[Provenance]

Le voyage avait été court, comme on pouvait l’attendre lorsqu’il s’agissait des déplacements d’un éveillé de son nouveau. A la vitesse du son, on ne prenait que rarement le temps d’observer le paysage. Il avait cependant été assez long pour le laisser réfléchir. Il avait des informations, mais avait disparu depuis un bon moment du Sanctuaire, sans donner de nouvelles. De surcroît il n’était pas au top de sa forme. Son armure était légèrement éraflée et éclaboussée de sang, en partie le sien. Le dieu borgne avait beau l’avoir guéri, il savait que les cicatrices de brulures qu’il avait ne partiraient pas tout de suite. Peut-être jamais. En somme, il avait beau se sentir reposé, il savait qu’il ne s’agissait que d’une impression. Son corps et son esprit avaient quelque peu souffert de son combat contre le dragon millénaire.
En plus, il ne savait pas trop quoi faire des informations qu’il avait recueillies. Ils n’avaient pas, du moins de sa connaissance, pas de leader clair net et précis. Eurydice aurait pu jouer son rôle, si seulement son tempérament était moins enflammé. Elle en avait la force, mais probablement pas l’âme, selon le peu qu’il avait pu apprendre d’elle. Il fallait cependant bien prévenir quelqu’un, ne serait-ce que les autres chevaliers d’Or ? Avait-il l’influence pour organiser un Crusos ? C’était peu crédible.
« Bon … »

Il n’avait pas trop le choix, il monterait les marches. Il informerait les différents chevaliers qu’il croiserait, et, une fois au temple d’Athéna, tenterait d’informer la déesse. C’était sans doute une idée saugrenue, mais, avait-il mieux à faire ? Il haussa les épaules – mentalement – alors que ses solerets piétinaient pour s’arrêter. Il était face à l’entrée du sanctuaire. L’Ibère retira son armure et lui demanda de disparaître. Dans une gerbe lumineuse elle éclata et son cosmos se dirigea vers la maison du Scorpion, alors qu’il prenait quelques secondes pour reprendre son souffle. Lesath se rendit aussi compte que sa chemise en lin était baignée de sang sec. En partie le sien.

Il traversa sans croiser grand monde le terrain qui le séparait du temple du Bélier. C’était assez normal, après tout, il était tard. Une torche baignait la porte de sa lumière accueillante. Le Scorpion la passa, non avant s’annoncer. Le Bélier ne tarderait pas à le trouver de toutes façons… Ou du moins c’est ce qu’il avait supposé. Il ne s’était pas attendu à y croiser le Fauve du Sanctuaire.

La personne qu’il avait croisée n’était bien évidemment pas le chevalier du Bélier. Il ne se souvenait même pas s’il n’en avait jamais croisé un d’ailleurs, ce premier temple étant d’habitude aussi morose qu’inhabité. Il s’agissait d’Azir du Lion. Le chevalier portait quelques papiers dans les bras, sans doute liés à son activité à la Palestre.

« On peut dire ça. » Murmura-t-il, en guise de préambule. S’il ne s’était pas rendu compte quelques instants auparavant qu’il était ensanglanté, il aurait pu se demander si son combat avec le monstre nordique était si transparent. Il jeta un coup d’œil à son haut puis revint sur son équivalent du cinquième temple. « Un combat contre un monstre mythologique en Asgard. Pas de quoi s’inquiéter. » Ajouta-t-il pour expliquer la tâche brunâtre sur le tissu.

Il balaya de la main la proposition de s’attarder dans les salons – sans doute poussiéreux – du premier temple. Il n’était pas forcément là pour gober quelques dattes et boire du lait, mais plutôt car il avait des informations à transmettre. « Laisses, ce n’est pas nécessaire. » Dit-il, s’avançant tout de même sous la lumière diffuse de la torche. Il posa sa main contre la pierre rugueuse et froide du temple, prenant appui quelques secondes pour soulager sa jambe droite, brûlée lors de l’affrontement. Quelques secondes de silence plus tard, le Scorpion reprit. « J’ai des nouvelles. »

« Je suis parti dans le Nord avec Eurydice des Gémeaux, espérant par la même occasion récupérer quelque information sur le retour d’Eris. Cette peste m’a laissé en plan, et j’ai dû traverser la moitié de ce pays gelé. » Et croiser des créatures mythologiques, sans oublier rencontrer une déité en ‘chair’ et en os. Mais ça en valait la peine. Oh que oui.

« Odin m’a dit que si nous cherchions la Discord, nous devions commencer par l’Atlantide des Sables : Ubar. » La cité des mille piliers n’était pas que mythologique pour le coup. Elle se trouvait dans la péninsule arabique, mais nul n’était sur d’où la trouver, du moins, pas lui. Certains la localisaient au Yemen, d’autres en Oman. Il n’en savait pas forcément plus. Mais Azir, qui était sensiblement d’une origine plus proche, en savait peut-être plus sur Iram. Peut-être était-il capable de lui confirmer qu’il ne s’agissait pas seulement d’un mythe, mais aussi d’un lieu localisable grâce au cosmos…

« Je pensais en informer les autres chevaliers d’Or, compte tenu de la menace que personnifie la fille de Nyx. » Conclut l’Ibère, n’étant pas au courant qu’un Grand Pope avait pris les commandes du Sanctuaire, et aurait peut-être d’autres plans…

C'était inutile, mais il évita de le faire remarquer. Sa blessure au torse, lors de son entraînement, avait fait de lui une boule de douleur. La fracture avait beau s'être recalcifiée, elle n'en restait pas moins douloureuse. Tellement qu'elle était devenue sa compagne, son éternelle acolyte. Il avait fini par retourner la situation cependant. Point de désespoir chez l'Ibère, du moins, pas sans raison. S'il était désabusé en général c'était pour de toutes autres causes. Il avait réussi à faire de cette fissure une force, tirant de sa douleur un cosmos auquel il n'aurait jamais pu prétendre sans elle. Il était devenu un parangon de souffrance, mais cela en avait valu la peine, de son point de vue. Bien entendu, il avait essayé au début de l'étouffer. De la faire disparaître. D'où les diverses drogues et subterfuges. Cela n'avait jamais marché. Pas plus que l'intervention de cosmos guérisseur. Même celui d'Odin n'avait fait qu'adoucir un peu son fardeau. Alors autant dire que l'intervention d'Azir, aussi bien intentionnée était-elle, ne porterait que peu ses fruits.

C'était comme guérir un cancer avec un pansement et de l'arnica. Ca ne pouvait pas faire de mal, mais ça ne risquait pas de changer grand chose. L'Espagnol opta pour ne rien dire. Si cela pouvait faire que l'Egyptien se sente mieux, à quoi bon le reprendre ? Il leva cependant les yeux sur le nom de la ville des mille piliers. Ubar.

"Je n'ai rien dit." Maugréa-t-il. Il ne se mêlait que rarement des affaires des autres, et encore moins quand cela portait sur la religion. Fut un temps, il avait été athée lui même, mais il était bien obligé de constater que les dieux existaient bien. Pas Le Dieu Unique. Du moins, peut-être existait-il et restait-il un pantheon chrétien, comme existaient les grecs et les nordiques. Odin lui était apparu en personne, et son cosmos avait été total. Immersif. Sublimé. Lesath n'avait eu aucun de mal à accepter le fait de l'existence d'une telle entité, d'autant plus qu'il avait combattu un dragon de feu quelques instants avant son apparition... Il avait plus de mal avec les informations qu'il allait entendre plus tard.

"Il... quoi ? Un Atlante ? Ca n'a aucun sens..." Il était stupéfait. Il se remémora le maigre échange qu'il avait pu avoir avec l'ancien général, en compagnie d'Eurydice, et se demanda ce que cette dernière pouvait bien penser de cette promotion. Il attendait avec impatience sa réponse. Dans tous les cas, il n'espérait pas de ce nouveau grand pope qu'il comprenne sa situation de toutes façons. Il n'était ni au service de ce dernier, ni d'Athena. Il était au service de ceux qu'il jugeait dignes d'être défendus, ni plus ni moins. Si cela ne lui plaisait pas, il en tirerait les conséquences qui s'imposeraient.

Azir changea de sujet, peu après. "Dolorès a été relogée à la Palestre, je pense. Du moins elle s'y trouve en cet instant. J'arrive à sentir son cosmos d'ici." Répondit-il, après une courte vérification. L'aura de sa sœur était facile à reconnaître. Il avait réussi à se mettre en résonance avec elle peu avant son départ, et elle était devenue simple à localiser depuis. Revenant au theme d'Hakon, il demanda à Azir ce qu'il en pensait. "Tu en penses quoi de ce nouveau Grand Pope ? Tu as déjà échangé avec lui je suppose."

Ils avaient déjà traversé la moitié du temple du bélier, marchant doucement pour ne pas déranger outre mesure ni ses blessures, ni ces lieux, inhabités depuis bien trop longtemps...