A main nue, Wolgorn avait mis en pièces l'intérieur de l'avion de la Fondation, arrachant tous les câbles et ouvrant toutes les trappes ou soudures qu'il put dénicher. Il extirpa méthodiquement le moindre composant de la machinerie jusqu'à trouver les fameuses boîtes noires. Ceci fait, il les pulvérisa de sa poigne maléfique et partit en quête d'un quelconque système de vidéosurveillance. Quand il eut suffisamment saccagé l'appareil à son goût, il le quitta instamment. En effet, Rogos se chargea de réduire l'engin en tas de ferraille incandescent, anéantissant la moindre preuve. Oblivion, quant à elle, avait dépouillé le pilote de ses biens et du matériel transportable contenu dans l'avion.

L'appareil fut donc proprement explosé et la sinistre bande quitta l'aérodrome à toute vitesse. Sans gaspiller une seconde, le trio s'élança dans les cieux en tir groupé et se transforma en étoile filante. Le trajet vers Tel-Aviv s'effectua donc par les airs, les Spectres et la Berserker traversant le Maghreb au moyen de bonds titanesques. A leur rythme, ils avaient pu joindre l'Espagne et Israël en moins d'une demi-journée. Tous ces voyages faisaient perdre la notion du temps au Bourreau, qui se démenait comme un diable. Aussitôt partis de Grenade, les voilà déjà au Proche-Orient, comme si c'était la porte à côté. D'ordinaire c'était assez épuisant, mais ankylosé comme ils l'étaient, ça les avait bien dérouillés.

Le Russe et ses compagnons atterrirent en périphérie de Tel-Aviv en essayant de limiter la détonation. En milieu aride, ils demeuraient quand même assez visibles, ce qui était embêtant. Au moins, ils ne provoquaient pas autant de dégâts que des missiles sur leur passage.  La pêche aux informations était ouverte, mais ils ne savaient pas précisément où chercher. Le Dullahan souligna la difficulté des investigations, la devineresse leur ayant délivré une vision assez vague. Néanmoins, le destin guidait les Étoiles Terrestres et la sœur de Prayer vers la fin de l'Arbre Sapindus. Tôt ou tard, ils finiraient par tomber sur la personne qu'ils cherchaient, si possible en moins d'un jour.

"Ne t'inquiètes pas Rogos, nous trouverons vite celui qui nous aidera dans notre quête." dit l'Exécuteur avant de continuer. "Avec nos facultés, cela ne devrait pas poser de soucis. Il nous suffit de chercher au niveau des sciences humaines."

Il ponctua ces mots en tapotant l'épaule de son confrère et indiqua à Oblivion de le suivre en direction de la ville. S'ils cherchaient une solution pour éliminer une entité mystique, ils devaient éventuellement s'orienter vers un département d'histoire. Selon lui, les secrets ancestraux résidaient toujours dans les musées anciens ou les institutions liées à la culture. Tel-Aviv et ses universités avaient beau être immenses, s'ils menaient efficacement leur enquête, ils ne devraient pas se perdre. Du moins c'était ce que Wolgorn pensait avant de s'enfoncer dans un environnement inconnu. C'était autre chose que de se balader à New York avec une adresse servie sur un plateau ou faire de la communication à Kaboul.

Sans réelle consultation, nous nous occupons tous à notre façon de l'avion. Wolgorn s'est occupé des boîtes noires et d'à peu près tout ce qui aurait pu être compromettant et Rogos a fait flamber le tout après que nous nous soyons écartés. L'explosion est retentissante et je me bloque les oreilles à deux mains en voyant avec étonnement le Dullahan passer à toute vitesse près de nous, propulsé par l'explosion. On ne peut pas rester ici longtemps, c'était déjà une chance que nous n'ayons pas attiré l'attention de personne avant, maintenant ce sera impossible.

Mes deux compagnons prennent leur envol et après une seconde sans comprendre ce qui se passe, je prends mon élan pour les suivre. Je n'ai jamais fait ça auparavant et mes bonds cosmiques ne sont pas aussi précis que ceux des Spectres, mais j'arrive à garder le rythme et nous arrivons à Tel-Aviv sans encombres. M'appuyant sur mes genoux, je reprends rapidement mon souffle. Après plusieurs heures à sauter ainsi, je suis certaine de finir courbaturée.

-Bon sang... vous prévenez avant la prochaine fois?

Nous voilà donc maintenant au Moyen-Orient. Dommage que la Voyante n'aie pas pu nous donner plus de détails, mine de rien il doit y en avoir du monde dans une seule université... je hoche doucement la tête et suit le Bourreau. Comment expliquer nos recherches? En parler à n'importe qui n'étant pas la personne recherchée nous conduirait probablement droit à l'asile... à moins bien sur d'avoir une connaissance un peu plus grande sur les éveillés, et dans ce cas on se fait aimer ou pas du tout... avec un étrange penchant pour la deuxième option.

Le trio était arrivé après une longue randonnée urbaine à l'université de Tel-Aviv, non sans attirer les regards. Il fallait dire qu'entre une loqueteuse masquée et deux éclopés peu commodes, il y avait de quoi s'attarder. Néanmoins, Wolgorn détestait ça et fusillait de ses yeux assassins ceux qui osaient trop s'approcher d'eux. Même pour de simples humains, de tels signaux meurtriers étaient perceptibles et ce serait de la folie de les ignorer. Sa carrure aidant, on évita de leur chercher des crosses mais la méfiance était là.

La sinistre bande s'enfonça donc au beau milieu du campus et des étudiants à la recherche de la faculté des sciences humaines. Rogos, d'humeur maussade, déblatéra ses griefs contre la politique d'Israël et le Bourreau ne pouvait qu'acquiescer. Comment la nation juive voulait-elle se faire accepter au Moyen-Orient si elle ne montrait aucune envie de s'ouvrir aux autres pays et de coexister en toute intelligence avec les Palestiniens ? En voulant s'installer par la force, Israël creusait sa propre tombe et celle des peuples voisins. Tout ça à cause de fanatiques et d'extrémistes qui refusaient qu'un autre peuple vive sur son territoire. Il était urgent que les Spectres remettent de l'ordre dans ce foutoir, autant pour Israël que pour les Arabes.

"En Enfer, qu'importe si vous étiez victime ou bourreau, tous seront jugés dans l'égalité pour leurs péchés." rumina le Russe.

Le Dullahan coupa de lui même court à la conversation : ils n'étaient pas là pour se plaindre des problèmes d'Israël. Après quelques minutes de marche et d'investigation  travers les couloirs et les différents départements, ils arrivèrent enfin à l'endroit qui les intéressait. Ils étaient maintenant aux portes de la faculté de sciences humaines. Cependant, il restait encore aux Étoiles Terrestres et à la Berserker à trouver la personne qui pouvait les renseigner. Là encore, ce n'était pas gagné avec le nombre d'universitaires et de professeurs que ce département contenait. L’Étoile de l'Ombre proposa à ses camarades de parler aux spécialistes ou d'aller à la bibliothèque. Wolgorn ne savait pas comment aborder quelqu'un sur la question de l'Arbre Sapindus et avait peur d'être éconduit. Pour débuter sérieusement les investigations, il n'y avait qu'une option.

"Allons d'abord à la bibliothèque, peut-être qu'ils auront un bouquin sur le sujet..." soupira l'Exécuteur.

De plus, ils auraient toujours des documentalistes à portée de main s'ils séchaient sur les ouvrages à lire. Les professeurs ne manqueraient pas non plus normalement.

Sous mon masque, la sueur me pique douloureusement la peau et je me force à respirer plus calmement. Je peux l'ignorer, ça ne prendra pas beaucoup de temps... dès que possible, je l'enlèverai et je pourrai régler tous les inconvénients. La faim, l'inconfort, la douleur... Si je l'endure, tout se passera bien, et je pourrai m'en débarrasser.
Je parviens à soutenir la plupart des regards qui pointent en ma direction, reproche et dégoût ne me font plus rien. Seulement, il y a de ces hommes qui... qui me regardent bizarrement, plus longtemps que les autres et je réprime un frisson, si ce n'était pas de Wolgorn qui les effraie je ne sais pas s'ils se seraient éloignés.

J'écoute le monologue explicatif de Rogos avec le plus d'intérêt possible, il y a de quoi d'étrangement fascinant dans ses propos. Il abrège pour que nous puissions nous remettre en route et je hoche doucement la tête pour montrer mon accord. Devant la remarque du Bourreau, par contre, je ne peux m'empêcher de faire une remarque cinglante.

-Ils n'ont qu'à devenir Spectres, s'ils veulent y échapper.

Même avec une carte le territoire à couvrir pour retrouver une seule personne, surtout si elle nous est inconnue, reste plutôt grand. Je pencherais plutôt pour trouver une façon d'attirer l'attention de la personne concernée, mais ce serait risqué en plus de ne pas avoir de résultats réels. Ça peut ne pas fonctionner. Ou alors...

-On devrait se séparer. Pendant que l'un interroge, les deux autres vont voir à la bibliothèque ou vice-versa. On a pas besoin d'être trois pour faire l'un ou l'autre et on couvrirait plus de terrain comme ça.

Je n'essaie pas de m'échapper. De toute façon vu où nous sommes je préfère nettement leur compagnie, et mes chances de réussir ma fuite sont moindres. Mais ça me semble logique, nous n'avons pas besoin de rester groupés pour effectuer nos recherches, en fait ça pourrait nous faire paraître un peu moins louche, qui sait? À trois on ne doit pas être des plus rassurants... si ça se trouve notre aide ne voudra même pas approcher. Ou pas. Mais qu'est-ce que je raconte là? Je me masse les tempes en grognant. La chaleur du Moyen-Orient ne me réussit vraiment pas. Tant que ce ne soit pas aussi infernal aux Enfers... Non, ça ne me réussit pas du tout.

Le persiflage de la Berserker n'était pas resté inaudible pour Wolgorn, qui se déporta vers elle. Si elle n'avait pas été la sœur de Prayer, il l'aurait rossée sur le champ pour une telle insolence. Outré, il n'allait pas demeurer muet face à pareille provocation ! Le Bourreau attrapa brutalement le jeune femme par le poignet et la dévisagea avec une mine effroyable. Il établit un contact visuel forcé pour instiller le malaise en elle, puis la sermonna :

"Tu crois qu'être Spectre est une sinécure ? Tu crois qu'on accepte la première larve venue qui pleurniche pour le pardon d'Hadès ? Laisse-moi te dire que nos souffrances sont à peine plus enviables que celles des damnés ! Nul ne ressort indemne des Enfers ! Mais sache que notre supplice mènera à la rédemption !"

Quand l'Exécuteur eut terminé, il libéra Oblivion de son emprise comme on relâchait une esclave. Mais avant que cette altercation n'arrive, elle avait suggéré aux Spectres de se séparer pour enquêter. Rogos approuva l'idée et proposa à son tour que le groupe se sépare entre l'administration et la bibliothèque. Néanmoins, il posa aussi une question embarrassante à Wolgorn, qui perdit toute son assurance pour les investigations. Effectivement, le Russe n'avait jamais été jusqu'à l'université à cause de sa déscolarisation prématurée. Du coup, même s'il savait globalement qui était disponible pour les aider à la bibliothèque, il aurait du mal à en gérer une de ce niveau. Il balaya finalement l'interrogation d'un grognement et croisa les bras.

Le Dullahan expliqua alors longuement ce qu'ils devaient faire pour mener leurs recherches. Bien entendu, il avait rappelé que la Berserker devait être accompagnée, histoire qu'elle ne se carapate pas aux antipodes. L'Exécuteur pensait être le plus compétent pour la surveiller et si elle pouvait lui filer un coup de main à la bibliothèque, ce ne serait pas de refus. Or, il pensait que ce serait pire s'il allait s'embourber dans l'administration. Puisque l’Étoile de l'Ombre connaissait mieux les rouages de ces institutions complexes, il serait judicieux de le laisser s'en occuper. Wolgorn répondit donc à son confrère :

"Très bien, nous nous disperserons. Rogos, je pense que tu es plus habilité que moi pour aller à l'administration. Quant à moi, j'irai à la bibliothèque et Oblivion m'assistera. A mon avis, c'est l'option la plus pratique."

Ceci dit, il s'orienta en direction du centre des ressources, invitant Rage à le suivre d'une œillade. Entre les deux guerriers infernaux, il était le plus apte à user de coercition pour soumettre la sœur de Prayer à leur volonté. Le Dullahan était certes fort, mais pas assez pour mater cette diablesse. Le Bourreau éplucherait ainsi la bibliothèque en binôme, même si lui et sa partenaire ne s'y connaissaient pas suffisamment en la matière. L'affaire étant conclue pour lui, il s'y rendit prestement non sans s'assurer que la Berserker était à proximité.

J'étouffe un cri quand le Bourreau attrape mon poignet et alors qu'il me crie dessus je me retiens de baisser la tête pour détourner les yeux, comme pour le défier du regard. Je n'ai pas peur de ses menaces, la souffrance reste de la souffrance et mènera toujours à la même chose... à rien. Je ne crois plus à la rédemption. Il n'y a plus de bien, juste du moins pire.

Au moins, Rogos parvient à garder son calme et accepte que nous nous séparions, bien que ça veuille dire que je dois faire partie du duo, même s'il ne le dit pas exactement de la façon dont je l'avais anticipé. C'est vrai que vu mon apparence j'attire plus l'attention... et aussi, vu mon age ce n'est peut-être pas la meilleure idée du monde que de se promener seule dans une université. Confiance ou semblant de politesse? Je hoche la tête et suit Wolgorn, massant doucement mon poignet meurtri en le fixant, réprimant tant bien que mal mes envies meurtrières. Moi aussi je peux jouer les dures...

La bibliothèque est immense, mais heureusement vide, dans le sens où il n'y a presque personne, à peine quelques employés qui nous observent mais qui nous laissent entrer sans rien dire. Il doit bien y avoir un inventaire quelque part, sans doute dans les ordinateurs... je m'approche d'un des écrans pour pianoter quelques mots, mais sans indice réel pour nous préciser ce que nous cherchons vraiment ça ne diminue que de très peu notre inventaire. Mythologie, d'accord, mais si seulement nous savions quel genre de mythologie chercher... 

-...

Je prends une grande inspiration. Un goût de sang me monte à la gorge alors que je sens ma poitrine se serrer douloureusement, et une vague de murmures commence à se faire entendre. Je regarde droit devant moi, les poings serrés, me mordant la lèvre inférieure en tremblant. Un voile rouge semble se dresser devant moi, et je baisse les yeux pour regarder mon poignet. Moi aussi... moi aussi, je peux jouer les dures... Je suis déjà damnée...

Pour une bibliothèque universitaire, on pouvait dire qu'elle était pharaonique. Wolgorn n'était jamais allé jusque là dans ses études, bien que ce fut par un choix que les circonstances forcèrent. Les rangées de livres consciencieusement alignées, superposées et classifiées qui défilaient de manière astronomique le décontenançaient. Bon gré mal gré, il se lança avec Oblivion à la pêche aux informations. Ils entamèrent la mythologie grecque et cherchèrent les récits liés à Hadès et aux Enfers. D'autres mythes, poèmes et histoires passèrent à la moulinette et la Divine Comédie de Dante de fut pas épargnée. Un indice capital sur les Enfers qui avait échappé à ses occupants y était peut-être dissimulé ? Hélas, pour l'instant, ils étaient bredouilles. Le Bourreau se sentait déjà prit d'une migraine et jeta un œil à la Berserker pour penser à autre chose. Finalement, il décida de lui parler pour casser la monotonie des investigations : il avait à s'expliquer sur certains points.

"Tu dois penser qu'en plus d'être un lâche je suis un monstre sans cœur... Tu as peut-être raison. C'est pour ça que je dois devenir plus fort, pour ne plus jamais fuir, et devenir un monstre pour ne plus ressentir ces émotions qui m'affaiblissent." commença-t-il doucement.

Tandis qu'il parlait, l'Exécuteur tournait le dos à la jeune femme et continuait de feuilleter un ouvrage. Il s'ennuyait, tout ce qu'il pouvait faire c'était discuter un peu en attendant de saisir une piste.

"Un bourreau se doit de se priver de ses sentiments lorsqu'il délivre le Jugement Divin, car il n'est que son instrument. Mais... je porte trop de regrets en moi... et je ne me sens pas prêt à abandonner ma sensibilité. Pourtant il faut que je le fasse, car être Spectre est tout ce qu'il me reste ! Je veux être le meilleur parmi les guerrier d'Hadès et ce que tu représentes ne pourra pas m'en empêcher. Sœur de Prayer ou pas, cela ne devrait pas me concerner... mais si je ne peux garder d'amour ou de compassion en moi, il me faut garder le meilleur moteur pour devenir un guerrier : la haine. Je ne peux pas devenir une machine, alors je préfère être un démon. Même si ma justice est empreinte de violence, elle correspondra aux Enfers. Elle purgera le Mal que j’abhorre." professa Wolgorn avec mélancolie.

Le Russe referma le bouquin qu'il avait entre les mains et le rangea à l'emplacement précis de son rayon. Ceci fait, il avertit la sœur de Prayer :

"Quand tu devras revêtir un Surplis, rien ne garantit que ton âme y survivra. Soit le Surplis épousera ton âme, soit il la dévorera faute de correspondre à ses exigences. Mais si tu parviens à te synchroniser avec lui, tu deviendras plus puissante que tu ne l'as jamais été."

L’Étoile de l'Exécution et son éveil au septième lui avaient permis d'énormément progresser depuis son intronisation jusqu'à ce jour. Dire qu'à ce moment il avait cru être arrivé au bout du chemin : quelle erreur.  Wolgorn avait bien plus à sacrifier pour surpasser ses limites afin d'atteindre des horizons dont il ne soupçonnait pas l'existence. Rétrospectivement, il espérait ne pas être obligé d'abandonner quelque chose comme l'amour. Il pouvait le garder pour partager la peine des défunts et en ressortir grandi. Tant de possibilités, mais il devait faire un choix pour incarner à la perfection la Justice Infernale. Le Bourreau avait accepté sa douleur physique, mais la souffrance spirituelle demeurait un problème plus ardu à résoudre. Peut-être ne devait-il pas trop y réfléchir pour le moment et laisser les batailles le guider.

Sentant que ce sujet de conversation le fatiguait bien plus, l'Exécuteur se replongea dans ses lectures. Tout ce qu'il cherchait était une mention à un arbre infernal et à un éventuel moyen de l'éliminer. Un simple mot clé, aussi modeste soit-il, serait déjà d'une grande aide. En parlant de ça, peut-être qu'un documentaliste pouvait l'aiguiller, à moins que la question ne soit trop spécialisée. S'il n'avait pas fait ça plus tôt, c'était bien par crainte de se ramasser une réponse incrédule et négative. Tant pis, il n'y avait que cette option, bien qu'elle puisse faire passer le duo pour des imbéciles qui couraient après une bagatelle.

"On rame Oblivion, allons voir un bibliothécaire..." lança Wolgorn.

Délaissant l'ordinateur en serrant les poings avec assez de force pour planter mes ongles dans le creux de mes paumes, résultants en quelques gouttelettes de sang qui coulent le long de mes doigts, je suis Wolgorn et commence à examiner le titre des livres sur la mythologie qui semblent ne pas avoir de fin. Avant d’en prendre un, j’essuie le sang sur ce qu’il reste de mes vêtements, puis je commence à feuilleter. Commençons par la base, l’arbre Sapindus. Si on a de l’info sur ça, on peut déjà savoir ce qu’il peut faire et ce qui serait le plus apte à le détruire, une arme comme une épée ou une hache mais laquelle? Pouvons-nous nous éloigner de la mythologie grecque pour chercher ailleurs, et si oui jusque où? Le temps passe, je ne trouve rien et vu le silence, Wolgorn non plus, mais nous continuons et ce, jusqu’à ce que le Bourreau m’adresse la parole, mais pas pour me faire part d’une découverte ou d’une suggestion.
 
Alors que je tendais le bras pour atteindre un livre trop haut pour moi, je le rabaisse lentement, la tête inclinée vers le bas et les épaules affaissées. Peut-être sommes-nous vraiment partis du mauvais pied… Son but n’est pas des plus louables, mais comment puis-je être contre? Être gentille, servir l’humanité, en quoi est-ce qu’avoir un cœur m’a rendu plus forte? J’ai suivi ma rage et j’ai finalement l’impression de me rendre quelque part, je ne sais pas si j’ai envie d’arrêter… ou pas. Contrairement à Wolgorn, ça ne me dérangerait pas de devenir une machine, au moins je ne souffrirais plus et je n’aurais plus l’impression de prendre de mauvaises décisions… Mais jusqu’où serons-nous l’un et l’autre prêt à aller pour atteindre notre but? Servir dans la mort, c’est notre dernière option tant au Bourreau qu’à moi, mais je ne sais pas s’il a vraiment eu le choix aussi…
 
Il m’explique ce qui risque de se passer lorsque le Surplis prendra possession de moi. Je me retourne lentement, observe le Bourreau qui me tourne toujours le dos, et effleure l’anneau autour de mon cou du bout des doigts, la gorge serrée.
 
-Ce n’est pas le Surplis qui me fait peur…
 
C’est l’Anima. L’armure rouge est restée étrangement calme, je pensais qu’elle m’avait abandonnée mais elle a refait surface pour défendre… Arès, je suppose, prête à m’étrangler pour m’empêcher de révéler où il se trouvait. Qu’est-ce qui m’arrivera le jour où je devrai changer d’allégeance? Qu’est-ce qui va tenter de détruire mon âme en premier? Dans le cas où ça n’arrive pas… je ne sais pas ce qui va m’arriver. Servir Hadès, oui, mais après deux armures qui aurons tenté de me détruire de l’intérieur… comment vais-je être plus puissante? Pourquoi ce genre de choses doit me faire autant de mal?
 
J’attends une réponse, la suite de ce monologue, mais rien ne vient. Nous reprenons les recherches mais ça ne mène à rien. Wolgorn propose que nous demandions de l’aide et je hoche doucement la tête.
 
-D’accord…
 
Il y a un employé pas trop loin, et alors que nous avançons pour aller lui parler, je remarque quelque chose de pas tout à fait normal : un homme, la tête apparaissant à peine entre les deux portes d’entrée qui nous observe, l’air passablement inquiet. J’attrape Wolgorn par le bras et lui pointe le professeur.
 
-Regarde… je crois qu’on va devoir se dépêcher. Celui-là n’a pas l’air très content de nous voir.
 

Je ne sais pas à quel point on a le droit d’être là, mais si on attire trop l’attention ça pourrait mal tourner. Alors, on fait quoi? On va chercher l’info, puis on choppe Rogos et on s’en va? Et si cet étrange monsieur pouvait nous aider? Les coïncidences, c’est rare…

Oblivion semblait s'être tranquillisée et faite à l'idée de porter un Surplis. Mais qu'est-ce qu'elle craignait au bout du compte ? Wolgorn ne chercha pas à le lui demander, ils avaient encore leurs investigations en cours. Le Spectre et la Berserker allaient se renseigner auprès d'un documentaliste quand la seconde signala quelque chose au premier. Apparemment, elle avait repéré quelqu'un qui semblait les fuir. En effet, le Russe vit une silhouette derrière une porte, qui fila subitement. De qui s'agissait-il ? Était-ce à cause d'eux que l'individu détalait ? Un ennemi peut-être ? Qu'importe, ils allaient vérifier ce qu'il en était. Sur la remarque de la sœur de Prayer, l'Exécuteur se lança donc à la poursuite de l'inconnu.

Les étagères de la bibliothèque tremblèrent sous ses pas pressés et il ouvrit la porte par laquelle le type s'était enfui. Dès qu'il franchit le seuil, Wolgorn fureta dans toutes les directions pour voir où l'individu s'était carapaté tandis que les étudiants et les bibliothécaires s'interrogeaient sur le responsable des secousses et de ce raffut. C'est alors qu'il vit un universitaire courir comme un dératé vers sa droite et se mit instinctivement à sa poursuite. Le Russe sprinta et talonna le bonhomme, bousculant au passage un professeur, qui vit son gobelet plein de café se renverser. La précipitation et un virage vers un autre couloir firent que l’Étoile Terrestre n'entendit pas les insultes qui lui étaient adressées. Il se préoccupait plus d'attraper cette source potentielle d'informations que d'une éventuelle méprise. Cependant, il était plus compliqué d'oublier la douleur dans ses jambes, qui accumulaient les séquelles des combats et des voyages.

Au détour d'un nouveau virage et d'un binoclard renversé, le Bourreau parvint enfin à agripper le gars par le bras. C'était un enseignant universitaire typique, tout ce qu'il y avait de plus inoffensif en apparence. Néanmoins, il y avait quelque chose de différent chez lui, mais il ne savait trop quoi. Comme le Russe était dans l'urgence et ne voulait pas causer trop de problèmes, il en vint directement à sa quête :

"Inutile de courir. Je ne sais pas qui vous êtes, mais tout ce qu'on veut, c'est vous poser une question. C'est à propos de l'Arbre Sapindus..."

La réaction de cet étrange inconnu ne se fait pas attendre: il referme la porte et prend la fuite. Sans attendre, Wolgorn le pourchasse à toute vitesse en faisant trembler le sol à chacun de ses pas. Derrière lui, je ne semble faire aucun bruit et ne pas être plus lourde qu'une plume, mais je ne me quitte pas d'une semelle et reste tout près pendant toute la course, bousculant sans remord tout ceux qui sont dans le chemin et repoussant brusquement les autres qui tentent de nous arrêter. Je ne sais pas exactement pourquoi le Bourreau tient à le rattraper, ce n'est qu'un pauvre type qui a eu peur de nous, mais il n'a pas vraiment eu le temps de s'expliquer et si nous nous éloignons trop l'un de l'autre il va me passer un savon.

Après plusieurs tournants, mon compagnon parvient à rattraper le fuyard et s'arrête brusquement. J'en fais de même et m'appuie sur mes genoux pour baisser la tête et reprendre mon souffle. Voilà qui était imprévu... ma tête me semble trop lourde et j'entends un drôle de bourdonnement, j'appuie doucement le bout de mes doigts contre mes tempes et après quelques secondes le malaise se dissipe. Je me redresse alors et contourne Wolgorn pour m'approcher du professeur. Du moins... je suppose que c'est un professeur. Il n'a pas l'air bien méchant mais la façon dont il nous regarde est inusitée, sans que je n'arrive exactement à dire pourquoi. Effrayé et intrigué, d'accord, mais il y a autre chose. Je jette un bref coup d'oeil au Spectre. Est-ce sécuritaire de l'interroger ici au milieu des étudiants et enseignants? C'est évident qu'on va finir par se faire filmer et que si on est trop brusque on pourrait passer aux nouvelles, et là côté discrétion on va être foutus. Mieux vaut ne pas user de violence tout de suite et trouver un endroit plus tranquille. Mais d'abord, pour savoir si on tient vraiment une bonne source...

-Pourquoi vous fuyez? Nous ne vous ferons rien...

Évidemment, ça reste à voir. Mais lui n'est pas supposé le savoir, alors je préfère tenter une approche plus sympathique et voir où ça nous mène. Si Wolgorn croit que ce type peut nous aider, c'est qu'il y a vraiment quelque chose qui sort de l'ordinaire chez lui. Je me demande ce que fait Rogos, où ses propres recherches l'auront mené...

Oblivion rassura l'homme qu'elle et le Bourreau avaient cavalièrement appréhendé sur leurs intentions. L'Exécuteur n'avait pas vraiment réfléchi et s'était fié à ce qu'avait dit la Berserker et à son instinct. Il s'était ainsi contenté de courser le fuyard, croyant avoir affaire à un potentiel ennemi des Spectres ou à une source d'information. Cet universitaire pouvait estimer la nature du duo, mais ce dernier ne savait pas qui il avait attrapé. Wolgorn était intrigué par cela et se disait que finalement, ils avaient ferré le bon poisson. Certes, la pêche était précipitée et laborieuse, mais au moins ça n'avait pas abouti sur rien. Maintenant, le Russe devait confirmer son impression : cet inconnu était spécial et savait vraisemblablement beaucoup de choses.
 
"Qui êtes-vous au juste ?" l’interrogea-t-il.
 
En posant sa question, il relâcha son emprise sur le professeur. Celui-ci s’étant tranquillisé, il n’y avait plus besoin de le forcer. Heureusement qu’à cet instant il n’y avait peu de monde qui fréquentait le couloir dans lequel ils étaient, sinon c’était la catastrophe. L’Étoile Terrestre voulait dénicher prestement des indices utiles pour leur quête, pas se ramasser des policiers ou des militaires. Il poursuivit donc la discussion :
 
"Vous savez qui nous sommes, mais ça ne marche pas dans l’autre sens. Figurez-vous qu’étonnamment, les Spectres ignorent certaines choses sur le Sapindus… peut-être pourrez-vous nous éclairer."
 
Ce manque de connaissances sur un moyen de couper ou de se débarrasser d’une quelconque manière de ce végétal parasite était bizarre à y réfléchir. Qui était donc assez fourbe pour planter en Enfer un arbre capable de sceller les fidèles d’Hadès ? Comment pouvait-on penser qu’ils puissent être un danger pour le Cosmos ? Sans doute était-ce le cas lorsqu’ils se retrouvaient sans chef pour juguler la malfaisance de leurs Surplis, mais dans d’autres circonstances… On ne pouvait décemment remettre en cause le commandement d’Hadès et de ses lieutenants ! Perséphone était inoffensive et Hypnos et Thanatos étaient de loin les plus intègres parmi les enfants de Nyx. Autrement qu’en période d’anarchie, sceller les Étoiles Maléfiques était tout bonnement ridicule. En l’occurrence, Athéna avait eu l’outrecuidance de les enfermer alors qu’elles s’apprêtaient à purger la Terre de son vice sous mandat olympien. C’était le type d’abus à prévenir à tout prix.

La réponse du professeur me laisse sans mot. Il a peur de la mort on dirait, mais pas comme un humain normal craint de mourir. C'est plutôt... comme moi. La peur d'y être forcé, et de finir par souffrir pour l'éternité. Je croyais pouvoir tromper mes deux surveillants Spectres éventuellement et m'éviter cette cruelle fin, être obligée de servir quelqu'un, mais maintenant je ne sais plus. Mon maître m'avait déjà conté une histoire à ce sujet, quand j'étais plus jeune: un forgeron avait demandé au curé de son village sa bénédiction avant de fuir dans les montagnes, disant qu'il avait vu la mort le regarder de façon terrifiante et qu'il était déterminer à fuir et la semer, car il souhaitait vivre plus que tout. Le curé lui accorda sa bénédiction et l'homme partit, mais rendu à la montagne, se brisa le coup lors d'une chute et mourut. La mort lui apparut à nouveau pour lui avouer sa surprise. Elle avait eu comme ordre d'aller chercher son âme à la montagne, et était aller jeter un coup d'œil à la forge sans comprendre pourquoi un homme aussi heureux quitterait son logis pour s'y rendre...
 
Il y a des choses qu'on peut changer, peut-être. Mais au final il y a un destin que nous ne pouvons pas éviter, la mort ne se change pas. Je baisse la tête sans rien répondre à ses commentaires, s'il peut encore fuir je suppose qu'il n'y a rien à craindre pour lui... Wolgorn poursuit l'interrogatoire, lui demande qui il est, et lui explique que malgré tout nous savons peu de choses au sujet du Sapindus. Et si nous lui expliquions un peu mieux quelle est notre mission? Nul besoin de nous dire tout ce qu’il sait, juste ce dont nous avons besoin, non?
 
-Si nous discutions de tout ça dans un endroit plus calme?
 
Et surtout moins peuplé. Je me sens trop observée ici, j’ai l’impression que n’importe qui pourrait se pointer et nous mettre des bâtons dans les roues n’importe quand si nous restons trop longtemps au même endroit. Je pose une main sur l’épaule du professeur pour l’entraîner avec nous.
 
-On retourne à la bibliothèque. Comme ça Rogos nous retrouvera plus facilement.
 
Je me mets en marche, et explique tout bas au professeur le reste de notre mission.
 
-Nous cherchons à détruire l’arbre Sapindus. Tout ce qu’il nous manque, c’est une arme assez puissante pour y arriver. On ne peut pas chercher éternellement, c’est pourquoi l’aide de quelqu’un qui sait déjà qui nous sommes pourrait nous être utile.
 

Malgré la tension et le sérieux de l’affaire, je parviens à garder un ton plutôt apaisant, rien de bien menaçant. Le pauvre doit bien se demander à quel genre de fille il a affaire, et j’aimerais franchement pouvoir lui répondre. La bibliothèque sera plus silencieuse et moins peuplée, on pourra donc y mener notre petit interrogatoire tranquille, en plus s’il a besoin de nous montrer des livres ou quelque chose du genre, la mémoire joue parfois de bien mauvais tours, nous serons tout de suite au bon endroit.

Ainsi, ce professeur d'histoire était plus qu'un simple humain, mais de quoi s'agissait-il précisément ? Oblivion précisa quant à elle la demande du Bourreau sur l'Arbre Sapindus. Néanmoins, l'Irakien jouait à l'énigmatique et à l'ignorant, ce qui agaçait passablement Wolgorn. Il ne goûtait pas non plus sa critique de l'idéal d'Hadès et devait donc lui dispenser une prêche. Comme si l'opinion préconçue de ce gringalet allait l'empêcher de le faire parler...

"Une quête de purification aveugle ? C'est ce que vous pensez, vous qui ne voyez pas plus loin que votre petit confort personnel ! Pourquoi voulons-nous détruire l'humanité d'après vous ? Par miséricorde envers l'échec qu'elle représente ! Par miséricorde envers la planète qu'elle empoisonne ! Par miséricorde envers le Cosmos qui sera souillé quand la pourriture humaine aura essoré la Terre ! C'est avant tout par pitié que nous voulons mettre fin à ces souffrances éternelles ! Nous pouvons encore arrêter ce désastre, mais les égoïstes comme vous ne pigent rien. Vous attendez quoi ? Que les humains nucléarisent et polluent la galaxie pour vous décider ?" sermonna le Russe.

L'habituelle réprimande terminée, l'Exécuteur se décontracta et entendit l'universitaire glisser un mot à l'oreille de la Berserker. Manifestement, Orang semblait connaître Wolgorn alors qu'il ne se rappelait pas l'avoir déjà croisé. Quoique, ce n'était pas comme s'il avait fait preuve d'une grande discrétion durant ses interventions terrestres. C'est alors que le Bourreau se souvint qu'il était passé avec le Dullahan à la télévision depuis Kaboul pour révéler les Spectres au monde entier. Par cette occasion peut-être s'était-il fait connaître du public et de cet homme. Surpris au premier abord puis ayant réfléchi un peu, le Russe répondit alors au professeur :

"Si ça peut vous aider, je suis passé à la télévision lors d'une mission en Afghanistan. Mais j'avais mon Surplis... c'est moins évident du coup."

Ceci dit, il n'était pas là pour se congratuler sur ses performances médiatiques. L'Exécuteur devait interroger l'Irakien et obtenir de lui l'information tant convoitée sur un moyen d'éliminer le Sapindus. Il n'avait pas l'intention de le lâcher tant qu'il ne crachait pas tout ce qu'il savait sur le sujet. En guise d'avertissement, le Russe fit craquer ses jointures et gronda :

"Puisque vous savez qui nous sommes, vous devez aussi être au courant que nous ne sommes pas de enfants de chœur. Cette mission est capitale pour l'armée de sa Magnificence Hadès et je saurai vous tirer les vers du nez. Bien entendu, je ne vous dirais pas cela si vous ne me donniez pas l'air de cacher quelque chose..."

Il ne fallait pas abuser de sa patience. Les Étoiles Terrestres et la sœur de Prayer avaient fait un long voyage et ils n'avaient pas de temps à perdre en futilités. Les Enfers devaient être prêts le plus vite possible pour affronter une nouvelle menace et se relever de leur défaite. Wolgorn ne supportait guère de végéter tandis que sa fierté blessée exigeait qu'il se batte et se renforce.

"Sachez que je suis le Bourreau : nul ne peut me cacher la vérité." ajouta-t-il finalement.

Je ressens une douleur sourde au creux du ventre face au refus du professeur et je me force à prendre une grande respiration pour me calmer. Qu’est-ce qu’il en sait, de mes motivations? Aveugle, meurtrière… je comprends ce qu’il dit et je m’en moque, je me fous du reste du monde, ce que je fais, c’est pour Prayer et pour moi, j’ai déjà appris que l’Humanité ne sait pas ce qu’elle veut et comment l’obtenir… je n’attendrai plus l’approbation de ceux qui m’entoure pour prendre part à l’action, et je ne laisserai plus personne se mettre en travers de ma route. Pas maintenant, plus jamais.
Pourtant…

-C’est comme ça qu’un bourreau délivre la mort? Il assomme à coups de sermons?

Ce n’est pas contre l’homme que je me fâche, mais contre le Spectre qui m’accompagne. Je croise les bras et serre les poings, soudainement pleine de colère. Combien de fois devrai-je me faire rappeler le but de notre présence ici et la mission des Spectres en le nom d’un dieu que je n’ai même pas choisi de servir? Oui, j’ai accepté de les rejoindre et de devenir Spectre pour les aider, mais entre ça et l’enfer éternel, est-ce qu’on peut vraiment dire que j’ai choisi d’être là? Trop tard pour regretter et je ne compte pas le faire… mais si tout le monde tient à me rappeler que c’est peut-être une erreur et à quel point  nous sommes des incompris condamnés à souffrir, prendre la fuite à nouveau va devenir bien plus tentant.

-J’en ai assez de ton petit monologue! Tu sais déjà ce que j’en pense, de ta pitié, alors tais-toi!

Je décroise les bras dans un geste pour attaquer, mais me retient de porter un coup au Bourreau à la dernière seconde. Je ne suis pas en état de me battre, lui l’est plus que moi, et je regretterais trop vite mon geste. J’étouffe un cri de rage, puis me retourne vers le professeur, décidée d’en finir au plus vite.

-La bonne décision, ce n’est pas à vous de décider ce qu’elle est. Et croyez-moi, une fois que les gens comme lui sont à vos trousses, ce que vous voulez, ça n’a plus aucune importance.

Je pointe vaguement Wolgorn avant de poursuivre.

-Vous pouvez refuser, mais il va vraiment vous tirer les vers du nez et vous allez vraiment regretter de ne pas avoir parlé avant. Vous ne pouvez pas gagner…

Ma voix devient plus basse, comme résignée. Même si je veux toujours fuir et m’éviter un retour aux Enfers, je sais bien qu’au fond ce n’est pas possible, car on ne peut pas échapper à la mort. Une fois mort, combien de temps pourra-t-il garder le silence? Faire le brave ne le mènera nulle part. Je secoue doucement la tête. Aurais-je parlé, si j’avais été à sa place? Je ne sais pas, mais je sais qu’il va devoir le faire, car même si je le laisse s’échapper... c’est peut-être ma propre vie qui est encore en jeu. Je regarde le Spectre d’un œil rageur.

-Non, ce n'est pas... Écoutez, si vous voulez vraiment débattre de l’Humanité et son échec, vous ferez ça plus tard. Maintenant, on a pas le temps pour ça. Vous savez quelque chose, difficile de le nier, et nous avons besoin de toutes les informations possibles.

Malgré mon ton plus doux et qui laisse croire à moins de danger, mes poings restent serrés et prêts à frapper. Je ne veux pas céder à ma colère, mais je n’arrive plus à contenir ma frustration… j’ai enfin changé, j’ai accepté de voire que je me trompais et de me remettre sur le droit chemin, si on veut. Alors pourquoi tout semble encore vouloir me barrer la route?

[HRP: Can't get any better than that. Désolé pour l'attente et la qualité '^']