Venant de Elysion

La réflexion atteint parfois de tels sommets qu'elle en devient parfaitement inefficace. A quoi bon retourner une idée des heures et des heures durant, si c'est pour revenir au même point systématiquement. C'est un peu la conclusion qui lui vient à l'esprit alors que ses prunelles violines se rouvrent sur le ciel paradisiaque d'Elysion.
Hadès ne s'éveillera pas avant un bon moment, cela est un fait dont elle est bien l'unique en enfers à ne pas douter. Retourner cette sempiternelle pensée ne changera en rien qu'elle se renouvelle jour après jour. Autant la laisser sur le bas côté quelques temps.

Pénétrant dans l'antre de la superbe prêtresse de son époux, Perséphone marche lentement, d'un pas presque traînant, alors que son esprit semble encore profondément bercé par la douceur d'Elysion.
Il y a fort longtemps qu'elle n'est pas venue dans ce sinistre château. A vrai dire elle aurait sans doute des difficultés à se remémorer le moment précis, pour peu qu'elle en ait l'envie, ce qui n'est pas vraiment le cas. Alors pourquoi délaisser la belle Elysion pour la triste réalité humaine ? Un pressentiment. Ni plus ni moins.
Chacun sait que les pressentiments divins sont des éléments qu'il serait plutôt inapproprié d'ignorer, de quelque divinité qu'ils viennent d'ailleurs.

Les spectres et gardes attachés à la sécurité de la gérante des armées de son époux ploient tous le genoux en terre à son passage. La fille de Zeus leur adresse un bref et morne sourire, même si elle prend cependant le temps de dévisager chacun d'entre eux.
Arrivée devant les larges portes de la salle dans laquelle Pandore aime à se reclure, il ne vient évidemment à l'idée de personne de faire obstacle à la divine. Les portes s'ouvrent donc largement d'elles mêmes. Son pas est si aérien que seul le léger froissement de tissu de sa longue robe semble trahir sa présence.

Pourquoi es-tu aussi agitée, Pandore

Les prunelles brillantes balayent la salle d'un regard assez plat, à l'imagine de l'expression souvent assez morne qui se dégage de la divinité, alors qu'elle adresse un bref sourire à Naga et Pandore. Ses iris d'améthyste se posent sur la prêtresse qu'elle dévisage avec attention, bien qu'il soit difficile d'attribuer un quelconque sentiment vraiment définissable à son regard.
Pandore n'est pas entité à s'énerver pour rien. On dirait presque qu'elle entre doucement dans les bras d'une panique certaine. Pourquoi...

Les prunelles de Perséphone dérivent doucement vers l'homme qui se tient à quelques pas d'elle. Il est l'un des rares humains à avoir pu effleurer l'état divin de la pulpe des doigts. Un homme étrange, particulier, presque hors du commun si on le compare à ses pairs. Bien au-delà du simple être humain, il a réussi à se hisser là où peu des siens l'ont pu ces derniers millénaires.
Il est certain que cela ne doit pas être du goût de tout le monde. Les dieux n'acceptent que très peu qu'un simple humain puisse accéder à un tel degré d'évolution. Mais pour ce qui est de Perséphone... cela n'a pas le moindre intérêt.

La dame noire la salue avec une certaine déférence, mais les mots qu'elle lui adresse étirent brièvement les lèvres divines en un léger sourire.

Je serais curieuse de savoir ce qui peut te faire penser une telle chose, Pandore.
Mais il semblerait que le moment ne soit pas adéquat. Nous en reparlerons prochainement, sois en certaine.

Le sourire de la divine ne tarde pas à s'effacer, laissant son implacable masque de désintéressement se dessine une fois encore sur son visage, alors que ses iris se détachent de la représentante des Enfers pour se poser de nouveau sur Naga qui reprend la parole.

Perséphone ne sourcille pas un instant alors qu'il entreprend de narrer la sourde menace qui les guette. A en juger par l'inquiétude palpable qui règne dans cette pièce, il semblerait que le Sanctuaire de sa jeune soeur et leur propre domaine soient les premiers sur la liste de ces divinités nouvellement éveillées. Que le réveil d'Hadès lui paraisse être la seule issue pour les sauvegarder de ce péril arbore les traits d'une terrible ironie à cet instant.

Les divinités indoues risquaient de leur poser problème, cela est malheureusement certain. Car si Hadès et Thanatos règnent en maîtres incontestés sur le royaume des morts, la vie des uns et des autres n'étant qu'un jeu entre leurs doigts agiles, il est cependant évident que le panthéon indouiste possède de très nombreuses cartes leur permettant de provoquer bien des dégâts en terre des hommes. Des dégâts qui se répercuteraient forcément sur le royaume des enfers. La disparition de quelques spectres n'est pas un problème en soi, même si cela affaiblirait effectivement leur royaume.

L'expression toujours aussi placide, les Ténèbres dévisagent Pandore avec attention durant de longues secondes, avant que sa voix douce ne brise le silence courtement instauré.

Le sommeil de sa Majesté est ainsi car elle l'a elle-même désiré Pandore.
Les intentions de mon époux étaient claires lorsqu'il m'a demandé de l'aider à plonger dans le repos dont il avait tant besoin. Il ne souhaite en être tiré sous aucun prétexte pour l'heure.
Je suppose que tu peux comprendre cela et que tu n'oserais t'élever contre la volonté de mon époux...

Une menace ? Non... car quiconque connait la Reine, ce qui est le cas des deux entités ici présentes, sait que la divine n'est portée ni sur les menaces, ni sur la verve. On pourrait simplement la qualifier de divinité à l'autorité naturelle, même si elle n'en use que très rarement.

Cependant... j'entends et partage votre inquiétude à tous les deux.
Le réveil de ces entités n'est pas une bonne nouvelle et il va nous falloir agir sans attendre.

A ces mots Perséphone tourne les talons dans un mouvement aérien, sa longue robe de jais se soulevant délicatement du sol dans un léger bruit de tissu froissé.
La reine ne poursuit cependant pas son mouvement, son regard déviant vers la large fenêtre toute proche. Ses prunelles assistent à ce spectacle de lumière qui arbore peu à peu les couleurs de l'apocalypse sans qu'aucun sentiment particulier n'illumine son visage. En des millénaires d'existence, depuis les milliers d'années qu'elle se trouve auprès d'Hadès, combien de fois ce triste spectacle s'est-il répété, encore et encore...

Il semblerait que nous n'ayons déjà que trop attendu...
Naga, réponds à la question de Pandore et donnes-moi toutes les informations dont tu disposes, si tant est que tu aies autre chose à nous apprendre.
Je vais voir ce que je peux faire concernant cet épineux problème...

Le ton traînant, presque lassé, qui s'extirpe de sa poitrine à cet instant, en dit long sur la façon dont la Reine envisage cette situation. Elle semble l'ennuyer, voire presque la contrarier, même si ce dernier sentiment reste difficile à affirmer.

Que la délicate et dangereuse prêtresse ne s'élève pas contre la volonté divine de son époux n'est guère surprenant. Ça n'est d'ailleurs pas par hasard que l'épouse infernale avait prononcé ces mots, dans cet ordre, dans ce contexte et avec le ton qui leur sciait parfaitement à cet instant.
Depuis des siècles... de très nombreux siècles... elle observait cette dame noire au coeur entièrement tourné vers Hadès. Elle la connaissait sans doute bien mieux que la belle brune au regard sombre ne pouvait l'imaginer. En cela, si sa dévotion envers le Sombre Monarque n'était un secret pour personne, le Printemps, encore plus que n'importe qui, savait à quel point Pandore ferait tout pour contenter son époux. Cela était l'un de ses points forts, mais aussi son plus grand point faible.

Le regard violine de la divinité ne se détache pas de la fenêtre alors que le sage se met en devoir de broder la situation d'énigmes et de phrases au sens plus ou moins nébuleux. Bien qu'il n'en paraisse rien, Perséphone fixant avec platitude la scène qui se déroule en contrebas, la Reine écoute ses mots avec une grande attention. Kali... quelle mauvaise idée a eu cette entité de se réveiller aujourd'hui, venant mettre à mal tout ce qu'elle avait tenté de préserver ces dernières décennies. C'était bien ce point là qui la contrariait, plus que le danger potentiel que chacun courait dans cette aventure.

Quel affligeant spectacle...

La morne voix mais pourtant si douce de Perséphone s'élève dans un murmure alors qu'elle consent enfin à délaisser la navrante pièce qui se déroulait jusqu'à lors sous ses prunelles.
Dérivant de la transparence des vitres vers Naga, Perséphone le dévisage d'un air aussi plat que celui qu'elle arbore en quasi permanence. Un soulagement pour les spectres... croit-il vraiment en ses propres mots, ou cela n'est-il qu'une fausse politesse. Peu importe.

Les évènements semblent s'accélérer au pied du château devenu scène de tourmente des caprices de Kali. Vociférant, appelant Eaque et Mohana, la divinité semble aussi folle que colérique, laissant s'abattre le feu et le sang sur le domaine de la prêtresse.
Plusieurs spectres s'interposent, dont deux juges, rien que cela... mais cela sera-t-il suffisant...? Rien n'est moins sûr. Au moins Eaque aura-t-il fait preuve d'un esprit chevaleresque peu commun en évitant de faire attendre une dame en colère...

Kali est une divinité du panthéon indouiste. C'est une déesse à laquelle on prête les attributs de création mais aussi de destruction... La destruction baigne tout ce qui l'entoure et il semble qu'elle ne puisse envisager la rédemption qu'en détruisant par le feu, comme tu peux t'en rendre compte...
C'est une entité sauvage, violente, colérique, là encore tu peux t'en rendre compte par toi même...
Il est dit que son époux, Shiva, est son exact opposé. Elle est le noir, il est le blanc, elle est la férocité, il est la lumière...

La reine s'adresse à Pandore d'une voix douce, comme si elle lui contait quelque récit fantastique qui ne trouvait pas sa réalité juste sous leurs yeux. Ses prunelles dérivent lentement vers l'arc dont la belle a tant de mal à se détacher. L'observant dans un premier temps d'un regard circonspect, Perséphone finit néanmoins par l'abandonner pour reposer les yeux sur la prêtresse.

Quant à cet arc...

A peine a-t-elle prononcé ces mots que les portes de la salle s'ouvrent pour laisser passer une jeune femme, interrompant Perséphone qui ne termine pas sa phrase. La divine la dévisage d'un regard attentif lorsqu'elle la salue. Les vêtements dont elle est affublée raviront certainement Kali au plus haut point, pense-t-elle en extirpant un soupir.

Perséphone n'adresse pas le moindre mot à ce spectre nouvellement arrivé, ses lèvres s'étirant brièvement en un pâle sourire lorsque la créature propose qu'elles s'échappent au plus vite de ce funeste théâtre. Pauvre petite... pense-t-elle alors que ses prunelles dérivent vers Pandore dont la mine contrariée ne tarde guère à se matérialiser sur son pâle visage. Mohana n'a-t-elle donc pas conscience de la bêtise des mots qu'elle vient de prononcer...
Laissant Pandore gérer cette situation comme elle sait si bien le faire, ses réponses tranchantes ayant au moins le mérite d'amuser la divine l'espace d'un instant, c'est un regard d'une froideur presque palpable dont elle affuble la représentante lorsqu'elle s'adresse à elle.

Ma chère Pandore...
Il me semble avoir dit que j'allais m'occuper d'arranger la situation qui te préoccupe. Aussi colérique qu'elle soit, Kali ne peut rien contre moi. Il en est tout autre de toi mon enfant. Et je n'ai certes pas l'intention de laisser mourir la prêtresse si chère aux yeux de mon époux alors qu'il est plongé dans un repos qu'il n'a que trop mérité.

Sa voix reste égale, douce et aimable, mais il est certain qu'elle ne saurait souffrir d'aucune réplique négative. Après... à savoir si Kali ne pourrait réellement rien contre elle, c'est une autre histoire. Mais le principal est que Pandore le pense.
Détournant les yeux de Pandore pour les poser brièvement sur Mohana, Perséphone fait quelques pas vers la fenêtre, jetant un bref coup d'oeil vers le véritable carnage qu'est en train de perpétrer la rageuse divinité.
Un profond soupir s'extirpe de la poitrine divine qui ferme brièvement les yeux. Elle n'a plus le choix, il va lui falloir aller trouver sa jeune soeur au plus vite sans quoi les enfers et le monde risquent fort d'être complètement démantibulés par cette folle furieuse.

Pandore, je te laisse gérer tout ceci. Prends les décisions que tu estimeras les plus justes pour les enfers et notre armée. Inutile de compter sur l'aide des dieux jumeaux, il semblerait qu'Hypnos ait bien mieux à faire pour l'heure, quant à Thanatos...

Les Ténèbres laissent brièvement leur phrase en suspend, le timbre de voix devenant soudainement d'une froideur sans nom. Il est certain que si les fils de Nyx n'interviennent à aucun moment, la Reine va avoir une sérieuse discussion qui ne sera sans doute pas pour leur plaire. Car de leur intervention dépend qu'elle ait besoin d'agir ou non. Et vu la façon dont les évènements s'enchainent, il est de plus en plus probable qu'elle ait à le faire. Cela risque de la mettre de bien méchante humeur...

Ne quittez Pandore sous aucun prétexte.
Souffrez mille morts si cela peut la contenter et n'autorisez personne à l'approcher sans le payer de son existence.
Suis-je assez claire ?

Deux ombres se matérialisèrent à la droite et à la gauche de Pandore lorsque la divine achève ses mots. Opinant du chef sans mot dire, il est difficile de cerner leur nature exacte. Spectres, ombres... peut être un peu des deux, à moins que cela ne soit autre chose...
Le toit se met soudainement à trembler comme si la foudre de Zeus lui-même venait de le percuter. Perséphone jette de nouveau un bref regard vers l'extérieur, constatant dans un soupir que les choses sont vraiment bien loin de s'arranger pour les enfers...

Les prunelles de la Divine se replongent dans la vision apocalyptique de l'extérieur alors que la jeune danseuse tente de rattraper ses mots auprès de Pandore. Un pâle sourire se dessine sur ses lèvres alors qu'elle observe le spectre du Bénou. Leur rencontre figurait parmi les rares souvenirs amusants de ces dernières semaines, Staz étant pourvu d'un caractère pour le moins en dehors du carcan des spectres de base. Lui non plus, ne ménage pas sa peine. Or si Perséphone n'est pas vraiment enclin à éprouver de la compassion pour une armée qu'elle estime plus être celle de son époux que la sienne, leurs ardeurs à combattre Kali avec acharnement semblent trouver un écho en son coeur. Eaque, Minos, Staz, tentent tant bien que mal de stopper la rageuse avancée de la divinité Hindou et de les voir ainsi malmenés de la sorte commence sérieusement à lui échauffer les oreilles.
Qu'imagine cette Kali... pouvoir débarquer inopinément en enfers et faire ce que bon lui semble...? Cela ne saurait se passer ainsi.

Elle n'adresse pas un regard à la jeune Mohana lorsque celle-ci prend congé et s'extirpe de la salle d'audience de la Dame Noire. Ce n'est que lorsque Pandore laisse de nouveau entendre sa voix que la Divine consent enfin à relâcher le triste spectacle qui ne cesse d'enflammer l'extérieur.
Posant les yeux sur la brune à l'ample robe de ténèbres, Coré la dévisage longuement avant de répondre à sa question teintée d'inquiétude. Oui elle va devoir agir. Réveiller Hadès... est sans doute la seule option. Mais pour cela...

Je ferai ce que j'ai à faire Pandore.
Je t'accorde que cela n'éclaire pas plus la sombre nuit dans laquelle tu es plongée, mais tu n'as pas besoin d'en savoir plus pour le moment.

Cache-t-elle le fond de ses pensées à la prêtresse ? Evidemment. Pandore plus que quiconque n'a nul besoin d'en savoir trop. Qu'elle se contente de protéger le royaume comme elle sait si bien le faire. Face aux évènements qui les frappent, cela sera déjà amplement suffisant.

Un terrible choc agite alors le château qui vacille comme une pauvre construction de bois malmenée par le vent. Kali vient de pénétrer dans le domaine de Pandore et c'est désormais un cratère béant qui annonce l'entrée de la colérique divinité dans leurs murs. Un bref rictus de contrariété se distingue sur le visage diaphane de la déesse alors qu'elle extirpe un léger soupir. Pourquoi faut-il que les choses tournent ainsi... Car en dehors du simple principe de mettre l'entrée du royaume des enfers à feu et à sang, Kali est en train de mettre tous ses plans sans dessus dessous.

Des recommandations... pas la moindre. Tu gères les armées de sa majesté bien mieux que je n'en serais moi-même capable Pandore. Le seul conseil que je puis te prodiguer c'est de prendre garde à ta vie. Je te l'ai déjà dit... Hadès serait fort contrarié de savoir qu'il te serait arrivé quelque chose pendant son sommeil. Tachons de lui éviter ce tourment.

La reine se détourne de Pandore dans un mouvement aérien, s'apprêtant visiblement à quitter les lieux alors que la continuité de son geste semble indiquer un tout autre objectif. La paume de la Divine se pose délicatement contre un pan de mur dont la pierre s'effrite de plus en plus sous les assauts guerriers de cette folle venue d'ailleurs. Lorsque sa peau se presse contre la pierre, le cosmos de Perséphone se dégage doucement autour d'elle, enveloppant la pièce, se distillant dans chaque recoin que compte le château de Pandore, s'insinuant au plus profond de la pierre meurtrie. Le Château de Pandore se pare d'une douce lueur violine alors que l'énergie divine achève doucement son oeuvre.
Lorsque sa main se détache du mur et que son aura s'amenuise doucement jusqu'à disparaitre, c'est une nouvelle jeunesse que la bâtisse malmenée se voit désormais offrir.

Cela devrait être suffisant jusqu'à ce que tu trouves une solution pour défaire cette impétueuse divinité.

A peine a-t-elle prononcé ces mots que la silhouette de l'épouse d'Hadès s'opacifie lentement alors que le Juge du Griffon fait son entrée dans la pièce. Lorsque les épaisses portes de la salle se sont refermées derrière lui, la présence de Perséphone ne revêt plus d'autre aspect que celui d'un bref songe effacé.

-> Ailleurs