Au pied des marches le chevalier d’Or des Gémeaux, regardait l’adresse que lui avait laissé Elvira. Cinq jours, dans cinq jours elle sera morte, Gareth augmenta la pression cosmique entre ses doigts et laissa le papier se consumer. Le chevalier d’or était un pragmatique, mieux valait sacrifier Nephtys que d’aider leur tortionnaire rencontrer les divinités hindoues. Le visage d’Elvira encore à l’esprit, le chevalier d’or jura de venger Nephtys dès qu’il le pourrait. Il remisa cette douloureuse situation dans un recoin de son esprit. En compartimentant ses sentiments le chevalier parvenait à conserver la maitrise de ses sentiments sans perdre de vu l’objectif prioritaire.

Il commença à gravir lentement les marches qui le séparaient du dernier temple. Il portait son armure mais pas son casque, il n’avait pas l’esprit à dissimuler son visage… L’armure gardait les stigmates de son affrontement dans le désert avec la femme chauve : fissures, morceaux éclatés… Quant à lui ? Il n’avait pas pris la peine de se soigner, ses cheveux et sa barbe étaient un savant mélange entre pilosité, sang et sable.

S’appuyant sur sa canne, le chevalier d’or parvint aux dernières marches, il avança encore un peu et s’adossa contre un pilier, épuisé par l’effort qu’il venait d’accomplir. Après avoir repris son souffle le chevalier tenta de discerner l’intérieur du temple, il lui semblait vide. Le chevalier intensifia ce qu’il lui restait de cosmos signaler sa présence à l’éventuel gardien des lieux.

Le visage de Nephtys ensanglanté lui revint une nouvelle fois en tête… Difficilement il parvint à ignorer les supplices de la jeune femme. Avait-il fait le bon choix ? Devait-il s’en retourner pour la sauver ? Et puis il ne se souvenait plus de l’endroit, Elvira devait y avoir veillé et dans cet état il serait bien incapable de réaliser la moindre prouesse. Pour l’heure il devait atteindre le temple du Pope, réunir le Chrusos et transmettre d’importantes nouvelles.

Je crois pouvoir dire que Gareth n’avait jamais rencontré son homologue du douzième temple. Si les Gémeaux entretiennent la culture du secret, du mystère le tout avec un sens aigüe de la mise en scène, les poissons jouaient sur un répertoire au-dessus. De folles rumeurs courraient sur les raisons de leur isolement, Gareth n’en considérait aucune pour la simple et bonne raison qu’il s’en fichait.

La gardienne du lieu vint à sa rencontre, sa vision troublée fit qu’il eut du mal à discerner ses traits elle paraissait séduisante, délicate et charmeuse, à moins que ce ne soit l’odeur de rose qui se dégageait des lieux ? Le chevalier d’or des Gémeaux se laissa guider à l’intérieur du temple, la décoration était plus soignée que la sienne, une touche féminine, discrète, imprégnait l’endroit. Elle l’aida à s’allonger sur un fauteuil… Il réprima une grimace de douleur.

-« Attendez ! Si je suis venu ici c’est pour vous demander de… »

Elle s’affairait déjà ailleurs. Gareth essaya de se relever mais une douleur lancinante le cloua sur le fauteuil. L’armure d’or semblait lourde, peut-être le poids de ses péchés, certaines armures se refusent après coup à leur porteur ? Non il se refusait à cette hypothèse, les séquelles du combat étaient tout simplement plus grave qu’il ne l’imaginait. Doucement il appuya sa main droite sur le plastron des Gémeaux. L’armure d’or reprit sa forme originelle et Gareth se sentait un peu moins étouffé. Sous l’armure il portait un jeans et une chemise de lin couverts de sang…

-« Je dois partir d’ici je n’ai pas le temps pour ça… » Il entreprit une nouvelle fois de se relever, mais cette fois-ci c’est son abdomen qui l’en empêcha. « Putain elle m’a pas loupé l’autre tarée… Je me suis fait avoir comme un bleu… ».

Il pencha son visage en direction de la pièce ou s’était rendu la jeune femme. Il fallait d’abord lui parler, pour organiser le Chrusos Sunagein Calissa devait lever le confinement autours du dernier temple. Autant attendre sagement qu’elle revienne, il tacherait de la convaincre de laisser son état de côté pour le moment. Sa tête reposée sur le fauteuil, Gareth se demanda quel genre de femme était Calissa, il ne l’avait qu’aperçu, finalement il se prit aux mystères des lieux et tourna son regard vers un rosier.

Il quitta des yeux le rosier lorsqu’il entendit un bruit sourd provenant de l’autre pièce. Il semblerait que sa collègue ait fait tomber un objet, maladresse ? Un trait qu’il a toujours apprécié chez les femmes. Elle vint le rejoindre plutôt rapidement les bras chargés de produits médicinaux. Enfin il pouvait se concentrer sur les traits de la jeune femme…  On l’avait pourtant prévenu, chaque lignée du sanctuaire possède une légende, celle des poissons était considérée pour sa beauté et Calissa ne dérogeait pas à la règle. Un mètre soixante, soixante-cinq tout au plus, estima le chevalier, un teint pâle mais un visage à couper le souffle, fasciné par l’adéquation entre les cheveux et les yeux de la jeune femme, il en oublia même à détailler la perfection de son physique.

Elle s’approcha doucement et entreprit de panser ses plaies. Ce n’était pas la première fois qu’il se retrouvait torse nu devant une femme, ni la première fois qu’une femme soignait ses blessures ; mais cette sensation si, un sentiment d’adolescent le poussant à concentrer son attention ailleurs. Alors que les doigts de Calissa parcourait ses blessures il pria les dieux de stopper le temps rien qu’un instant.

-« Merci » dit-il gêné, « mais ça pouvait attendre, j’ai vu pire vous savez… ».

Elle stoppa ses soins et rabaissa la chemise du chevalier, que voulez-vous toutes les bonnes choses ont une fin. Il s’appuya sur ses coudes pour redresser son corps sur le dossier, il plongea son regard dans le sien. Fasciné il balbutia quelques mots inaudibles, un comportement ridicule alors qu’il approchait la quarantaine à grands pas. « Déconne pas Gareth tu pourrais être son père, ressaisis-toi bordel !  » firent ses pensées, il se frotta doucement les tempes et fit mine de grimacer une douleur. Par peur de perdre les quelques moyens qui lui restaient, le chevalier jeta un énième regard au temple.

-« Vous devriez me donner quelques cours de décoration, vous verriez mon temple il ne ressemble à rien… Au fait moi c’est Gareth, enchanté ». Déclara-t-il en esquissant un sourire radieux. Concentrant tout son courage, il décida de positionner une nouvelle fois son regard sur le visage de la jeune femme. « Vous êtes magnifique » perdu dans ses pensées le chevalier écarquilla les yeux en écoutant ses propres paroles il tenta de se rattraper le mieux qu’il put « pardonnez-moi la douleur m’égare, mes mots ont dépassé ma pensée. En réalité je suis ici pour vous demander un service ».

Alors que Nephtys croupissait dans son puits il se retrouvait, grand gamin qu’il était, à admirer la créature des dieux. Un soupçon honteux traversa son esprit, qu’avait-il fait ? Se persuader que sa décision est la meilleure mais ne pas y croire… Les années passent et l’on se rend compte que l’on devient ce que l’on hait. L’espoir, la douceur, l’honneur toutes les valeurs chevaleresques s’évanouissent devant le choix et le pragmatisme qu’il génère. Mon pauvre Gareth, continue de ramer va, la berge est encore loin.

Quel rire agréable… Gareth demeura sur le fauteuil, la douleur était toujours présente mais légèrement amoindrie. Il constata le désarroi de la jeune femme vis-à-vis des produits qu’elle avait utilisé pour soigner Gareth. Constituait-il une gêne quelconque ? Généralement il ignorait royalement les états d’âmes de ses comparses, mais il ne voulait en rien gâcher la journée de cette personne-là.

-« Laissez-donc je vais vous aider à ranger, après tout c’est de ma faute, j’aurais apprécié me présenter sous un jour meilleur. » S’excusa-t-il…

Un service ? Oui il était là pour lui demander quelque chose… Un diner ? Un cinéma ? Une sortie au zoo ? N’importe quoi pour passer ne serait-ce que quelques heures, seul en sa compagnie. Plus il la regardait, moins les évènements extérieurs semblaient importants… Elle et elle seule comptait. Les légendes vantent les mérites des Gémeaux : puissants, doués, parfois divins et pourtant leur représentant actuel vendrait son royaume pour son sourire. Calissa ou la symbolique de Faust : pactiser avec le diable et essayer de s’en sortir, mais une fois sous son emprise il est tout simplement impossible d’y échapper. Le chevalier concentra son attention sur les quelques bandes trainant au sol. Continuer à la regarder l’empêchait de se concentrer sur son objectif : réunir le Chrusos.

-« Vous n’êtes pas sans connaître les évènements récents qui frappent notre sanctuaire ? L’attaque de Rodorio par les divinités hindoues, la mort de Riku le Grand Pope, les différents mouvements de ripostes que nous avons opérés… » Il déglutit péniblement, l’odeur du douzième temple l’enivrait. « J’ai besoin d’ouvrir un nouveau Chrusos Sunagein, le sanctuaire doit se doter d’un nouveau Pope, il est impératif que les chevaliers d’or présents puissent se réunir sous peu et pour cela j’ai besoin que vous leur délivrez l’accès » Précise-t-il en observant le champ de roses à la sortie du temple.

Gareth était le seul à pouvoir voyager grâce aux dimensions, les autres devront traverser ce temple et franchir les roses mortelles. Il pivota sur lui-même afin de pouvoir poser ses jambes au sol, le chevalier d’or avait la tête baissé. Devait-il aborder ou non la suite de ses envies ? Sur le coup aborder Calissa semblait autrement plus ardu que de maîtriser l’espace-temps.

- « Souhaitez-vous m’y accompagner ? » Sur l’instant il aurait préféré demander s’il pouvait lui voler un baisé. « A moins que je vous… Que je te dérange ? Je comprendrais parfaitement, je débarque ici à l’improviste couvert de sang et… ».

Il ne mit pas fin à sa phrase. « Mon vieux t’es complétement ridicule. On dirait un gamin de quinze ans, c’est ça le guerrier le plus puissant du sanctuaire ? Eh beh on est pas dans la merde… » firent ses pensées. Dieu ce qu’elle lui plaisait, mais comment le lui faire comprendre ?

Aucuns détails n’échappèrent à son regard, ses gestes délicats, ses mouvements précis, sa manière d’évoluer dans l’espace le parfum qu’elle dégageait. Tout en elle lui plaisait, peu à peu elle prenait l’intégralité de ses pensées. Hein le Chrusos ? Oui certainement, plus tard peut-être, pour le moment il demeurait un peu béat devant la beauté incarnée.

-« Oui oui certainement… Mais c’est gentil de ta part. » Répondit-il doucement avant de la laisser s’en aller ranger le matériel médical.

Il la regardait disparaître dans l’encadrement de la porte, ne perdant pas la moindre seconde de son très court trajet. Finalement elle mit moins de temps à ranger son matériel qu’à le sortir, elle revint assez rapidement et sans jeter un regard au chevalier elle se dirigea vers l’extérieur. Est-ce qu’il lui plaisait ? Faut-il croire que non ? « Tu te fais du mal pour rien mon vieux… » pensa-t-il. Il parvint à se lever, assez difficilement (la précision est superflue), puis saisit sa canne avant de se placer aux cotés de sa collègue. Il la dominait bien d’une tête, à ses côtés elle paraissait fragile, précieuse… Le regard appuyé sur le champ de roses.

-« C’est magnifique. » Avant de reprendre quasi-inaudible : « Pas autant que toi… » En espérant qu’elle n’ait pas entendu, où qu’elle ait entendu sans en tenir compte… Il ne savait pas quoi penser finalement. Une douleur fugace lui traversa la poitrine, il se pencha légèrement et massa son torse avec sa main libre, avant de se redresser lentement. « Dis-moi je ne voudrais pas abuser, mais puis-je utiliser ta salle de bain ? J’aimerais bien ressembler à quelque chose avant le Chrusos. Ne t’inquiète pas je ferais très vite… »

Il se perdit dans les yeux  de la jeune femme, comment faire pour qu’elle le regarde ? Ah peut-être comme ça. Le chevalier d’or remua discrètement quelques doigts sur sa canne et lorsque Calissa plongera son regard dans celui de Gareth elle y découvrira un ciel étoilé, des galaxies disséminées… Généralement ce petit tour fait son effet, sait-on jamais ?

Ah ? Son charme commençait-il à faire effet ? La réaction subtile de la jeune femme à son compliment, son étonnement devant l’illusion. Finalement ce petit tour fonctionne toujours, il eut un sourire léger, discret. Il suivit la jeune femme à travers son temple, cette dernière lui indiqua la salle de bain. Il la remercia poliment avant de fermer doucement la porte. Aucun cliquetis de clefs se fit entendre, le Gémeaux n’appréciait pas être enfermé.

Il poussa un profond soupir, libéré de l’emprise merveilleuse de Calissa, pour quelques minutes. Ne prêtant guère d’intérêt à la féminité de la pièce : produits de toutes sortes, (certains dont il ignorait même l’existence), décoration sucrée, il se mit à nu devant le miroir. Il observa quelques instants son corps, malgré ses nombreuses blessures le chevalier avait de beaux restes. Sa barbe de quelques jours, ses cheveux ébouriffés lui conféraient un air de brun ténébreux.

Lentement il pénétra au cœur de la douche, actionna les robinets et une eau glaciale se mit à couvrir son corps. Il laissa fermée l’arrivée d’eau chaude, ses muscles avaient besoin de se réveiller… Il prit un flacon de gel douche, parfum de rose, le détail l’amusa. Il frotta lentement, insista sur les zones blessée, sur ses cheveux. Le sable, le sang et l’eau formèrent un mélange visqueux qui s’évacua rapidement… Après de longues minutes le chevalier était enfin propre. Il veilla à nettoyer ce qu’il avait sali, il n’est pas question d’emprunter la salle d’eau d’une jeune femme et de la rendre salie. Un rapide coup d’œil à ses vêtements et il jeta sa chemise dans la seule poubelle présente. Il enfila le pantalon qui n’était pas totalement détruit, et puis se promener nu dans le douzième temple aurait fait mauvais genre.

Il rouvrit la porte et se dirigea au cœur du salon. Tiens Calissa avait terminé… Il se dirigea droit vers son armure, torse nu. La présence de sa canne n’ôtait rien à son physique, à sa musculature parfaitement dessinée et à la puissance de ses épaules. Sans déverser dans l’excès de muscles Gareth conservait de belles proportions pour son âge, un corps buriné, athlétique, marqué par le temps et l’histoire. Doucement il apposa trois doigts sur son armure d’or, celle-ci vint se poser rapidement sur ce premier.

Il se tourna vers Calissa, un peu gêné d’avoir traversé son temple si peu vêtu… Sans mots il s’excusa et s’approcha d’elle, cette fois-ci les idées un peu mieux organisée qu’avant. La douche glacée lui avait du bien, l’être juvénile avait cédé place au très expérimenté chevalier des Gémeaux.

-« Je pense être enfin prêt… Je ne te remercierais jamais assez pour tout ça. Si jamais un jour tu as besoin de quelque chose n’hésite pas à venir à moi, je te rendrai la pareille. Il ne nous reste qu’à prévenir les autres… En espérant te revoir la réunion terminée. »