Saint Seiya
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[Frontline FB] Mad Science 2 : Down the rabbit hole
Rogos
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Il était ici depuis quelques jours et il commençait à prendre ses marques. Les Kihara étaient des gens très sérieux qui ne firent pas la moindre remarque sur ses origines et contrairement à ce qu'il avait cru ils n'étaient pas seuls dans ce labo, même s'ils en constituaient le cœur et que le Dullahan avait été placé directement sous leurs ordres. Quatre autres chercheurs, les professeurs Lorenzo et Brown ainsi que les docteurs Mackenzie et Park y travaillaient également et il n'était pas rare de voir différents laboratoires collaborer sur un même projet. Le sien travaillait actuellement sur neuf projets majeurs et le français était impliqué dans quatre d'entre eux. Premièrement, il y avait ce programme visant à découvrir une substance chimique bloquant spécifiquement l'activité des circuits cérébraux contrôlant les pouvoirs parapsychiques. Deuxièmement, l'étude de l'influence des émotions sur ces mêmes facultés. Troisièmement, l'amélioration du Standard Skills System suivant l'arrivée des résultats de toute une fournée d'expériences à grande échelle menées par les Agences. Quatrièmement, décortiquer les mécanismes d'action d'un agent biologique créé par un certain groupe d'intérêt.

Ses attentes quant à la qualité du matériel à sa disposition n'avaient pas été déçues ; au contraire même, elles avaient été surpassées ! Quand FIRMAMENT assignait ses chercheurs à des tâches importantes, elle y mettait les moyens. Il avait tous les produits chimiques dont il aurait pu rêver, quels que soient leur coût ou leur rareté : apparemment Tiphéreth, la sixième cellule, pouvait synthétiser n'importe quel composé sur commande. Le degré d'automatisation de l'équipement était surprenant, lui permettant de se livrer simultanément à de multiples manipulations et expériences en ayant l'impression de se comporter davantage en chef d'orchestre qu'en scientifique. Il pouvait également compter sur des simulations informatiques d'une précision et d'une complexité inégalées, ce qui était d'autant plus impressionnant quand on savait à quel point les ressources à investir étaient considérables quand on voulait étudier quelque chose d'aussi byzantin que le cerveau humain. Et la liste des avantages ne s'arrêtait pas là... L'un dans l'autre et à force d'économies de temps, leur petite équipe de sept – maintenant huit – personnes abattait autant de travail qu'un département universitaire entier. Le job était également plus stimulant intellectuellement quand on éliminait les tâches lentes, répétitives et parfois franchement abrutissantes comme ces interminables heures de saisie manuelle des données, l'un des aspects de sa vie de doctorant qu'il regrettait le moins.

En tant que scientifique, il était comme un coq en pâte. Tout n'était cependant pas rose à Tetraland car en tant que Spectre, il approchait de son point d'ébullition. Il s'imaginait déjà le soulagement de ses camarades, lorsque tout ceci serait terminé et qu'ils seraient de nouveau réunis : ils se plaindraient d'avoir dû dissimuler leur puissance tout du long mais ils pouvaient toujours évacuer un peu de pression pendant les tests, à l'entraînement ou en mission. Le Dullahan, lui, n'avait pas fait appel à son cosmos une seule fois depuis plusieurs mois. Sans être aussi belliqueux que ses coreligionnaires, il avait néanmoins besoin de se défouler une fois de temps en temps et il commençait à craindre que ses pouvoirs ne s'atrophient à force de rester inutilisés.

Ses recherches ne suffisant pas à le distraire de cette énième source de stress, il s'était jeté à corps perdu dans l'accomplissement de ses autres devoirs. Évaluer l'ampleur de la menace pour les Enfers ainsi que l'utilité des Agences pour Thanatos... hélas, cela n'avançait pas assez vite à son goût. Il n'était retourné que deux fois dans la salle du cœur pour de simples opérations de maintenance, luttant contre son malaise et il n'en était guère reparti plus instruit puisqu'il n'y connaissait rien en électronique, informatique ou occultisme. Quant au second objet de ses investigations...

« Cantor, c'est à vous ! »

Rogos se ressaisit et reporta son attention sur l'échiquier, mettant quelques secondes à se rappeler la position des pièces au tour précédent puisqu'il avait manqué le dernier mouvement du docteur Michaels. Il n'avait pas compris tout de suite pourquoi ses autres collègues lui avaient si vivement conseillé de refuser lorsque l'américain avait offert de le prendre sous son aile pour faciliter son adaptation ; en faisant cela, il lui avait implicitement donné son accord pour être son partenaire de jeu... ou plus exactement, pour se faire humilier à chaque fois qu'ils étaient présents en même temps en salle de pause. Plus personne ne voulait jouer avec le docteur Michaels depuis bien longtemps.

« Pardon, j'étais distrait. » s'excusa-t-il en considérant ses possibilités. Il connaissait les règles mais il n'était pas un très bon joueur alors contre un expert comme son adversaire, chaque partie virait rapidement au massacre. Il était fichu quoi qu'il fasse, autant rendre ça divertissant... il avança son fou en prévision d'une attaque-suicide. « Distrait par quoi ? »

« Beth. Qu'est-ce qu'elle bidouille encore, j'arrive pas à voir ? »

Son aîné se retourna pour essayer de voir ce que décortiquait l'interface. La jeune fille pâle ne mettait les pieds en salle de pause que si elle avait besoin de rencontrer quelqu'un qui s'y trouvait ou lorsque l'une des tables représentait le plan de travail le plus proche. En plus d'être un sujet de test, elle se chargeait apparemment de tout un tas de corvées mineures lorsqu'elle n'était pas en train de participer à une expérience. Il avait dû la voir passer deux heures à démonter et remonter la moitié des robots ménagers du complexe – il n'y avait pas de personnel de nettoyage à ce niveau – par exemple.

« On dirait le bras du professeur. »

« De quoi ?! »


Il fit un effort pour mieux voir... oui, maintenant qu'on le lui faisait remarquer, ça ressemblait en effet à la prothèse de Rosenberg.

« Il la laisse s'occuper de quelque chose d'aussi important ? »

« Les plans sont dans Chokmah de toute façon, elle n'a qu'à suivre les instructions de la machine. Aucun risque d'erreur. »
répondit Michaels en haussant les épaules. Il déplaça son cavalier et le français vit sa propre défaite se préciser devant ses yeux. Six tours, peut-être sept avant une énième raclée ? Qu'importe : lui qui cherchait depuis son arrivée à en apprendre plus sur les facultés conférées aux interfaces par leur lien avec leurs cellules respectives – ce ne serait pas bien grave si elles n'héritaient que de la force et de la vitesse d'un Bronze ; plus inquiétant si elles se mettaient à manier des phénomènes plus exotiques –, il avait enfin un indice. Comme quoi, sa persistance portait ses fruits.

« Mais c'est pas une réparation d'aspirateur automatique ! C'est une œuvre d'art ce bras, ça doit être fragile à l'intérieur. À sa place je serais inquiet, il est neurochirurgien quand même, si la prothèse déconne au mauvais moment... »

« Sérieusement, vous l'avez déjà vue trébucher, se cogner ou laisser tomber quelque chose ? Tout ira bien je vous dis. »


Non, effectivement. Même les vétérans du laboratoire faisaient des faux mouvements de temps à autre, avaient des difficultés à transporter des piles d'objets en équilibre précaire ou autres bévues mineures mais elle, jamais. Il en était sûr, il l'avait observée attentivement à chaque fois qu'elle venait donner un coup de main sur son lieu de travail. Et cela apportait du crédit à son hypothèse : la cellule ne se contentait pas de fournir des informations à son interface, elle pouvait directement prendre les commandes de la partie motrice de son système nerveux.

« Mouais... au fait, il y a quelque chose que je meurs d'envie de savoir depuis que j'ai rencontré le professeur mais je n'ai jamais osé demander... » poursuivit-il tout en interceptant le cavalier avec un pauvre pion pour retarder l'inévitable. Il couvrait ses traces, on ne savait jamais, son intérêt pour Beth pouvait être raisonnablement expliqué jusqu'à un certain point du fait de son statut de membre le plus récent de l'équipe mais il ne fallait pas abuser. S'il posait trop de questions – les mauvaises questions – c'était bientôt à lui que le Département du Contre-Espionnage en poserait, tactiques d'interrogatoire à l'appui.

« Comment il a perdu son bras, c'est ça ? »

« Si c n'est pas classifié ou indélicat... »

« Non, tout le monde connaît l'histoire. Il vaudrait mieux pour vous que vous le sachiez en fait, ça fait réfléchir les gens et ils en ressortent plus prudents. »


Oh ? L’Étoile Terrestre avait effectivement toujours voulu savoir mais il n'en aurait pas non plus perdu le sommeil si sa curiosité n'avait pas été satisfaite ; cela dit ces mots éveillaient son intérêt.

« Il l'a perdu dans un accident, lors d'une expérience. Désintégré. Tous ses collègues ne s'en sont pas tirés à si bon compte. » raconta Michaels en déplaçant de nouveau son fou. Rogos ne réagit pas tout de suite, le jeu pouvait attendre. « Quel genre d'expérience ? »

« Il y avait un autre gestalt... un autre système, avant Tetragrammaton. Une démonstration de faisabilité pour convaincre les pontes des mérites du projet, à peine trois cellules et une vingtaine d'éveillés. Sans rentrer dans les détails, il y a eu un problème, la machine s'est emballée et s'est mise à relâcher son énergie de façon anarchique. »


Évidemment... FIRMAMENT jouait avec le feu, il fallait s'attendre à ce que ses agents se brûlent de temps en temps. Comme s'ils pouvaient acquérir un tel outil sans contrepartie, il fallait bien qu'il y ait une arnaque quelque part. Le Spectre avait été si obnubilé par le potentiel de la cellule, par l'ingéniosité de sa conception qu'il n'avait accordé qu'une faible part de ses pensées à la question de la sécurité... une erreur qu'il lui faudrait rectifier au plus vite s'il devait continuer à travailler à côté de ce qui pouvait très bien n'être au final que la bombe à retardement la plus sophistiquée au monde. Les propos rassurants de son interlocuteur perdaient de leur crédibilité, tout à coup.

« Et les grosses légumes ont quand même validé la poursuite du projet ? »

« Bien sûr, nous ne serions pas ici autrement. Les composants du proto-supercerveau ont été intégrés à Tetragrammaton après leur amélioration et la mise en place de nouvelles mesures de sécurité pour éviter que l'accident ne se reproduise et Rosenberg a insisté pour qu'on lui confie la direction d'une cellule. Après ce qu'il a subi, il n'est pas enclin à prendre des risques inconsidérés. C'est pour ça que nous avons les interfaces, entre autres, l'unique conduit par lequel les cellules peuvent exercer leurs facultés dans le monde physique. »


Il y avait une suite logique à cette révélation mais il n'aimait pas la direction vers laquelle elle l'entraînait.

« Donc en cas de nouvel accident... »

« Même dans les cas les plus extrêmes on peut circonscrire le sinistre tout en évitant d'endommager la cellule si on neutralise l'interface, oui. »


Le cavalier sans tête avait déjà vu ce que ça donnait, quand un éveillé perdait le contrôle de son cosmos. L'anesthésie ou la paralysie ne suffisaient généralement pas à mettre fin à la tempête ; il fallait souvent recourir à des solutions plus... permanentes. Il regarda Beth d'un œil nouveau. La gamine aux cheveux prématurément blancs était toujours affairée à ses réparations, avec l'aide de cette incompréhensible machine... si cette dernière venait à avoir le même dysfonctionnement que le prototype, ce même bras qu'elle était en train de restaurer appuierait sur le bouton qui déclencherait l'explosion d'une bombe ou l'ouverture d'une capsule de poison implantée dans l'un de ses organes vitaux. Seigneur Thanatos, il ne s'y ferait jamais...
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Le point positif c'était que ces révélations lui avaient donné matière à penser pendant quelques jours. Il avait fallu écarter les considérations morales improductives bien sûr, lesquelles l'avaient d'ailleurs amené à d'inconfortables interrogations sur sa propre capacité à faire abstraction de ce qui arrivait autour de lui. Il lui était facile de parler de juger l'humanité, de la soumettre ou même la détruire en guise de rétribution pour ses péchés ; cela aurait dû lui permettre de rester insensible aux actes de FIRMAMENT et de ses alliés en se drapant dans son cynisme mais quand il y était directement confronté, une étincelle d'empathie pour les victimes des Agences s'obstinait à apparaître.

Était-ce parce qu'il n'avait que rarement pris part aux aspects les plus salissants du travail de Spectre ou parce qu'il se ramollissait à force de jouer le rôle du docteur Cantor ? Sans doute les deux, il faudrait vraiment qu'il se défasse de cette habitude. C'était ça ou endurer les reproches de Wolgorn jusqu'à ce que l'immortalité fasse défaut à l'un d'eux. Dire pourtant que le docteur Cantor s'était présenté à son supérieur actuel en plantant des électrodes dans des cerveaux humains pour les forcer à utiliser leurs pouvoirs, ne les traitant pas mieux que ces cadavres de grenouilles dont on faisait bouger les pattes à coups de stimulations électriques dans toutes les classes de biologie du monde...

Bref, les nouvelles informations avaient amené bien plus de nouvelles questions qu'elles n'en avaient résolues. Si l'interface n'était qu'un composant comme un autre de la cellule – Beth semblait en tout cas se considérer comme telle à en croire son vocabulaire et Seigneur Thanatos ce que ça pouvait être malsain – pouvant simplement être « retirée de la circulation » puis remplacée au besoin, où donc se cachaient les pièces de rechange ? Y avait-il quelque part un centre spécialement dédié au conditionnement d'enfants, des séries entières de petits hybrides télépathes / technopathes numérotés attendant sagement leur tour, qui viendrait quand leurs prédécesseurs mettraient fin à un incident qui n'était pas de leur faute en sacrifiant leur vie ? Où est-ce que FIRMAMENT les trouvait d'ailleurs ? Est-ce que les américains gardaient l’œil ouvert dans le but de procéder à des rafles de cobayes compatibles, se fournissaient-ils dans les rangs des orphelins comme les Saints du temps de Mitsumasa Kido ? Mentaient-ils aux parents en les cajolant avec de l'argent, des discours patriotiques et des promesses de bien s'occuper de leurs rejetons anormaux – ou de les en débarrasser pour ceux qui préféraient ne rien avoir à faire avec un éveillé ?

Tout cela devait représenter un poids considérable du point de vue logistique mais ce n'était rien face à ce qu'impliquerait la deuxième option concernant l'origine des interfaces. Celles-ci pouvaient être artificielles, créées telles quelles par FIRMAMENT... Rogos n'accordait cependant que peu de crédit à cette hypothèse. Si les Agences pouvaient faire en sorte qu'un humain s'éveille à un ensemble choisi et précis de facultés parapsychiques, des expériences comme celle qu'il avait supervisée en Chine ne seraient pas nécessaires – et elles n'auraient pas non plus besoin de se cacher des factions divines comme elles le faisaient actuellement.

Quant à la possibilité qu'il s'agisse de bébés-éprouvettes génétiquement modifiés... ridicule, les autres types Alcide artificiels – dont les chimères russes étaient l'exemple le plus avancé à l'heure actuelle – produits par de telles manipulations n'avaient accès qu'à des pouvoirs rudimentaires hérités de l'ADN de créatures mythologiques. Les technopathes maniaient des capacités subtiles et complexes en plus de représenter un tout nouveau type d'éveillés, une adaptation récente aux progrès technologiques fulgurants des vingtième et vingt-et-unième siècles ; deux bonnes raisons de remiser l'hypothèse au placard.

Bien sûr, ce même progrès technologique pourrait faire vaciller ces belles certitudes dans le futur, notamment si les recherches sur le parasite de Stepnogorsk venaient à aboutir. Recherches qui lui valaient d'ailleurs son premier entretien en tête-à-tête avec Rosenberg depuis son arrivée ici.

« Avez-vous trouvé ce qui tue les sujets ? » demanda le professeur en disposant méthodiquement sur son bureau les profils des cobayes sacrifiés lors de la dernière série de tests du micro-organisme ramené du laboratoire kazakh. Autre prouesse logistique, FIRMAMENT était parvenue à puiser dans son stock de condamnés à mort pour leur composer un assortiment exhibant une grande variété de caractéristiques physiques, génétiques et même psychologiques. La différence au niveau des résultats finaux était minime : quels que soient l'âge, le sexe, l'origine ethnique, la forme physique ou l'histoire médicale des cobayes leur cerveau dégénérait, ils s'éveillaient brièvement puis mouraient sans que leur système immunitaire ne serve à quoi que ce soit. À défaut d'un moyen fiable d'accéder à des pouvoirs cosmiques, cette chose ferait une terrifiante arme biologique.

« Nous pensons que le parasite ne sait pas faire la différence entre les cellules du tronc cérébral et celles du reste de l'encéphale. Le décès survient lorsque le cerveau n'arrive plus à réguler les fonctions vitales autonomes, généralement parce que le parasite a réorganisé les réseaux de neurones affectés au rythme cardiaque ou respiratoire. » répondit le Dullahan avec un détachement clinique.

« Je vois. Le phénomène vous paraît-il accidentel ou délibéré ? »

« Le professeur Kihara pense que c'est un défaut de conception ou un vestige d'anciennes itérations. »


Il y avait une différence de taille entre ces deux types d'imperfections : pour commencer, elle les renseignerait sur le stade d'avancement du projet qui avait donné naissance à leur objet d'étude.

« Je suppose donc que les recherches pour trouver un moyen d'y remédier n'ont rien donné. »

Effectivement, si c'était fait exprès – une sécurité ou un dispositif de contrôle pour s'assurer que seules les cibles choisies subiraient le processus de conversion cérébrale, dans les conditions déterminées par les utilisateurs du pathogène – il devrait y avoir une procédure, une substance chimique qui stopperait l'attaque sur le tronc cérébral. Toutefois...

« Rien de ce nous avons tenté n'a fonctionné. Nous cherchons toujours. »

« C'est cela, continuez, nous ne pouvons pas écarter l'hypothèse si tôt. Par acquis de conscience, je prendrai contact avec les spécialistes au cas où l'inhibiteur serait de nature thaumaturgique. »

« C'est sûr que nous ne risquons pas de nous en apercevoir si c'est le cas. »
concéda le Spectre, légèrement amer. L'évaluation des moyens ésotériques de l'alliance restait leur plus grand angle mort ; ces techniques-là opéraient selon des principes gardés secrets qu'ils auraient de toute façon été bien incapables de comprendre. Ils ne savaient même pas quels étaient les standards de cet autre monde, ne pouvaient deviner si les occultistes des Agences y auraient fait figure de gens compétents ou de complets amateurs !

« Rassurez-vous, ils se tournent vers nous eux aussi lorsque que les choses sortent de leur domaine d'expertise. Mais revenons à nos moutons : je vais vous adjoindre un généticien sur ce projet, vous déterminerez ensemble un moyen de faire en sorte que le parasite reconnaisse les différents types de neurones ou que son mode d'action n'affecte que les aires pertinentes. Son génome est déjà séquencé, cela devrait vous faire gagner un peu de temps. »

Et voilà, c'était de ça que l’Étoile Terrestre avait peur. L'objectif premier de la manœuvre serait d'améliorer leurs spécimens incomplets pour tenter de se rapprocher du chef d’œuvre du docteur Morris – sur lequel ils avaient échoué à mettre la main – et ainsi apprendre à mieux le combattre en prévision du jour où il serait lâché sur la population. Cette mesure d'anticipation était très louable mais sa réussite était tout sauf assurée : rien ne disait qu'ils parviendraient au résultat souhaité en faisant usage des mêmes méthodes que le PWM. Le deuxième objectif, plus sinistre, c'était de perfectionner le pathogène afin de se l'approprier. Nul besoin de talents de déduction dignes d'un détective de roman pour voir où le professeur voulait en venir : quelqu'un avait encodé la capacité à restructurer un système nerveux pour le rendre capable de faire appel à des facultés parapsychiques dans l'ADN d'un microbe. Les Agences avaient des bases de données répertoriant ces pouvoirs et leur fonctionnement, n'attendant plus que de nouveaux manieurs dont elles avaient désespérément besoin. Il n'y avait qu'à relier les points.

C'était ainsi, l'alliance avait une sainte horreur du gaspillage et n'hésitait pas à cannibaliser les technologies développées par ses ennemis afin d'accélérer sa montée en puissance. Le pathogène ne serait qu'un instrument de plus dans son arsenal, un vecteur pour injecter directement les connaissances du Standard Skills System dans ses agents. Bien entendu, il restait pléthore d'obstacles à surmonter avant de pouvoir faire une réalité de ces éveillés créés in vitro dont il avait rejeté l'existence plus tôt. Il serait tout aussi difficile – voire plus – d'insérer de nouveaux « programmes » dans le cerveau d'un utilisateur de cosmos adulte comme on le ferait avec un ordinateur. Rome ne s'était pas bâtie en un jour, il ne fallait pas tomber dans les mêmes travers que les médias qui donnaient régulièrement une fausse vision de la rapidité du progrès scientifique. Ces médias qui criaient à l'avènement imminent d'une société d'immortels à la plus petite avancée dans le domaine des cellules-souches ou promettaient aux crédules que les intelligences artificielles allaient bientôt succéder aux Dieux au rang de tyrans régnant sur l'espèce humaine, tout ça parce qu'une machine avait battu un joueur d'échecs. Combien de fois s'était-il moqué de ce genre de « reportages »...

Toutefois, même s'il ne s'agissait que d'un premier pas sur une route tortueuse et semée d'embûches, il ne manquerait pas de suivre l'affaire de près – dans la mesure du possible – et de la mentionner dans son rapport. Parce qu'aussi lents que soient les progrès, aussi improbable que soit le succès, tous ces efforts étaient mus par la volonté de pouvoir transformer un humain en éveillé sur commande. En d'autres termes, développer des ersatz d’Étoiles Maléfiques. Une ambition que le Faucheur jugerait sûrement préférable de tuer dans l’œuf, et tant pis pour la curiosité scientifique du Dullahan. On ne pouvait laisser passer un tel sacrilège, qu'importent ses petits regrets personnels.

« Au fait, je n'ai pas eu l'occasion de vous le demander avant mais est-ce que vous vous plaisez ici, docteur ? »

Le français, qui avait terminé son rapport et s'apprêtait à quitter le bureau, fut pris de court par cette question inattendue. « Pardon ? »
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« Vous m'avez bien entendu. Vous êtes ici depuis plus de deux semaines maintenant, vous avez eu le temps de vous habituer à notre rythme, je pense qu'il est temps que nous ayons cette conversation. Allez-y, vous pouvez tout me dire. »

Non. Non, il ne pouvait pas tout lui dire, absolument pas. Soudainement soupçonneux, le français se demanda si toute la discussion précédente n'était pas en fait qu'une sorte de piège. Tous ceux qui vivaient dans ce complexe étaient des gens très occupés malgré l'abondance d'outils dédiés à la réduction – ou en tout cas l'optimisation – de leur charge de travail, il n'y avait que rarement lieu de faire les rapports d'avancement en personne. La plupart du temps les chercheurs ne s'arrêtaient même pas de remplir leurs autres obligations pour ce faire, une commande vocale suffisait pour dicter un message depuis n'importe quel endroit du laboratoire, entre autres requêtes de routine adressées au système. C'était très pratique, en voyant ce qu'il était possible d'obtenir en prononçant quelques mots dans le vide le Spectre s'était plus d'une fois demandé si la bonne marche du système reposait sur une IA perfectionnée ou si les requêtes étaient transmises à Beth qui s'occupait ensuite de dire quoi faire à l'ordinateur, auquel cas elle devait en avoir assez d'entendre des gens parler directement dans sa tête toute la journée...

Rogos s'admonesta mentalement : sa mission – ses missions – l'obnubilait tellement que ses pensées avaient tendance à s'égarer pour y revenir quand on l'en sortait. Concentration donc. Il n'avait sans doute jamais été nécessaire de le faire venir pour présenter leurs dernières trouvailles à Rosenberg, depuis le début il devait avoir prévu de détourner cet entretien vers un sujet plus personnel. Si son objectif était de prendre son subordonné au dépourvu, c'était réussi ; il aurait été sur ses gardes si on l'avait explicitement convoqué pour l'encourager à déballer son ressenti. Il avait du mal à imaginer ces Agences calculatrices et paranoïaques s'enquérir du bien-être du petit personnel pour des raisons parfaitement innocentes. Pas en passant par les supérieurs hiérarchiques en tout cas, c'était plutôt le travail de leurs psychologues.

« Tout va très bien professeur, merci. Je suis conscient de la chance que j'ai de travailler ici, surtout avec la brièveté de ma carrière au service de l'alliance. Je suis honoré de la confiance que l'on me porte et content de me rendre utile. »

Il avait fait de son mieux pour ne pas apparaître sur la défensive mais sa réponse improvisée et évasive ne parut guère convaincre le scientifique grisonnant. Il aurait dû passer plus de temps à répéter en cas de questions gênantes.

« Ce n'est pas ce que je vous demande docteur, je veux connaître vos impressions, savoir si vous tenez le coup. Vous avez travaillé avec Rivera et supporté Feuerbach pendant trois mois ; tout le monde ne peut pas en dire autant. D'ordinaire ce serait bon signe quant à votre solidité et pourtant certains m'ont fait part de leurs inquiétudes. »

Ah, ça se voyait donc tant que ça ? Le Dullahan avait-il seulement évalué de façon objective son propre état psychologique ? Probablement pas, à la réflexion. Il avait beau tout faire pour se conformer à ce qui était attendu de son rôle, l'inaction et les mensonges lui pesaient. Il vivait en vase clos, se refrénait constamment de laisser échapper son cosmos, faisait quotidiennement des choix cornéliens quand il lui fallait prouver la valeur de son intellect... Et oui en effet, il était bien obligé d'admettre qu'il en perdait le sommeil et l'appétit, entre autres signes extérieurs de déséquilibre intérieur. Ses cernes s'approfondissaient, ses joues se creusaient, il avait visiblement la tête ailleurs lorsque venait l'heure de socialiser... Ces désagréments étaient cependant triviaux par-rapport à ce que subissaient les agents de terrain et il ne pouvait s'empêcher de penser aux reproches que Wolgorn – qui restait son modèle en dépit de tous ses défauts – lui ferait s'il le voyait se plaindre pour si peu, aussi avait-il négligé de régler ces problèmes. Il n'aurait pas dû.

« Travailler pour eux n'était pas si terrible, le professeur Rivera est un peu trop enthousiaste avec ses poisons et ses pathogènes mais elle sait faire la part des choses et est parfaitement plaisante en-dehors du labo. Le professeur Feuerbach... est un sadique qui insulte les gens même quand il les complimente mais là encore, rien d'insurmontable. J'avoue que je suis beaucoup plus heureux avec mon équipe actuelle cela dit. »

« Vous me dites donc que ces deux-là ne font pas de bons indicateurs pour savoir si quelqu'un peut résister au stress du poste ? »
interrogea Rosenberg sur le ton de la plaisanterie en invitant son interlocuteur à s'asseoir. Il s'exécuta mais refusa poliment lorsque son supérieur lui proposa un verre ; l'américain haussa les épaules et se servit généreusement.

« Je n'ai pas dit ça, j'étais... J'étais employé par Malik Al-Aswad, à concevoir des armes, des drogues de combat et des procédures médicales pour transformer nos mercenaires en machines à tuer toujours plus efficaces et toujours plus rentables. Je n'en suis pas forcément fier mais voilà, je ne me suis jamais attendu à ce que mes supérieurs soient des anges ou soient même simplement faciles à vivre. Et pour le meilleur ou pour le pire, ce n'est pas non plus le fait de savoir que mes recherches vont servir à blesser et tuer des gens qui suffira à me déstabiliser. »

Le professeur acquiesça silencieusement en buvant une gorgée d'alcool, sans montrer s'il le croyait ou non. Il avait pourtant fait preuve d'une relative honnêteté : que représentaient quelques brimades à côté de l'épée de Damoclès du courroux divin ? Qu'étaient ses recherches sur le parasite comparées à son appartenance à l'armée infernale, à son adhésion aux projets potentiellement dictatoriaux ou génocidaires du Faucheur ? Cela pourrait certes changer si lesdites recherches prenaient de l'envergure mais ce ne serait pas demain la veille.

« Indépendamment de la dimension morale de vos actions, il y a toujours le problème du surmenage. J'ai vu vos relevés de présence, vous êtes sûr que vous n'en faites pas trop ? »

« Sûr et certain. »


S'il en faisait trop ce n'était certainement pas dans son travail pour les Agences, au contraire même : il ne pouvait pas dévoiler la pleine mesure de ses connaissances. Il en mourait d'envie pourtant – parce que oui il se plaisait bel et bien ici tout compte fait, les problèmes venaient de lui –, en voyant le manque de cobayes de qualité et la lenteur frustrante de leurs avancées. Avec les ressources mises à sa disposition par Thanatos – c'est à dire les autres Spectres et ses sujets de tests réutilisables –, il était parvenu à accomplir en quelques mois ce que les Agences avaient dû mettre des années à découvrir ! Il n'aurait sans doute pas été beaucoup plus loin compte tenu des limites inhérentes au travail en solitaire – ce n'était pas pour rien que la recherche scientifique était un processus collaboratif – et de son absence de réel génie mais il combattait perpétuellement cette tentation de se donner enfin à 100% de ses capacités. S'attacher lui-même à la table d'opération pour que ses collègues autrement plus intelligents puissent disséquer encore et encore un niveau 5 qui récupérerait quels que soient les sévices qu'on lui infligeait, invoquer son Surplis pour qu'ils puissent percer ensemble le secret du fonctionnement de l'Étoile Maléfique qui y résidait, ajouter toutes les informations sur les pouvoirs des guerriers morts-vivants à la base de données...

Mais c'était impossible, ce serait de la haute trahison passible du pire châtiment que les Enfers puissent offrir. Alors au lieu de cela, jour après jour, il distillait au compte-gouttes ses connaissances quand il se retrouvait pris dans une impasse. Il lui fallait montrer suffisamment de fausse brillance pour convaincre les chercheurs autour de lui qu'il méritait sa place parmi eux, sans pour autant « en faire trop » comme disait Rosenberg et ainsi éveiller les soupçons. Un équilibre précaire, un jeu dangereux qui ne faisait qu'ajouter au conflit entre ses deux identités – ou plutôt ces deux parts de sa personnalité : le Spectre loyal et le scientifique zélé. Celui qui devait obscurcir la vérité et celui qui avait pour tâche de l'amener en pleine lumière. Il dépensait au moins autant d'énergie à empêcher l'un de ces aspects opposés de compromettre sa mission en étouffant l'autre qu'à remplir la mission-même. Et s'il arrivait trop tôt au bout de ses réserves, qu'il épuisait sa maigre provision de savoir confidentiel avant la fin de la mission ? S'apercevraient-ils qu'il n'était qu'un imposteur ?

« Je persiste à croire que jusqu'à seize heures par jour cloîtré à votre poste de travail c'est excessif, surtout avec vos insomnies. Je ne devrais pas avoir à vous dire ça, je ne suis pas votre médecin et vous aviez déjà été averti à ce sujet précédemment. »

Fichus mouchards, entre les caméras partout, les balises dans les badges et les implants on ne pouvait même plus passer une nuit blanche en paix. Ou journée, le complexe ne suivait pas un rythme jour-nuit strict et sa propre horloge biologique était complètement détraquée...

« Je m'étais repris en main à ce moment-là. »

« Vous vous étiez repris en main, sauf que vous replongez dans les mêmes travers. Si vous n'arrivez pas à vous modérer cette fois, je vais être obligé de sévir. »

« Comment cela ? »

« Vos accès système seront gelés automatiquement au bout d'un certain temps, pour commencer. »

« Cela ne se reproduira plus. »

« Excellent. Je suis heureux de constater que vous êtes motivé mais sachez garder un minimum de distance vis-à-vis de votre travail. Il ne peut qu'en pâtir si vous vous sur-investissez. »

« Je tâcherai de m'y tenir. »

« Tant mieux, nous avons besoin de vous au meilleur de votre forme. »


Ce serait difficile mais sans doute bénéfique... il avait désespérément besoin de trouver quelque chose pour évacuer le stress, un exutoire qui ne soit ni son travail ni sa mission – il se jetait dans l'un à corps perdu quand quelque chose n'allait pas avec l'autre, un véritable cercle vicieux. Et en termes de sur-investissement, on pouvait difficilement faire pire que sa relation au Standard Skills System : la base de données recensait les facultés cosmiques selon une nomenclature parfois contre-intuitive mais en fait éminemment logique une fois qu'on en saisissait les principes sous-jacents. Comme Rosenberg et Feuerbach l'avaient démontré lorsqu'ils examinaient la candidature du français, il ne fallait pas toujours se fier aux apparences en matière de pouvoirs cosmiques. Une action apparemment complexe pouvait en réalité s'avérer très simple et vice versa ; il était possible d'aboutir à un même résultat par des chemins très différents ou de modifier drastiquement ce résultat à partir d'une altération mineure du processus utilisé pour y parvenir.

Le SSS avait pour but d'analyser et de décomposer chaque pouvoir cosmique enregistré en une suite d'éléments fondamentaux communs à tous les éveillés, un alphabet dont les lettres pourraient être recombinées pour aboutir à l'ensemble des facultés possibles et imaginables de la même façon que toutes les œuvres littéraires jamais écrites n'étaient au final qu'une succession des mêmes 26 caractères. Par ce biais, les Agences tentaient à la fois de créer un dictionnaire et un langage universel du cosmos entre programme informatique, formule mathématique et équation physico-chimique, avec un fort apport des neurosciences cognitives pour rendre le produit fini assimilable pour ses destinataires. C'était – comme toujours – à la fois un travail de titan et un travail de fourmi : le nombre de trous à combler, d'expériences à mener, le volume de données à traiter étaient colossaux et il fallait procéder avec la plus grande minutie. Une fois ce Grand-Œuvre parachevé, il devrait être théoriquement bien plus simple d'enseigner de nouvelles capacités aux agents, d'améliorer leurs techniques existantes et de contrer celles de leurs adversaires. Même si la Grande Théorie Unifiée du Cosmos des Agences restait incomplète, les résultats à ce stade étaient déjà prometteurs grâce à leurs bataillons de scientifiques et simulations informatiques à la précision inégalée.

Le cavalier sans tête s'était plus d'une fois arrêté in extremis alors qu'il s'apprêtait à commettre l'irréparable en couchant sur le papier ou en tapant au clavier les équations de ses propres arcanes. Cette maudite curiosité qui finirait par provoquer sa perte s'il n'arrivait pas à la juguler lui murmurait de confier le secret de ses techniques aux machines et aux algorithmes de l'alliance, espérant – à tort ou à raison, qui pouvait savoir ? – voir ressortir une formule améliorée ou même de nouvelles techniques nées de la puissance de calcul de Tetragrammaton et de l'expertise accumulée par les organisations secrètes. Il les avait créées lui-même après tout, tout ces mois auparavant, alors qu'il n'arrivait pas à accéder aux pouvoirs ancestraux de l’Étoile Terrestre de l'Ombre ; l'approche qu'il avait utilisé à ce moment-là – et qu'il avait continué d'utiliser ensuite à mesure qu'il développait son style de combat – lui rappelait celle employée par FIRMAMENT. Cette proximité spirituelle était à la source de ce damné tiraillement, comme s'il n'y en avait pas déjà assez.

« Y a-t-il autre chose, professeur ? »

« Une dernière, oui. Michaels vous a raconté, n'est-ce pas ? »
fit Rosenberg en relevant la manche de son bras mécanique. Rogos hocha la tête. « C'est très bien. Tetragrammaton n'est pas un jouet. Numéro 2 n'est pas la cellule la plus excitante mais elle reste dangereuse ; elles le sont toutes. J'espère que cette petite histoire vous a fait réfléchir à vos précédents propos : nous utilisons ces interfaces pour une bonne raison. »

Il s'en était douté : Beth avait rapporté à son supérieur qu'il l'avait traité d'hypocrite. Une réaction mal maîtrisée à la révélation du statut de la jeune fille, ce qui n'excusait rien.

« Je vous demande pardon. » dit-il tout de même. L'américain balaya paresseusement l'air de la main tenant son verre, indiquant du geste qu'il n'en prenait pas ombrage. « Ce n'est pas grave, vous avez le droit d'avoir des opinions, tant que cela ne va pas plus loin. Croyez bien que s'il y avait un autre moyen, nous l'emploierions sans hésiter. Vous pouvez chercher vous-même si le cœur vous en dit. Je vous libère ; n'oubliez pas de vous reposer, vous en avez bien besoin. »
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Ce tête-à-tête avec le professeur l'avait effectivement fait réfléchir à sa conduite. De quel droit le docteur Cantor se permettait-il de questionner les actes de FIRMAMENT ? D'accord, il pouvait dire qu'il n'avait jusque-là expérimenté que sur des criminels et sur des Chevaliers Noirs qui avaient scellé leur destin en décidant de s'attaquer à la propriété de Malik Al-Aswad. Il pouvait également faire remarquer que, si chaque membre du personnel des Agences était équipé d'un dispositif de contrôle létal, celui-ci était fait pour les éliminer rapidement et proprement au cas où ils trahiraient leurs employeurs : une conséquence de leurs propres choix, là encore.

Ce n'était pas le cas pour les interfaces et il s'en était offusqué. Pourtant le docteur Cantor, avant même de rejoindre l'alliance, travaillait pour un marchand d'armes et pourvoyeur de mercenaires ; ses recherches avaient servi à tuer des centaines, voire des milliers d'innocents dont bien entendu des civils, des femmes, des enfants et des vieillards sans défense. Qu'importe qu'il n'ait été qu'indirectement impliqué, qu'il n'ait pas appuyé lui-même sur la gâchette. Il n'avait jamais eu à faire face personnellement aux conséquences de ses propres actions et ça ne l'avait donc jamais dérangé plus que ça. Mais voilà qu'il croisait enfin quelqu'un qui souffrirait ou mourrait à cause de lui ou de ses collègues sans avoir rien fait pour le mériter, et soudainement il se découvrait une conscience ? De quoi avait-il eu l'air du point de vue de son supérieur ? « Mieux vaut tard que jamais » diraient certains, mais Rosenberg n'était probablement pas de ceux-là. Le français était un hypocrite, ce qui s'appliquait d'ailleurs tout autant à son nom d'emprunt qu'à sa véritable identité – le fossé les séparant n'étant au final pas si grand. Il était mal placé pour faire la leçon à qui que ce soit.

Le monde était injuste. Le progrès comprenait forcément une part de risque. Les Agences ne se hisseraient jamais au rang de réels protecteurs de l'humanité sans en payer le prix – ou le faire payer à d'autres. Un humain s'éveillait beaucoup plus facilement si on le plaçait sur cette voie dès son plus jeune âge. Des agents pouvaient être euthanasiés même s'ils n'avaient commis aucune faute, s'ils étaient soumis à une technique de contrôle mental par exemple. Tels étaient les faits ; s'il n'était pas capable de les accepter alors il n'avait rien du professionnel que FIRMAMENT avait consenti à recruter.

Le Spectre avait écouté les remontrances du professeur, trouvant une raison supplémentaire – en plus du simple bon sens – de se conformer à ses conseils : relâcher la pression lui fournirait davantage d'opportunités de mener à bien sa mission principale. Il ne s'attendait certes pas à pouvoir se faufiler ni vu ni connu dans les autres laboratoires ou à entendre ses collègues déballer tous leurs secrets les mieux gardés au réfectoire, devant la télévision ou autour de la table de billard – l'impératif de compartimentation de l'information était trop profondément ancré et ses autorisations d'accès restaient limitées – mais il y avait des bénéfices à sortir régulièrement de son antre.

Il se rendait plus souvent dans la salle du cœur et avait même réussi à obtenir une courte visite de la partie informatique de la cellule ; les techniciens ne l'avaient pas laissé approcher mais il avait eu le souffle coupé devant l'immensité de ces tunnels abritant des rangées et des rangées de serveurs s'étendant à perte de vue, reliés par des kilomètres de fibre optique. Il glanait des anecdotes ici et là au fil des conversations autour d'un verre ou d'un jeu, se familiarisait avec les visages et les responsabilités qui y étaient associées. Peu à peu, il se construisait une représentation de la composition des différentes équipes, des moyens qui devaient leur être alloués et des difficultés qu'elles rencontraient dans leurs recherches respectives – même si ses trouvailles dans ces deux derniers domaines devaient être prises avec des pincettes ; l'humeur apparente de ses confrères par exemple était loin d'être un indicateur objectif. Et oui, il fallait bien l'avouer, suivre ces recommandations contribuait indubitablement à préserver son équilibre mental. Ça et un plus grand investissement dans ces exercices de combat obligatoires que tant d'autres scientifiques détestaient cordialement.

« Il a la moitié de mon âge, agent Takahashi, le combat n'est pas équilibré ! » protesta le professeur Brown lorsqu'il fut placé en binôme avec le Dullahan pour les exercices d'autodéfense.

« Sur le terrain les affrontements se font rarement à armes égales, il faut vous y faire. » rétorqua leur superviseur, impassible. « Et puis depuis le temps que vous faites ces exercices, la différence d'expérience devrait largement compenser celle de l'âge. »

« Depuis le temps, vous vous rendez compte du nombre de semaines que j'ai perdu ici ? » grommela derechef son adversaire alors qu'il se mettait en position. Rogos brandit son couteau – pas un vrai, les agents de terrain disaient que certains membres du personnel scientifique étaient capables de se blesser même en s'entraînant avec les combinaisons – et attaqua. Il fut promptement désarmé avant de recevoir un coup de coude au visage – ou plutôt au casque, heureusement – puis une clé de bras. Il parvint à se dégager avant d'être jeté au sol et prit ses distances... zut, maintenant c'était Brown qui avait le couteau.

« Les crânes d’œuf comme vous, si on ne les surveille pas, ils restent dans leur tanière pendant vingt ans et ils en ressortent soit obèses, soit avec la peau sur les os et pas une once de muscles dans un cas comme dans l'autre. Il y a encore un espoir pour Cantor, on l'a attrapé tôt celui-là. »

Le français battit à nouveau en retraite lorsque son collègue passa à l'offensive avec une célérité et une précision surprenantes pour quelqu'un qui se plaignait autant. Il se demanda s'il n'était pas la cible d'un bizutage à retardement : Brown l'avait-il fait exprès pour qu'il le sous-estime ? Il essaya de reprendre son arme mais en fut empêché lorsqu'un coup de pied manqua de le faire trébucher. Sa propre tentative de balayage rencontra davantage de succès, sans pour autant lui laisser assez de temps pour presser son avantage, son aîné s'étant rétabli trop vite avant de contre-attaquer avec une économie de mouvement remarquable pour un non-combattant. Voilà qui confirmait ses soupçons, il n'était pas le Spectre le plus athlétique – encore moins en l'absence de son cosmos – mais il ne pensait pas qu'il aurait à pousser autant son corps d'humain face à un simple chercheur.

« Je ne sais pas, on dirait que vous avez fait du bon travail avec lui ! » grogna le Dullahan en feintant, esquivant un arc de la lame puis parvenant enfin à placer un bon coup de poing. La riposte ne se fit pas attendre : il évita une paire d'attaques avant de se retrouver avec le couteau sous la gorge, son opposant ayant profité d'une distraction pour changer son arme de main. Takahashi signifia la fin de l'exercice. « Bien obligé. La dernière chose dont nous avons besoin sur le terrain, c'est d'avoir dans nos pattes un nerd qui a peur de son ombre et se fait tuer parce qu'il ne peut pas courir cent mètres sans cracher ses poumons. »

« C'est une bonne politique. » concéda le français en serrant la main de son adversaire souriant. « Sans rancune, Cantor ? »

« Sans rancune. »

Parce que s'il devait jurer vengeance à chaque fois que quelqu'un l'aplatissait en combat singulier, le dépassait au tir sur cibles mouvantes, à la course ou au parcours d'obstacles ou le « tuait » pendant les séances de paintball, il se retrouverait à devoir haïr les trois-quarts de ses collègues. Puis tous, parce que la composition du groupe appelé à subir ces exercices changeait à chaque fois selon l'emploi du temps des scientifiques et qu'il ne s'était donc pas encore retrouvé confronté à tout le monde. Cela dit, ce n'était pas désagréable de découvrir de nouveaux aspects de la personnalité de ses petits camarades : les Kihara étaient d'excellents tireurs et extrêmement compétitifs, Michaels n'arrêtait pas de rouspéter pour que les instructeurs remplacent les couteaux par des épées parce qu'il avait fait plusieurs années d'escrime, Rosenberg avait une passion dérangeante pour les grenades – chargées de peinture, heureusement – et les explosifs en général...

Il y en avait de moins enthousiastes bien sûr, la transhumance qui vidait périodiquement un quart du complexe Chokmah n'était pas du goût de tous. Il s'en trouvait toujours pour dire aux gardes venus les collecter et les emmener dans les tunnels plus près de la surface – dont plusieurs servaient de champs de tir, terrains d'exercice et autres gymnases, même une piscine ! – qu'ils ne pouvaient pas venir parce qu'ils avaient une expérience de dernière minute sur le feu. Ça ne prenait jamais : le système se verrouillait automatiquement une bonne heure avant l'arrivée des instructeurs pour que tous les appelés aient le temps de se préparer et Beth était là pour détromper d'éventuels agents qui se laisseraient embobiner par les mensonges des scientifiques... ou révéler la cachette de ces derniers s'ils faisaient semblant de ne pas être là. La première fois, Rogos avait dû se retenir d'éclater de rire en voyant le professeur faire la leçon aux fuyards penauds ; ils s'étaient retrouvés assignés uniquement aux exercices les plus pénibles et les plus ennuyeux, qu'ils avaient complété en foudroyant les caméras de sécurité du regard et en traitant haut et fort la technopathe de traîtresse, vendue, collabo, Jézabel et autres charmantes épithètes.

Sauf que ce coup-ci, la jeune fille faisait aussi partie de la moisson. Depuis le temps qu'il attendait de voir ce qu'elle valait en combat... Il avait continué de l'observer bien sûr – espionner une gosse, ce qu'il ne fallait pas faire pour être un bon Spectre... mais elle espionnait tout le monde après tout, il ne faisait que lui rendre la politesse – pour en apprendre plus sur son lien avec la cellule. Il n'avait guère avancé depuis les confidences de Michaels. Il avait échoué à lui parler en dehors des fois où elle venait aider dans leur laboratoire et ce n'était pourtant pas faute de l'avoir croisée à maintes reprises dans les couloirs, y compris aux heures les plus indues. Il n'avait pu accéder à aucun dossier la concernant personnellement, ni assister à ses tests. Il ne connaissait même pas son vrai nom : Beth n'était sûrement qu'un simple diminutif et personne n'avait mentionné de nom de famille. Il avait parfois l'impression de chasser un fantôme – ironique pour un Spectre – et pas la seule éveillée affectée spécifiquement à leurs installations.

Non, ce n'était pas tout à fait correct... il avait bel et bien remarqué quelque chose, ou plutôt l'absence de quelque chose, comme souvent dans son cas. Absence de nom, de couleurs, de relations sociales, de ressentiment flagrant à l'égard de ceux qui l'enfermaient au fin fond d'une base militaire au lieu de la laisser vivre comme les autres filles de son âge – la perspective de l’Étoile Terrestre avait néanmoins évolué sur ce point : s'il avait pu accepter que Mohana parle au nom d'Hadès et commande les infernaux à douze ans, il pouvait accepter une interface du même âge – et surtout absence de cosmos. Pas une fois il n'avait ressenti son aura alors même qu'elle s'était livrée à de nombreuses manipulations de nature clairement technopathiques en sa présence et qu'elle était apparemment connectée au système en permanence. À cette observation s'était ajouté le fait que la signature énergétique de Numéro 2 ne pouvait être ressentie que dans la salle du cœur : il ne pouvait qu'en conclure que FIRMAMENT possédait déjà son propre dispositif de dissimulation des émanations cosmiques avant que l'alliance avec les russes ne lui permette de bénéficier des Timur. Logique, ils n'allaient pas attendre des années un pacte qui n'aurait de toute façon pas été signé sans les actions de Poséidon pour faire en sorte d'éviter que leur précieux atout n'attire tous les éveillés à la ronde comme un phare.

« Blanchette, c'est ton tour ! »

Ah, enfin le moment tant attendu... ou pas, l'interface n'esquissant pas un geste pour rejoindre l'agent Johnson sur la surface de combat. Ce n'était pourtant pas la première fois qu'il voyait l'américain ou autre personnel militaire en mode sergent-instructeur user d'un surnom désobligeant à son égard – le français avait lui-même eu droit à « cuisses de grenouille », « drapeau blanc » et « bouffeur de fromage », pas très inspiré certes mais tous les bons surnoms devaient déjà être pris – mais il ne l'avait jamais vue leur adresser une rebuffade jusqu'alors. Un début de rébellion, enfin ?

« Je sais que tu m'as entendu, la naine. »

Pas de réponse.

« Je te parle, fantômette. »

Ah, Rogos n'était donc pas le seul à faire cette comparaison. Toujours pas de réaction cependant. « Ça y est, elle nous fait sa crise d'adolescence ? » murmura le cavalier sans tête à son voisin tandis que Johnson enchaînait sans succès les sobriquets. Brown pouffa : « Non, je crois plutôt que c'est Rosenberg qui en a eu assez. »

« Pourquoi cette insubordination tout à coup, Numéro 2 ? » demanda finalement l'agent après avoir épuisé son lexique.

« Le professeur dit de ne plus répondre aux désignations incorrectes. Pas sérieux. »

« Pourquoi faut-il toujours qu'il gâche tout, insulter les recrues c'est ce que je préfère dans ce job... »

« Nous aussi on peut refuser de répondre jusqu'à ce que les soldats nous parlent normalement ? »

« Non. »

« Favoritisme... » grommela le Dullahan en évacuant la surface de combat en même temps que ses collègues. Ces deux-là étaient des éveillés, ils s'affrontaient sans combinaisons – Beth dans sa dégaine habituelle de sujet de test, Johnson en uniforme simple – et apparemment à lames réelles, parce que ces gens n'avaient décidément aucun instinct de survie. « Le vainqueur pourra martyriser – pardon, entraîner – Cantor jusqu'à la fin de la séance. »

De quoi ?! Pourquoi lui, qu'avait-il fait pour mériter ça ? La question avait dû s'inscrire sur son visage, à en juger par les mains rassurantes – en théorie – de Michaels et Brown sur ses épaules. « C'est comme ça, vous resterez le nouveau jusqu'à ce que quelqu'un d'autre nous rejoigne. »

« Et puis fallait pas l'ouvrir. »

Alors ça c'était injuste, il n'avait fait que rebondir sur le commentaire de son collègue, pourquoi était-il le seul à être puni ? Il restait cependant lucide sous une irritation de surface et observait attentivement les combattants se mettre en position, puis entamer l'affrontement. Ça n'avait plus grand-chose à voir avec un cours de self-defense : pour commencer, ils cherchaient tous deux à prendre l'initiative en jouant le rôle d'agresseur. Ensuite, ils essayaient clairement de tuer leur adversaire plutôt que de créer une ouverture pour s'enfuir comme les scientifiques apprenaient à le faire. Plutôt que d'attendre quelques passes pour s'échauffer, ils bondissaient droit à la jugulaire – littéralement.
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Avec sa plus grande allonge, Johnson manqua de quelques centimètres de trancher la gorge de son opposante. Celle-ci se rapprocha volontairement pour tirer avantage de sa plus petite taille avec la ferme intention de lui ouvrir le ventre en représailles ; il recula tout en décochant un uppercut qui effleura à peine sa cible mais la plaçait en position de vulnérabilité pour un coup de pied circulaire. Elle parvint à se baisser pour esquiver l'attaque puis fut repoussée d'un coup de poing dont elle diminua l'impact en accompagnant délibérément le mouvement.

Même sans cosmos pour aiguiser ses sens, le Spectre gardait une assez bonne vision pour suivre un combat de ce niveau. Au milieu de l'échange d'offensives et de contre-offensives arrêtées ou esquivées au tout dernier instant, aucun des combattants ne parvenant encore à prendre l'ascendant sur l'autre, il discernait peu à peu leurs avantages respectifs. L'adulte était plus grand, plus fort, plus rapide, plus expérimenté et lorsqu'il se décida enfin à faire usage de son cosmos, ces qualités furent amplifiées. Pas de beaucoup, le niveau 1 était caractérisé par des capacités disproportionnées par-rapport à ce dont le corps de l'utilisateur devrait être capable sans pour autant basculer dans le surhumain, toutefois il frappait et encaissait comme le ferait un homme à la carrure bien plus large tout en se mouvant avec la célérité et la souplesse d'un jeune athlète, un paradoxe apparent. Et pourtant les réflexes de l'adolescente suivaient, elle se montrait capable d'anticiper les actions du vétéran et d'y réagir à temps malgré sa vitesse inférieure. Sa coordination motrice, sa perception spatiale ainsi que ses sens du timing et de l'équilibre étaient irréprochables, résultant en un style fluide et acrobatique. Roulades et sauts se succédaient sans temps mort ni déstabilisation pour compenser la différence d'allonge, tenter une attaque en traître ou absorber l'énergie des coups adverses. Rogos se demanda quelle part de cette performance était due aux talents propres de l'interface et laquelle venait de la machine ; il ne parvenait toujours pas à ressentir son cosmos en tout cas.

« Elle s'en tire bien quand même. » fit remarquer le Dullahan avec une surprise seulement à moitié feinte, vu qu'il ne savait pas à quel niveau Beth était censée se situer ni quelles aptitudes lui étaient conférées par son statut.

« C'est un bon exercice, Johnson est un excellent choix contre Chokmah. »

« C'est à dire ? »

« Il sait quand choisir une action sous-optimale pour contourner les prédictions de la cellule et la forcer à considérer toutes les possibilités. Ça l'oblige à manquer des occasions de porter un coup décisif. »

Là pour le coup il était vraiment surpris : l'interface était en train d'hésiter face au militaire ? Il ne voyait pourtant nulle trace d'incertitude ou de confusion ; peut-être parviendrait-il en être témoin si seulement il pouvait accéder à son cosmos pour accélérer ses perceptions... mais ça il n'en était pas question. Dommage.

« Cela dit, Chokmah non plus n'est pas si prévisible, elle aussi peut parier sur une décision sous-optimale. »

Un coup de couteau frôla le flanc de la jeune fille, entaillant le tissu sans pour autant entamer la peau. Un risque calculé : Johnson avait poussé son offensive un chouïa trop loin et ne parviendrait pas à se protéger de la contre-attaque. La lame de Beth aurait dû sectionner les veines de son poignet droit et mettre fin au combat... mais elle fut déviée lorsqu'elle rencontra une fine couche d'énergie dans un léger dégagement d'étincelles rouges. La technopathe se ressaisit à temps pour dévier à son tour un coup de paume visant son estomac, qui fut lui aussi accompagné d'un éclat de lumière mordorée. Les assauts suivants la réduisirent à la défensive sans lui laisser l'occasion de renverser la situation : il s'en fallait déjà d'un cheveu que l'arme du vétéran ne la taillade avant et maintenant que celle-ci se retrouvait prolongée de quelques centimètres par un tranchant cosmique, y échapper requérait toutes ses ressources ou presque. Les coups de poing et de pied de l'américain étaient de plus en plus souvent assortis d'une minuscule détonation énergétique qui devait servir à désorienter et assourdir en plus d'en accroître légèrement la portée ; il n'hésitait pas non plus à feinter avec son cosmos afin de pouvoir placer un coup ordinaire tandis que les ripostes étaient parées et détournées au tout dernier instant par une petite contre-explosion, transformant ce qui aurait pu devenir des blessures sérieuses en simples égratignures. Rogos réévalua son opinion de Johnson : il savait qu'il s'agissait de l'un des meilleurs agents de FIRMAMENT même s'il était loin d'être leur éveillé le plus puissant, toutefois avec un tel degré de contrôle il ne serait pas étonné de le voir franchir le seuil du niveau 2 sous peu.

« Ce n'était pas dans votre dossier. » déclara la gamine pâle sans paraître se préoccuper de l'imminence de sa défaite – et, plus inquiétant, des blessures qui risquaient d'en résulter.

« Tu croyais vraiment que j'allais laisser passer tous ces mois sans progresser ? » répondit le vétéran, ce qui lui coûta un coup de genou dans les côtes. Belle tentative de distraction, mais il s'en tirait sans réel dommage et son bouclier avait brûlé l'étoffe protégeant son adversaire au point de contact. « Quand on cesse de s'améliorer, on meurt. »

« C'est vraiment indélicat de dire ça... » marmonna Michaels. « Elle s'en fiche. » répondit Brown sur le même ton. Rogos leva un sourcil mais ne s'attarda pas sur leurs paroles, le combat semblant toucher à son terme.

« Vous l'avez caché exprès. » vérifia-t-elle d'une voix toujours neutre.

« En effet ; que ça te serve de leçon. »

Johnson chargea sur ces entrefaites mais fut étonnamment déstabilisé d'un grand coup de pied en plein plexus, Beth se servant de lui comme d'un tremplin pour reprendre ses distances d'un bond. Il ne la laissa pas s'en tirer à si bon compte : il lança son arme dans sa direction et dévoila son dernier atout, une paire de couteaux de lancer cachés dans ses manches qu'il expédia à la suite du projectile initial. L'interface était en posture encore plus précaire, elle n'avait pas encore touché le sol et ne disposait d'aucun appui... elle parvint pourtant à se contorsionner en l'air pour attraper le premier couteau avant qu'il ne la transperce, lancer sa propre arme pour intercepter le second en plein vol dans le même mouvement puis parer le dernier en le repoussant avec celui dont elle s'était emparé. Elle toucha enfin terre et se précipita vers l'adulte en récupérant au passage sa lame d'origine qui n'avait pas fini de retomber, sans ralentir ni même regarder. L’Étoile Terrestre ajouta mentalement « calculs balistiques rapides et précis » à la liste des bénéfices accordés par la cellule.

L'ultime passe d'armes vit Johnson se déporter sur le côté pour éviter les lames de la jeune fille, sortir un nouveau couteau de sa ceinture et s'en servir pour faire glisser l'une des deux attaques suivantes, puis l'abattre sur son adversaire. Les deux combattants se figèrent : la pointe de l'arme du vétéran reposait sur la carotide de Beth, dont le couteau était en retour appuyé entre deux côtes de son opposant, dont le bouclier était trop fragile pour parer une estocade, prêt à lui transpercer le cœur.

« Merde. Match nul ? » demanda l'agent en reprenant son souffle. La technopathe, toujours imperturbable, se remit d'aplomb et lui rendit son couteau. « Votre attaque a porté avec 0,013 seconde d'avance. »

« Ah ? Très gracieux de le reconnaître, mais la prochaine fois ce sera sans ces trucs. » dit-il en pointant les appareils de surveillance au plafond. « Il te faut apprendre à combattre sans tout voir et tout connaître de tes adversaires, c'est pour ça que le professeur a autorisé la dissimulation de cette partie de mon dossier. Sans caméras pour te montrer ce que j'avais dans les mains, je t'aurais eu avec les couteaux de lancer. »

« Je les ai sentis quand j'ai touché votre avant-bras. »

« Toujours réponse à tout... bien, Cantor, c'est votre tour de souffrir ! »

Et zut, il espérait que l'homme aux lunettes noires aurait oublié... en plus il aurait préféré que Beth gagne, il aurait eu tout loisir de l'observer. Il lui faudrait se contenter de mettre en perspective ce qu'il avait déjà appris.

« Euh... vous n'allez pas me demander de faire pareil que ce que vous venez de faire quand même ? » demanda-t-il avec un rire jaune. « Évidemment que non. Suivez-moi. »

Il fut emmené vers un espace libre et forcé de faire des pompes (« Comment comptez-vous tenir un fusil avec ces bras de poulet, hein ? ») pendant que l'instructeur se débarrassait de sa veste d'uniforme ruinée et inspectait les multiples estafilades qui étaient venues tenir compagnie à des cicatrices plus anciennes. Les vêtements de l'interface étaient tout aussi lacérés et Takahashi l'envoya se changer avant de la laisser reprendre les exercices.

« Vous êtes sûr que ça va, agent Johnson ? » interrogea-t-il tandis que l'intéressé désinfectait et bandait ses plaies. « Tout à fait docteur, merci beaucoup... et ne croyez pas que cette question sur ma santé vous fera échapper à vos cinquante flexions supplémentaires : comme vous venez de le voir, la demie-portion n'a pas droit à un traitement de faveur. »

C'était une blague, zut ! Quoique, ils auraient pu la mettre face à un niveau 2 et là... non, le but de ces entraînements était de préparer le personnel scientifique, pas de l'enfoncer. D'après ce qu'il avait vu ses capacités physiques n'excédaient que de peu celles d'un humain normalement constitué, tout était dans la dextérité, la précision quasi-mécanique des mouvements et la vitesse des réflexes. Quelles étaient les limites de Chokmah de ce côté-là, d'ailleurs ? Il devait y avoir un intervalle de temps entre la transmission d'une image à la machine par son interface, le traitement de l'information et l'envoi d'instructions exécutées par le système nerveux de la jeune fille. Si ce délai était trop important, il lui serait impossible de se reposer sur la cellule face à un éveillé de niveau supérieur, ou simplement si elle se trouvait trop loin du complexe... c'était une piste à creuser.

« Franchement, vous étiez obligés d'y aller aussi fort ? Ça aurait pu très mal se terminer. » poursuivit le Spectre, opiniâtre même sous le regard critique de l'agent qui jugeait ses efforts. Lui aussi pouvait jouer au dur et ignorer la douleur comme si de rien n'était, il avait affronté des chevaliers d'Or quand même ! Bon, les chevaliers en question l'avaient tué à plusieurs reprises mais il avait serré les dents tout du long et il s'en était toujours relevé. En tout cas, ce n'était pas un peu d'exercice physique et quelques hématomes ou coupures qui lui feraient peur.

« C'est rien ça, j'en ai vu d'autres. »

« Je pensais plutôt à ce qu'il se serait passé si vos lancers avaient atteint leur cible. »

« On l'aurait rafistolée ensuite. »

« Ou remplacée... sans rire, je ne sais pas ce que vous avez dit ou fait pour la recruter mais je ne suis pas sûr que ceux qui s'occupaient d'elle avant qu'elle ne nous rejoigne seraient très contents, soyez plus soigneux. »


Beth pouvait bien prétendre que personne ne l'avait forcée à quoi que ce soit mais si elle avait été endoctrinée très jeune, c'était une défense qui ne tenait pas. En tout cas il doutait que FIRMAMENT ait dit toute la vérité à ses parents ou gardiens : c'était dans la procédure officielle quand on approchait des éveillés mineurs, leur mentir à eux et surtout à leur famille qui n'avait pas le droit d'être mise au courant de ce que les Agences exigeaient réellement de leur progéniture. Johnson ricana et Rogos ne comprit pas tout de suite pourquoi ; il n'avait pourtant rien dit de drôle...

« Rosenberg ne vous a pas déjà dit que venant de vous ça fait un peu l'hôpital qui se fout de la charité ? Enfin bref, pas d'inquiétude : ses parents travaillent pour FIRMAMENT et savent exactement ce qu'elle y fait, aucune duplicité ou coercition n'a été nécessaire. »

D'accord, c'était encore pire que ce qu'il avait imaginé. Quel genre de parents indignes acceptaient en toute connaissance de cause que l'on mette en danger et fasse des expériences sur sa descendance ? À part Mitsumasa Kido bien sûr, les similitudes avec cette ère du Sanctuaire étaient de plus en plus nombreuses... Non, en fait il savait très bien qui pouvait faire ça : des savants fous, l'histoire de la science était jalonnée d'individus qui s'étaient tournés vers leur famille comme source de cobayes la plus proche. Ça ou l'une de ces lignées de militaires qui élevaient leurs enfants comme de bons petits soldats dès leur plus jeune âge. Ne souhaitant pas être de nouveau mis face à sa propre hypocrisie, il accueillit l'information avec ce qu'il espérait être un humour noir de circonstance.

« Super, grâce à vous j'imagine la photo de famille maintenant, maman Rivera et papa Feuerbach. J'espère que vous êtes fier de vous. »

Le vétéran afficha une grimace de dégoût, ce que le Dullahan pouvait comprendre : la seule idée que l'allemand puisse se reproduire...

« Félicitations Cantor, rien que pour ça vous venez de gagner un combat contre moi. Je serais un bien mauvais instructeur si je ne vous apprenais pas à vous défendre contre un éveillé, n'est-ce pas ? »

L'américain jeta un couteau au français, qui faillit échouer à l'attraper sans se couper. Puis il dégaina le deuxième et s'avança vers lui, menaçant... Une fois de plus, il aurait mieux fait de surveiller ses paroles.
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