Je ne considérais pas vraiment mon secret comme un passé mais juste comme une certaine forme de honte à l’égard de ma Noble Déesse. Pour une cause juste, j’avais commis des actes indignes d’un chevalier d’Athéna : la fin ne justifie jamais les moyens car on se perd dans le mensonge de l’hypocrisie. Encore une fois, j’expierais tous mes pêchés devant Athéna : elle décidera elle-même si je suis toujours digne d’être un fier et valeureux chevalier au sein de son ordre et si je mérite de porter cette sainte armure. Le Chevalier du taureau, en tant qu’ancien grand pope, pourrait consulter les archives mais ne trouverait rien à mon sujet à part la classification « porté disparu » ou bien « mort au champ d’honneur. » Néanmoins, j’avais suivis sa plaisanterie en affichant un large sourire courtois à son encontre. J’avais attrapé également le bras de mon compagnon d’arme, ressentant une certaine émotion à cette pratique que j’avais connu autrefois mais qui s’était dissipé au fil du temps, au gré des convenances de ce monde moderne.


Ainsi, la présence divine, que j’avais ressentie auprès de sa Déesse, était celle de la Misérable Discorde. Que la Manipulatrice se soit entretenue avec sa Lumineuse Déesse ne me convenait guère. Comme le disait si bien le Chevalier du Gémeau, il fallait se méfier d’elle.

C’était donc elle… Pourrais-tu nous informer de la nature de son entretien avec la Déesse ?

Avais-je demandé alors que je regardais le chevalier avec une pointe de curiosité.


Ainsi, Athéna avait changé ? Tout du moins, ce n’était plus celle que j’avais connu par le passé ? Je n’étais pas du tout d’accord avec Ephraem du Taureau : qu’importe ce que nous pensions, ma Déesse était noble, gracieuse et surtout son sens de la compassion coïncidait avec sa tendresse à notre égard et à celle de l’Humanité. Maintenant, je venais d’apprendre qu’Athéna était devenue une combattante. Était-elle devenue une Générale ? Une Déesse qui combat avec ses hommes comme j’ai pu le faire par le passé ? Vivait-elle ce que j’avais connu pendant ses huit années d’absences et de cauchemars ? J’étais parvenu à me maîtriser mais, tout au fond de moi, alors que j’espérais tant revoir ma Déesse pour qu’elle m’offre la lumière vers une rédemption que je ne parvenais toujours pas à voir, j’avais été pris d’une très grosse inquiétude.

Athéna a donc tant changé que cela ?

Avais-je interrogé le plus naturellement possible, ne pouvant malgré tout dissiper ce regard froid qui disparut aussi rapidement qu’il était apparu.


Bien aidé d’ailleurs, lors de son retour, par ce même oiseau de mauvais augure qui parvint à lui rendre son esprit serein lorsqu’il évoquait un tout autre sujet.

J’ai retrouvé d’anciens amis parmi les Gardes du Sanctuaire. J’ai appris que certaines connaissances vivent à Rodorio mais je n’ai pas encore eu le temps de leur rendre visite. J’aime bien passer mon temps à bricoler donc je songe à rénover un peu l’intérieur de mon temple lorsque j’en aurais le temps.

Avais-je annoncé en souriant calmement alors que j’avais pris le chemin en direction du Temple du Grand Pope en compagnie des deux Chevaliers d’Or.



Et maintenant, je me trouvais dans cette Salle qui évoquait de très grands souvenirs pour moi. J’étais demeuré très silencieux pendant cette marche car je m’en étais voulu d’avoir cédé à une certaine pointe de colère face à Ephraem tout à l’heure. Je savais bien qu’il n’y était pour rien et que tout venait de moi : Athéna était mon idéal. Tout ce qu’elle avait représenté par le passé était juste et bon : s’il avait fallu que je la sauve mille fois des dangers auquel elle était confrontée, je m’y serais résous avec la plus grande des ferveurs. Mais savoir qu’elle était devenue une Déesse Guerrière me contrariait. Pour autant, rien ne changerait en ce qui me concerne car tel était le serment que je m’étais juré de tenir : non seulement pour moi mais aussi pour les autres guerriers tombés au champ d’honneur, je me dresserais à ses côtés et détruirais le mal qui ronge ce monde.

Du coin de l’œil, je sondais Gareth de temps en temps. Je ne pouvais l’accompagner dans sa quête car elle ne correspondait pas à mes attentes. Mais, rien ne m’empêchait de garder silence et de l’aider du mieux que je le pouvais par des moyens détournés. Tant que ma Déesse ne me demanderait pas des comptes, je pourrais garder le secret. À un moment, croisant son regard, je le lui fis comprendre en espérant qu’il saisissait ce message silencieux. Tant de souvenirs sont inscrits ici et rien ne semble avoir évolué. On dit que tout change, tout se transforme mais les bonnes et les mauvaises réminiscences demeurent toujours.

Je ne me fis pas prier pour accepter la proposition du Chevalier du Taureau. Je me rendis donc silencieusement dans la Bibliothèque afin de consulter tous les ouvrages nécessaires. Je prenais bien mon temps, cherchant à m’assurer que mon passage hors du Sanctuaire n’avait pas été dévoilé. Que l’on sache que je faisais partie d’une Organisation obscure de Chevalier Mercenaire ne me dérangeait pas plus que cela : je tenais simplement à m’assurer que certains évènements n’y étaient pas notés. Par chance, en tout cas, rien ne semblait y être consigné.

Puis, j’enquêtais sur les évènements à la fois connus et obscure du Sanctuaire qui s’étaient déroulés pendant mon absence : plus j’en savais, mieux ce serait. Je ne sais combien de temps, cela me prit. Mais, les révélations d’Ephraem trouvaient écho dans ce que je saisissais. Je soupirais : ma noble Déesse était devenue ce que j’avais refusé d’être et il me faudrait replonger dans les abysses de la honte pour la servir avec dévotion. Néanmoins, l’espoir était toujours permis : en continuant à lire tous les ouvrages que je pouvais, ma noble déesse était toujours la représentation du courage et de la sagesse. Au bout du compte, Athéna était toujours ma grande noble et glorieuse Déesse : celle pour qui je pourrais revenir cent fois de l’obscurité de la mort pour l’éclairer de ma sainte et bienveillante lumière.

Je ne cherchais pas à en savoir davantage sur les autres chevaliers. Mais je tenais tout connaître de mes prédécesseurs. J’en appris beaucoup. À un moment, la tentation avait été grande mais elle ne correspondait pas à la sagesse et au respect qu’un Saint d’Or se devait d’avoir en face de ses compagnons. Finalement, au bout de trois longues heures peut-être, je sortis de la Bibliothèque : je remerciais Ephraem de l’opportunité qu’il m’avait offerte. Puis, je quittais le lieu sans mot dire en direction de mon temple.