puis fondit sur le premier, qui était plus que disposé à l'imiter.

En dépit de toute la froide obstination dont il faisait preuve, l'automate était dorénavant en piteux état, une taillade en forme de croix lézardant sa chair blindée. Le double assaut qu'il venait de déguster l'avait gravement ébranlé et le liquide bouillant qui faisait office de sang dans son organisme artificiel commençait à s'écouler dangereusement. Quant au Spectre, il paraissait de son côté ne plus se soucier des coups qui lui étaient infligés, comme s'il était devenu un véritable zombie. La souffrance et les os fracassés n'étaient plus des problèmes pour lui, car sa dévotion envers sa noble cause et son cosmos maléfique les avaient transcendés. Il n'y avait maintenant plus qu'une seule chose à faire pour les deux guerriers : se battre jusqu'à l'annihilation complète de son antagoniste. Quiconque se mettra en travers de leur chemin en paiera lourdement le prix, la moindre interférence étant bannie de leur confrontation. Cette dernière en arrivait désormais à sa manche finale, où tout se jouera sur les prochains échanges d'attaques. Les cyclopes anticipaient avec une anxiété prononcée ce moment fatidique et ne purent qu'observer le spectacle en silence, étouffés par l'incertitude.

Wolgorn et Néotalos entrèrent finalement en collision, leurs poings s'entrechoquant brutalement avant que l'impact ne repousse les belligérants. Néanmoins, ils ne s'arrêtèrent pas là et se lancèrent immédiatement à l'assaut pour une nouvelle joute. Les deux combattants se croisèrent dans une course fulgurante, chacun ayant porté son attaque respective en l'espace d'un battement de cils. Ils n'avaient même pas eu le temps de réellement se percuter, les traces des coups portés n'apparaissant sur leurs corps qu'une fois freinés dans leur élan puis immobilisés. L'automate de bronze se retrouva ainsi avec l'empreinte du poing de son adversaire imprimé sur la partie gauche de sa poitrine, le Bourreau ayant essuyé de son côté une blessure similaire. Cependant, l'aura démoniaque du second avait absorbé la majorité de l'offensive, ce qui lui avait permis de réduire considérablement les dégâts. Le golem tenta ensuite de transpercer le crâne de son ennemi grâce à ses yeux laser, mais le Russe anticipa cette action et la contrecarra en lui crevant vicieusement ses globes oculaires. En guise de représailles, le premier envoya son antagoniste valser jusqu'à une bobine Tesla d'un direct en pleine tronche. Protégé par son cosmos maléfique, Wolgorn résista vaillamment à l'électrocution et s'éloigna promptement du pilier contre lequel il venait d'être propulsé. Les deux guerriers étaient pour l'instant encore à égalité, sauf que le Spectre commençait à rattraper rapidement son retard. Toutefois, Néotalos n'allait pas laisser à son opposant l'occasion de mener la danse : il allait l'atomiser avant d'être définitivement surclassé.

L'automate de bronze se dépêcha ainsi de capitaliser sur l'étourdissement de son adversaire pour charger un troisième Hypokeraunos. Au lieu de se contenter de simplement concentrer la foudre au bout de son index, il décida cette fois-ci d'en emmagasiner une quantité supérieure entre ses deux mains. Néanmoins, l'énergie qu'il canalisait était d'une intensité telle que son blindage continua de s'effriter dangereusement, le rendant donc plus vulnérable à une éventuelle riposte. Préparer une attaque d'une puissance pareille se révéla également être une tâche plus complexe que prévu, ce qui obligea le golem à ralentir légèrement le processus. Hélas pour lui, ce bref répit fut tout ce dont son ennemi avait besoin pour retrouver ses esprits et rassembler ses forces. Le Bourreau matérialisa ainsi plusieurs glaives ténébreux puis les planta instamment dans les articulations de Néotalos, l'empêchant donc de bouger librement. Cette tactique fit gagner au premier de précieuses secondes qui lui permirent de déployer sa nouvelle technique secrète : le Doom Plasma. Après avoir élevé son cosmos jusqu'à atteindre le septième sens, l'Exécuteur ouvrit une brèche dans la trame de l'espace-temps, celle-ci conduisant directement aux tréfonds des Enfers. Dans l'objectif manifeste d'accroître sa propre énergie démoniaque, il se servit de cette faille dimensionnelle pour se nourrir voracement de la souffrance des damnés. Au moment où il commença à absorber la douleur incommensurable des prisonniers infernaux, Wolgorn endura un martyr abominable qui aurait normalement dû le pousser à demander grâce.

"HAAARYAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAAH !!"

Cependant, il n'était pas un individu ordinaire, mais un fanatique religieux prenant un plaisir masochiste à mortifier sa chair et son âme. La ferveur avec laquelle il accueillait cette auto-flagellation transforma son supplice en une torture exquise, jusqu'à culminer en une authentique extase mystique. Précédemment semblable à un brasier ardent, son aura maléfique fut violemment comprimée à l'intérieur de son organisme ravagé. Sa souffrance ayant atteint son paroxysme, le Spectre put finalement déchaîner son arcane ultime dans toute sa splendeur dévastatrice. Fermement campé sur ses jambes, il invoqua à partir de ses paumes une gigantesque sphère satanique. La force stellaire dont elle irradiait était d'une telle monstruosité qu'elle terrorisa les cyclopes, peu habitués à observer une pareille démonstration de folie furieuse au cours de leur existence laborieuse. Devaient-ils comprendre que tous les fidèles d'Hadès étaient capables de faire preuve d'une dévotion aussi profonde et maladive ? Qu'il s'agisse d'un cas isolé ou non, ce spectacle faisait frémir d'angoisse les forgerons, qui ne pouvaient décemment pas rester les bras croisés. Effectivement, leur précieuse marionnette allait être pulvérisée séance tenante s'ils continuaient de se tourner piteusement les pouces. Les trois colosses intervinrent donc en la faveur de son champion en le débarrassant prestement des épées qui entravaient ses mouvements. Sous la pression cosmique qu'ils exercèrent à leur encontre, les lames ténébreuses s'effacèrent aussitôt, restituant ainsi à Néotalos sa pleine mobilité.

Wolgorn balança alors rageusement le globe destructeur en direction de l'automate de bronze, qui essaya de contre-attaquer avec son double Hypokeraunos. Malheureusement, l'orage cataclysmique fut complètement englouti par la technique du premier, sans aucune chance de pouvoir réellement se confronter à elle. A l'image d'un véritable trou noir, le cosmos abyssal du Doom Plasma dévorait toute compétition sur son sillage et nul ne pouvait arrêter son impérieuse avancée. Quand l'arcane suprême du Bourreau entra finalement en collision avec sa cible, elle provoqua une déflagration phénoménale qui brisa la créature métallique en milliers de morceaux. Ces derniers se fragmentèrent ensuite en millions puis en milliards d'éclats à chacune des salves explosives encaissées. Néotalos fut finalement désintégré dans son entièreté, sa silhouette imposante ayant disparu du champ de vision de l'assistance effarée. Quand la détonation acheva de se déchaîner, les cyclopes purent constater que même les piliers électrifiés avaient fini par céder, la majorité d'entre eux s'étant écroulée. L'Étoile Terrestre était désormais seule à se tenir fièrement debout au milieu de l'arène, en dépit de toutes les blessures qu'elle avait subies au cours de ce combat homérique.

"IL... IL A GAGNÉ." bafouilla Pyracmon, incrédule et consterné. "CE SPECTRE DE SECONDE ZONE A GAGNÉ..."

"NOUS PENSIONS QU'IL NE SERAIT PAS A LA HAUTEUR, MAIS NOUS NOUS SOMMES TROMPÉS..." ajouta Acamas. "IL EST RÉELLEMENT DIGNE DE BRANDIR HARPÈ."

"DE TOUTE ÉVIDENCE, CE DUEL ÉTAIT COURU D'AVANCE : CE WOLGORN A REÇU LA BÉNÉDICTION DE THANATOS EN PERSONNE." expliqua Adnanos. "HÉLAS, NOUS IGNORIONS PARFAITEMENT A QUI NOUS AVIONS AFFAIRE... EN VÉRITÉ, CETTE ÉTOILE TERRESTRE AVAIT DÉJA PROUVÉ SA VALEUR DEPUIS LONGTEMPS."

"SA FORCE ET SA DÉVOTION SURPASSENT DE LOIN CELLES D'UN JUGE DES ENFERS ! NOUS NE POUVONS QU'ADMETTRE CET ÉTAT DE FAIT."

"MALHEUREUSEMENT, SA LOYAUTÉ FANATIQUE ENVERS LES IDÉAUX MORTIFÈRES DE L'OUTREMONDE SONT UN DANGER POUR LA SÉCURITÉ DE LA TERRE ! NOUS NE POUVONS PAS LUI CONFIER HARPÈ ! CE SERAIT DU SUICIDE ! PIRE : UN GÉNOCIDE A L'ÉCHELLE PLANÉTAIRE !"

"SILENCE, PYRACMON ! NOUS LUI AVONS DONNÉ NOTRE PAROLE D'HONNEUR ! SOUHAITES-TU FRAPPER NOTRE RÉPUTATION DU SCEAU INFÂME DU PARJURE ?!"

Habituellement, Wolgorn aurait rabroué avec virulence les trois artisans pour leur tentative de se soustraire à leur promesse, sauf qu'il était trop exténué pour se préoccuper de leurs tergiversations. Son esprit était embrumé et ses oreilles bourdonnaient, l'empêchant ainsi de suivre correctement la conversation. Finalement, il s'effondra au sol de tout son long, ses capacités physiques et cosmiques ayant franchi depuis belle lurette leur point de rupture. Sa conscience sombra lentement dans un coma insondable, sous les yeux fébriles et inquisiteurs du gargantuesque trio. Les forgerons s'échangèrent alors des regards effrayés, encore indécis sur la marche à suivre maintenant que le Russe s'était évanoui. Ce dernier était dorénavant à leur merci, laissant miroiter aux cyclopes une séduisante opportunité de ne pas honorer leur part du marché. Hormis eux, personne d'autre ne se trouvait dans la salle, ce qui signifiait que nul ne pouvait témoigner si jamais ils choisissaient d'assassiner leur invité. Le sort de celui-ci était désormais entre leurs mains, Pyracmon ayant résolument décidé de supprimer la menace que représentait l'Exécuteur. Adnanos et Acamas, de leur côté, se montraient plus partagés que leur compère, en raison du dilemme moral auquel ils étaient confrontés. Toutefois, ce problème était trop complexe pour être réglé suite à une volte-face de dernière minute, aussi devaient-ils procéder avec précaution...

"PAIX ! FAISONS PREUVE DE RESPECT ENVERS LES OPINIONS DE NOS PAIRS ET ÉTUDIONS-LES SOIGNEUSEMENT !" suggéra Acamas. "JE PROPOSE QUE NOUS DÉCIDIONS DU SORT DE CETTE ÉTOILE MALÉFIQUE PAR UN VOTE ! L'OPTION EMPORTANT LA MAJORITÉ SERA CELLE QUI SERA APPLIQUÉE. AVANT CELA, NOUS DÉBATTRONS DE NOS POSITIONS RESPECTIVES. QU'EN DITES-VOUS ?"

Ses deux collègues opinèrent du chef et s'efforcèrent de réfléchir avec sérénité au choix crucial qu'ils auront prochainement à effectuer. Bien que la conscience de leurs responsabilités pesait lourdement sur leurs épaules, les géants travaillèrent à délibérer le plus calmement possible. Hélas, les esprits ne tardèrent guère à s'échauffer au cours de la discussion, mais ils évitèrent malgré tout d'en venir aux mains.

Une éternité parut s'écouler avant que Wolgorn ne parvienne finalement à émerger de son inextricable coma. Le réveil fut aussi pénible que laborieux, la lumière émise par les flammes des forges agressant la rétine de ses yeux fatigués. Quand il ouvrit complètement ces derniers et qu'il commença à observer les alentours, il se rendit compte qu'il se trouvait toujours au même emplacement. Manifestement, il n'avait guère quitté la plateforme circulaire au fin fond du repaire d'Héphaïstos depuis qu'il s'était évanoui, ce qui était déjà une bonne nouvelle. Que ce soit dans la défaite ou d'une autre manière, il aurait été problématique pour le Bourreau d'être expulsé de l'enceinte du volcan. Après tout, il avait une tâche de la plus haute importance à accomplir et en conséquence, l'échec était tout sauf une option. Le Russe s'aperçut également que son corps était intégralement recouvert de bandages, ceux-ci servant à panser ses nombreuses et diverses blessures. Ses os et ses muscles étaient toujours endoloris, mais la souffrance qu'il ressentait était désormais revenue à un niveau tolérable. Non sans difficultés, Wolgorn se rétablit lentement sur ses jambes vacillantes, ses capacités physiques n'ayant pas encore été suffisamment restaurées. Il avisa ensuite plus attentivement la salle dans laquelle il se situait afin de mieux appréhender sa situation actuelle. Son regard ne put percevoir dans la pénombre qu'une multitude de braises volantes, éclairant faiblement la chambre de leur lumière chétive. Aucune trace des globes oculaires éblouissants du trio cyclopéen à l'horizon, jusqu'à ce qu'une colonne lumineuse fasse soudainement son apparition.

BGM- https://www.youtube.com/watch?v=djkfO6nTpbM -BGM

Devant les yeux émerveillés de son propriétaire, le Surplis du Bourreau se dévoila alors dans toute sa splendeur, brillant de mille feux comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Suite au combat dantesque qui avait mené à sa destruction totale, il n'avait pas seulement été réparé : il avait été ressuscité sous une forme améliorée. La sinistre cuirasse étincelait d'un éclat aussi hostile que lugubre, laissant présager malgré son immuable silence de la puissance monstrueuse qu'elle recelait. Son apparence générale avait été simultanément affinée et renforcée, la faisant ainsi gagner en agressivité et en sophistication. Une reproduction morbide du visage émacié de l'Exécuteur décorait dorénavant son heaume, à l'image d'un masque funéraire. Néanmoins, la symbolique macabre associée à son totem protecteur ne s'arrêtait guère là. Effectivement, à sa couleur noire aux reflets violacés s'était substituée une teinte grisâtre et fantomatique, presque éthérée dans sa pâleur. Cependant, les articulations de l'armure infernale brillaient toujours d'un éclat rougeoyant, comme si elle souffrait d'une hémorragie jusqu'à en finir exsangue. Il s'agissait d'une véritable abomination : un cadavre quasiment réduit à l'état de squelette, mais qui détenait en dépit de tout une vigueur infiniment supérieure à celle des vivants. Sans considération aucune envers les lois de la nature, ce pouvoir terrifiant était capable de les arracher prématurément à leur existence terrestre et de les condamner à une éternité de supplices.

Quand Wolgorn approcha la main de son Surplis, il entendit celui-ci émettre un bruit semblable à un soupir langoureux. Telle une femme esseulée, la cuirasse accueillait la présence de son maître comme elle célébrerait le retour de son amour perdu. Elle s'empara donc sans tarder de son propriétaire et l'enveloppa fermement dans son étreinte de métal. Une fois son armure revêtue, le Russe put sentir un flot torrentiel d'énergie cosmique se déverser violemment dans ses veines. Cette puissance incommensurable lui conféra une jeunesse nouvelle, même si son physique couturé de cicatrices demeurait celui d'un vieillard maigrelet. Si la restauration de son Surplis n'avait pas pour objectif la guérison de sa chair, elle était en revanche un véritable baume pour son âme. A l'exception de l'accomplissement de sa mission sacrée, cet état de symbiose lui procurait une impression inégalable de plénitude spirituelle. Ce fut à cet instant que trois sphères lumineuses transpercèrent l'insondable obscurité des souterrains, aveuglant brusquement le Bourreau au passage.

"NOS FÉLICITATIONS, WOLGORN DU BOURREAU !" le complimenta Adnanos. "TU AS VAILLAMMENT TRIOMPHÉ DE TOUTES NOS ÉPREUVES !"

"CELA ME COÛTE DE TE LE DIRE, MAIS TU AS MÉRITÉ TA RÉCOMPENSE !" reconnut Pyracmon.

"COMME CONVENU, NOUS ALLONS DONC HONORER NOTRE PART DU MARCHÉ !" proclama Acamas.

"MAINTENANT, AGENOUILLE-TOI, PREUX ÉMISSAIRE DES ENFERS ! CAR C'EST AVEC HUMILITÉ QUE TU RECEVRAS TON DÛ !"

"ADMIRE ! VOICI L'ÉPÉE LÉGENDAIRE, JADIS BRANDIE PAR PERSÉE, FILS DU TOUT-PUISSANT ZEUS !"

"NOUS TE CONFIONS HARPÈ, SPECTRE ! FAIS-EN BON USAGE !"

Respectueux du cérémonial et de ses hôtes titanesques, Wolgorn obtempéra sagement face à leur demande. Genou à terre, il baissa humblement la tête et attendit patiemment la remise de son trophée. Ce dernier se matérialisa au-dessus de lui dans un halo de lumière incandescente, comme s'il descendait des cieux tel un mandat divin. Par sa radiance, l'arme mythique surpassait le scintillement même des plus beaux joyaux sommeillant dans les entrailles de l'Etna. Sous le regard ébahi de son futur manieur, la lame recourbée se planta lentement dans le sol et se servit de la plateforme comme d'un piédestal. En signe d'invitation à l'extraire de son fourreau improvisé, elle émit alors un son cristallin similaire à un chant liturgique. L'Exécuteur comprit qu'il était finalement l'heure pour lui d'agir et de répondre à cette sollicitation. Habité par une conviction inébranlable, il se saisit donc de la poignée puis extirpa virilement l'épée de son socle. Au moment où il retira Harpè de son piédestal en roche volcanique, des étincelles jaillirent dans un authentique spectacle pyrotechnique.

Une auréole iridescente enveloppa ensuite le Russe dans sa grâce éblouissante, preuve que sa nouvelle arme l'avait bien accepté. Il la brandit ainsi fièrement vers le ciel, avant d'effectuer une série de mouvements afin de tester ses aptitudes à l'escrime. Même s'il n'avait pas fait du Chunjun son équipement de prédilection, son entraînement auprès des Agences lui avait été d'un grand service dans ce domaine. A travers sa forme et son poids, l'épée était parfaitement adaptée au physique de Wolgorn, qui pouvait en conséquence l'employer au maximum de ses facultés. Il pouvait évidemment sentir une force colossale se dégager de sa lame, digne d'un artéfact fabriqué par Héphaïstos en personne.

"MAINTENANT VA, WOLGORN DU BOURREAU !" ordonna Acamas de sa voix de stentor. "TU AS UNE CROISADE A MENER !"

"LA JUSTICE, LA PAIX ET L'ÉQUILIBRE DOIVENT ÊTRE RÉTABLIS EN CE BAS MONDE !" déclara Pyracmon.

"SOUVIENS-TOI NÉANMOINS DE CECI : HARPÈ NE DOIT PAS ÊTRE UTILISÉE POUR SEMER LA MORT ET LA DESTRUCTION !" souligna Adnanos. "ELLE DOIT ÊTRE BRANDIE POUR POURFENDRE LE MAL ET PROTÉGER LES INNOCENTS !"

"ENTRE TES MAINS, HARPÈ RESTAURERA L'ORDRE ET LA VÉRITÉ SUR CETTE PLANÈTE CORROMPUE !"

"SI L'HUMANITÉ DOIT ÊTRE PUNIE POUR SES CRIMES, ELLE NE DOIT SOUS AUCUN PRÉTEXTE ÊTRE EXTERMINÉE ! SEULE SA MAJESTÉ ZEUS DÉTIENT LE PRIVILÈGE DE PRONONCER UNE TELLE SENTENCE !"

"AS-TU COMPRIS, SPECTRE ?! HORS DE QUESTION QUE LA TERRE DEVIENNE UN CAILLOU STÉRILE, NI QUE CELLE-CI SOIT ABANDONNÉE DES HOMMES ! LA VIE DOIT TRIOMPHER AVANT TOUTE CHOSE !"

"J'en fais le serment solennel !" jura le Bourreau, qui ponctua sa promesse en frappant sa poitrine du poing.

En guise d'adieux, il s'inclina une ultime fois devant les gargantuesques artisans, qui lui répétèrent que leur faveur n'était qu'un prêt individuel et non un don définitif. Ceci fait, leurs visages à peine discernables se fondirent dans les ombres, jusqu'à disparaître entièrement. Les signes de révérence terminés, le Russe tourna finalement les talons puis quitta promptement les lieux. Des ouvriers se chargèrent ensuite de le raccompagner jusqu'à la sortie des forges, lui révélant en chemin un portail de téléportation qui servait de raccourci. Une fois reconduit hors du bastion d'Héphaïstos, Wolgorn se rendit compte qu'il était réapparu juste au pied de l'Etna. Après tout ce temps passé à s'aventurer à l'intérieur du volcan sicilien, il en avait quasiment oublié à quoi ressemblait la lumière du jour ! L'Exécuteur éprouvait lui-même des difficultés à croire que sa folle entreprise ait pu se couronner d'un pareil succès. Pour être honnête, sa réussite relevait presque du miracle, surtout si l'on prenait le duel contre Néotalos en considération ! Heureusement, il était sorti victorieux de cet affrontement et c'était bien tout ce qui lui importait à présent. Cependant, se reposer sur ses lauriers n'était pas la meilleure chose à faire en cette époque troublée...

Effectivement, l'Étoile Terrestre avait encore énormément de travail sur la planche et elle ne pouvait guère se permettre de paresser, même pour une seconde. Le devoir ne tarda d'ailleurs pas à l'appeler, sous l'apparence d'une fée qui se posa délicatement sur son épaulière gauche. Quoi que ce papillon d'outre-tombe veuille lui communiquer, il avait la désagréable impression que cela ne présageait rien de bon... Apparemment, de graves événements étaient survenus à travers le vaste monde durant l'absence prolongée de Wolgorn. En conséquence, sa présence était requise séance tenante au quartier général des Spectres afin que ces derniers puissent s'organiser au mieux en cette période de crise. Puisqu'il en était ainsi, il allait immédiatement se précipiter au renfort de ses coreligionnaires ! Sans gaspiller une minute de plus, le Bourreau se dépêcha donc de rejoindre l'Allemagne, à destination du Palais de Pandore.