Le sommet du Sanctuaire… Voila la plus belle vue que l’on pouvait avoir.
Saori, en arrivant, avait posé son sceptre, et c’était dirigée directement vers le balcon surplombant le sanctuaire, ses deux mains posaient sur la rambarde de pierre froide.
D’ici, on pouvait tout voir. Ainsi Perséphone pouvait regarder les différentes maisons du zodiaque se décliner sous ses yeux. Au loin, on pouvait apercevoir le village de Rodorio, en bien piètre état. Des fumées épaisses se dégageaient des habitations, le vacarme des sirènes, hurlants de tous les côtés pouvait s’entendre jusque dans les hauteurs du sanctuaire. Habituellement petit village tranquille, Rodorio était ce jour en panique, pansant lentement et péniblement ses blessures.
Saori regarda ce spectacle attristée avant de prendre la parole.

"Comme tu le vois, nous avons subi l’attaque de plein fouet de Skanda. Nous avons eu de nombreux blessés… La reconstruction risque d’être longue.
Malgré la force des Saints, ils n’ont rien pu faire pour stopper la folie meurtrière de cette Divinité Hindoue."

Athéna ne cacha pas la vérité à Perséphone. Les Enfers avaient également subi une attaque similaire, le danger était à prendre plus qu’au sérieux et l’urgence plus à démontrer.

"Mais bientôt, le soleil brillera à nouveau sur cette terre, les oiseaux chanteront et les fleurs pousseront afin de libérer leurs subtils parfums au printemps. Voir ce splendide spectacle ne te manque pas chère Perséphone ?"

Saori espérait bien faire réagir sa sœur en évoquant cela.

"Voila trente ans que nous nous sommes vues, ici même… Tu te souviens ?
Il est fort dommage que nos retrouvailles se fassent dans ces circonstances ne trouves-tu pas ?"

La douce sagesse détacha son regard de l’horizon, qu’elle n’avait pas lâché depuis le début, pour tourner ses grands yeux vers Perséphone.

"Tu souhaitais me parler, je t’écoute à présent."

Athéna n’était pas dupe, elle avait déjà une idée sur la raison qui avait poussé Perséphone à venir la voir. Cependant, la Déesse n’en dit rien. Elle n’était pas du genre à faire des conclusions hâtives et préférait largement attendre que son invitée lui explique clairement les choses.

"Je ne sais pas… "

Le ton de la Déesse montrait son inquiétude, tout comme son visage d’ailleurs. De nouveau face au village de Rodorio, en pleine reconstruction après son traumatisme, la Sagesse était songeuse. Skanda, Kalî… Y’en avait-il d’autre ? Elle ne l’espérait pas, la menace étant déjà suffisamment grande…

"Skanda n’a jamais mentionné une quelconque haine plus particulièrement dirigée vers des guerriers venant d’Inde… Au contraire, sa haine était universelle. Son souhait résider davantage à poursuivre sa marche destructrice. Il avait essayé de détourner mes guerriers de leur chemin…, chose, comme tu le devines déjà, est impossible à faire."

Saori avait entendu très distinctement le soupir ampli d’amertume de sa sœur, alors même qu’elle avait toujours les yeux rivés sur l’horizon. Et c’était d’un ton fataliste que Perséphone répondit à sa sœur. Elle avait pleinement conscience que Perséphone n’avait guère le choix, qu’elle subissait la situation mais Athéna fut tout de même soulagée d’entendre sa réponse. Ainsi son cœur n’avait pas totalement perdu de sa couleur, ce qui réchauffa celui de Saori. Un sourire vient même illuminer le visage de la Déesse, malgré la destruction qu’elle avait sous ses yeux.

Cependant le visage de Sagesse s’assombrit brusquement. Perséphone venait de lui demander l’impensable. Elle savait que tôt ou tard ce jour viendrait, ce jour où la Ténébreuse demandera le réveil de son époux. A cette simple évocation, le cœur de Saori se serra. Elle fut assaillie par les nombreux souvenirs qu’elle conservait de la précédente guerre contre le Dieu des Enfers, souvenirs qui avaient meurtri sa chaire et son cœur au plus profond, laissant des cicatrices indélébiles. Sa propre souffrance… ? Elle n’en avait que faire…, c’était celles de ses valeureux chevaliers qui lui faisaient de nouveau saigner le cœur. Milo, Camus, Mü, Kanon… tous ces chevaliers d’Or n’avaient pas hésité une seconde à donner leurs vies pour permettre aux jeunes Saints de Bronze de poursuivre leur chemin par delà le mur des lamentations.
Elle ne voulait pas voir l’histoire se répéter de nouveau, car il était évident que si Hadès s’éveillait, sa vengeance ne serait se faire attendre bien longtemps. Peur… ? Il était évident que non, mais elle ne voulait infliger une nouvelle fois à cette nouvelle génération de chevalier des souffrances inutiles, la menace Hindoue était déjà bien suffisante. C’est donc sur un ton qu’elle utilisait peu qu’elle répondit à sa sœur.

"Impossible."

Cette réponse ne laissait aucune alternative. Réveiller Hadès… ? Elle ne le voulait pas et ne le ferait pas, même sous la menace.

"Il y a 30 ans, tu étais venue me voir…, ici même… " Fermant les yeux, Saori n’en dit pas plus, laissant le passé prendre le pas sur le présent.


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Cette guerre vient de se terminer…, ton époux a perdu…, mais derrière son sillage, sa folie…, trop de cadavre se sont accumulés… Tu le sais, tu le sens, il faut agir.
Je souffre autant que tu peux souffrir, ton silence n’en est que trop criant, assourdissant.
Tu as pris des risques en venant jusque ici, en terre ennemie et si ton propre camp venait à savoir cela, l’exil sera ta seule porte de sortie.
Mes forces me quitte peu à peu, tu dois le sentir. Mon cosmos s’amenuise, mon corps devient lourd. Tu vois cette bataille a laissé bien plus de séquelle que tu crois.
Tu sais qu’il faut agir, tu es là pour ça. Nous devons le faire, tu le sais.
Dans le plus grand secret nous allons œuvrer, ensemble. Es-tu prête ?


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Réouvrant les yeux, laissant la réalité reprendre peu à peu se place, la jeune Déesse poursuivit.

"Je connais l’utilité de ton Royaume et l’impact sur la terre s’ils venaient à être détruit. Mais me demander de réveiller Hadès…, je m’y refuse. Sa vision démesurée d’un monde parfait est bien trop dangereuse. Je sais que tu en as conscience."

Et même face à sa sœur, les yeux dans les yeux, Saori ne changea pas d’avis. Pourtant la solution était simple et était même sous leurs yeux…, comme une évidence. Quelque chose d’improbable, d’inconnu jusqu'à ce jour, quelque chose que personne n’aurait pu imaginer, presque surréaliste mais pourtant possible.

"Et si…"

Les yeux dans les yeux, la jeune Sagesse regarda sa sœur avec compassion et tendresse. Elle avait déjà pris sa décision, depuis bien longtemps d’ailleurs…, depuis le début… Et rien ne lui fera changer d’avis.
Se tournant vers l’horizon, la Déesse poussa un profond soupir. Ses bras qui étaient le long de son corps, se rassemblèrent devant elle, prenant sa main gauche dans sa main droite, à l’image d’une petite fille sage. Un léger vent commença à souffler dans le dos des deux Divinités, faisant virevolter leurs longues chevelures sur leurs visages.

"Hadès ne pourra rien faire de plus. Il sera aussi impuissant que nous et tu le sais."

Saori marqua un silence pour laisser Perséphone méditer sur ces paroles, regardant toujours le paysage qui s’offrait devant elle.

"En refusant de libérer Hadès, j’ai choisi de protéger l’humanité d’une menace supplémentaire.
Crois-tu réellement que ton époux se sentirait concerné par cette menace ? Elle ne serait tout au plus pour lui qu’un moyen pour arriver vers son objectif final."

Puis, tournant la tête vers son interlocutrice, elle poursuivit d’un ton qui se voulait rassurant.

Même si Hadès est en sommeil, les Enfers accomplissent leur mission, tout du moins pour le moment. Nous nous devons de gérer les situations une à une et à l’heure actuelle, celle-ci n’est pas la priorité."

De plus, et cela, la Déesse le gardait pour elle…, elle souhaitait pouvoir veiller sur sa sœur le jour où le Dieu des Enfers s’éveillerait de nouveau. Des deux, c’est bien elle qui avait pris le plus de risque. Perséphone ne craignait pas son époux mais Athéna se devait de lui venir en aide si les choses venaient à mal tourner. Le Sanctuaire serait sa terre d’accueil, du moins, c’est ce que la Sagesse espérait.


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J’entrevois dans ton regard la flamme de l’espoir resurgir et cela réchauffe mon cœur.
Un jour ma sœur, tu reviendras.
Je te tends la main et je prends la tienne.
Ta peau est si froide et la mienne si chaude…
Regarde ce pendentif, il sera le réceptacle de notre pouvoir.
Prends avec moi cette dague, mêlons notre sang divin dans ce réceptacle.
Cela ne sera pas sans conséquence mais peu importante, je suis prête à porter le fardeau de notre acte.

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Entre les deux Déesses, les mots étaient bien inutiles. Entre les silences, les non-dit ou les paroles prononçaient à demi-mot, il devait être difficile pour une personne extérieure de comprendre l’ensemble de la conversation. Pourtant le sujet était plus qu’important et les conséquences plus que sérieuses. Cela montrait bien le lien invisible qui les liait.
Perséphone avait saisi toute la pensée de sa sœur, qui n’avait nullement besoin de confirmer l’hypothèse de la Ténébreuse, car oui la Sagesse envisageait belle et bien une alliance entre leurs deux camps. Impossible ? Peut être ou peut être pas.

"J’en ai bien conscience mais cela doit-il vraiment nous en empêcher ?
Sans ton époux, ton Royaume est en position de faiblesse. Crois-tu que tes guerriers, par égoïsme et fierté risqueraient la chute de leur domaine et provoquer la colère de leur Dieu dès son réveil ? Penses-tu avoir réellement le choix ? Car à par moi, qui pourrait prétendre donner sa confiance à ceux qui ont voulu détruire la terre à maintes reprises ?"

Non elle ne souhaitait pas convaincre Perséphone avec ces propos car elle savait par avance sa décision.

"Les Saints, j’en suis convaincue, écouteront mes paroles. Même si certains manifesteront leurs désaccords ou leurs inquiétudes, je suis persuadée qu’ils feront tout pour préserver la terre et leurs habitants.
Cependant, tu as raison, cela ne sera pas facile à mettre en place et Pandore sera la plus difficile à convaincre et à contrôler. Je doute fort que la Prêtresse des Enfers accepte cette proposition sans sourciller. Sa dévotion envers son Dieu est bien trop grande.
Tu devras être vigilante et user de stratégie pour éviter ses suspicions."

Athéna laissa le silence prendre place, pendant quelque seconde, le temps pour elle de détacher son regard de l’horizon et de prendre une grande inspiration.

"Es-tu avec moi ?"

Hadès était incontrôlable, les deux Déesses étaient d’accord sur ce fait. Il était impossible de prédire quoi que ce soit à son sujet, même pour Perséphone et c’était bien là la difficulté. Jamais Athéna n’avait douté de la puissance du Dieu des Enfers, elle en portait d’ailleurs encore quelques séquelles, mais était-il nécessaire de prendre le risque de le réveiller, elles qui avaient œuvré dans le plus grand des secrets pendant toutes ces années ? Athéna en était certaine, il était encore trop tôt pour envisager cette solution. La Sagesse mettra tout en œuvre pour éviter d’en arriver là…, cependant, bien qu’elle soit dotée d’un optimisme que certains qualifieront de risible, elle n’en restait pas moins objective et cette solution, bien qu’elle lui déplaisait au plus haut point, ne pourra être écarté si les choses venaient à se dégrader encore.


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Entre l’ombre et la lumière, une éclipse est née
De la fusion de nos pouvoirs se créait un nouveau chemin
Je garde espoir ma sœur, je ne t’abandonnerais pas
Ton destin n’est pas immuable, nous pouvons t’en libérer.
Hadès en sommeil, il est temps pour moi de me retirer.
Les humains en paix, je peux à présent avoir l’esprit libéré.
A très bientôt ma sœur

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Un geste, un simple geste qui pourtant en disait beaucoup pour la douce sagesse. Il était en somme très anodin pour quiconque, mais pas pour elle, pas pour la Ténébreuse, Saori ne le savait plus que quiconque. Derrière ce visage morne, ces sourires las, ce regard éteint et ses soupirs…, un espoir, celui d’une main se posant sur la sienne. Oh qu’elle souhaitait pouvoir la prendre dans ses bras, même juste une seconde, mais elle ne le pouvait pas, sa soeur ne lui permettrait pas. Saori se contenta donc de l’écouter, tout en lui adressant un doux sourire en retour.

"Ne te méprend pas ma sœur. Ce n’est pas aux Spectres que je donne ma confiance, mais en toi. La perfidie et la noirceur des âmes composants l’armée de ton époux me rend profondément triste…, comme tu le sais.
Tu me connais bien, tu sais que je chercherais toujours à sauver celui qui le souhaite, peu importe ses actes. Cependant j’ai conscience du danger, tout comme j’ai conscience que je ne peux sauver toutes les âmes… Mais jamais je refuserais de saisir une main qui se tend vers moi."

Etait-ce un message caché qu’elle adressait à sa sœur… Cela n’avait aucun doute. Athéna ne cessera jamais de vouloir tirer Perséphone de ses ténèbres, quoi que la concernée puisse dire.
Au loin, Saori entendit son nom. Un nouveau Saint c’était éveillé dans l’enceinte du Sanctuaire et avait revêtu son armure. Dans le ciel pourtant clair, là où le soleil était à son zénith, une constellation brilla…, en plein jour. Le Phoenix avait retrouvé ses ails et avait pris son envol. Un fier et valeureux chevalier était né, faisant naître avec lui une nouvelle vague d’espoir. Détachant son regard du ciel qu’elle avait scruté pendant quelques secondes, Athéna regarda une dernière fois sa sœur, avec force et courage.

"Ensemble, nous y arriverons, j’en suis convaincue.
Ne t’attarde pas plus en ce lieu, chaque minute que tu passes ici ne fera qu’attiser la suspicion des tiens. Ton absence doit déjà soulever bon nombre de question.
Je parlerais seule à mes chevaliers et leur demanderait de collaborer avec les Spectres.
Ma tâche sera moins ardue que la tienne ma sœur mais j’ai foi en toi et je répondrais présente si ma présence dans ton domaine est requise."

L’entretien entre les deux Déesses touchait à sa fin. Un nouveau chemin venait de se créer, à la destination inédite. Cette alliance allait en surprendre plus d’un et de nombreuses questions seront posées. Saori s’attendait à cela, mais elle était prête à y répondre.
Aussi fragile que cette alliance pouvait être, Athéna en était certaine, à plusieurs, on est toujours plus fort. Elle ne se leurrait pas et voyait déjà se dessiner au-dessus de son sanctuaire l’épée de Damoclès prête à s’abattre, elle savait que cette entente ne serait que temporaire mais aussi furtive qu’elle pourra être, l’humanité elle, sera préservée du courroux des Hindous.

"Perséphone…, pourquoi me crois-tu si naïve…"

Déçue… ? Oui, la déception pouvait se deviner dans la voix de Saori. Elle ne comprenait pas pourquoi, après tout ce temps, elle était toujours considérée, même par sa sœur, si fragile et naïve. Est-ce à cause du choix qu’elle avait fait de toujours se réincarner dans un corps humain ?
La déception de la Déesse ne dura cependant pas bien longtemps et très rapidement, elle rassura sa sœur avec ces mots, car oui Perséphone était sans nul doute inquiète qu’un malheur s’abatte sur la Sagesse et que les Spectres profitent de cette entente pour se venger de leur défaite passée.

"Tu t’inquiètes bien trop pour moi ma sœur. N’aies aucune crainte, j’ai confiance en toi, je sais que tu feras le nécessaire pour que cet accord soit respecté.
Mais je ne me fais guère d’illusion quant à Pandore et tes guerriers… Même si je représente l’espoir, je n’en reste pas moins méfiante et mes chevaliers le seront également."

Elle ne pouvait renier sa constante lutte pour faire naître le bien dans chaque être, qu’il soit humain ou divin. Mais elle avait également mainte fois montré que prendre les armes ne lui faisait pas peur et elle n’hésitera pas à combattre un spectre malgré leur accord.
Par ces dernières paroles, Athéna espérait montrer à sa sœur qu’elle n’était pas inconsciente du danger. Elle ne voulait pas voir partir Perséphone avec ce doute en tête.

De son côté, Perséphone avait pensé à tout pour couvrir ses arrières, évitant ainsi d’être suivie par une ombre de la sombre Prêtresse. Cependant cet entretien ne restera pas secret encore longtemps, car bientôt l’annonce de cette nouvelle alliance sera faite, annonce qui ne laissera personne indifférent sans nul doute.
Maintenant, l’heure de la séparation était arrivée, Perséphone devant retourner dans ses contrées souterraines.

"Je suis convaincue que nous allons bientôt nous retrouver ma sœur. En attendant cette nouvelle rencontre, fais-moi la promesse de faire attention à toi… Tu le sais, je serais au courant de tout."

A peine la Déesse avait-elle fini de prononcer ces paroles que le halo enveloppant sa sœur se dispersa. Elle n’attendait de toute manière aucune réponse de la Ténébreuse, ce n’était pas nécessaire…, car depuis qu’elles avaient agi dans la plus grande discrétion, depuis qu’elles avaient endormi Hadès en unissant leur sang et leur cosmos, un lien c’était créé. Bien plus fort que le secret qui les unissait, le prix à payer pour une paix éphémère était qu’elle ne fasse plus qu’une. D’ailleurs une marque sombre sur leurs nuques, témoignait tel un sceau de leur accord, marque qui était soigneusement dissimulée sous leurs longues chevelures. A partir de ce jour, l’une ne pouvait vivre sans l’autre, ressentant tout, les joies comme les peines, la douceur comme la douleur. Si l’une d’entre elle venait à être blessé, l’autre en porterait automatiquement les stigmates, si l’une d’entre elle utilisait son cosmos, l’autre en serait fatalement affaiblie. Tel était le prix à payer pour accorder un moment de répit aux humains. C’est ainsi qu’entre l’ombre et la lumière, une éclipse est née.

"Au revoir ma sœur…"

En l’absence de Grand Pope le référant direct des chevaliers d’or se trouvait être Athéna. Elle n’était nulle part, il ne pouvait la trouver qu’ici. Avant de la rejoindre il l’observa de loin Athéna accoudée au balcon semblait toujours aussi ravissante. Gareth ôta son heaume, la contempla encore un peu et arpenta le chemin qui les séparait. A quelques mètres de celle qu’il servait le chevalier d’or des Gémeaux posa un genou à terre, il baissa la tête, déposa son casque sur sa droite et porta l’un de ses poings sur son cœur. Très solennel le guerrier de la troisième maison avait les manières d’un autre temps.

- « Vôtre Majesté, je vous prie d’excuser ce désagrément, je ne serais pas long. Je voulais vous prévenir que l’opération de secours sur Rodorio est terminée, les apprentis du sanctuaire ont bien travaillé. Ils ont pu sauver et soigner de nombreux blessés. Cependant le décompte exact du nombre de victime prendra un certain temps, je crains que l’on découvre de nombreux cadavres sous les décombres. Nous aurons beaucoup de mal à nous remettre de cette attaque. »

Il présenta son rapport de manière concise, mécanique et militaire, en tuant l’émotion que l’évènement fit naître en lui. Gareth cacha le ressentiment qu’il porta à l’encontre de sa propre déesse. Gareth lui reprochait, intérieurement, de ne pas être intervenue personnellement, de ne pas être venue porter secours aux victimes. Le chevalier des Gémeaux s’était trouvé bien seul au cœur des équipes de premiers secours, ses frères d’armes préférant pleurer la mort du pope. Pourtant is auraient eu le temps nécessaire de pleurer sa disparation, après.

- « Majesté, puis-je vous transmettre ce document ? » Il tira d’un petit sac un court article de presse, qu'il tendit à sa déesse. « Voici un article extrait d'un journal local, je n’ai guère eu le temps de constater si ces rumeurs ont pu se répandre ou non. Mais si ces idées venaient à se répandre dans les différentes opinions publiques...

D'après les différents témoignages que nous avons pu recueillir auprès des survivants, s'étant réfugiés sur Athènes, l'organisation des secours se serait principalement concentrée autour des chevaliers touchés par l'explosion. Les chevaliers, trop occupés à soigner les leurs, auraient dépêché quelques adolescents en « apprentissage » et sans aucunes expériences pour venir en aide aux « non-éveillés ». […] Selon l'un des témoins les chevaliers considéraient cet attentat comme un « travail inachevé » l'un d'entre eux aurait ainsi prononcé : « Celui qui a fait ça est un vrai amateur. C'est à moi de finir le boulot, maintenant. ». Si nous ne pouvons actuellement vérifier la véracité de ces propos, il est certain que ce témoignage jette l’opprobre sur le sanctuaire et ses intentions réelles. Nul doute que les forces d'Athéna auront fort à faire pour se dégager de la responsabilité de cette attaque […] Aujourd'hui la question est posée : pouvons-nous réellement accorder notre confiance à cette déesse et ses troupes ? Comment lutter contre une telle organisation ? [...]

Alors qu’Athéna prenait conscience des propos narrés dans l’article le chevalier des Gémeaux leva les yeux pour croiser les siens.

- « Majesté, je crains pour votre sécurité. Ici vous êtes trop exposée, je suis le seul chevalier présent au sanctuaire et mes maigres talents ne pourront garantir votre sécurité. Je connais plusieurs endroits surs ou vous pourriez vous mettre à l’abri. »

Athéna était à présent seule, sa ténébreuse sœur était partie il y a peu de temps. Toujours sur le balcon, le regard posait sur l’horizon, elle regarda la ville s’afférait à sa reconstruction. Mais seule, l’était-elle vraiment ? Gareth était là, à l’observer, elle le savait, elle le sentait. Il eut la délicatesse de lui laisser quelques minutes de répit avant de s’approcher d’elle et de briser le silence par ses pas au son métallique que provoquait son armure au contact du sol.
C’est donc d’une manière très protocolaire qu’il s’agenouilla devant Athéna, le visage découvert et le poing sur le cœur.
Le Gold Saint était venu donner des nouvelles du terrain. L’opération de secours était à présent terminée et même si de nombreuses vies ont pu être sauvé, d’autres hélas se sont éteintes à jamais. La Déesse le savait, il était impossible après une telle attaque de s’en sortir indemne mais il était toujours aussi difficile pour elle d’admettre cela. Des enfants, des pères, des mères, des personnes âgées… peut importe qui ils étaient, car toute vie était précieuse.
Regardant une dernière fois le village, c’est le cœur gros que la Déesse se retourna et quitta le balcon pour s’approcher du Saint des Gémeaux.

"Je suis heureuse de te voir Gareth, même en de telle circonstance.
Merci pour les informations que tu m’as données, je savais que les apprentis allaient fournir un travail remarquable. Avec toi comme formateur, il ne pouvait en être autrement."

Contrairement à Saori, le Gold Saint retenait toutes ses émotions, ne laissant rien transparaître. Il prit dans son sac un journal dans lequel se trouvait un article qu’il souhaitait montrer à la Déesse. Après avoir parcouru l’écrit, elle leva les yeux vers Gareth.

"Je ne peux que comprendre leur réaction. Par ma simple présence et celle du Sanctuaire ici, Rodorio est exposé bien plus que les autres villages… L’histoire l’a montré plus d’une fois. Alors oui, j’accepte entièrement la responsabilité de ce massacre."

La Déesse laissa planer le silence. Avait-elle bien agit ? Avait-elle fait le nécessaire ? Il était évident aux yeux de tous que ce n’était pas le cas. Les regrets commencèrent à l’envahir… mais qu’aurait-elle put faire de plus, elle qui s’était réveillée après trente ans de sommeil pendant cette fameuse attaque… ? Elle avait manifesté sa présence dans tout le Sanctuaire et bien au-delà. Par son chant, elle voulut réconforter les villageois, leur donner force et courage pendant cette épreuve, mais était-ce suffisant ? Visiblement pas.
Pourtant il était nécessaire de faire en sorte que les Chevaliers protecteurs de la Terre repartent rapidement en croisade, pour éviter un nouveau drame.

"Et toi Gareth, que penses-tu de tout cela ? Crois-tu que ma présence était plus importante auprès des villageois ?"

Athéna était en pleine remise en question, pourtant, au fond de son cœur, elle savait qu’elle avait fait ce qu’il fallait.

"Je ne peux revenir en arrière mais si je le pouvais, je referais les choses de la même manière. Peu m’importe l’opinion que le peuple à de moi car quoi qu’il arrive, je m’efforcerais toujours de les protéger, même si les actions que nous menons restent dans l’ombre.
Je me devais de redonner l’espoir à mes chevaliers après cette terrible attaque afin qu’ils puissent trouver la force de repartir en guerre.
Alors aurais-je dû penser en premier lieu à mon image et ma quotte de popularité au lieu d’accomplir ma mission de protectrice de la Terre… ? Je ne crois pas."

Ce discourt était comme une réflexion à haute voix et au fur et à mesure de ces paroles, la Déesse reprenait confiance, cela se voyait.
C’est alors que Gareth leva  à son tour les yeux, croisant pour la première fois ceux de sa Déesse et c’est ainsi qu’il exprima ses craintes quant à la sécurité de celle qu’il se devait de protéger.
Lui adressant un sourire bienveillant, Athéna, à l’écoute de ses paroles, remua lentement la tête de gauche à droite, signe de sa désapprobation.

"Ma sécurité n’est en rien une priorité. Je ne fuirais pas, qu’importe la menace. Ma place est et restera toujours au Sanctuaire. Même si le peuple pense le contraire, je continuerais sans relâche à veiller sur eux.
J’ai confiance en toi Gareth, avec toi à mes côtés, il ne peut rien m’arriver."

Après avoir écouté le Gold des Gémeaux avec la plus grande attention, c’était à présent à son tour de lui révéler une information des plus importantes. Comment allait-il réagir, la Déesse ne pouvait le savoir, la seule solution était de se lancer.

"Tu n’es pas sans savoir que la Déesse Perséphone, l’épouse d’Hadès, était ici présente juste avant ton arrivée et…"

La Sagesse s’arrêta brusquement de parler, perdant, au même moment, brièvement l’équilibre. Saori prit alors une grande inspiration et se redressa lentement. Elle regarda Gareth et lui adressa un hochement de tête, pour lui dire de ne pas s’inquiéter. Ce n’était qu’un petit étourdissement et cela ne pouvait avoir qu’une seule cause, Perséphone avait utilisé son essence Divine, très certainement pour propager la nouvelle qu’elle allait elle-même divulguer. La Déesse s’était éveillée il y a peu de temps, elle n’était pas encore en pleine possession de ses forces, ce qui expliquait cette faiblesse soudaine.
Cependant, comme si de rien n’était, Athéna poursuivit.

"Les Enfers ont connu la même attaque que nous, par une Divinité différente du nom de Kali. Selon les paroles de Perséphone, le Palais de la Prêtresse Pandore a été quasiment détruit."
Pourquoi Athéna rapportait cela ? En quoi cela concernait le Sanctuaire ? La réponse allait rapidement arriver.
"Hadès est toujours en sommeil depuis notre dernière bataille et les Spectres s’éveillent peu à peu mais suffisamment pour qu’ils gardent les âmes des défunts au Royaume des Morts.
Perséphone est venue à moi pour quérir mon aide. La force destructrice de ces Dieux est bien trop grande, nous avons hélas les traces sanglantes de leur passage prouvant leur puissance.
Seul, nous ne pourrons rien faire, à part connaître une nouvelle défaite. Qui pourra prédire leur prochaine attaque ?
C’est fort de ce constat que nous nous sommes mis d’accord, Perséphone et moi. Nous allons unir nos forces. Les Saints et les Spectres lutteront pour la même cause, dans le respect et l’entraide.
A partir de ce jour, les Saints ont la formelle interdiction d’attaquer un Spectre et inversement.
Cependant, je le demande, restez tout de même prudent et sur vos gardes. Certains Spectres auront peut-être la volonté de se venger de leur précédente défaite.
Je compte sur toi pour divulguer la nouvelle à tous."

Athéna avait terminé, elle avait tout dit et attendait à présent la réaction du Gold des Gémeaux.

Gareth écouta attentivement les différents mots de sa déesse, ses doutes et ses décisions. Il analysa chacune de ses idées, de ses tournures de phrases. Si la réponse d’Athéna aux attaques hindoues ne fut pas prompte elle n’en était pas moins forte. Renoncer à l’ennemi millénaire pour s’en faire un allier… Bien que contestable l’ordre était original. Préambule a une possible ère de paix ? Le doute permit, il suivrait sa déesse.

-« Vous me demandez mon avis, je vais vous répondre en toute franchise. Libre à vous de me démettre si vous estimez que j’outrepasse mes fonctions. »

Gareth se releva doucement, sa jambe blessée se rappela à ses bons souvenirs. Faisant fi de la douleur lancinante il s’exprima clairement.

-« Les révélations qui furent les vôtres ont bouleversé l’histoire de l’humanité. Quelques minutes suffirent à balayer totalement les certitudes, les différents équilibres économiques, politiques et religieux. Pour l’ensemble de l’humanité, les divinités, les éveillés sont des êtres supérieurs doués de la possibilité d’accomplir des miracles. » Gareth marqua une courte pause, il prit le soin de mesurer le moindre de ses mots.« Majesté que vous le vouliez ou non votre image est publique. Elle sera scrutée à chaque instant, chaque décision que vous prendrez sera étudiée, analysée c’est ainsi et ce jusqu’à la fin totale du sanctuaire. » Le chevalier d’or des Gémeaux déglutit difficilement. « Pour moi, vous tournez vers les chevaliers lors de l’attaque de Rodorio fut une erreur. La seule question qui devrait prévaloir sur nos actes est : et après ? »

Le chevalier d’or n’afficha aucune émotion, une froideur encore rarement égalée. Il rassembla ses pensées, espérant que son discours puisse faire mouche.

-« En ripostant aux attaques, le Grand Pope connaissait les risques, il savait exactement à quoi il s’exposait. Depuis plusieurs millénaires ce sanctuaire s’emploie à riposter à ce genre d’adversaires, ces divinités étrangères nous pouvons les détruire, c’est un ennemi que nous sommes habitués à affronter. Par contre l’humanité est un adversaire que nous n’avons encore jamais combattu et je n’aimerais pas avoir à le faire. Que ferons-nous lorsque les Hommes auront connaissance de l’intégralité de notre potentiel ? Ce que l’humanité redoute se retrouve détruit ou asservit. Le seul moyen de préserver notre avenir réside dans notre ouverture au monde. Le sanctuaire doit avoir une ligne politique claire, concise et durable. »

Il crut défaillir lorsque le regard croisa le sien, malgré sa distance émotionnelle il espérait ne pas avoir blessé sa déesse.

-« Quant aux spectres il en sera fait selon vos désirs.»

La présence de la Vierge força Gareth à rajuster son heaume. Le chevalier activa son illusion habituelle, doucement, les galaxies miniatures remplacèrent son visage. Pourquoi autant de discrétion ? Il n’est pas certain qu’il le sache lui-même, une pratique devenue une habitude, la sécurité de l’anonymat est parfois plaisante.

Courtois le chevalier des Gémeaux s’efface devant la nouvelle venue. Une jeune femme qu’il n’avait jamais rencontré… Elle n’a pas dû suivre la formation classique, il la laissa se présenter, cette guerrière avait un certain charme, les beautés de l’Inde dirons-nous. Interdit Gareth posa un regard léger sur ses yeux clos, reste à savoir si c’est le signe d’une ruse ou la marque d’une réelle cécité ? Il se dit qu’il devrait creuser la question un jour. Les présentations terminées, le chevalier reprit la parole pour répondre à Athéna. Sa voix paraissait différente, presque lointaine, l’un des nombreux effets de son « camouflage ».

-« L’idée de vous rendre sur Rodorio n’est pas mauvaise. Peut-être pourriez-vous en profiter pour demander une conférence de presse, répondre aux questions des journalistes pourrait dissiper certains doutes. » Le chevalier des Gémeaux prit une profonde inspiration. « Quant à la politique extérieure du sanctuaire elle mettra un certain temps pour se construire. En attendant nous devrions envoyer des équipes de secours sur les différents lieux attaqués, je pense notamment à La Havane. »

Gareth marqua un instant de réflexion.

-« Avec votre permission j’aimerais superviser cette alliance qui nous lie aux spectres, j’en profiterais pour me rendre sur leurs terres. Deux chevaliers d’or y ont été envoyés, aucun n’en est revenu, je voudrais m’assurer de leur sécurité. »

Athéna se rangea à son avis, Gareth estima que son choix était le bon. Sur l’instant il garda le silence et laissa la guerrière de la Vierge exprimer ses sentiments. Alors elle était indienne ? C’est à croire que le choix des armures est le fruit d’un certain sens de l’humour. Le guerrier des Gémeaux esquissa un sourire lointain, comme il le souhaitait Gareth avait la charge de l’enquête sur la disparition de ses frères d’armes. Il posa une main réconfortante sur l’épaule de sa « sœur ».

-« Je vous remercie de vous êtes rangé à mon avis. Quant à moi je quitte dès l’instant le sanctuaire. Je trouverais ce qui leur est arrivé et tâcherais de préserver autant que faire se peut cette alliance. »

Il s’éloigna de ses interlocutrices, ses doigts se tendirent dans le vide. Il offrit une légère impulsion cosmique puis une brèche dimensionnelle s’ouvrit devant lui. Finalement il est vrai que les arcanes gémellées sont issus d’une culture théâtrale avancée. Si la force brute permet de remporter un combat c’est toujours le style qui impressionne la foule. Gareth traversa la brèche, il adressa un signe de salut en direction des jeunes femmes, en espérant ne pas être absent trop longtemps. Une fois qu’il fut complétement à l’intérieur la brèche se referma derrière lui.