Il y a une brève seconde d’appréciation pendant notre pause. Une autre de soulagement quand Azir n’est pas en désaccord avec ce que je dis. Aussitôt qu'il exprime son accord, je bondis sur mes pieds, maladroitement certes, mais dès que je suis debout je m’exclame face à lui :

-Dac! On se pousse de là et on va voir! Oh! Faut qu’on vole un tank pour l’effet dramatique et laisser un message dans le sable : « COCO THE TANK AND AZIR THE SAVANNAH BRO WERE TH » –

Je n’ai pas la chance de terminer qu’une explosion se fait entendre derrière moi, laissant ma phrase en suspens. Azir est beaucoup plus rapide que moi pour réagir. Salut bonsoir, il est parti. Moi je suis encore figée sur place, la bouche encore ouverte en attente de la dernière syllabe de mon récent propos. Je sors de ma petite paralysie en jetant un coup d’œil sur le plat à moitié terminé d’Azir. Je pousse un soupir et je reprends les jumelles pour regarder de nouveau la pyramide.

Avec Azir ou pas. Je vais voir. Pas question de me tourner les pouces ici. Et j’y vais définitivement avec un tank.


Donc…finalement je me suis dégonflée pour le tank. Pas parce que j’ai peur de le faire toute seule, non non. J’avais juste plus envie… Cette fois-ci j’ai pris soin de laisser un message à mon partenaire avant de partir, mais j’ai décidé que lui en laisser un dans le sable juste comme ça, ça serait moche. Donc je lui ai fait un château de sable (et j’ai essayé aussi de reproduire la statue d’Athéna à côté, mais ça ressemblait plus à un dildo alors je l’ai détruit) et j’y ai planté un petit papier dessus expliquant brièvement où je m’en vais. J’espère juste que le vent ne va pas l’emporter. Une chance que j’aie réfléchi avant d’agir cette fois-ci.

Donc me voici de nouveau seule dans le désert. Cette fois-ci mieux équipée que la dernière fois, j’ai pris soin de remettre un turban et d’apporter plus d’eau et de rations (c’est-à-dire le lunch d’Azir). J’ai aussi pris avec moi les jumelles et mon téléphone pour prendre des photos de près. J’aurais peut-être dû demander un moyen de transport au lieu d’y aller à pied, ça serait tellement plus rapide. La chaleur est tellement étouffante que je décide de relever mes sweatpants jusqu’au-dessus du genou, révélant mes jambes privées d’un rasage depuis un bail. Qu’est-ce que ça peut faire? Je suis seule. Je décide quand même de documenter mes déplacements en me filmant. Au début je tentais de dire des trucs intelligents, mais j’ai remarqué que je n’avais pas fermé la caméra tandis que je chantais Arabian Night. Oups.

Ce n’est même pas ça qui me fait cesser de chanter. Non, en fait je me tais dès que je crois apercevoir une tâche se déplacer au loin. Tout de suite, je me cache derrière une dune et je me jette à plat ventre à terre, lâchant un « oof » au passage. Je saisis mes jumelles et je repère le point noir de nouveau. C’est…un renard? Y a des renards dans le désert? Je ne le savais pas. Avec bien des détours, il semble s’approcher de la pyramide sans s’en rendre compte. À voix basse, je décris et j’analyse ses moindres mouvements en prenant une voix de narrateur dans un documentaire et en filmant de loin l’animal:

-Le renard du désert est un mammifère vivant dans…les déserts, comme son nom l’indique. C’est une espèce en voie de disparition et non protégée, car personne ne semble en parler vraiment. Celui que vous voyez présentement s’appelle Pacane. Comme vous pouvez le voir, Pacane est très jeune. Ça doit être qu’un bébé, donc sa maman ne doit pas être très loin. Saviez-vous que les renards étaient des animaux tellement nuls aux yeux des Égyptiens, qu’aucun de ces derniers ont voulu leur attribuer une signification quelquonque?...Oh! On dirait que sa maman s’en vient…

Je braque mes jumelles vers la nouvelle tache foncée se dirigeant lentement vers la pyramide. Je fronce mes sourcils.

-La renarde du désert est une grande bougresse…ah non, non, c’est une fille humaine! Uh, peut-être qu’elle est en train de relâcher Pacane dans la nature. Oui, oui, elle l’a mis dans un centre de réhabilitation pour animaux en voie de disparition. La fille est vraiment mal habillée pour le désert, fascinant.

Ils se rapprochent de plus en plus de la pyramide au point de me mettre mal à l’aise. Hum…j’espère qu’ils vont pas rentrer. S’il y a des pièges et que ça saute un autre village, on sera mal barrés. Je descends du sommet de la dune et j’ouvre mon sac à dos et je sors une orange qu’Azir avait dans son lunch et qu’il n’a pas touché. Je remonte vers le haut, agrume dans la main et téléphone dans l’autre. Sans cesser de filmer, je poursuis en chuchotant :

-Il semble que la nana a pris une décision stupide en décidant de libérer Pacane dans un environnement aussi dangereux. Nous allons intervenir, ce qui est très exceptionnel, la règle numéro 1 du documentaire de nature étant de ne jamais intervenir dans le courant de la nature. On le dira pas à la production, c’est tout. Nous allons distraire l’animal et la nana en lançant quelque chose qui captera leur attention et qui vont les distraire de la pyramide.

Je prends le temps de viser et je lance l’orange de toutes mes forces, chuchotant «Pour Pacane!». L’orange fends l’air paresseusement…et retombe sur la tête de la fille.

-Merde!

Je me cache de nouveau en bas de la dune, frustrée d’avoir touché la fille. C’était pas le but de l’orange! Bah, tant qu’elle ignore la pyramide et qu’elle ne me trouve pas, c’est pas si important je suppose.

Pour le moment, je n’ai pas la moindre idée de ce que la fille et Pacane sont en train de faire. Peut-être que l’orange a tellement surpris le renard qu’il en est mort. Ou peut-être que la vue du délicieux fruit a réveillé l’animal agressif en lui et qu’il a sauté sur la nana pour l’attaquer et lui prendre l’agrume. Je n’ose même pas prendre le risque de regarder, je dois me contenter de rester cacher, essayant bien de ne pas paniquer. J’ai peut-être commis un meurtre…avec une orange.

Je bois un peu d’eau en silence pour me garder occuper et m’empêcher de commettre une idiotie (ça m’arrive pas souvent, mais on ne sait jamais). Je passe près de m’étouffer avec une gorgée quand j’entends la protectrice de la faune demander à voix haute si j’en aurai pas aussi pour elle. Ma nervosité augmente, je suis rouge comme une tomate et si je ne me serais pas plaqué une main sur ma bouche, je lui aurai répondu non en criant.

…comment elle sait que je bois de l’eau? Elle ne pouvait pas savoir, j’étais super discrète, à moins que…wô putain est-ce que c’est une Éveillée? Shit, ça doit être pour ça qu’elle s’intéresse à la pyramide! Peut-être que c’est elle la responsable des crimes! Mais, mais…Pacane dans tout ça? Pourquoi y a-t-il un renard du désert…dans le désert? Sert-il de sacrifice? Anubis, Seth, Osiris ou peu importe quel dieu responsable de toute cette merde…a des goûts très spécifiques en matière de cérémonie et sacrifice.

Oh non…j’entends l’Éveillée m’envoyer une attaque de répit. Quoique…je ne dirais pas non à du répit. À moins que par cela elle insinue un coma, alors là c’est une autre histoire. Non, il faut que je me concentre. Je dois dissimuler mon cosmos le plus possible pour ne pas qu’elle me repère pas, si elle ne l’a pas déjà fait. Je ferme les yeux et je me concentre. Étonnamment, malgré la situation plutôt stressante, j’arrive à me calmer et je sens que je vais le faire…jusqu’à ce que Pacane me hurle dans l’oreille et mon cœur passe près d’arrêter de battre. Sous l’effet de la surprise et de colère d’avoir été si proche de bien manipuler mon cosmos, mon poing passe à quelques poils de s’écraser sur l’animal. Pas de cruauté animale, pas de cruauté animale…

Je finis par mordre mon poing pour me retenir de faire un geste regrettable, quand soudainement mes yeux rencontrent la nana qui est apparue à son tour. Un long moment de silence s’installe, le renardeau a même le temps de s’installer confortablement, comme s’il se plaçait pour regarder une scène qui allait le divertir. Je le regarde de travers, jusqu’à ce que l’Éveillée suspicieuse requiert mon attention. Timidement, je bafouille:

-Hum…c’était pas le plan de te balancer une orange. C’était…

J’hésite. Je ne peux pas lui dévoiler tous mes plans. Si c’est vraiment une ennemie, je ne peux absolument pas lui dévoiler pourquoi je suis ici. Je décide donc de tourner les tables. C’est à moi de mener cette interrogation, pas elle! Je ne vais pas me laisser avoir!

-Non! TOI pourquoi!, que je m’exclame en la pointant du doigt, telle une détective paranoïaque. Qu’est-ce qu’une Éveillée fait ici? Et pourquoi Pacane? POURQUOI AS-TU APPORTÉ PACANE?!?

Ouf, je ne sais pas si c’est la panique, la stupidité, la chaleur ou ma détermination…mais je crois que cet échange se passera bien.

Wow, je pensais pas lui faire cracher le morceau aussi facilement. Peut-être que je devrais changer de carrière. Ne m’appelez plus Colombe, chevalière de bronze de la Petite Ourse, mais plutôt Détective Coco. Priez que ça ne soit pas moi qui vous interrogerai, car si vous osez seulement vous mentir, je vais changer le nom de toutes les personnes que vous aimez ainsi que leur identité. Vous serez seuls avec vos mensonges. J’ferai attention si je serais vous.

Sur une note plus sérieuse, je ne reçois pas son introduction avec indifférence. Au contraire, ça me concerne et me fait réfléchir. Moi je pensais qu’elle était une Éveillée parce qu’elle a su me trouver. Mais finalement c’est le renard qui m’a trouvé. Donc…j’avais raison plus ou moins? Plus ou moins, oui…quoiqu’il en soit, je ne peux pas m’empêcher d’être méfiante sur le coup. Certes, elle ne semble pas particulièrement plus maligne que moi : après tout de la façon qu’elle « joue » le renardeau, qui est irritant après deux secondes, ne crie pas malin. Répy, Pacane, Répy, Pacane…mais FERME TA GUEULE! Ahem…bref, j’ai l’avantage de me trouver avec quelqu’un qui est peut-être aussi stupide que moi. De plus, si c’est vraiment un dieu égyptien qui se réveille, on a intérêt à avoir le plus d’alliés possible pour le remettre dans le coma. Si on est plus, ça diminuera mes chances de crever en premier.

Soudainement, je réalise qu’elle a profité de mon moment de réflexion pour reprendre le contrôle de la discussion et m’interrogeant à son tour. Putain de merde! C’est pour ça que ça vaut pas tant la peine de réfléchir : c’est une occasion d’être distraite! Je panique légèrement, planifiant à moitié comment faire une diversion pour me donner assez de temps pour m’enfuir. Répondre à la première question pour lui faire croire que je collabore, puis agripper la bestiole par la queue pour la balancer sur le visage de Mélya et me pousser par la suite? Non, ça me donnera pas assez de temps. Le pire, c’est qu’elle sait que je suis clairement une Chevalier d’Athéna. Elle me le demande seulement pour être polie. Mais merde! La dernière fois que j’ai fais confiance à un étranger, on m’a manipulé émotionnellement et on m’a abandonné! Non, je ne parle pas de mon passé, je parle de Los Angeles!

De plus, elle n’a pas fait le lien avec Azir, dont je crois les gens sont plus au courant de sa présence ici. Si elle ne le sait pas, j’ai pas besoin de lui dire. D’autant plus que si elle est autant concernée par le sort du village, ce n’est peut-être pas une bonne idée de ma part de lui dire tout bonnement que c’est à cause de lui et moi que le village a disparu. Je n’ai pas le goût de finir en cible. C’est pas le Leticia-level, mais je veux pas me faire d’emmerdes avec elle non plus.

Au diable les risques, je joue aussi la carte de la vérité. Je vais lui balancer autant d’oranges qu’il le faut si ça vire au bordel. Et Athéna sait que j’ai besoin d’un adulte. De plus, elle n’a pas fait le lien avec Azir, qui à propos les gens sont plus au courant de sa présence ici. Si elle ne le sait pas, j’ai pas besoin de lui dire.

-Ché pas, il ressemble à une pacane. Du niveau de la tête en tous cas, que je réponds d’abord en haussant les épaules, songeant seulement après que c’est pas le plus gentil des commentaires. Qui veut être comparé physiquement à une pacane? Oui, c’est Athéna qui m’envoie ici pour enquêter. À moins qu’ils n’en pouvaient plus de moi en Grèce et qu’ils m’ont envoyée ici pour que je me perde dans le désert.

Je mets mes mains dans mes poches, comme pour cacher leur moiteur, et je poursuis plus sérieusement.

-Ta déesse a probablement vu juste. On est pas mal certain qu’il y a une divinité égyptienne dans la pyramide qui s’éveille, mais on ne sait pas laquelle encore. Moi je penche pour Seth…ou Anubis…pour Sethubis tiens. Je crois que le plan initial pour la pyramide a été de la faire apparaître avec une tornade pour l’effet cool, mais il a dû avoir un problème technique et la tornade a explosé. C’est ça qui a rasé El Balyana.

Oui, un problème technique. Pas deux connards en armure qui voulaient absolument défoncer une tornade.

-Je me suis approchée pour analyser la pyramide, tu peux te joindre à moi. Mais n’entrons pas à l’intérieur. La pyramide pourrait exploser comme la tornade, et ça sera possiblement pire que la première fois.

J’ai pris une décision logique, et pourtant toute ma conscience me dit que c’est pas une bonne idée de travailler avec Mélya.

Déjà, elle est tout aussi distraite que moi de nature. Ça ne peut pas être productif. Normalement, j’aurais simplement pensé à une excellente stratégie pour nous motiver toutes les deux, mais il y a cet énorme malaise entre nous deux. Peut-être que c’est juste moi, mais elle me paraît encore vraiment cheloue. Elle est bizarre avec son renard. J’veux dire, je ferai pareil si j’avais un chien peut-être (j’ai toujours voulu un chien), mais là…ché pas, c’est juste bizarre. Il y a aussi le fait qu’elle veut me péter la gueule, même si elle ne le sait pas encore. J’vais quand même pas lui dire que c’est nous les coupables de la destruction du village, mais ça fait quand même bizarre de cacher la vérité. J’ai pas de problèmes à mentir habituellement, mais pour un cas aussi grave que le nôtre, on s’entend que c’est différent de mentir sur la cause de la mort de plusieurs personnes et de mentir à une amie en affirmant que son humour de papa est hilarant.

Bref, j’ai juste hâte de me pousser de la pyramide et d’elle. J’ai les photos qu’il me faut, il me faut juste une bonne excuse pour soudainement la planter là alors que je viens tout juste de suggérer qu’on travaille ensemble. Je pourrais juste prendre en cachette son sac à vivres et me pousser avec, la laissant avec un message dans le sable expliquant brièvement que je ne veux plus travailler avec. Le truc est que je suis étrangement pas à l’aise à l’idée d’abandonner quelqu’un dans le désert sans eau et techniquement sans aucun moyen de survie (à moins qu’elle décide de manger le renard). Oh! Et si je le prenais en otage pour la dissuader de me poursuivre?...non, ça va faire tout le contraire, elle va venir pour lui et pour ma peau! Laissons l’animal en dehors de ça. Peut-être devrais-je simplement jouer la carte honnête. Elle-même l’a jouée plus tôt, cela semblerait juste d’en faire de même. Hm…c’est peut-être pas une mauvaise idée…

Je fais le tour de la pyramide pour me rendre compte que si j’étais partie à gauche au lieu d’à droite je l’aurais rejoint beaucoup plus rapidement. Je m’approche d’elle, les mains dans les poches. Je ne lui dis rien tout de suite, j’essaie d’abord de faire semblant de prêter attention à la pyramide. Enfin, je lui fais face et je lui dis :

-Euh…finalement j’ai changé d’idée. Tu crains et je ne veux plus collaborer avec toi.

Je jette un coup d’œil vers Répy et j’ajoute sérieusement :

-Il ne lui reste qu’une semaine pour vivre. Je l’ai vu.

Sans rien dire de plus, je me retourne lentement et je prends mon congé. Je marche calmement jusqu’à ce que le duo ne soit plus dans mon champ de vision et par la suite je me mets à courir en direction du campement.

Je n’arrive pas à croire qu’il est ici. Je n’aurais jamais pu prévoir que, même dans une telle situation, je reverrais un de mes anciens collègues, presque dans le même camp mais si, si loin… Nécessité fait loi, nous allons devoir travailler ensemble, mais même face à cette possible apocalypse, ce n’est pas assez pour nous réconcilier. Après ce qui s’est passé, nous ne pouvons être que ça, des collègues.
J’ai bien fait de ne pas rester.

Ça ne veut pas dire que je n’ai rien à faire en attendant les autres par contre : depuis notre arrivée, nous n’avons pas revu la deuxième Sainte qui est supposée accompagner le Chevalier du Lion. De ce que j’ai pu voir, elle ne peut pas faire grand-chose par elle-même, et pire encore, elle ne sait pas que la pyramide est celle d’Anubis. Et si elle sait encore moins que nous les dangers de trop s’approcher du champ de force? Pour sa sécurité et la notre, je ferais mieux d’aller la chercher.

Au final, c’est plutôt elle qui vient à moi, et en courant en plus. En la voyant s’approcher à la course, je ne peux m’empêcher de regarder derrière elle pour voir si elle est poursuivie, mais ça ne semble pas être le cas.

-Qu’est-ce qui t’as fait peur comme ça?!

Mais avant qu’elle ne puisse me répondre, un vent violent se lève et mes sens sont assaillis par un puissant cosmos en direction de la pyramide. Ça ne peut vouloir dire qu’une chose… sans attendre, je pousse la Sainte derrière moi et me prépare à me défendre contre une éventuelle attaque, mais rien ne se passe encore… enfin, pas tout à fait. Le maître des lieux nous a envoyé un de ses laquais, et ce qu’il a à nous dire n’a rien de rassurant.
Apparemment, Anubis s’est déjà manifesté par le passé et quelque chose d’important lui a été volé. Je ne reconnais pas les guerriers qui sont montré, mais je peux reconnaître au moins une armure dans le lot… une armure de Saint?! Et un temps limite pour récupérer le tout, sinon le dieu égyptien va commencer son attaque… ou du moins, il peut bien en rêver. Même si je savais où trouver tous ces éveillés, permettre à Anubis de faire un seul pas en dehors de cette pyramide n’est pas une option. Les Enfers ne seront pas défiés. Je ne serai pas défiée.

Je prends une seconde pour observer la Sainte. Je doute qu’elle sache quoi que ce soit au sujet de ce Saint, elle a probablement besoin d’aide pour se souvenir de son propre nom… Mais elle a peut-être son utilité. Et même après tout ça, je ne peux pas la laisser toute seule… Tant qu’elle ne cause pas de problème.

-Toi. Avec moi. On doit trouver un moyen d’entrer dans cette pyramide

Ahah! Prends ça Mélya! Peut-être que tes intentions étaient réellement bonnes et que si j’étais pas aussi peureuse on aurait pu être amies, mais bien fait pour toi quand même! Alors que je cours, je songe à ce qui aurait pu arriver. Elle l’aurait su d’une manière ou d’une autre, à propos de la destruction du village. Ça m’aurait sûrement échappé par accident, surtout si je me serais sentie à l’aise avec une fille généralement sympa de mon âge environ. On dirait bien que mes années d’exclusion de la société m’ont rendu service cette fois-ci.

Évidemment à force de courir et d’épuiser mon cardio qui n’est déjà pas le plus fort, j’ai extrêmement chaud et j’ai soif. Faudrait que je pense à boire un peu si je ne veux pas halluciner et mourir…oh merde trop tard. Je suis en train de voir une image de Leticia au loin. Faut que j’arrête d’être obsédée avec cette fille, ça finit par être lassant et concernant. Cette illusion est pourtant plus gentille que la vraie personne, semblant sincèrement s’inquiéter pour moi.

Soudainement, des vents violents se lèvent et elle me tire derrière elle tellement fort que j’en tombe sur mes fesses. Wow, dans les films les hallucinations dans les déserts sont loin d’être aussi puissantes que celles dans la réalité. Je me demande même à un certain point si je ne rêve pas par hasard, surtout avec la méga voix sonnant étrangement comme Darth Vader égyptien se fait entendre dans mes oreilles. Sur le coup, je me demande si je suis la seule à l’entendre, mais en jetant un coup d’œil à Maybe Fake Leticia je comprends que je ne suis pas la seule (ou le suis-je?). Pour faire sûr que ça n’arrive pas à cause d’une déshydratation de ma part, je bois un peu d’eau tout en écoutant attentivement.

Donc c’est Anubis qui est dans la pyramide. Il était dans mes premiers choix, donc je ne suis pas si surprise. Ce qui paraît le plus inquiétant est que Monsieur veut son livre des morts ou sinon il va tuer des jeunes vierges. Bah, je peux comprendre, moi aussi je m’attache à mes livres, mais je n’éradiquerais jamais l’humanité, même si quelqu’un me volait Song of Achilles. J’veux dire, Anubis devait dormir au moment que la photocopieuse a été créée, car il se serait fait une copie en cas d'urgence. L’Hérault montre quatre tablettes géantes, sur lesquelles des portraits sont gravés. Tiens, y en a pas une que j’ai vue dans un vieux anime?...

Toute cette imagerie disparaît, à l’exception d’un sablier géant qui indique le temps qu’il nous reste pour trouver son bouquin et Leticia qui se tient toujours devant moi. Avec tout ce spectacle absolument absurde, mais incroyablement précis et le fait que j’ai rien fumé, j’ai une plus forte certitude que c’est bien réel. Il faut bien que je réagisse de toute façon, mis à part mon visage plissé d’incompréhension par rapport à ce qui vient de se passer, alors je hausse prudemment la voix :

-Hey la première ressemble à une armure de Saint. Cool.

Leticia se retourne afin de me faire face, et tous mes doutes s’envolent. C’est la vraie. Il y a de quoi dans ses yeux tout simplement flippant qu’on ne peut pas imaginer par soi-même sans l’avoir sous le nez. La revoir à Goa était un accident désastreux, on a pu se séparer sans qu’elle m’égorge et je pensais que ce serait la dernière fois qu’on se verrait. Je n’ai même pas le temps de souffler «Laisse tomber» et me remettre à courir pour m’éloigner le plus possible de cette petite, frêle, boule de rage adolescente dangereuse que j’ai vue suffisamment de fois. Non, je n’ai pas le temps de m’enfuir qu’elle me dit que je vais l’accompagner pour qu’on rentre ensemble dans la pyramide.

Je reste perplexe pour une minute. Faire équipe? Avec elle? Quand elle ne me fait pas pleurer, elle veut me tuer! Cette fille est aussi instable que moi dans ses émotions, mais dans son cas elle en devient dangereuse. En plus elle veut rentrer à l'intérieur? Mon visage en perd ses couleurs sous le turban. La règle numéro 1 qu’on s’est établi Azir et moi, après l’incident de la tornade, est de ne pas rentrer dans la pyramide sans être certain qu’elle ne va pas exploser. Si ça détruit tout le pays cette fois-ci? Et l’autre-là, le Sith égyptien, il va peut-être aller brûler d’autres villages pour nous avertir de reculer?

-Non!, que je m’exclame d’un ton beaucoup trop alarmé à mon goût.

Une seconde passe, où je suis un peu choquée contre moi-même. Ça a sorti tout seul, l’idée de mettre un autre El Balyana dans le jus et l’idée de travailler avec Lélé étaient simplement trop fortes. Je me remets sur pieds et je lui fais signe de la main de garder ses distances.

-N-non…on peut pas rentrer. S’il y a un champ de force, on sait pas ce qui va arriver si on y touche! Ça…ça pourrait exploser quoi!

Pendant que je fais mon point, je prends quelques pas de recul. Mon corps se prépare lentement à prendre la fuite, mais j’hésite encore à quoi faire. J’ai la trouille de cette fille et je ne veux pas me tenir avec elle. Mais en même temps, j’ai peur qu’elle rentre dans la pyramide quand même. Si ça explosait vraiment? Si je ne meurs pas à cause d’elle, je vivrai dans le regret de ne pas avoir au moins tenté de la dissuader. Si je suis destinée à vivre demain, je n’aurais plus sur le dos le poids d’un village, mais peut-être de l’Égypte toute entière.

Vaincue par mes propres doutes et son regard ultra intense et perçant, j’abaisse le bras et je fais un effort pour collaborer avec elle.

-Tu penses qu’on peut juste refaire sortir l’Hérault de la pyramide pour que tu puisses le bousiller jusqu’à ce qu’il cède et qu’il nous laisse entrer? Ça serait chouette, ça ressemblerait à l’intrigue originale.

Je m’avance un peu et je porte mes mains à ma bouche en guise de mégaphone. Puis je hurle de tous mes poumons :

-Z’ÊTES CERTAIN QUE LE LIVRE A PAS TOMBÉ EN DESSOUS DU LIT OU UNE NIAISERIE DU GENRE?

J’attends une réponse qui ne vient pas encore.

-Hm. Ils sont peut-être en train de vérifier.

Je ne laisserai jamais cette fille mettre la main sur le parchemin.
Elle a peut-être eu un éclat de raison en me rappelant qu’avec le champ de force, il est impossible d’entrer dans la pyramide même après cette déclaration, mais vu le reste de son cirque… l’échec me fait bien moins peur que de laisser ma vie entre ses mains. Dès que possible, je le rendrai à Zhihao, mais en attendant, il sera plus en sécurité avec moi. Ce qui me laisse avec la tâche d’arracher quelques informations à la Sainte, ce qui n’est pas facile… elle est au courant pour le champ de force, mais pour le reste, je n’arrive pas à dire si elle ne sait rien ou si elle ne réalise simplement pas que ce qu’elle sait est important. Alors qu’elle finit de hurler ses pitreries à l’intention d’Anubis, je l’attrape par l’épaule et la force à se retourner pour me regarder.

-Concentre-toi! Tout le monde peut reconnaître cette armure, mais est-ce que tu as reconnu le porteur? Est-ce que tu as déjà entendu parler de cette histoire de livre?!

Elle n’a rien dit encore, mais j’ai déjà envie de la gifler. Je la lâche en retenant un grognement de colère et commence à faire les cent pas, plus dans un effort pour me calmer que pour tenter de réfléchir à une solution. Car des solutions, il n’y en a pas tant que ça.

-Pas d’importance. Nous ne lui rendons rien. Les autres sont déjà en train d’enquêter dans un des campements, on devrait en faire de même.

Même avec elle, je n’ai aucune envie de parler aux gens de la fondation Graad, ça ne nous laisse pas beaucoup d’options, mais c’est mieux que rien. Elle doit déjà se douter que la situation est beaucoup plus grave qu’elle ne le pense, mais…

-Les Sempouri n’étaient pas les seules victimes, il y a eu deux autres attaques pour voler les artéfacts. Une des victimes était un associé des Chevaliers Noirs, donc ils se sont joints au combat, si on veut. Pire encore, Anubis siphonne les âmes des Enfers pour alimenter sa puissance… Si on ne l’arrête pas…

D’un coup, l’urgence de la situation m’écrase enfin de tout son poids et les mots me manquent pour décrire ce qui pourrait se passer. Que deviennes les Enfers, sans ces âmes pécheresses qui forment son quotidien? Que devient cet idéal si fragile pour l’humanité, sans cette poignée de vertueux qui reposent à Elysion? Ça ne dépend que de moi, maintenant…
Mais quelqu’un, quelque part croit que c’est suffisant.

-Les scientifiques ont peut-être eu la chance d’analyser ce qui s’est passé pendant la première explosion. Avec cette information, on peut peut-être traverser la barrière…

Je ne peux m’empêcher de lâcher un petit couinement de peur quand je me fais agripper par les épaules et je passe proche de me faire secouer. Avec l’espoir qu’elle ne me frappe pas : je déballe tout ce que je sais :

-Je sais pas qui! J’ai jamais vu quelqu’un la porter! Je sais pas c’est quoi le livre, mais si Anubis en fait tout un plat, j’avoue que je serais curieuse de le lire!

Quand même, si le livre des morts vaut la peine de causer la fin du monde, ça doit être un putain de bon livre.

Elle me lâche et prend un peu de distance, ce qui me fait soupirer de soulagement. Elle revient vers moi et me rappelle les amoureux Sempouri. Mon visage s’éclaircit alors que je me rappelle des détails. J’ai l’impression que ça fait vraiment longtemps, alors que ça ne fait que quelques jours. Quelle sensation bizarre. Je hoche la tête :

-C’est vrai, et des artéfacts ont été volés pour chaque meurtre…attends, t’as dit des Chevaliers Noirs?

Putain, Zhihao m’avait parlé d’eux. Donc ils vont nous aider? C’est quand même une bonne nouvelle.

-Hey j’ai entendu parler d’eux autres. C’est ma bonne amie Zhihao de New York qui m’a informé sur eux. Super sympa cette fille, j’pense que tu t’entendrais bien avec elle. On travaille sur un truc ensemble, mais comme pour le moment on l’a mis sur pause on parle un peu moins, mais des fois je lui envoie sur Discord quelques memes sur les Américains…

Je me tais soudainement en remarquant le drôle air que Leticia a tout d’un coup. Comme si elle avait peur?...Je me surprends en train de compatir avec elle et pour une rare fois je n’ai pas la chienne d’elle. Je la vois comme je l’ai vu la première fois : une jeune fille avec le poids du monde sur le dos, l’écrasant, lui faisant mal, presque comme si elle venait de sauter du deuxième étage encore une fois. Tout comme les motifs de son faux suicide, la situation actuelle la dépasse. Un peu mal à l’aise, mais inquiète aussi, je détourne le regard un moment vers la pyramide, puis je m’apprête à la rassurer du mieux que je peux, au moins pour lui dire qu’on va trouver une solution, quand soudainement une figure apparaît près de nous.

Je dois dire que son entrée est des plus bizarres. Imaginez un nouvel employé dans une compagnie de pailles en bambou à Montréal qui demande aux autres travailleurs où est le gars de ressources humaines afin qu’il puisse aller lui faire signer son premier formulaire de congé sans paie. Vous l’avez? Ok, maintenant enlevez-lui la cravate et les souliers cirés et mettez-lui une putain d’armure trop classe. C’est bon? Ok, maintenant oubliez Montréal, il est venu chercher le mec de ressources humaines dans le désert. Pendant la fin du monde. Vous voyez? C’est juste une accumulation de pièces bizarres qui ne vont pas très bien ensemble. Le pauvre, j’ai presque envie de lui répondre que le bureau de Toby est au cinquième étage, mais que pour le moment il est en réunion…punaise, d’où est-ce que je sors tout ça?

Enfin, après une seconde à regarder le type avec confusion, je secoue la tête et lui réponds:

-Ben…c’est très large comme question. Genre tu cherches qui? Si tu cherches Mélya, je crois qu’elle a filé. Si tu cherches Azir, je…je sais pas dans quel campement il est. Oh, si tu cherches Leticia elle est juste là.

Je la présente en la désignant de mes mains, comme si je présentais Houdini en tant que son assistante ultra sexy. Puis j’ajoute en me grattant la tête :

-Oh pis si tu cherches Colombe c'est moi, mais ça m’étonnerait parce que je sais pas t’es qui et que tu me parais un peu chelou.

Que la Saint s’étonne de la présence des Chevaliers Noirs n’a rien d’étonnant, rien n’aurait pu lui indiquer que les éveillés sans dieux avaient de l’intérêt pour toute cette affaire. Mais c’est elle qui a le dernier mot, contre toute attente, quand elle m’annonce que c’est sa bonne amie Zhihao qui lui a d’abord parlé des Chevaliers Noirs. Sa bonne amie. Sa bonne amie?! Je cherche l’erreur dans ses paroles, car clairement, il y a une erreur, mais à part son affirmation qu’elles travaillent ensemble sur un truc très sérieux, le tout colle un peu trop bien. Sans savoir grand-chose sur elle, cette fille connaît Zhihao, une fille normale rencontrée à New York… mais ne connaît pas Zhihao, Chevalier Noir dans ses temps libres. Ça va lui faire un choc… Mais si ce n’était pas du nom, ce pourrait très bien être deux personnes complètement différentes. Mes propres émotions déjà mises de côté, je prends une grande inspiration et lui déballe la nouvelle bien lentement, pour être sûre qu’elle n’en rate rien.

-Ton amie Zhihao est ici. Elle travaille avec les Chevaliers Noirs, et elle en est probablement un elle-même.

C’est le problème avec ces Chevaliers et leur Ordre : ils n’ont aucune vraie loyauté, même entre eux. Rien n’est sacré. Tout n’est qu’affaires, clients et contrats, Zhihao ne pourrait être qu’un proche associé et non pas un véritable Chevalier, même si elle porte une armure. Vraiment rien de sacré… mais ce n’est pas le moment de s’emporter sur ce genre de chose, nous avons besoin de tout le monde pour neutraliser Anubis. Et parlant de monde…

Je vois le reflet de l’armure dorée du coin de l’œil et mon premier réflexe est de m’écarter de la Sainte pour éviter une possible attaque sur deux fronts, mais ça ne me prend pas beaucoup de temps pour réaliser que l’armure du nouveau venu est peut-être dorée, mais ce n’est pas une Armure d’Or. Et vu comment il s’adresse à nous, je doute qu’il s’agisse d’un Saint. Comme la dénommée Colombe lui fait remarquer, sa demande est bien vague, mais elle fait de son mieux pour lui répondre. En fronçant les sourcils, je décide d’y ajouter ma propre contribution.

-C’est Oblivion. Mon nom est Oblivion. Et si vous cherchez quelqu’un, vous feriez mieux de vous diriger vers les campements, les survivants sont là-bas.

Que vous le croyez ou non, pendant très longtemps, je savais discerner le vrai du faux, la vérité de la bullshit. Mais d'apprendre que ma meilleure amie du monde d'entier, qui m'a répondu jeudi soir seulement «Je ne reconnais pas ce mot.», a une identité secrète...Si cela aurait été Spiderman, j'aurais été encore sous le choc, mais je lui aurais pardonné, mais un Chevalier Noir? Pendant tout ce temps-là, j'étais en train de planifier la conquête de New-York avec un Black Knight? Qui semblait vraiment enthousiaste à l'idée?

Sans être capable de répliquer le moindre mot, les bras pendant mollement, je tombe à genoux, trop accablée par cette nouvelle inattendue. Je veux m'écrier vers Leticia «Non! Tu mens, c'est impossible!», mais le tout sort plutôt comme un faible marmonnement alors que je ne peux pas me détacher du vide. Mon premier instinct devrait être d'objecter immédiatement, mais je continue plutôt de marmonner à voix basse, comme si je suis en train de retracer chacune de nos conversations sur le Net. N'y tenant plus, je sors mon portable et j'ouvre Discord. Je tape avec urgence un message pour lui demander si c'est vrai et je lâche un juron en me rappelant qu'il y a pas de putain de réseau dans le désert (quelle surprise). Je laisse donc tomber le message et je commence à relire l'historique des conversations.

-Non…non, non!!! NON!!!

En relisant ses messages, une pensée me vient tout d'un coup : et si je parle à un bot? Cette idée me terrifie davantage tout d'un coup et, réagissant proprement au sentiment de déni qui m'envahit, je finis par lancer mon téléphone au loin, m'écriant encore plus dramatiquement :

-NOOOON!! ON AVAIT DES PROJEEEEETS!!

Si je le prends mal? Eh bien...oui, oui je le prends un peu mal. Ça veut dire que je peux mettre une croix sur New-York, elle connait tout le plan et c'est pas comme si on peut travailler ensemble là-dessus maintenant. Peut-être qu'elle va poursuivre le plan et l'exécuter sans moi, en plus de prendre tout le crédit. Je vous jure, si elle présente notre...non, MON idée de spectacle et qu'elle me pousse du portrait, je...je vais la poursuivre en cour! Je vais réclamer mes droits d'auteur! Leticia tente subtilement de me remonter le moral en se présentant en tant qu'Oblivion. Ça me fait sourire un peu, peut-être même qu'un faible ricanement s'est fait entendre, jusqu'à ce que je remarque qu'elle très sérieuse et le nouveau venu me le confirme en affirmant que c'est elle qui cherche.

-Attends…ton vrai nom c’est vraiment Oblivion? Shiiit!

Décidément, elle est vraiment pas chanceuse cette fille-là. J'aimerais bien en rire, et en fait je dois bien dire que ça me fait sourire, mais je compatis plutôt avec, une main sur le cœur pour lui payer mes respects. En plus, le mec s'appelle Hruoland, donc il pourrait pratiquement joindre le club de mauvais prénoms (après tout, on dirait qu'au moment de le nommer officiellement sa mère a eu un éternuement monstre et c'est ça qui a été écrit sur le certificat de naissance).

Enfin, comment nos parents ont eu la brillante idée de nous donner des noms aussi stupides n'est pas le sujet important en ce moment. Apparemment, Hruoland, qui sert Odin, est venu à notre aide pour bousiller Anubis et nous demande les solutions possibles. Ah oui, il s'assure aussi d'être le plus condescendant possible à chaque fois qu'il me mentionne. Remarque, m'associer à l'écuyer d'Oblivion ne me dérange pas tant que ça. Déjà, çela aurait pu être bien pire : j'aurais moins ri s'il avait cru que je suis la salope d'Oblivion. De plus, ses commentaires, bien qu'ils ne disent évidemment pas tout, en disent quand même long sur son personnage. Il comprend déjà pas le peu que j'ai dit, ça part très mal, considérant que j'ai fait aucune référence à un meme, à un vine, à un film ou à toute autre référence à la culture populaire. D'après moi, son idée de français standard est celui du PNJ dans un jeu vidéo, parce que c'est comme ça qu'il sonne (encore une fois, écuyer est très hors du commun). C'est un peu con, mais comme on est alliés maintenant je dois lui montrer du respect et donc ne pas le traiter comme une vieille personne âgée qui ne sait plus rien des temps modernes. Sûre de quoi faire pour lui faire tout comprendre respectueusement, je m'adresse à Oblivion avec confiance :

-Letici-…merde non j’veux dire Obliv-…ah putain de sa mère, je veux dire Sire Oblivion, en tant qu’écuyer sous votre tutelle, j’m’en charges.
Je refait face à Hruoland, je râcle ma gorge et je prends ma plus belle voix de Gandalf pour m’adresser à lui :

-Ahem...Bonjour Hruoland d'Asgard, émissaire d'Odin et chevalier du Nord, et merci de nous rejoindre ici, dans le désert, pendant ces temps périlleux. Le terrible dieu chacal Anubis s'éveille de colère Sir, et demande que son livre des morts lui soit rendu dans les deux prochains jours, ou sinon le monde connaîtra un sort terrible de sa main.

Je prends une seconde pour lui désigner gravement le géant sablier qu'il n'a peut-être pas vu (après tout c'est très commun comme objet).

-Cet artéfact divin a été divisé en quatre tablettes réparties entre quatre voleurs : le chevalier d’Andromède, et…et…j’hésite un instant, claquant des doigts pour chercher les bons mots, avant de continuer : et trois autres qui ne sont pas des Chevaliers d’Athéna. Pour mener à bien notre quête d’anéantir Anubis et de détruire ses plans machiavéliques, plusieurs options s’offrent à nous…

Je lui énumère les différentes options en comptant sur mes doigts :

-La première est de mener une enquête pour retrouver les quatre tablettes avant qu'il ne soit trop tard, mais les indices sont peu nombreux. La deuxième est de confronter directement Anubis ou son subordonné, tous les deux tapis dans la pyramide, mais prenez garde! Un terrible champ de force les protège, donc vous aurez à les faire sortir de la pyramide ou bien trouver un moyen d'annuler le champ de force. Finalement, la troisième option serait de tenter de négocier avec le Dieu égyptien, mais il peut être très difficile de s'entendre avec la nature divine.

Je fouille dans mon sac à la recherche d'un item «magique» pour terminer la conversation, mais la seule chose que je déniche est un petit couteau en plastique. Bon, je peux pas lui sortir une épée de feu non plus, donc ça va faire l'affaire. Après tout, c'est plus pour qu'il soit à l'aise avec nous et qu'il ne soit pas un gros boulet qui comprend rien de ce qui se passe. Je le sort donc du sac cérémonieusement et je m'approche du type pour lui offrir gracieusement le petit couteau reposant sur les paumes de mes mains.

-Voici un item pour vous, qui vous sera utile au moment opportun durant cette quête. Ne vous fiez pas à son apparence, car rapidement vous vous rendrez compte qu'il vous protégera du mal. Ne le perdez pas.

Je retourne donc aux côtés d'Oblivion à reculons et je le regarde droit dans les yeux sans rien dire de plus.

Le plus fou dans cette histoire n’est même pas que cet Asgardien était en fait à ma recherche, ni même qu’il croit à tort que Colombe est… mon apprentie, je suppose, mais il devra m’expliquer où il voit le potentiel pour une Étoile Maléfique chez elle. Ce n’est pas non plus la pièce qu’il me lance pour prouver ses propos, ornée de l’emblème d’un dieu dont j’ignorais la réincarnation, mais qui est rendue plus légitime par le message que j’ai reçu plus tôt. Mon premier instinct était de croire que c’était Thanatos, mais maintenant que je connais la vérité, tout semble bien plus sensé… sauf pour une chose. Hypnos, dieu du Sommeil, est réapparu pendant mon absence, nous ne nous sommes donc pas croisé, mais il a quand même décidé de non seulement accepter ma requête, mais de m’envoyer de l’aide tout en la respectant. Après tout, l’idée était surtout de ne pas attirer plus de guerriers infernaux en Égypte que nécessaire, mais…
Pourquoi?

J’aurais aimé avoir plus de temps pour y penser, mais je n’ai pas ce luxe. Même les quelques secondes passées à examiner la pièce sont de trop vu ce qui m’attend. Car le plus fou est encore à venir… Le nouveau venu, Hruodland, a sa petite attitude, mais ce n’est pas exactement quelque chose de surprenant parmi les éveillés, et probablement encore moins parmi les guerriers du Nord, mais Colombe ne compte pas le laisser s’en sortir comme ça. Si j’avais réagi tout de suite, j’aurais pu rectifier l’erreur, mais il est trop tard pour ça, et la Sainte est déterminée de se payer sa tête en lui expliquant la situation… avec une voix ridicule, et en imitant son phrasé. Je ne sais même pas comment réagir. Il n’y a pas de mots. Deux jours avant l’arrivée d’Anubis et c’est comme ça qu’on passe le temps. Et je doute que Hruodland se laissera faire, mais Colombe est si imprévisible, qui sait ce qu’elle pourrait répondre…

Est-ce que c’est comme ça que Zhihao se sent depuis le début de toute cette affaire?

… Est-ce que c’est à moi de devenir la Zhihao de notre petit groupe?

Oh non. Non. Je n’ai pas la patience pour ça, et quand la Sainte tend un petit couteau en plastique à l’Ase comme s’il s’agissait d’un rare trésor, je sens un courant électrique me traverser la colonne et je lui frappe le poignet avec assez de force pour la forcer à échapper l’ustensile. Raison de plus pour ne pas confier le foutu parchemin à quelqu’un d’autre…

-Ça suffit! Tu crois qu’on a le temps pour tes singeries?!

J’agite le poing en guise de menace, et une bouffée de cosmos apparaît autour de ma main pour une fraction de seconde. Au moins, l’usage de la force est suffisant pour la calmer, la plupart du temps.

-Et toi… J’espère que tu as été attentif, parce que… je n’arrive pas à y croire, mais son explication est vraie. Nous avons deux jours pour récupérer ces tablettes et jouer au petit jeu d’Anubis, ou pour trouver une autre solution…

Calmer le dieu chacal me semble être une piètre excuse, si lui rendre ces tablettes est aussi ce dont il a besoin pour récupérer ses pouvoirs. Trouver un moyen de passer le champ de force semble notre meilleure option, mais pour en arriver là, il faudrait déjà trouver quelqu’un capable de nous aider.

-Comme elle l’a dit, un des voleurs était le Chevalier d’Andromède. Nous n’avons pas reconnues les trois autres armures, ce qui veut dire que ce n’était ni des Saints, ni des Spectres. D’ailleurs…

Je ne suis pas une experte, mais j’ai eu l’occasion de voir plusieurs armures différentes, donc je sais qu’une armure de Saint est bien différente d’un Surplis et vice-versa… mais je ne sais pas à quelle faction les autres pourraient appartenir. En observant l’armure de l’Asgardien, je tente de trouver des similitudes, mais ça n’a rien de facile.

-Je suppose que certaines d’entre elles ressemblaient un peu à la tienne. Est-ce que cette histoire de tablette te dis quelque chose?

Avant même que je puisse enfouir dans la main de Hruodland le couteau magique, Oblivion me tape sur la main avec suffisamment de force pour me le faire échapper. Alors que je pousse un petit «hé» de protestation, je la vois agiter le poing sous mon nez, je couine et je la supplie de ne pas me frapper. Je lui répète «Don't hit me!», mais avec ma voix hautement perchée à cause de l'effroi, on dirait plus que je demande hystériquement pour un panini (ce qui ne serait pas méchant en fait).

C'est bon, j'ai compris le message et je prends un peu de distance, grommelant que je vais regarder si je peux pas repérer mon portable. Finalement, j'aurais peut-être du me retenir de le lancer comme ça. Qu'est-ce que je vais faire sans Spotify? Que va-t-il arriver de tous mes Pokémons? Ah oui...et si on veut m'appeler...mais surtout Spotify! M'éloignant un peu des deux autres, ma main protégeant ma vision du soleil éblouissant, je tente bien de le retrouver, mais mes oreilles ne se détachement pas de la conversation qui continue pas loin derrière moi. Même si j'ai saisi que je suis peut-être mieux de ne plus m'ajouter dans la conversation, je ne peux pas m'empêcher de mettre mon grain de sel.

-Oui, les Saints sont les guerriers d’Athéna, que je confirme au guerrier d’Odin, toujours en regardant les dunes vers lesquelles j’ai balancé mon portable. Je t’assure qu’à part l’armure d’Andromède, aucune n’appartenait à un Saint.

Hruodland parle encore un peu pendant que j'écoute maintenant qu'à moitié. Je l'entends quand même me parler de ma «punition», ce qui me fait rouler des yeux. Ben oui Christian Grey, fais-moi donc peur. Il se reprend en déclarant que je lui apprends de quoi. Je hoche la tête avec honnêteté, murmurant «Mais oui mec!». J'allais pas non plus lui dire des mensonges pour le plaisir! La voix de Gandalf et le petit couteau, ça passe (d'après moi seulement apparemment), mais lui mentir sur la mission parce qu'il parle bizarre? Mais non, ça serait pas gentil. Je l'entends mentionner de penser à trouver une brèche au champ de force et à ça je secoue discrètement la tête. Je devrais peut-être lui préciser quand on y a touché, cela a rasé un village complet, mais je suis trop occupée à me concentrer sur un point que je crois être mon téléphone. Alors que je pense que j'ai de la chance, ma concentration est brisée par Hruodland qui demande mon attention.

Si je veux voir une arme légendaire?...

…ouais, ça pourrait être classe à voir.

Je fait un pivot sur moi-même pour lui faire face, répondant avec enthousiasme, levant mes bras vers le ciel :

-Do I ever!

Mes mains collées sur mes joues, je le regarde avec un large sourire tandis qu'il charge son cosmos fort. Mais...vraiment fort. Genre l'Obli-level, pour vous donner un indice. Sentant le sol trembler sous nos pieds, je regarde Oblivion un instant, ma bouche formant la phrase : «T'as vu? Il fait trembler le sol!» tout en pointant du doigt le sable autour de nous. Mon attention revient sur le performeur, qui semble faire très bien ça...et c'est là que je me rends compte qu'il fait face à la pyramide. Alors que mon cerveau est en train de comprendre ce qui se passe, mon sourire s'efface lentement, remplacé par une expression de panique.

Putain de sa mère, il va attaquer le champ de force!! Quelques souvenirs encore frais dans ma mémoire refont surface : mon corps résistant à peine aux vents infernaux de la tornade de sable, l'écrasement douleureux et étouffant sur tout mon corps, une image d'un Azir que je croyais mort, un village recouvert de cadavres...On a juste rentré dedans comme deux connards et cela a effacé un village de la carte. Et lui veut lancer une attaque full on. Sans réfléchir plus, à part pour penser rapidement que je dois l'arrêter comme Oblivion le ferait, je m'élance vers lui et je dois sauter pour lui taper le plus fort que je peux sur son poignet droit levé au-dessus de lui.

-NON BRAD!!!

Rien de douloureux, je n'ai même pas chargé mon cosmos, en fait c'est plus moi qui a mal et qui sent le pincement sur ma paume maintenant rouge. Au contact j'ai eu un goût de son cosmos. J'en ai eu une cuillérée pleine sur les doigts. C'est peut-être le son de l'impact qui provoque un léger écho qui me ramène sur terre. Je regarde ma main avec hébètement, réalisant ce que j'ai fait. J'ai interrompu le mec en le tapant sur la main. Personne ne digère bien de se faire interrompre en se faisant taper sur la main. Et ce gars est vraiment fort et semble juste penser à vouloir à péter la gueule. Putain...c'est comme mon moment stand up contre mon bully de depuis toujours. Sauf que mon vrai bully c'est Oblivion. Et Carl. Fuck you Carl.

Je finis par sortir de mon petit moment de contemplation et d'horreur afin de lui montrer mes paumes afin de lui faire comprendre que je tiens pas à ce qu'il me pète la gueule pour mon effronterie qui a peut-être rendu service à l'Égypte.

-É-écoute-moi mec, parce que cette fois-ci j’utilise pas ton dialecte fleuri : ce champ de force là, que je déclare en désignant la pyramide du doigt, c’est pas l’œuvre d’un enfant de cinq ans. C’est le champ de force d’un dieu frustré parce qu’il saura jamais la fin de son livre! Sais-tu ce qui arrives quand on y touche? Genre juste une pichenette? Ça explose! Je te jure, mon pote et moi on a foncé dedans, et sans techniques et attaques là! On faisait que marcher, et on a foncé dedans comme deux pigeons qui foncent sur une fenêtre. Et…et le village a explosé merde! On a failli mourir dans le processus! T’imagines ce que ça pourrait faire si toi tu t’essaies à puissance maximum?

Je secoue la tête. Je ne suis vraiment pas fière de ce qu'on a fait. J'ai été vraiment stupide. Remarque, Azir aussi, mais au moins lui il a pu faire de quoi pour réduire les dégâts. Moi, je n'avais plus la force de faire rien. Si c'était seulement moi qui aurait été toucher le champ de force, les dégâts ne se seraient pas limités à El Balyana. Cependant, je dois ravaler ma fierté, parce qu'il est hors de question que je laisse Hruodland-À-Vos-Souhaits faire la connerie du siècle et tuer tout le monde. En plus, je peux pas dire qu'il m'aime bien déjà, alors s'il ne m'écoute pas, je dois être prête à l'arrêter. Continuant de le raisonner, je charge à mon tour mon cosmos lentement, plus subtilement, afin de ne pas lui donner l'impression que je vais lui faire une attaque surprise.

-Ok, oui ça serait cool si on pourrait trouver une brèche, mais penses-tu vraiment qu’Anubis aurait pensé «Ok je vais faire une barrière magique divine impénétrable mais juste pour les troller je vais mettre une mini brèche à l’arrière lololol»? Ben non merde! À moins que tu saches exactement quoi faire et que t’as une sacrée bonne explication, t’attaques pas juste comme ça. Tu vas nous tuer tous les trois en plus de l’Égypte et Odin va se faire un facepalm en voyant comment con tu auras agi. R’garde, moi aussi j’aimerais ça qu’Anubis se fasse botter le cul, mais c’est pas en jouant la carte du suicide collectif qu’on va y parvenir. Pourquoi on prend pas une minute pour réfléchir aux autres options? Si on lui apporte les tablettes, on a de quoi à lui offrir et on aura la chance de se rapprocher…

Je suis rendue d’un vert vibrant maintenant. Je sens ma cosmo-énergie me protéger et pourtant j’ai la chienne en ce moment. Je suis à ça devenir hystérique et de lui crier «ESSAYE-TOI PAS MON CALVAIRE! J’VEUX VIVRE!», mais étonnamment je n’ai pas encore craquée sous la panique. Mes yeux sont exorbités et je dois un peu trembler à force de contenir toutes les injures, mais à part de ça je suis relativement calme.

Spoiler:

Cet homme n’est pas un allié, et ce serait trop gentil de l’appeler un fardeau ; on dirait presque qu’il est seulement là pour saboter la mission. Était-ce le plan depuis le début? Après tout, c’était justement ce que je redoutais si les Spectres devaient décider de s’en mêler… mais pourquoi envoyer ce sauvage faire le boulot à leur place, si c’est le cas?
Peut-être que je réfléchis trop, et ce n’est pas ce qui va nous sortir de ce pétrin. La situation reste la même, cet abruti a décidé de ne rien écouter et de plutôt voir ce qui va se produire s’il s’attaque au champ de force, en pensant que sa puissance seule sera suffisante pour le traverser… peu importe les conséquences. Le vrai problème est que son cosmos rivalise avec le mien, ce qui veut dire que je ne peux pas juste lui faire des peurs comme avec Colombe. Si je dois le neutraliser, ce sera définitivement. Mais alors que je prépare ma propre attaque…

-Colombe, NON!

Le cri m’échappe alors qu’une nuée d’aiguilles entoure les deux éveillés, sans les atteindre, de peur de toucher la Sainte. C’est peut-être déjà trop tard pour s’inquiéter… mais à ma plus grande surprise, elle n’a rien. Elle s’est défendue, a encore l’énergie pour répliquer et insulter vertement notre fauteur de trouble… et elle est prête à encaisser à nouveau. Je dois intervenir, si ça se trouve c’est juste du bluff de sa part…
Mais pourquoi se mettre en danger comme ça?
… Et pourquoi est-ce que ça m’inquiète autant?

-… Colombe. Retrouve ton portable et va rejoindre les autres.

Mon ton est égal, mais sans équivoque, et loin d’être calme. Je ne peux plus prendre de chance et la garder ici, elle risque de jeter encore de l’huile sur le feu et si ce fou furieux décide de s’acharner sur elle, elle ne s’en sortira pas. Peut-être que mentionner les autres et lui rappeler que nous ne sommes pas seules aidera aussi…

-Et toi! Je croyais d’avoir dit d’être attentif, comment tu t’imagines que la ville a été rasée?! Je me moque de qui tu es et de qui t’envoies, et je me moque de ta puissance, si tu n’es pas capable de comprendre que causer plus de mort alors qu’Anubis vole les âmes de nos deux Enfers n’est pas une bonne idée, tu n’es pas ici pour le détruire, tu es ici pour l’aider.

Ce serait presque un coup de chance s’il est un traître. À force de courir partout sans arriver à accomplir quoi que ce soit, ça nous ferait du bien d’avoir enfin un vrai mal tangible à combattre… mais j’en doute. C’est juste un autre Wolgorn, un autre zélote sans considération pour ceux autour de lui, sous prétexte qu'ils sont trop faibles. Pathétique.

-Si c’est trop difficile à comprendre, tiens-toi tranquille et on te dira quand taper. Et je te préviens : si tu lève la main sur l'un d'entre nous, je te dévore vivant.

"Il est impénétrable par la force, oui."

Pour ceux qui avaient conservé leur vitesse habituelle, Azir sembla surgir de nulle part, au beau milieu de la conversation. Tout au plus avaient-ils pu sentir son énergie au loin se rapprocher bien plus rapidement qu'aucun mortel et une grande majorité des chevaliers, et déjà les avait-il rejoints.

Il prit le temps d'observer l'assemblée, et notamment Colombe, légèrement blessée, dont le cosmos avait augmenté comme en réponse à celui qui avait provoqué les secousses dans le désert. La Sainte semblait aller bien, et on s'occupait d'elle, une bonne chose. Le Lion d'or s'attarda ensuite sur Oblivion et ses aiguilles, puis le nouvel arrivant, plus longuement.

"Je suppose que c'est à vous que nous devons les tremblements qui viennent d'avoir lieu ? Vous seriez bien aimable de ne pas recommencer, vous avez fichu une peur bleue à tous les civils là-bas, et si j'en crois ce que j'entends vous avez également failli tous nous tuer, vous inclus."

Le ton était calme, pas une trace de mépris. S'il avait agi sans savoir, et dans la mesure où il n'avait pas terminé son geste, alors on pouvait très facilement réparer son erreur, à la condition qu'il ne s'obstine pas dans sa tentative de démolir le champ de force sans même réfléchir aux conséquences. Mais il fallait procéder dans l'ordre : d'expérience le Cinquième Gardien que les gens écoutaient rarement les dires d'un inconnu qui ne se présentait pas à eux, se sentant offensés qu'on ignorât les usages, et donc leur ego dans la même opération -à ce propos, Madame Z. avait dû sécher les cours des d'étiquette lors de son apprentissage de magicienne.

"Je suis Azir, chevalier d'or du Lion. Et je reviens de chez "Madame Z." qui a envoyé Leticia et les deux femmes-chevaliers noires ici pour remédier à ce problème de pyramide, résurrection divine et siphonnage d'âmes..."

Il montra d'un simple geste le morceau de tablette qui lui avait été remis, sans trop entrer dans les détails de peur que le dieu endormi et Our ne pussent les observer et les écouter. Après tout, ils se tenaient devant leur repaire.

"Si vous êtes ici pour les mêmes raisons, nous pouvons partager nos informations avec vous, mais je vous prie de ne pas songer à la méthode violente. Ce champ de force est l'oeuvre d'une divinité qui s'endurcira si nous nous amusons à lui livrer des âmes sur un plateau. Et tout chef de guerre sait qu'il faut d'abord étudier le terrain et placer ses troupes avant de les faire charger aveuglément, n'est-ce pas ? C'est ce que nous sommes en train de faire : recueillir des informations."

Un coup d’œil en arrière pour vérifier où en était Zhihao. Il l'avait délaissée un peu vite et espérait qu'elle ne lui en tiendrait pas rigueur.

"Zhihao et moi-même savons où trouver les fragments manquants de la tablette. Est-ce que l'un ou l'une de vous a des entrées à Asgard ? Nous allons en avoir besoin... Mais si vous voulez des détails sur notre petite balade, je suggère de nous éloigner de ce champ de force. Et pour répondre à votre question de tout à l'heure, s'y attaquer à pleine puissance ne ferait que décupler la violence de l'explosion qui s'en suivrait, balayant ainsi non pas un El Balyana, mais toute l’Égypte. Voire plus si vous vous y mettez à deux."

Azir prit les devants, et Zhihao lui laissa bien volontiers la place. Ce n’était pas de la couardise mais du pragmatisme, car si l’ex-monstre de compagnie de Poséidon décidait de passer réellement à l’attaque – elle savait qu’il avait fait défection, cependant rien ne permettait de croire que c’était parce qu’il s’était soudain découvert une conscience –, la militaire doutait de pouvoir survivre ne serait-ce qu’un instant face à Durandal. Si conflit il devait y avoir, elle serait plus utile en évitant de se faire éliminer d’entrée de jeu et en attendant que le guerrier franc soit concentré sur le Saint et la Spectre pour mieux le frapper dans le dos.

Mais contre toute attente, le conflit potentiel semblait déjà avoir été désamorcé lorsqu’elle rejoignit le groupe à la lisière du domaine d’Anubis, juste à temps pour entendre le Lion terminer son explication et Hruodland… féliciter Colombe ? Il lui fallut une seconde pour digérer la dissonance cognitive. Était-ce pour cela que les autres éveillés semblaient incapables de reconnaître le paladin de Charlemagne et de réagir comme il se devait à sa présence ? Parce que certes, son armure était différente et ses cheveux avaient blanchi mais sa voix et son visage n’avaient pas changé, et il était difficile d’oublier l’homme qui avait mis la Russie à genoux, brisé deux chevaliers d’Or à Paris et transformé toute une partie de Tokyo en champ de ruines.

Enfin, puisque tout le monde semblait déterminé à ignorer l’éléphant dans la pièce – ou dans le magasin de porcelaine, vu son comportement initial –, la Boussole n’irait pas mettre le feu aux poudres. Une seule crise à la fois.

« Zhihao de la Boussole Noire. » se présenta-t-elle à son tour après la fin du discours du guerrier d’Athéna, en espérant que Colombe n’allait pas choisir ce moment pour l’interrompre. « Je confirme ce que vient de dire Azir. Toute action hostile de notre part a de fortes chances de très mal se terminer pour nous mais Madame Z a eu la… gentillesse de nous fournir un début de solution. J’ajouterais toutefois qu’il vaudrait mieux que nous n’allions pas tous chercher le fragment de tablette qui se trouve en territoire Saint ; certains d’entre nous n’y seraient sans doute pas les bienvenus. »

Elle n’en dit pas davantage pour l’instant et suivit la suggestion du Lion de s’éloigner du champ de force. Azir avait eu droit au même briefing qu’elle, si on pouvait appeler ça comme ça, et il devrait pouvoir relayer les informations de la magicienne plus efficacement qu’une renégate de Death Queen Island, grâce à l’aura d’autorité conférée par son armure d’Or… sauf si la Mante continuait à faire sa récalcitrante, bien sûr. Et en parlant de la maniaque des aiguilles…

« Leticia, je peux vous parler ? »

Alors que je croise mentalement les doigts qu'il n'y va pas juste qu'au bout, c'est finalement Oblivion qui a le dernier mot...et le dernier geste quand j'y pense. Eh oui, sur le coup son arène composée d'aiguilles acérées me prend par surprise et me convainc que c'est fini pour moi. J'ai encore les mains en l'air, mais là je ferme presque les yeux en priant que ça va pas barder.

Par chance, non. En fait, elle nous fait cesser peu importe ce qui allait se passer, ce qui j'imagine aurait été de quoi vraiment pas beau dans mon cas. À mon étonnement, c'est moi qui, dans le fond, doit aller dans un coin sous prétexte de récupérer mon téléphone. Est-ce que c'est moi qui suis punie? Bah, tant que ça m'évite la mort et la rage de la Spectre, ça me va complètement. En fait, alors que je cherche mon portable loin des deux autres, à quatre pattes dans le sable, je réalise davantage à quel point j'ai eu de la chance. J'ai pas eu à me battre, j'ai survécu, ma main tremble comme une feuille (non mais est-ce que je dois chanter pour ignorer la drôle de sensation ou quoi) mais à part ça je pète la forme, l'Égypte est encore là et c'est pas moi qui va se faire engueuler le plus fort. Alors là vraiment pas. J'entends les éclats de voix d'Oblivion jusqu'ici et je vous assure que je suis très contente d'être dans mon petit coin du désert. Je finis par retrouver mon téléphone par pure chance, mais comme le réseau est pas très fort au milieu du désert, c'est impossible de savoir si Azir m'a donné de ses nouvelles. Ça fait un bail là, qu'on est séparé. J'espère qu'il va bien. Je suis envahie par de la joie et du soulagement et en même temps j'ai envie de me cacher après ce qui vient d'arriver. Genre peut-être que si je m'enterre dans le sable, personne va me voir et je n'entendrai plus les deux autres guerriers. Or, à la place de m'ensevelir dans le désert, je décide plutôt de travailler sur ma propre réplique de la pyramide, le temps que je sois sûre qu'on ne m'égorge pas par accident si je rejoins Oblivion et Hruodland. Ce qui est parfait parce que maintenant que j'ai récupéré mon portable, je peux regarder les photos que j'ai prises comme référence. L'art, ça peut calmer les nerfs non? Je pense que j'en ai besoin, je suis encore un peu tendue...

Alors que je me rends compte qu'il faudrait un peu d'eau si je veux que mon oeuvre tienne en place, quelqu'un me saisit abruptement la main. Je lâche une petite exclamation de protestation, d'autant plus que c'est ma main tremblotante qu'on vient de prendre comme ça, avant de reconnaître Hruodland. Sur le coup, mes yeux s'écarquillent. Il a tué Oblivion et il va m'achever! Il va m'achever! -

-CALISSE TU L'AS TUÉE!!, que je m'écrie terrifiée...jusqu'à ce que je sente son cosmos se manifester de nouveau, mais cette fois-ci ma main n'en souffre pas. Au contraire, je pense qu'il est en train de la guérir...Une fois qu'il la relâche, je l'examine en la regardant sous différents angles et je le regarde avec hébètement et confusion. Pendant une seconde je pensais qu'il allait me tuer parce que je m'étais mise dans son chemin et qu'il avait tué Obli parce qu'elle s'est fâchée contre lui. Sauf que non. Au lieu de tout ça, il me dit même bravo et sur le coup je comprends pas pourquoi et...non, je comprends toujours pas. Fronçant les sourcils, je réplique avec hésitation tout en ramenant ma main près de mon torse :

-Euh...à toi aussi?

Par instinct je lui fais un high five sur sa main encore levée, mais on dirait un échange bizarre et triste tandis que je murmure « Tope-là » avec un geste maladroit et hésitant. Il me faut une seconde supplémentaire pour regarder derrière lui et m'apercevoir qu'Azir est juste là! Holy shit, je l'ai même pas vu arriver!

-Hey Azir!, que j’exclame joyeusement en agitant la main avant d’aller à sa rencontre. Je pars le rejoindre et avant que je puise dire le moindre mot quelqu’un d’autre se joint au groupe. Mon visage devient gris en reconnaissant Zhihao. Donc c’est vrai?...

On dirait que ma tête se vide alors qu'elle prétend qu'on n'a jamais été quelque chose. Elle sait que je suis là et ne veut même pas s'expliquer. Ouais, elle pourrait un peu m'expliquer pourquoi elle m'a jamais dit qu'elle est la Boussole Noire mais nooon! Elle préfère m'éviter en voulant discuter avec Oblivion en privé. Je ne l'arrête pas, mais mon regard assombri ne se détache pas d'elle. Sans aucun son, ma bouche formule quand même un avertissement alors que je secoue le doigt légèrement et lentement vers sa direction: « You can't run. » Combien de fois m'a-t-elle menti? Pendant combien de temps? Est-ce que notre amitié était réelle au moins? C'est qui l'autre Chevalier Noir? Quelqu'un plus classe que moi? J'ai des défauts d'accord, mais mon amitié était sincère! De toutes façons, j'ignore si moi-même je suis prête à la confronter directement. C'est trop dur. Peut-être que nous avons un peu besoin de temps toutes les deux avant d'en parler. Je prends quand même la peine de prévenir Azir en lui chuchotant :

-Ok Zhihao et moi on...on avait quelque chose. Mais là c'est terminé et comme tu peux voir il y a de la tension...mais j'te jure que je laisserai pas ça me distraire de la mission et de la fin du monde.

Je prends une petite seconde pour me ressaisir, détournant le regard avec une main sur le cœur un moment et je change de sujet tout en agissant comme si rien n'était.

- Hruodland vient d'Asgard, il peut donc aller investiguer là-bas. Toi et moi on peut aller regarder au Sanctuaire pour la tablette d'Andromède et...maintenant que j'y pense, elle est où au juste l'autre Chevalier noir? Elle est pas avec vous?

Finalement, Colombe n’aura pas eu besoin de contacter les autres : Azir et Zhihao arrivent sur les lieux, sans doute après avoir ressenti l’explosion de cosmos de Hruodland, et se dépêchent d’apporter leurs propres clarifications. Ainsi, notre intuition était bonne… pas que ce soit si étonnant que ça, mais bon, quelqu’un avait besoin de preuve. Abruti. En pouffant de rire, bien que l’heure ne soit pas à l’humour, je fais disparaître mes aiguilles, mais ça ne signifie pas un retour de la paix. Vu notre groupe, je doute même que nous y ayons déjà eu droit.
Mais avec une telle alliance, c’est peu étonnant.

-Voyez notre chance! Asgard a envoyé quelqu’un pour nous assister et c’est ça qu’on a reçu. Quelqu’un qui croit qu’avec assez de volonté on peut tout casser, comme un vulgaire Chevalier de Bronze. Sans offense, Colombe.

Et encore, elle au moins avait le bon sens de chercher d’autres solutions. Je fronce les sourcils quand la Black Knight nous explique qu’ils ont parlé à Zlatanna et que cette dernière leur a donné de nouvelles instructions… et celles-ci ne sont pas pour me plaire.

-Attendez, attendez. Elle veut vraiment qu’on retrouve ces tablettes? Celles qu’Anubis veut récupérer? Déjà, je ne comprends pas pourquoi elle ne nous en a pas parlé avant, mais surtout… pourquoi est-ce qu’on voudrait faire une chose pareille? Qu’est-ce qu’elles font ces tablettes, exactement?

J’avais assumé qu’Anubis en avait besoin pour poursuivre sa conquête, mais vu ses menaces et ce qu’il peut déjà faire, je commence à avoir des doutes… mais avant que je ne puisse poser d’autres questions, Zhihao demande à me parler seule à seule. Je pense savoir déjà ce qui la dérange.

-Je suis désolée, le Seigneur Hypnos a dû demander de l’aide à Asgard pour m’assister mais je te jure que je n’en savais rien…