J’étais à deux doigts de sortir. J’y étais presque.
Vous savez, quand je souhaitais que mon armure se pointe, j’étais pas sérieuse. L’armure est quand même venue de la manière la plus indiscrète au monde. Si c’était une tentative de sauvetage, c’était raté. Elle aurait pu au moins paraître un peu plus menaçante même si je dois admettre que c’était un très beau éclat de lumière. Ce qui me décourage le plus, toutefois, c’est qu’elle s’est mise sur toute seule sur moi et que ça n’a aucunement affecté mes liens. Je suis toujours attachée à cette chaise à la con.
Je n’aurais même pas eu le temps de me rendre à la porte de toutes manières. Je le sais tandis que Leticia me balance un de ses coups de pied pour m’envoyer loin. Je n’ai même pas la chance de pousser une exclamation de surprise. Ouais, je suis autant surprise qu’eux. Au moins, ils semblent vouloir partir maintenant, c’est déjà ça…
Oh non, il s’approche.
Des deux, Griffith est le plus effrayant. Cela va sans le dire. Je suis déjà fatiguée et blessée, autant physiquement que psychologiquement (merci Lélé, je déteste). J’ai peur, je suis tannée, je suis encore un peu en colère et je suis toute déboussolée. Tout ce que je souhaite, c'est qu'ils me laissent tranquille et ce mec m’interroge comme si c’était pour savoir si j’allais me jeter du dernier étage. En fait non, c'est exactement ça qu'il me demande. Pour une rare fois de ma vie, je n’arrive pas à répondre, ne montrant que ma plus belle «dafuq» face. Pas parce que je songe maintenant à me tuer, fuck non! C’est que je suis tellement confuse par tout ce qui se passe, je n’arrive pas tout de suite à dire de quoi. Tout ce qui s'est passé, chaque étape, m'a été révélé à la toute dernière minute. Je ne savais pas à quoi m'attendre quand je croyais que nous conduisions Leticia à l'hôpital. Je ne savais pas à quoi m'attendre quand ils m'ont kidnappée. Je ne savais pas à quoi m'attendre quand ils ont fait leur «expérience» sur moi. Maintenant, c'est des questions sur mon envie de vivre?? J'en suis prise au dépourvu. Quand les mots sortent enfin de ma bouche dans un murmure, ils ont déjà claqué la porte derrière eux :
-J’prendrai pas les conseils de deux personnes qui sont clairement pas bien dans leur tête.C'est plus adressé à moi qu’à eux, sachant qu’ils ne m’entendront pas, mais ça reste vrai : ils ne sont pas bien dans la tête. Du genre fou, oui, mais aussi du genre qui devrait absolument aller consulter un bon psychologue. Lélé parce qu’avec toutes ses blessures et son besoin de rage qui j’espère n’est pas constant (oh boy quel cauchemar ça serait), je mettrais ma main au feu qu’elle a vécu des trucs pas mal éprouvants qui l’ont traumatisée et par conséquent elle s’entoure de personnes douteuses.
Koff koff Griffith
koff koff. Celui-là, il est juste flippant, surtout vers la fin où il avait juste…pas l’air bien. J’ignore quoi ajouter à part : Go get help man.
Je reste très longtemps au sol à ne rien faire pour me libérer, trop occupée à tenter de gérer ces émotions violentes qui foutent le bordel dans ma tête. Je ne reviens pas comment je me suis autant confiée à une inconnue, surtout sur des choses que je tente désespérément de taire. Est-ce que j’ai vraiment beaucoup sur le cœur au point que ça en devient dangereux pour moi? De plus, les questions de Griffith ne m’ont pas laissées aussi indifférentes que je persiste à le croire. Une partie de moi me répète de ne pas écouter ces cinglés, mais je continue quand même à penser: Pourquoi je continue de m’efforcer à me prouver en sachant déjà au fond de moi que personne ne l’appréciera comme moi je l’apprécie? Combien de fois encore je vais tenter de crier au monde entier avec ma plus belle voix de Céline Dion «I’m alive!». Pourquoi je m’acharne encore?...
Une nouvelle palpitation apparaît en moi. Mon cosmos scintille autour de moi et me donne une remontée d’énergie. Oh shit, je sais ce que c’est!...
En serrant les poings, je dit lentement :
-Je m’acharne encore parce que… Mon cosmos redouble de puissance et en forçant des poignets, j’arrive à péter les câbles comme une boss. Je me relève lentement comme une badass, la tête haute, tout en achevant :
-…je suis une criss de tête de cochon. Et j’ai faim.BOOM BABY! Démarrez la musique principale! Scène du héros qui se relève de manière badass alors qu’il devrait rester à terre effectuée à la perfection! Woohoo! C’était trop cool! Ça donne un peu d’énergie ça! Manquait juste le méchant pour dire avec effroi : «C-C’est impossible!». Prends ça Carol Danvers! C’est comme ça qu’on se relève après un moment difficile avec des flash-backs de tous nos échecs!
Je suis presque sur le point de faire une mini danse de la joie quand soudain mon regard tombe sur mon sac à dos qu’ils ont jeté dans un coin crasseux. Je perds tout de suite mon sourire et une grande partie de mon assurance. Oh merde, Amphion. Je recueille mon sac sans douceur et je m’empresse de récupérer mon portable qui est tout au fonds. Toujours vêtue de mon armure, je compose son numéro lentement, essayant de cesser le tremblement dans mes doigts. Étrangement, j’ai peur de lui raconter ce qui s’est passé ici. J’ai peur de confiée une douleur, car cela implique admettre qu’il y en a une au départ. Je veux pas vraiment en parler. Surtout pas à lui. Je crois que j’ai suffisamment parlé. J’inspire profondément. Je veux qu’il comprenne que je veux juste rentrer. J’ai besoin d’un peu de temps.
Je n’ai pas à attendre qu’il décroche très longtemps, ce que je regrette car ça ne me donne aucun dernier temps de préparation :
-COLOMBE! Qu’est-ce qui se passe? Où es-tu? Tu--A-Amphion…J’écarte un instant le téléphone en m’entendant. J’ai la voix tremblotante. Je râcle ma gorge et réessaie une deuxième fois. Je sonne un peu mieux :
-Amphion. J’ai faim mais à part de ça, je pète la forme. J’ai manqué l’avion pour rentrer en Grèce. Je suis quelque part à Los Angeles. Peux-tu envoyer quelqu’un me chercher?Je ne l’ai laissé m’interrompre et mon ton de voix imposait l’écoute. Enfin, c’est ce que j’espère. Je crois que oui, car l’entraîneur me répond sans jugement :
-D'accord, reste où tu es.-Cool.
Il tente encore de me poser d’autres questions, et je le coupe en demandant qui il va envoyer. J’ai pas besoin de me faire interroger. Une fois était amplement assez pour aujourd’hui. Il me réponds Théo. Je hoche la tête et sans rien ajouter, je raccroche, las.
Il ne reste plus qu’à attendre.
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