Les paroles qu’ils échangèrent en attendant l’arrivée de la Mante avaient davantage pour but de passer le temps que de réellement élaborer un plan qui tienne la route : il n’y avait pas besoin d’être devin ou fin psychologue pour prévoir que l’Ase à l’impatience grandissante n’en ferait qu’à sa tête, et Zhihao doutait également de la capacité de Gorislava à suivre une stratégie trop complexe – même si elle faisait des efforts, il fallait le reconnaître. De plus, ils manquaient d’informations sur les capacités précises de l’autre moitié du groupe et si les talents du Fourneau, là encore, se limitaient probablement à pouvoir frapper vite, fort et à savoir encaisser les coups, ceux de la Spectre restaient une inconnue de taille. Le seul bénéfice concret que la Boussole tira de cette discussion fut que cela lui permit de continuer d’accélérer la prolifération des nanomachines dans son organisme, puisqu’elle risquait certainement d’en avoir besoin avant que les 48 heures prescrites par la scientifique se soient écoulées.

Lorsque Leticia les fit brusquement passer du froid mordant d’Asgard au soleil de plomb du désert – miraculeusement dépourvus de traces de dévastation supplémentaires – , deux mauvaises nouvelles l’attendaient. Premièrement, si les non-chevaliers des alentours étaient bien en train de plier bagage le plus vite possible, les messages transitant par les ondes révélaient que l’évacuation de la zone des cent kilomètres était encore loin d’être complète, ce qui n’était pas surprenant vu l’ampleur du défi logistique que cela représentait. Deuxièmement et plus étonnant, une nouvelle arrivante était venue compliquer la situation en se greffant au groupe en leur absence, et il s’agissait une fois de plus d’une tête connue – des éveillées blondes se promenant en compagnie d’un renard, il ne devait pas y en avoir cent.

Elle n’eut pas le temps de dire quoi que ce soit pour s’enquérir de l’évolution de la situation ou rapporter le succès de leur mission car Hruodland, toujours égal à lui-même, décida d’ignorer ce qu’il se passait autour de lui et d’annoncer son retour à grand renfort de cosmos, de vantardise et de provocation. Une preuve de plus que ce qu’on lui disait entrait par une oreille et ressortait aussitôt par l’autre : ils étaient censés amener Our à baisser sa garde et à les laisser franchir la barrière, pas le pousser à activer une nouvelle explosion cataclysmique pour ensuite aller récupérer la tablette sur leurs cadavres ! À moins bien sûr que toutes ces démonstrations de virilité mal placée ne constituent une sorte de langage secret pour brutes millénaires, ce qui ne la surprendrait qu’à moitié… Enfin, il fallait relativiser : ça aurait pu être pire, l’ex-Léviathan aurait pu insulter la mère du Chacal, par exemple.

« On ne me paie pas assez pour ces idioties... Azir, si nous survivons à ça, ça vous dirait d’aller boire un verre ? » soupira l’asiatique, qui n’avait même plus l’énergie de s’énerver face au comportement de l’ancien Marina, en adressant un regard compatissant au Lion d’Or. Celui-ci agrippait fermement l’artefact qui semblait presque vouloir lui échapper des mains pour rejoindre son propriétaire, ce qui la força à mettre sa consternation de côté et à reprendre son sérieux. L’ennemi était proche et le combat imminent.

« Bon, comme vous pouvez le voir, nous avons reconstitué la tablette et Hruodland en a assez d’attendre. J’espère que vous êtes prêtes et que vous vous souvenez des avertissements de Madame Z. Laissez Hruodland passer devant et faites très attention, nous ne savons pas quelles mauvaises surprises la magie d’Anubis nous réserve. » fit la militaire en se détournant momentanément de son compagnon d’infortune pour s’adresser au trio – maintenant quatuor – d’éveillées. Et en parlant de l’éveillée surnuméraire… « Bonjour à vous Mélya, je peux savoir ce que vous faites ici ? Vous avez conscience que vous risquez votre vie si vous restez là ? »

Elle aurait pu feindre de ne pas connaître l’australienne et même tromper les sens de Répy en altérant ou en effaçant son odeur, certes, mais le jeu n’en valait pas la chandelle : son visage était peut-être caché par son masque à gaz mais ce n’était qu’une question de temps avant que sa voix ou son aura ne la trahissent, et tous ces subterfuges ne feraient qu’attiser inutilement les soupçons. Autant s’épargner cette peine et chercher à la place à capitaliser sur leur rencontre précédente.