En continuant son chemin, Hruodland arriva rapidement au palais du souverain d’Asgard. Curieusement, la demeure était moins resplendissante que celle qu'il avait pu contempler à Sovngarde mais, elle dégageait une sensation de prestige qui était absente de la cité éteinte.

Le nouveau Guerrier Divin hésitait sur la marche à suivre : il n’était certainement pas attendu et se voyait donc mal entrer directement dans le palais. Kvitravn ne l’avait pas quitter mais il se contentait de dormir sur son épaule, la tête cachée sous une aile, plutôt que de le diriger.

Au bout d’un instant de réflexion, Hruodland se dit qu'il n’avait guère le choix. S'il voulait rencontrer les dirigeants du royaume, il lui fallait continuer. Il avança donc vers la porte et avant même d'avoir pu héler les gardes, ils le saluèrent.

- Bienvenue à toi, Guerrier Divin.

Les deux gardes lui ouvrir la porte sans plus de paroles et sans aucunes questions. A croire que l'armure qu’il portait dorénavant, pouvait lui ouvrir des portes.

Sans savoir vraiment où se rendre, il pénétra dans le palais et laissa ses pas le guider. Hruodland traversa nombre de couloirs et de pièces plus vastes les unes que les autres sans rencontrer quelqu’un en mesure de le renseigner.

Enfin, au bout d'une dizaine de minutes de recherche, il put apostropher quelqu’un.

- Pardonnez moi, je dois me présenter à une autorité mais j’ignore où me rendre. Pouvez-vous m’aider ?

La femme, certainement une domestique, l'observa un court instant avant de répondre.

- Je crains que le Seigneur Odin ne soit pas présent au palais en ce moment. Souhaitez vous que je prévienne le Sénéchal ?

Hruodland acquiesça et la jeune fille s'empressa de partir en quête de la personne. Le guerrier ne se voyant pas attendre au milieu d'un couloir, continua d'avancer et finit par atterrir devant une somptueuse fontaine. Il passa la main dans l'eau pour boire un peu et s'assit à même le sol, adossé à la fontaine.

"Ce ne sera pas nécessaire. Je m'occupe de lui."

Hel avait intercepté la servante peu de temps après que celle-ci ait été abordée par Hruodland. Il dégageait une force impressionnante par rapport aux simples mortels qui fourmillaient dans le palais, et plus encore c'était la nature de cette force qui avait attiré l'attention de la déesse. Quelque chose qui lui rappelait Odin, sans qu'elle sût trop pourquoi.

Depuis peu de temps, Odin étant de plus en plus souvent absent pour des raisons mystérieuses, la déesse se voyait contrainte de prendre des décisions en son nom sans véritablement pouvoir le consulter. Et comme les serviteurs, le Sénéchal et tous les Asgardiens en général commençaient à se demander si elle ne tentait pas un coup d’État, il avait fallu remettre les pendules à l'heure en convoquant tout le monde un beau matin, pour finalement révéler qui elle était vraiment. Elle avait même, pendant quelques instants, suspendu le sortilège d'illusion qui cachait sa moitié morte aux yeux des Dormeurs, arrachant des cris d'effrois aux uns et aux autres, avant de longuement s'expliquer sur son désir de repentance et de loyauté dans cette nouvelle existence.
Si la nouvelle n'était pas au goût de tous, au moins l'humilité affichée de la déesse et le temps qu'elle prenait pour se justifier face à eux avait fini par les convaincre de cohabiter avec, d'observer ses actions. Il serait difficile de se faire accepter comme dirigeante, et elle n'espérait même pas le pardon. Pour ces raisons et la méfiance subsistante des mortels à son égard, elle avait demandé -et non ordonné, de quoi essayer d'instaurer un semblant de confiance- que cette révélation fût pour le moment seulement étendue au palais d'Odin et aux guerriers divins.

Dans ce contexte, la servante passa son chemin sans chercher à en savoir plus. Hel s'avança dans les pas du Volsung jusqu'à le retrouver seul, au pied d'une petite fontaine d'intérieur -à quoi pouvait bien servir cela ? D'un pas lent, elle s'avança face à lui, son expression indéchiffrable, sous les traits d'Uskyld pour commencer : blonde avec des yeux bleu sombre.

"Le Gardien d'Yggdrasil, lié à Asgard..."

Elle réduisit la distance entre eux jusqu'à pouvoir effleurer l'épaulière de l'homme assis, un frisson de pouvoir accrochant le bout de ses doigts. Oui, il n'était pas n'importe qui. Mais il semblait aussi qu'il ignorait tout des lieux dans lesquels il se trouvait. Une étrange âme prise entre deux directions.

"Avant que vous ne posiez la question, je ne suis pas le Sénéchal. Mais je remplirai parfaitement son office. Venez avec moi, il y a un salon privé où nous pourrons discuter plus confortablement."

Sans attendre, elle tourna les talons. Au bruit de ses pas sur la pierre froide, elle savait qu'il suivait. Un sourire se dessina sur ses lèvres, dos à lui, jusqu'à ce qu'ils atteignissent la pièce susmentionnée, où une cheminée côtoyait une petite pièce garnie de deux fauteuils, une table et des chaises, quelques bibliothèques et un tapis de fourrure. Quelque chose de simple et courtois qui incitait à la détente sans toutefois perdre de son caractère officiel.

"Avez-vous faim ou soif, guerrier ?"

Hruodland avait à peine eu le temps de s’asseoir qu'une personne vint à lui. Il s’agissait de nouveau d'une jeune fille, blonde aux yeux d’océan, mais cette fois ci il n’était nullement question d'une servante. Kvitravn s’éveilla aussitôt et décolla en croassant pour se réfugier sur les hauteur d'un mur.

Le guerrier se demanda si la nouvelle venue pouvait déjà être le Sénéchal.
Qui que ce soit, elle avait reconnu sa Järnskinn et semblait connaître son nouveau rang… Chose que lui-même ignorait en réalité.

Elle s'approcha de lui jusqu’à pouvoir l’effleurer et il sentit un frémissement d’énergie. Elle maîtrisait donc le Hamr.
Le Volsung se leva retira la couronne de l'armure qui lui ceignait le front. Il écouta la jeune répondre à sa question muette sans pour autant décliner son identité. Elle l'invita dans un salon proche. Hruodland la suivit un peu à contrecœur : il avait apprécié le calme de cette salle. Il y reviendrait s'y détendre.

Il suivit donc l'inconnue jusqu’au salon cossu. La température y était douce grâce à une cheminée où un feu brûlait à grandes flammes. Il s’agissait sans doute d'un lieu destiné aux discussions nécessitant du calme car l'ambiance que dégageait la pièce était apaisante.

- Avez-vous faim ou soif, guerrier ?

La question tira Hruodland de ses pensées et il ne sut quoi y répondre durant un instant.

- Mon dernier repas remonte à quelques jours. Je ne dirais pas non à une collation.

Sans attendre d'y être invité, le Volsung s’approcha de la table et y déposa son heaume. Il tira ensuite une et s'assit sagement.

- Je suis nouveau ici, un dénommé Bud m'a dit de venir me présenter à une autorité. Vous semblez savoir qui je suis ou tout du moins, le statut de mon armure mais j’ignore votre identité. Me feriez vous le plaisir de vous présenter ?
Pour ma part, je me nomme Hruodland et j'aurais des questions pour le Seigneur Odin.

"Bud ? J'ignore qui est cette personne, mais je pense qu'elle a bien fait de vous envoyer ici."

Un sourire étira les lèvres de la jeune femme, pendant que l'un de ses doubles illusoires se présentait aux cuisines pour transmettre la requête du nouvel arrivant. Plusieurs fois, en procédant de cette manière, elle leur avait fait peur, aussi avaient-ils convenu d'une marche à suivre. Autant pour qu'elle puisse continuer à user de cette facilité que pour leur éviter un début de crise cardiaque à chaque récidive.

Ceci fait, elle étudia le guerrier face à elle un bref instant. Il avait la carrure, la puissance, mais il lui manquait manifestement un but et une méthode pour exploiter ce potentiel correctement. Ce que Hel se ferait un plaisir de lui donner une fois qu'elle se serait assurée de ses intentions, ou du moins de son absence de mauvais desseins. Il était plus qu'étonnant qu'un descendant d'Odin, en témoignaient ses yeux, se trouvât aussi ignorant du monde qui l'entourait tout en portant les stigmates d'une destinée hors du commun.

"Vous allez droit au but Hruoland, et cela me plaît. Mais avant de vous donner mon nom, j'ai besoin de vérifier certaines choses. Manifestement, vous maîtrisez le hamr, et à un niveau conséquent. Pourtant vous semblez tout ignorer des Éveillés et de la hiérarchie de Nordheim... Comment cela est-il seulement possible ?"

Jusque-là dos au feu, elle s'approcha pour venir prendre la chaise face à lui et le scruter tel une bête curieuse.

"Avez-vous seulement conscience que le seigneur Odin, Père de Toutes Choses, est un dieu majeur des Royaumes du Nord ? Et que, en tant que tel, il est fort occupé. Si bien occupé en vérité qu'il est absent pour le moment et n'a pas cru bon de préciser le moment de son retour."

Elle se laissa reposer contre le dossier de sa chaise et ordonna d'un claquement de doigt à l'armure de reprendre sa forme totémique dans un coin de la pièce. Son sourire se fit plus malicieux, et il commencerait peut-être à comprendre qu'il n'avait pas affaire à la première courtisane venue.

"Vous serez plus à l'aise ainsi. Et d'ici quelques minutes on vous apportera de quoi vous restaurer. Maintenant, Volsung, j'aimerais que vous me parliez de vous. De vos pouvoirs. De la façon dont vous avez acquis cette järnskinn. De ce que vous pensez trouver ici en vous présentant au palais avec des questions directement posées au Voyageur. De ce que vous savez, en bref, des forces qui protègent Nordheim. Je vous donnerai mon nom après avoir comblé vos lacunes sur ces sujets."

Le Volsung écoutait les questions de l'inconnue sans émettre la moindre réaction. Elle voulait savoir des choses auxquelles lui-même ne connaissait pas les réponses. Il la regarda s'approcher, trouvant son visage ravissant à mesure que la distance les séparant s'amenuisait. Elle semblait s'amuser de la situation alors que Hruodland s’impatientait d’obtenir des réponses.

Malgré l’attitude de l'inconnue, il apprenait néanmoins certaines choses importantes. Déjà, elle était capable de ressentir le Hamr et notamment la puissance de Hruodland. Ensuite, elle l'instruit sur Odin et son absence. Le guerrier se dit alors qu'il était venu au palais pour rien. Ses pensées vagabondaient déjà sur comment prendre congés qu'il sentit son armure vibrer.

Comme en réponse au claquement de doigt de la jeune fille, la Järnskinn de Hruodland quitta son corps et se reforma sous sa forme de statue. La réaction du Volsung fut incontrôlée. Il se leva prestement de sa chaise, qui chuta au sol avec fracas, et arma son coup. La vague d’énergie coupa la table en deux et le tranchant de sa dextre s’arrêta au moment de toucher le cou de l'inconnue. L’énergie crépitait autour de sa main, prête à se déchaîner.

- Je me moque de tes questions et de tes cours. Je n'ai de toute manière pas les réponses à la plupart.
Ce que je veux désormais, c'est connaître l’identité de celle qui est capable de me retirer ma Järnskinn en un claquement de doigt !

Ce fut à cet instant que la porte s'ouvrit sur une domestique apportant le repas. Sous l'effet de la surprise devant cette scène incongrue, elle lâcha le plateau qu'elle tenait et partie en courant.

L’interruption parvint à calmer quelques peu le Volsung, qui recula de quelques pas en baissant la main. Il se força à retrouver une certaine courtoisie même si la méfiance prédominait.

- Si je suis ici, c'est pour obtenir les réponses aux questions que vous me posez. Je ne sais rien : ni qui je suis, ni d’où je viens, ni pourquoi je suis ici…

HRP a écrit:Je pars du principe que mon « attaque » ne représente aucun danger pour Hel, d’où sa non réaction.
Si ça te dérange, je modifier

Elle n'avait pas bougé. Pas frémis. Ses traits s'étaient faits dangereux tandis que le poing arrêtait sa course près de son visage, que le fracas de la vaisselle et du plateau sur le sol résonnait dans la pièce.

Débarrassée de la table entre eux, elle se leva avec lenteur, et son hamr divin s'éleva très légèrement, juste assez pour qu'il pût ressentir un instinct primaire, animal, lui murmurer de cesser de contrarier cette personne-là. D'une main, elle le repoussa sur la chaise qu'il avait quittée et saisit son menton d'une poigne étonnamment ferme pour une femme de ce gabarit. Il put dès lors sentir son corps s'affaiblir, tomber dans une torpeur presque mortuaire, tandis qu'elle l'enjambait pour s'asseoir à califourchon sur ses cuisses.
Dans d'autres circonstances, cela aurait pu éveiller un autre instinct, beaucoup plus trivial, mais ce ne fut pas le cas, car la dame changeait. Le blond de ses cheveux pâlissait à vue d’œil, ainsi que sa peau. Son regard se teinta un peu plus de la couleur du sang et se mit à luire. Tout un côté de sa personne perdit en consistance, comme si elle fondait : sa tunique s'affaissa de même que son pantalon, et son visage fut le premier à révéler l'os à nu. Son orbite vide le contemplait de la même manière que sa jumelle vivante. Elle était à la fois éblouissante, et terrifiante, belle et laide, vivante et morte.

"Commencez par baisser d'un ton avec moi, Volsung."

De sa main vivante, elle glissa de sa mâchoire à sa joue, sa voix claire comme les glaces éternelles. Elle remonta jusqu'à son front et tapota doucement entre les deux yeux.

"La plupart des réponses se trouvent ici, j'en suis convaincue. Et si vous ne voulez pas que je les arrache contre votre gré, maîtrisez votre colère. Ne la dirigez pas vers ceux qui veulent vous venir en aide."

La déesse conserva sa position quelques longues secondes afin de bien imprégner la leçon dans chaque cellule de son corps. Lorsque l'expression du guerrier divin eut suffisamment regagné en humilité à son goût, elle daigna se relever, s'éloigner, lui tourner le dos pour aller ramasser la nourriture échappée. En une seconde, l'illusion regagna son être, elle était de nouveau Uskyld, bien vivante, blonde aux yeux bleus, un sourire bienveillant sur le visage. Elle lui ramena une miche de pain à demi-baignée par de la soupe, quelques légumes et un morceau de viande arrachés à leur jus, les déposa dans l'assiette qu'elle lui tendit, faute de table où les poser.

"Bien. Je suis sûre que vous en savez plus que ce que vous pensez. Qui vous êtes ? Vous vous êtes nommé Hruodland, vous savez que votre järnskinn représente quelque chose, et ce qu'être un Volsung signifie. D'où vous venez, même si vous ne savez pas exactement, vous avez fait le chemin indiqué par ce Bud, jusqu'ici. Et pourquoi vous êtes ici... Parce que vous cherchez des réponses, évidemment. Mais mes questions n'étaient pas celles-ci. Alors je vais vous laisser un moment de réflexion. De calme. Cherchez vos réponses au fond de vous-même."

Elle se rassit face à lui sur la chaise, de la même façon qu'auparavant, pendant que son double rejoignait la servante au bout du couloir pour la rassurer, lui indiquer qu'aucune faute ne lui serait imputée, mais qu'il faudrait tout de même venir nettoyer ce qu'elle avait fait.

"Quant à moi, je suis Hel."

Hruodland sentit le Hamr de l'inconnue s’éveiller. Puissant, sombre, cherchant à s'imposer sur le sien. Le Volsung sentit que la personne n’avait rien d’ordinaire, que s'il devait l’affronter il y perdrait des plumes. Il ne connaissait pas grand-chose sur les histoires des Guerriers Divin ou sur ce que certains appelaient Cosmo-énergie et qu'ici se nommait Hamr mais, un instinct au fond de lui, lui indiquait qu'il serait en mesure de se défendre contre à peu près tout. Même l'inconnue avait indiqué que son pouvoir était élevé.

Malgré cette certitude étrange, Hruodland s'abstient de surenchérir et laissa sa main retomber et l’énergie se dissiper. La jeune femme s’approcha et le repoussa sur sa chaise qui avait retrouvé sa position initiale par magie.
La poigne était solide, bien trop pour une telle jeune fille mais ce n’était qu’un détail. Ce qui absorba l’attention du Gardien d'Asgard fut la transformation qu'elle subit.

De jeune beauté nordique, la personne se changea en une sorte de monstre dont une moitié semblait vivante tandis que l’autre n’était qu'un cadavre défraîchi. Hruodland avait maintenant confirmation de l’anormalité de son interlocutrice, bien qu'il n’aurait pas imaginé une telle chose. Elle resta ainsi, assise sur ses genoux, quelques instants. Un temps suffisant pour le menacer de souffrances s'il ne regagnait pas son calme. Un temps suffisant pour de nouveau penser qu'il avait les réponses à ses questions.
Peut-être avait il une connaissance enfouie en lui mais, elle pourrait le menacer ou pire autant qu'elle voulait, il ne pourrait révéler ce que consciemment il ignorait.

Elle finit par se relever et avancer vers la porte. Tout en marchant, Hruodland put observer le phénomène de transformation se reproduire mais en sens inverse. En un instant, il revit la belle silhouette et les ravissants traits de l’inconnue. Son pouvoir était grand et impressionnant. Elle ramassa la nourriture et lui en apporta une partie dans une assiette. Il se saisit du récipient mais ne mangea pas.

Encore une fois, elle insista sur les connaissances qu’elle était persuadée qu’il possédait. Encore une fois, elle faisait erreur, elle tirait des conclusions de simples paroles qu'il avait prononcé.

Puis enfin, elle se présenta.

Elle… Non, Hèl…

Ce nom évoquait quelque chose chez Hruodland sans qu'il ne sache vraiment quoi. Il se souvenait l'avoir lu lors de ses recherches mais il ne s’était guère attardé sur les éléments qui ne correspondaient pas à ses besoins. Peut-être aurait il dû y faire plus attention…

- Vous voyez, ce n’était pas si compliqué de me donner votre nom. Malheureusement, il n’évoque rien pour moi. Comme je vous l'ai dit : je ne sais rien.

Mon nom ? Il m'est venu dans mes rêves. Des rêves de guerres et de morts ou Hruodland était crié.
Cette armure ? J'ignore ce qu'elle représente hormis ce que j'en ai lu dans les livres. J’ai été trouvé inconscient dans la neige. Recueilli par une famille qui m'a apprit être un Volsung et ce que ça signifiait. Vous me parlez de mes pouvoirs… Même eux je les ignore. Je sens qu'ils sont grands mais ce qu'ils sont m'est inconnu.
Une gigantesque créature de feu a attaqué mes sauveurs et mes pouvoirs me sont apparus en la combattant. Durandal… Voilà ce qu'il semble que j'utilise. Je tranche mes adversaires. C'est aussi à ce moment que la Järnskinn est venue me sauver avant de disparaître. C'est de nouveau Bud d'Alcor qui m'a indiqué où la retrouver. Il me dit qu'elle m'ai destinée mais j'en doute.

Il s’arrêta et se leva. Il n’y avait nulle menace dans ses mouvements. Après avoir posé l’assiette sur la chaise, il se dirigea à son tour vers les vestiges de la collation. Par miracle, la carafe et les verres étaient en métal et non en verre. Il saisit un des verres et fut satisfait de constater qu'il restait de l'eau dans la carafe renversée. Il se servit et bu d'un trait tout en se retournant vers Hèl. Il réfléchit un instant avant de reprendre la parole.

- J'ai fais des recherches sur tout ça. Les Järnskinns, ce qu'elles représentent. Ce pays, ces royaumes et surtout sur moi.
Ce simple nom que j'ai glané dans mes cauchemars… Il m'a permis d'en apprendre beaucoup.

Nouvelle pause afin de se donner une contenance. Hruodland avança vers la cheminée et regarda les flammes en tournant le dos à son interlocutrice.

- Apparemment, je suis mort il y a plus de milles ans dans un combat épique.
Mais malgré ce fait, j'aurais massacré des populations entières dans des pays nommés Russie et Japon il y quelques mois.

Comment ? Aucune idée mais il semblerait que vous ne soyez pas le seul monstre dans cette pièce.

Il se retourna et avança à pas rapides vers Hèl. Il se mit à genoux devant elle et fixa son regard.

- Alors, vous pensez toujours que je cache mes connaissances ? Que tout est enfouie dans ma tête ?

Si c’est le cas, faites vous plaisir et libérez tout ça !

"Vous voyez, ce n'était pas si compliqué de me donner une réponse un peu plus développée."

La déesse avait écouté et fait le lien avec la plupart des connaissances qu'elle possédait sur l'époque actuelle, mais elle n'avait vraiment pas pu s'empêcher cette imitation ironique. Il avait beau plaider qu'il ne savait rien, au contraire elle notait tout un tas de détails qu'une personne réellement ignorante serait incapable de donner. Le simple fait qu'il ait pu s'identifier à ce héros tombé, à ces faits d'armes, à cette technique, "Durandal", prouvait que son corps et son esprit se souvenaient, même si sa tête refusait d'accéder à ces connaissances.

Elle le regarda tourner dans la pièce, boire, se réchauffer, puis s'incliner devant elle. A ce moment, une expression mécontente ornait ses traits et elle le scruta d'un air sévère.

"Je ne suis pas un monstre, mais une déesse. Votre irrespect frise le blasphème !"

Néanmoins, il fallait faire preuve de patience, arrondir les angles. La déesse inspira profondément puis soupira.

"Tout d'abord je n'ai pas dit que vous cachiez tout cela à dessein, mais bel et bien que votre esprit le sait. L'amnésie partielle que je constate à travers vos dires a forcément été causée par quelque chose de puissant, de traumatisant, ou même les deux à la fois. Ce quelque chose vous empêche de vous souvenir par vous-même, mais l'essentiel est bien en vous, quelque part. Je pourrais tout libérer en ayant recours à des illusions dans votre esprit, mais cela vous détruirait sans doute. On ne règle pas les problèmes de mémoire de manière si crue."

Hel l'invita d'un signe de la main à se relever, tandis qu'elle demeurait sur sa chaise tranquillement. Un regard vers la järskinn lui fit songer que peut-être une partie de son vécu avait été partagé, et cette partie serait la plus facile à retrouver et à dévoiler. Du menton, elle désigna l'assiette en attente sur la chaise face à elle.

"Mangez pendant que c'est encore chaud. Les maigres ressources d'Asgard ne doivent pas être gaspillées pour des caprices."

Tout en continuant de parler, elle s'empara d'une moitié de la table brisée en deux et sépara à mains nues les pieds du plateau, puis brisa le plateau en morceaux plus petits afin de pouvoir jeter le tout dans la cheminée petit à petit. Elle fit de même avec l'autre moitié de table.

"Ce que je peux pour vous dire dès maintenant en revanche ne va pas vous plaire, mais autant commencer par le début. Je sens la présence de la mort autour de vous. Et je sais de quoi je parle, puisque je suis la déesse de la mort paisible et que je règne sur le monde funèbre qui porte mon nom. Pour moi, c'est presque comme une odeur cosmique. Vous êtes auréolé par la mort, violente, sanglante. Et je ne parle pas uniquement des massacres récents que vous décrivez. Quelque chose de beaucoup plus ancien et durable. Une sorte de... hum... malédiction ?"

La déesse haussa les épaules avec nonchalance. Avoir affaire à une pourriture qui avait hérité d'une malédiction ne la gênait pas, tant que l'homme répondait aux ordres et servait Asgard. Et justement s'il était aussi fort qu'il le prétendait, elle avait une tâche à lui confier pas plus tard que... tout de suite !

"J'ai une proposition à vous faire, Hruodland d'Asgard, Gardien d'Yggdrasil. Je peux vous aider à retrouver peu à peu la mémoire, soit en cherchant pour vous, avec des moyens beaucoup plus importants que ceux dont vous disposez en terme d'informations, soit en explorant votre esprit à petites doses pour y dévoiler des souvenirs, des émotions, l'influence de la personne qui vous a maudit. En échange, je veux de vous un serment d'allégeance à Nordheim, et que vous mettiez votre force à notre disposition. Sachez également que le port de cette järskinn est soumis à cette condition. Les järskinns appartiennent à Odin et au panthéon nordique -dont je fais également partie. Qu'en pensez-vous ?"

Une Déesse ? Ainsi, en réalité cette Hèl était une Déesse. Maintenant qu’il le savait, Hruodland se rappelait avoir lu une chose sur ça. Hèl, Déesse de Helheim : le monde des morts Nordique. Cela expliquait grandement les capacités qu’elle possédait et rassurait dans un sens l’honneur du guerrier.

Il écouta à son tour les paroles de son interlocutrice. Elle semblait être certaine de pouvoir l’aider à retrouver sa mémoire. Malgré le danger contre lequel elle le mettait en garde à le faire soudainement, il était grandement tenté d’en finir de cette situation. Avoir enfin les réponses sur qui il était, comprendre… C’était plus que tentant mais s’il ne pouvait rien faire de ce savoir ensuite, le risque était effectivement trop grand.

La Déesse l’invita de nouveau à manger, lui rappelant la situation précaire de Nordheim. Il avait vu de ses yeux que la nourriture était rare, la pauvreté de la région était forte et il pouvait facilement imaginer qu’Asgard était dans le même état. Il se rassit donc sur la chaise en saisissant son assiette et se mit à manger doucement. Il regarda Hèl mettre au feu la table qu’il avait brisé en silence, attendant la suite de la discussion. Depuis qu’il avait été trouvé dans la neige, il avait vraiment l’impression de se laisser porter par les évènements et il devait avouer ne pas aimer ça du tout. Peut-être une réminiscence de son passé.

Une fois sa tâche achevée, Hèl reprit la parole. Elle l’informa sentir la mort autour de lui. Ses paroles rappelaient à Hruodland les cauchemars qu’il faisait sans ses. Les combats, la guerre, les morts… Tout cela occupait toutes ses nuits. Par contre, la malédiction dont elle lui faisait part lui était inconnue et il convenait qu’il aurait besoin de son aide pour comprendre la chose. La proposition qu’elle lui fit semblait honnête, depuis son arrivé au sein des royaumes, toute le monde semblait croire qu’il était destiné à être un Guerrier Divin. Bud n’avait cessé de lui dire que c’était son avenir. Il n’eut donc pas longtemps avant de se décider.

- Si vous pouvez réellement m’aider à retrouver mes souvenirs, je suis prêt à vous aider. Cette Jarnskinn semble m’avoir choisi et ce, quelque soit ma volonté à son sujet.
Je suis donc prêt à prêter serment d’allégeance à ce royaume mais à une condition : je vous laisse une année pour me rendre ma vie passée. Au-delà de cette année et en fonction de ce que je retrouverais, mon serment pourra être rompu.

Le Volsüng avait conscience que négocier avec une Déesse pouvait s’avérer dangereux mais il désirait pouvoir conserver quelques cartes en main.

"Tsss, quelle arrogance."

Elle se tourna de trois quarts, son flanc gauche exposé au feu tandis qu'elle le scrutait. Un lent sourire vint étirer sa bouche, curieux, empli de quelque chose qui ressemblait à du défi. Il avait du culot ce mortel. Beaucoup de culot. Mais si le nord voulait sortir de son isolement, cela servirait peut-être.

"Pas votre vie. Votre mémoire. Il est des décisions irréversibles dans la vie des mortels que les dieux ne peuvent changer sans profondément altérer une existence... et donc ce n'est plus le passé. Pour le reste, à votre guise. Dans une année l'accord sera le même : plus de serment, plus de järskinn. Et vous verrez à quel point cela vous manquera. En vérité j'ai presque envie d'en arriver là pour voir ce que vous ferez quand vous n'aurez plus d'objectif."

D'un geste sûr et rapide, la déesse traça dans l'air comme des lignes invisibles, qui prirent la forme de runes lumineuses, lesquelles formèrent un ruban dont un pan vint s'enrouler autour de son poignet. De nouveau elle se porta près du guerrier divin et tendit cette même main vers lui.

"Les serments ne doivent pas être prononcés à la légère. Si vous rompez votre parole avant le terme de cette année, votre âme m'appartiendra, que vous soyez mort les armes à la main ou non. Vous êtes maître de votre fin, Hruodland."

Le marché semblait conclu même, si le prix à payer semblait assez lourd en cas de rupture. Bien qu'il ne sache rien de son passé, Hruodland aimait croire être un homme d'honneur. Il pouvait donc certifier sans mal, qu'il respecterait son engagement.

- Nous verrons cela dans un an, oui.

Le Volsung tendit sa main pour saisir celle de la Déesse. Aussitôt, son poignet se vit enserré au sein du ruban lumineux qu'Hèl avait créé.

- Si la mort ne m'emporte pas, je tiendrais parole. Je servirais le nord le temps imparti, je vous en donne ma parole sur mon honneur. Si jamais, je rompais ma parole d'une manière ou d’une autre, je vous appartiendrais dans la vie comme dans la mort. Vous pourrez faire de mon âme ce que bon vous semble.

Hruodland n’aurait jamais pensé en arrivé là lorsqu’il avait quitté la ferme de Bjorn pour en découvrir plus sur lui. Lui qui n'avait aucun but, acceptait désormais de servir un Royaume dont il ignorait tout et négociait son âme pour découvrir son passé. Les choses étaient étranges.

- Quelle sera ma première mission ?

"Si la mort vous emporte, nous trouverons un moyen de la rendre utile, soyez rassuré."

Sans douleur, sans souffle, sans rien d'autre qu'une légère lumière, les runes se lièrent à chacune des mains serrées, puis semblèrent s'imprégner à même la peau des deux pactisants et disparaître dans la chair. Ainsi la déesse avait-elle la garantie de retirer quelque chose de bénéfique de cet homme, que ce fût pour son armée défunte ou pour Odin et Asgard.

Elle hocha la tête pour elle-même et le laissa poursuivre son repas tranquillement tandis qu'elle reprenait place près du feu et y exposait sa chair vivante. Non pas qu'elle avait froid, mais elle aimait bien cette sensation.

"Impatient ? Parfait, car j'ai justement un hors d’œuvre qui devrait être à la mesure de la puissance que vous pensez posséder. J'espère que vous aimez le sable cela dit."

D'un geste habile, elle sortit la pièce d'Hypnos d'une poche et la lança en l'air avant de la rattraper entre deux doigts et la montrer bien en évidence au guerrier divin.

"Il y a actuellement un phénomène inhabituel qui empêche les âmes des Nordhiens de rejoindre le monde des morts qui leur est réservé : le Walhalla d'Odin, le Folkvangr de Freyja, ou mon Helheim. Cela constitue un problème car notre souveraineté ne saurait être remise en cause par qui que ce soit sans subir notre courroux. Fort heureusement, une délégation étrangère s'est récemment présentée aux portes d'Asgard avec pour proposition la coopération de nos forces militaires en échange d'informations. Cette délégation appartenait aux Spectres, les Grecs affiliés aux Enfers du sud, et était envoyée par le Sommeil, Hypnos, dont cette pièce est un emblème authentique. Cela nous apprend au passage que le "drain d'âme" n'est pas exclusif à Nordheims, mais aussi aux autres panthéons. Vous allez donc vous rendre en Egypte, où a été localisée la source, une pyramide protégée par une sorte de dôme géant où dort, pour le moment, le dieu des morts égyptien Anubis, en attendant d'avoir volé suffisamment d'âmes pour se régénérer."

Elle lui lança la pièce, jaugeant du même coup ses réflexes de précision.

"Vous avez pour consignes de coopérer avec une Spectre du nom d'Oblivion, qui reconnaîtra normalement cette pièce et aura la même instruction."

Reprenant les termes d'Andréa et Xing Huo, la déesse lui brossa un rapide portrait de l'envoyée des Enfers, afin que le duo pût se reconnaître comme il était prévu.

"Lorsque vous passerez notre frontière, vous recevrez un téléphone pour nous communiquer vos avancées et nous contacter si besoin avec les coordonnées nécessaires. Oh, et ne mentionnez pas Hel. Officiellement vous agissez au nom d'Odin, et la diplomate ayant reçu les Spectres est Amelia. Ma précédente incarnation ayant provoqué quelques désastres, pour le moment seuls le palais et les guerriers divins savent qui je suis réellement, ceci afin d'éviter une guerre civile et une vague de panique. Jouez la même partition à l'étranger."

Un instant, "Uskyld" détourna le regard dans le vide, pensive. Il y avait beaucoup à penser depuis qu'Odin était parti on ne savait ni où, ni pour combien de temps, sans doute accomplir l'un de ses innombrables voyages. Si elle devait prendre les rênes en son absence, autant le faire en douceur, mais cela nécessitait du doigté, de la franchise à doses mesurées et des actes forts.

"Des questions ?"

Hruodland attrapa la pièce en un mouvement rapide. Il l'examina un instant en réfléchissant aux termes employés par Hèl et qu'il ne connaissait pas. Au delà des lieux ou noms nordique avec lesquels il commençait à se familiariser, Egypte… Anubis… Pyramide… Tous cela était très vague pour lui. Il avait lu certaines allusions à cela durant ses recherches mais c’était très léger.

Tout à ses réflexions, il nota les informations sur la personne qu'il devait trouver en Egypte pour mener à bien sa mission mais, lorsque la Déesse lui donna les consignes supplémentaires sur les communications, il dut s'avouer perdu.

- Un téléphone ? De quoi s'agit-il ?

II écouta les courtes explications sur cette technologie en espérant ne pas en avoir utilité.

- Très bien. Donc je vais en Egypte, je trouve une Spectre du nom d'Oblivion, détruis Anubis et résous le soucis du transfert d’âmes.
A aucun moment je ne mentionne votre nom, seul Odin doit être connu.

Le Volsung s’approcha de sa Jarnskínn et y apposa la main. Comme précédemment, la statut sembla exploser pour venir recouvrir son corps. Il pouvait se mettre en route.

Hel eut un bref temps d'arrêt. Malgré quelques décennies de sommeil, elle semblait plus au courant de l'actualité que cet homme. Et puis elle se rappela que l'amnésie pouvait aussi altérer ce type de connaissances... Il passerait certainement pour un idiot fini, mais elle pouvait limiter les dégâts maintenant qu'elle savait.

"Pour faire simple, c'est un moyen de communication qui permet de se parler même à de très longues distances et de façon instantanée. On va vous remettre une sorte de petite boîte qui envoie des images et des sons. Demandez une démonstration avant de partir. Et éviter de lui infliger le même sort que cette table."

Un signe de tête en direction de la cheminée où le feu crépitait joyeusement après l'apport de bois.

Tandis que le guerrier divin revêtait sa protection une nouvelle fois, elle espéra que les employés de la frontière seraient suffisamment pédagogues pour combler la lacune technologique qui lui faisait défaut sans que le matériel en fît les frais. Il y avait déjà suffisamment à faire pour remettre Nordheims sur les rails question nourriture et ouverture sur le monde. Il lui fallait trouver comment convaincre son peuple d'évoluer avant qu'il soit trop tard. Mais une chose à la fois.

"Anubis étant tout de même un dieu, je vous exhorte à la prudence. Si vous n'êtes pas en mesure de le détruire, ce qui serait probable, trouvez simplement un moyen de le sceller. Et pour longtemps."

Les explications terminées, Hel le salua d'un signe de tête avant d'emprunter la sortie.